CHAPITRE XVIII

Moi, vous me connaissez…

Je suis comme le poète, je trouve que l’imminence du danger constitue pour l’homme une espèce de libération. Lorsqu’il est au seuil de l’inévitable, le voilà qui franchit ses mesquines limites quotidiennes[20].

Je me suis mis à l’eau en slip. J’ai noué la boîte étanche contenant le flingue dans ma chemise, et j’ai attaché celle-ci à ma taille au moyen d’une longue corde. La môme Antigone m’a ramené trois ventouses-déboucheuses que je porte, passées dans ma ceinture improvisée, comme des grenades à manche.

Nous avons choisi intentionnellement une grande barque afin que je puisse plus aisément me dissimuler sous sa coque. Okapis et sa gosse rament en cadence. Je suis agrippé à la poupe, par une poignée de portage. J’ai l’impression de descendre des fleuves impassibles. Quand je ne me sens plus guidé par mes haleurs, je pige que nous sommes arrivés à destination et je me coule sous la quille. Pourquoi, à cet instant, ce chant altier me revient-il en mémoire :

« Tiens, voilà la quille… »

Ma tête effleure à peine dans l’ombre épaisse.

Une voix crie :

— Attrapez l’échelle de corde !

Un floc, suivi d’un flac.

— Arrimez votre canot après l’échelle ! Maintenant, la jeune fille d’abord, donnez-moi la main, mademoiselle.

Antigone et son dabe quittent la barque qui, brusquement allégée, me donne un coup de goumi sur la nuque.

J’entends des piétinements sur du métal. La mer, alentour, est illuminée. Ces tantes ont braqué des projos tout autour de leur sous-marin pour éviter des abordages-surprises. Heureusement, les faisceaux ne commencent à éclairer le flot qu’à une dizaine de mètres du bâtiment, les flancs de celui-ci restant dans une ombre qui m’est propice. Je me dis carrément ceci : « Mon petit San-A., quand on a une réputation comme la tienne, il s’agit non seulement de la justifier, mais en outre de s’en montrer digne. Alors va, cours, vole et nous venge !

Ayant pensé, je plonge au plus profond des eaux afin de ne pas faire de bruit et je gagne la poupe (c’est l’heure de la poupe) du sous-marin.

En somme, un sous-marin c’est quoi ? Une gigantesque citerne à mazout avec un petit bastingage qui délimite le pont. Je me trouve donc au bas d’une masse de fer arrondie dont l’escalade est presque impossible, à moins qu’on n’ait été escargot de père en père dans sa famille.

Mais San-Antonio, qui sait tout, prévoit tout, solutionne tout, et qui est abonné à Système D, a pris la précaution de se munir de ventouses. J’attends un instant. Un bruit de voix me parvient de tribord. Je décide donc de me placer à bâbord pour entreprendre ma petite ascension. Je n’ai que trois mètres de tôle à escalader, mais ils sont en tôle, justement ! Y a pas de prise.

Je sors du flot et, arrachant un débouche-évier de ma ceinture, j’applique vigoureusement sa ventouse contre le flanc du submersible. Je tire dessus, ça résiste. Je tire plus fort, ça me reste dans la main. Inscrivez pas de chance ! Ne jamais s’affoler. Les chats désespérés sont les chats du pied-bot, a dit le poète[21].

Puisqu’une ventouse ne suffit pas, je vais placer les trois le plus haut possible. Heureusement le bruit du flot contre le bâtiment couvre ceux que je fais en m’activant. Je m’élance droit hors de l’eau et j’écrase ma ventouse à un mètre soixante-deux de la ligne de flottaison. J’en prends une seconde et je parviens à l’aplatir tout contre la précédente. Kifkif pour la troisième, mes petits lapins. Voilà les trois manches (avec vous ça en ferait beaucoup plus) groupés. Le plus duraille reste à faire. Je dénoue la corde qui me ceint les reins en prenant garde que ma chemise ne tombe pas à l’eau.

Tant bien que mal, d’une main (et en m’aidant avec la bouche), j’exécute un nœud extrêmement coulant tandis que de mon autre main je cramponne la boîte au pétard. Je lance mon lasso sur les manches, une fois, deux fois. C’est adjugé à la troisième, comme à la salle Drouot. Les trois manches sont prisonniers. Je tire sur la corde, le nœud se resserre. Je finis par bien bloquer le total. Maintenant, quand je me suspends après la corde, les ventouses ne cèdent pas. Je noue ma chemise autour de mon cou afin d’avoir la boîte sur le dos, et j’entreprends la brève ascension (justement, on est jeudi). Lorsque mes mains atteignent le niveau des manches, je me dis que ça ne m’avance à rien étant donné que j’ai encore plus d’un mètre à gravir.

Réfléchis, San-A. Réfléchis, mon gamin.

Je m’obéis et je trouve la solution. Ne doutez jamais de votre San-A., mes poulettes. Comme Zorro, il s’en sortira toujours. D’une patte, je me maintiens, de l’autre j’arrache la plus grosse des trois ventouses. Si les deux autres suffisent à me soutenir c’est O.K. Je me plaque tout contre la coque du sous-marin. Ma viande tout entière devient mollusque. Chaque tête de rivet est une aspérité qu’elle utilise. J’agis avec lenteur. Je sais que la moindre secousse peut m’être fatale.

Ça résiste. Ce qui suit alors, mes fils, faudra attendre douze mille deux cent trois ans, selon le calcul des probabilités, pour qu’un autre le fasse, ce qui me laisse le temps de jouir de mon exploit. De la main gauche, je me maintiens au niveau des manches. De la droite, je pique la ventouse libérée cinquante centimètres au-dessus des premières, vous mordez la démonstration ? Ayant fait, je ramène mes deux mains sur la corde et, doucement, trrrrès doucement, j’exécute un arc de cercle contre la coque afin de me placer la tête en bas, vu ?

Prenez les sapeurs pompelards les mieux entraînés et demandez-leur de faire ça, vous verrez ce qu’ils vous répondront ! Et pourtant, les pompiers sont des gars qui ont toujours le feu quelque part, hein ? Ce qui paralyse mon exercice gymnique, c’est cette boîte à caméra qui maintenant pend au-dessus du vide et me tire sur les cervicales. J’accomplis enfin ma rotation. Je crispe mes deux pieds après le manche de la ventouse supérieure… Ne tiquez pas, je vous jure que c’est vrai, s’il y a des sceptiques dans l’assistance je les passe à l’antiseptique avant de continuer, compris ?

Bon. Donc, me v’là avec les nougats crispés sur le manche. D’une main je ne me tiens plus qu’à l’une des deux ventouses inférieures. De l’autre, j’arrache sa camarade.

Une limace, je suis ! Mes membres sont devenus adhérents. Puisque deux ventouses suffisent à me maintenir, je dispose donc de la troisième, you see ?

Ça blablate ferme sur le pont, mais je ne cherche pas à esgourder ce qui se bonnit. Même mon sens auditif est agrippé à la coque du sous-marin, parole !

Je colle la troisième ventouse plus haut que la première. J’y prends appui tout en me maintenant avec les pinceaux à la deuxième (si vous avez du mal à suivre, faites-vous un dessin). J’arrache alors la première et la fixe au-dessus de la troisième. Maintenant, je dois retirer mes panards si je veux poursuivre cette ascension à rebours. C’est donc avec les dents que je chope la ventouse numéro un (oui, faites un dessin, vous allez vous paumer, ou alors allez m’attendre au paragraphe suivant, j’arrive tout de suite). Ma main libérée empoigne la ventouse numéro deux et la plaque plus haut que les deux précédentes, vous voyez ? Et je renouvelle l’opération jusqu’à ce qu’à reculons j’aie atteint le bastingage. Je le cramponne avec les pieds. Sauvé ! À moins qu’un tordu ne m’aperçoive ? Mais non, les faisceaux des projecteurs braqués sur la mer, constituent, chose admirable, un écran protecteur. Il est impossible aux gens de l’équipage de voir ce qui se passe au-dessous. Je m’accorde trente-cinq secondes de répit car je suis exténué, vidé. Voilà dix minutes que j’ai la tête en bas ; le sang cogne à mes tempes et brouille ma vue.

Allez, San-A. ! Continue ton effort. Les minutes travaillent contre toi !

Un suprême rétablissement : je suis sur le pont, à l’abri de la coupole. La sueur dégouline sur ma poitrine. J’ai le corps brûlé par le frottement sur la coque de fer. Je dénoue ma chemise et récupère le flingue de Gloria in the box. Le contact de sa crosse gaufrée est amical, rassurant. Voilà que je me sens superman jusqu’à la racine des cheveux !

En rampant, je vais me placer tout contre la coupole. Maintenant, le bruit des voix est très proche, très distinct.

— Nous avons la liste de toutes les banques du monde chez lesquelles vous avez un compte ouvert, monsieur Okapis…

« Vous allez en conséquence nous apporter tous vos chéquiers et vous signerez leurs chèques devant nous. D’autre part, vous possédez à Zürich un compte secret à Douglaster Bank Générale Compagnie. Je crois savoir que deux milliards y sont déposés. Nous voulons un bon de retrait pour la totalité de cette somme. D’autre part, les reines qui sont ici portent des joyaux de grande valeur. Et je ne parle pas de madame Okapis qui possède (pour quelques minutes encore) la parure des Fouinozoff. Il nous faut la totalité de ces bijoux. Faites une collecte ! Vous avez tout bien compris ?

— Oui, fait la voix mal assurée d’Okapis.

— Nous vous laissons une heure pour nous ramener tout cela, pas une minute de plus, m’entendez-vous ?

— Qui me prouve que, si je vous obéis, vous ne ferez pas sauter l’île ? demande Okapis.

La réponse arrive, sèche, cinglante, sans réplique.

— Rien. Mais c’est la dernière chance que vous ayez à courir. Allez, nous gardons votre fille ici jusqu’à votre retour.

Et la voix enchaîne :

— Aidez monsieur Okapis à redescendre dans son canot.

Voilà des affaires rondement menées. Le coup du siècle, mes amis ! Si tout se passe bien pour eux, ils vont engranger une cinquantaine de milliards. Les hold-up de banque, les agressions de garçons de recette, les vols dans les casinos ou les agences du P.M.U., font triste figure à côté.

Je patiente un moment encore. Et puis je continue mes reptations jusqu’à ce que je me trouve à la limite du terrain découvert. Maintenant je vois le pont. Ils sont quatre hommes plus Antigone. L’un des hommes fume béatement, assis derrière le trépied d’une mitrailleuse braquée vers le rivage. Un deuxième aide Okapis en lui tenant l’échelle de corde tendue, tandis que les deux autres conversent à l’écart.

Je retire ma physionomie presto et je réfléchis. Maintenant que je suis à pied d’œuvre, que puis-je tenter logiquement ? Il y a des gars de l’équipage dans le sous-marin. Si l’alerte est donnée ils vont se mettre en plongée ou rappliquer en nombre.

On ne fait pas la guerre tout seul.

J’entends le floc maladroit des rames d’Okapis.

— Asseyez-vous, mademoiselle ! propose une voix.

— Non, merci. Ça vous ennuierait de me faire visiter l’intérieur ? C’est la première fois que je monte à bord d’un sous-marin.

La voix calme d’Antigone me va droit au cœur. Chère et courageuse enfant ! C’est à cause de moi qu’elle formule cette requête. Elle s’applique à éloigner le maximum de bonshommes du pont.

— Qu’est-ce qu’on fait, Billy ? questionne un des types.

— On n’a rien à refuser à une jolie fille, ricane l’interpellé. Vas-y avec Steve et faites attention qu’elle ne touche à rien !

Je vois se profiler trois ombres sur l’échelle scellée qui mène à l’orifice de la coupole. Elles ne tardent pas à disparaître. Ouf ! Je commence à me sentir à mon aise.

À nouveau, j’émerge de ma zone d’ombre. Mon choix se porte sur l’homme qui est debout contre le bastingage. Je le couche en joue, soigneusement et je lâche une praline. Faut être économe car je n’en ai que six à ma disposition. Ça fait un flac qui ne se différencie pratiquement pas des grandes claques fluides de l’eau contre le bâtiment. Le type a un soubresaut et tombe à genoux. Ses mains restent agrippées au bastingage. Il continue de se cramponner à la rampe, le frère, mais sa tête pend en arrière.

C’est signé « Pour solde de tout compte ! »

Un moment s’écoule. Et puis brusquement, la voix inquiète du mitrailleur s’élève.

— Hé ! Jo ! Qu’est-ce qui t’arrive, tu as des vapeurs ?

En guise de réponse, le dénommé Jo s’abat en arrière. Le mitrailleur se précipite vers lui. Je le poivre avant qu’il ait atteint son pote, d’un chouette pruneau entre les omoplates. Il zigzague et s’affale sur la carcasse de son copain.

« Et de deux ! » compté-je, car j’ai toujours été très brillant en mathématiques. Je cours à ces messieurs et je les file au jus à travers les barreaux de la rambarde. Plouf ! Plouf ! Même s’ils ne sont pas complètement out, je sais de fraîche expérience qu’ils ne pourront pas regrimper à bord.

Bon, et maintenant ?

Je regarde autour de moi. Quatre balles de revolver et une mitrailleuse, ça s’améliore. Notez que je préfère mes quatre balles de pétard qui elles sont silencieuses.

Je regrette de n’avoir pas pris le mitrailleur au judo pour économiser une valda. Faut se méfier de ses réflexes. On voit un dos, on défouraille, c’est humain !

Je me redis, sans me brusquer, parce que, susceptible comme je me sais, si je me tarabustais je m’enverrais sur les roses : et maintenant, que vais-je faire ?

Je bondis sur un des projecteurs fixés au bastingage et je lui fais décrire un arc de cercle de 90° (j’irais bien jusqu’à cent degrés mais j’ai peur qu’il se mette à bouillir). J’en axe le faisceau sur la dunette. Voilà qui est astucieux. Les types qui en émergeront vont prendre les cinq cents kilowatts dans les carreaux et ils ne pourront même plus reconnaître leur maman à trente millimètres.

Ce qu’il faut faire, maintenant, c’est attendre ! Attendre toujours, attendre encore ! Attendre pour vaincre ou pour mourir.

Un truc m’avantage : pour accéder au pont, depuis les entrailles du sous-marin, il n’y a qu’une issue. Je traque des renards dont le terrier ne posséderait qu’une sortie. Mais par contre, ces renards ont la faculté de s’enfoncer à des centaines de mètres dans la mer.

Un moment passe, que j’ai du mal à évaluer. Je peux vous dire dix minutes, mais je crains de me tromper. De toute manière, comme ça n’a aucune importance, je vous dis dix minutes.

Un buste jaillit de la coupole. C’est un des types qui a accompagné Antigone. En morflant le faisceau, il met son bras devant ses yeux.

— Jo, bon Dieu ! fait-il, règle-moi ce p… de projecteur qui s’est déréglé.

Je me pince le naze entre le pouce et l’index et je réponds O.K. avec l’accent américain. Au lieu d’obéir, je gravis les échelons de fer de la coupole.

La manchette qu’il prend sur sa nuque offerte, ce monsieur ne saura jamais qui la lui a administrée. Il a le corps hors de l’orifice et il tombe comme une masse, au bas de la coupole. À cet instant, une deuxième bouille surgit qui demande en détournant les yeux.

— Qu’est-ce qu’il t’arrive, Burk ?

Mon bras se noue à son cou. Il ne peut crier. Je l’extrais de son conduit et je le flanque sur le pont. Mais ce type est souple comme un greffier. Il retombe à quatre pattes et lève les yeux. C’est moi qui suis dans la loupiote, maintenant. Je bondis.

La méchante et mémorable empoignade, mes fifilles ! À toi à moi, la paille de fer ! Coups de boule, coups de poing, coups de genou, coups bas ! Coups ! Coups ! Coups ! J’en prends, j’en donne, j’en mets de côté pour l’hiver, j’en distribue aux pauvres de la paroisse, j’en fais sécher, j’en encadre, j’en colle partout ! Une débauche, un délire de gnons. Il est pas gros, le copain, mais palsambleu, ce qu’il frappe fort !

Sa cacahuète fonctionne comme le piston d’une locomotive. Je serre les dents, les poings, le reste. Faut en finir. Il est chiche de m’endormir d’un crocheton plus précis. Alors je romps. Deux pas en arrière, le temps de tirer Popaul de ma poche et de le lui montrer. Pas contrariant, il lève les bras !

— Tourne-moi le dos !

Il obéit. Je l’assaisonne d’un coup de crosse. Fuyez, douce image ! Il s’écroule.

J’ai l’habitude de laisser les lieux aussi propres en partant que je les ai trouvés en arrivant. Un peu de ménage pour commencer. Le gars que j’ai propulsé de la coupelle est outias, ses vertèbres font la colle. Je le vire au jus. Je ne suis pas fâché d’avoir un gars de la bande vivant, faut bien qu’on cause ! Je traîne mon type assommé vers l’endroit où je me suis hissé à bord et, grâce à ma corde, je le ligote, les bras en croix, au bastingage.

Je continue d’observer l’orifice de la coupole pour le cas où un nouveau gibier se montrerait. Mais on enregistre une accalmie. Alors j’administre une paire de claques à mon boxeur d’élite pour l’aider à retrouver ses esprits dispersés. Un filet de bave lui coule des lèvres. Il renifle, gémit et ouvre un z'œil.

— Dis-moi, petit champion, fais-je, j’ai besoin de quelques tuyaux.

Tout en bavardant, je fouille ses poches. J’en retire un couteau, des allumettes, des cigarettes, des dollars. Je presse le taquet d’ouverture du couteau. La lame se détend. Je l’appuie contre le bide du gars, bien décidé à aller jusqu’au bout.

— Combien êtes-vous à bord ?

Il ne répond pas et je pèse un peu plus sur le manche du lingue. Si le cogneur s’obstine, il risque d’avoir droit à un abonnement gratis à Hara-Kiri. Ce serait méchant, mais pas si bête :

— Combien, réponds !

— Sept !

Rapide calcul mental du cher commissaire : trois zigs au jus, un quatrième ligoté ; reste trois pékins à neutraliser, mon adjudant !

— Comment s’appellent ces trois gars ? Leurs petits noms me suffisent.

Nouvel à-coup sur le couteau. Je crois pas me gourer mais il a dû pénétrer dans le ventre du copain d’un bon centimètre.

— Roy ! gémit ma victime.

— Et puis ?

— Floyd et Charly.

— O.K.

Je retourne à la coupole. Je me penche par l’orifice. Tout en bas il y a la chambre du périscope éclairée. Personne en vue.

— Hello, Charly ! je crie en nasillant. Arrive sur le pont tout de suite !

Ayant dit, je me retire du trou d’homme. Un bruit sonore, métallique : c’est le dénommé Charly qui radine. Avant qu’il sorte sa hure, il dérouille un coup de crosse sur le sommet du crâne qui doit lui faire descendre ses amygdales dans la vessie. Il lâche tout et retombe en bas, comme une pierre dans un puits. Ça fait un badaboum mémorable. Un type ne tarde pas à arriver, qui se penche sur lui.

— Qu’est-ce qui se passe ? demande la voix d’un type qui escortait Antigone.

— C’est Charly qui vient de se ramasser une gamelle. J’ai jamais vu un connard plus empoté ! Il a l’air salement estourbi.

Pendant cette conversation, le San-Antonio radieux se dit : « plus que deux » ! J’éprouve la tentation de flinguer le sixième en bas, mais le septième serait alerté, et comme il a Antigone avec lui !

— Qu’est-ce que je lui fais, Roy ? questionne le gars. À cet instant, il lève la tête, se sentant observé. C’est plus fort que moi : j’arrose. La praline le traverse de haut en bas. Elle s’enfonce dans son cou et ressort par son rectum (ce qui est rare).

— Attends, répond au même moment la voix de Roy, je vais t’apporter du scotch.

Plus de temps à perdre. J’enjambe la coupole et dévale l’escalier de fer à l’intérieur.

J’arrive dans la chambre du périscope comme le dénommé Roy y débouche. Antigone est à ses côtés. Il tient un revolver d’une main et une bouteille de whisky de l’autre. Il a un soubresaut, me regarde, regarde les deux zigs affalés sur le plancher, puis mon revolver, fait une association d’idées et meurt avant d’avoir tiré une conclusion, car moi j’ai tiré un nouveau coup de revolver. Pan ! Dans l’œil !

Drôle de monocle !

Je fais sauter le pétard de Gloria dans ma main.

— Y a même du rabe, annoncé-je. Je vous jure, Antigone, que je suis l’homme qui remplace le beurre plus un corps d’armée au pied levé.

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