Kareen Norwood sentit que des mains s’emparaient de ses chevilles et de ses poignets, afin de lui interdire tout mouvement. À plat ventre sur le pouf, elle n’avait plus le courage de crier. Depuis plus d’une heure, les six hommes avaient profité, tour à tour, de son ventre et de sa bouche, l’inondant de leur semence. Une bouteille de rhum circulait et, entre deux accouplements, ils comparaient leurs virilités, avec des plaisanteries obscènes. Josepha allait de l’un à l’autre, comme un jongleur d’assiette, en masturbant un, suçant brièvement l’autre, se laissant peloter mais sans jamais aller plus loin. Elle mettait un plaisir sadique à les exciter pour qu’ils prennent ensuite la prisonnière avec encore plus de vigueur…
Une lourde odeur de cigares, de sexe et d’alcool flottait dans la petite pièce.
Dans un coin, Justo, un des deux Colombiens, caressait lentement son sexe noueux, les yeux injectés de sang.
La porte s’ouvrit sur la Cucaracha, arborant un sourire commercial.
— Vous vous amusez bien, caballeros ?
— Como no ! cria Manuel, le colonel.
— Ne l’abîmez pas ! recommanda la femme aux cheveux platinés. Le colonel y tient beaucoup.
— On va tous la défoncer, cria le Colombien. Tu as vu ce cul…
Elle referma la porte. À douze cents dollars la soirée, l’Américaine rapporterait une petite fortune avant d’être expédiée en province. Plus tard encore, on la donnerait à un bordel haïtien où la spécialité était de faire prendre une femme par un âne. Les touristes payaient très cher, mais les femmes ne résistaient pas longtemps.
Le Colombien s’approcha de Kareen, se pencha et écarta les globes de ses fesses de ses mains de bûcheron. L’Américaine poussa un hurlement. Un coup violent la fît crier. Josepha se glissa à côté d’elle et dit à son oreille.
— Si tu fais la mijaurée, tu seras battue, la Cucaracha est très sévère…
Elle rejoignit le Colombien, agenouillé sur le pouf, qui balançait le gland épais de son énorme membre devant les reins de Kareen, sous les rires excités des cinq autres participants. Il se pencha et son sexe entra en contact avec l’ouverture verrouillée par la terreur. Kareen se débattit et il glissa. Aussitôt, Josepha se précipita, prit le membre à deux mains et le pointa sur l’ouverture à violer.
— Arriba, hombre ! fit-elle de sa voix fluette.
Le Colombien pesa aussitôt de tout son poids, sans parvenir à ses fins. Hagarde, Kareen, agitée de tremblements convulsifs, implorait grâce d’une voix hystérique. Les mains qui la clouaient sur le pouf ne lâchèrent pas prise.
Elle poussa soudain un cri inhumain. L’énorme membre venait de forcer son sphincter. Elle perdit connaissance, sous les hourras de ses tourmenteurs. Elle revint à elle, le coeur battant la chamade, avec l’impression d’être ouverte en deux. Le Colombien s’était emmanché jusqu’à la garde et malaxait brutalement les fesses tendues. Il soufflait comme un phoque et, peu à peu, se mit à aller et venir, freiné par l’étroitesse du fourreau.
Les cinq hommes suivaient, fascinés, les apparitions du sexe qui ressortait régulièrement de la croupe cambrée.
— Stooop ! hurla Kareen.
Justo, pris d’une frénésie sexuelle, l’attrapa par les hanches et se mit à la pilonner violemment, attirant chaque fois ses fesses contre son ventre velu d’une traction puissante. Kareen Norwood sentit le bélier qui la forçait enfler soudain et sursauter au fond d’elle comme une bête vivante. Justo, d’un ultime élan, s’était enfoncé le plus loin qu’il le pouvait au moment où il explosait avec des grognements de sanglier.
Jamais, il n’avait autant joui.
D’une voix altérée par le plaisir, il lança « Que bonita !» avant de s’écrouler sur le lit en haletant.
Déjà, Manuel, le colonel, se ruait à sa place, entrant d’un coup dans les reins martyrisés sous l’oeil lubrique de Josepha qui n’avait jamais aimé les gringas.
Une Indienne moulée dans un collant blanc et brillant, les seins nus, dansait sur une estrade devant une centaine de personnes en train de dîner ou de boire.
Elle n’avait pas seize ans, une grâce inouïe, des yeux en amande et était à vendre pour cent pesos. Au premier rang, un homme claqua des doigts. Un garçon s’approcha aussitôt et l’autre chuchota à son oreille. La fille vint danser plus près du client, se déhanchant, ondulant du bassin pour mimer une séance de baise endiablée. L’homme inclina la tête : l’affaire était faite. Il se leva et se dirigea vers la sortie où il fallait payer une taxe de vingt pesos pour emmener la fille.
— Où est la Cucaracha ? murmura Malko à l’oreille du videur de l’Herminia, emmené en otage.
Cachés dans l’ombre, près des toilettes, Milton et lui observaient la scène. Une autre fille venait d’y commencer un strip-tease. Le videur, qui sentait dans ses reins le canon de l’Uzi, avala sa salive. Personne ne les avait remarqués. Le Petit Château était en bordure de mer, beaucoup plus élégant que l’Herminia, avec ce semblant de spectacle… Mais les filles étaient les mêmes et les deux établissements appartenaient au colonel Gomez.
— Je ne la vois pas, fit le videur.
— Va te renseigner, ordonna Milton Brabeck.
Le videur se glissa dans la pénombre. Il revint quelques instants plus tard.
— Elle n’est pas là, señor.
— Où est-elle ?
— Je ne sais pas.
Sans mot dire, Milton Brabeck l’entraîna dans le parking. Le prenant par les cheveux, il lui frappa violemment la tête contre le capot d’une voiture. Une fois, deux fois, trois fois. Le videur commençait à cracher ses dents. Il bredouilla.
— Señor, elle est peut-être au motel Hispaniola, un peu plus loin.
— On y va, dit Malko. Et vous, venez avec nous.
Ils repartirent sur l’autopista déserte, bordée à droite par la mer et à gauche par des terrains vagues. Un kilomètre plus loin, ils virent les lumières du motel Hispaniola, qui ressemblait à tous les motels. Malko se gara dans le parking. Avant même que la Toyota ne se soit arrêté, le videur avait bondi dehors, roulé à terre et déboulait vers la route.
— Laissez-le, dit Malko à Milton. C’est qu’il a dit la vérité.
Milton Brabeck vérifia son 44 Magnum Desert Eagle, prit trois chargeurs pour l’Uzi et marcha vers la porte. Un portier galonné intercepta les deux hommes.
— Caballeros ?
— Nous voulons des filles, dit Malko.
L’autre se cassa en deux, avec un sourire servile.
— Como no, señores !
Il les fit pénétrer dans un petit salon tendu de velours mauve, qui sentait le parfum bon marché. Un vague bruit de musique venait de l’intérieur. La porte s’ouvrit soudain sur une grande femme aux cheveux platinés et au visage dur, arborant un sourire commercial.
— Caballeros ! Vous avez envie de passer un moment agréable ?
— Oui, dit Malko. On nous a dit que le colonel avait reçu quelque chose de très intéressant, d’exceptionnel, même.
La Cucaracha accentua son sourire et commença :
— Si, si pero…
Elle s’arrêta brusquement, alertée par une lueur dangereuse dans les yeux dorés de Malko.
— Nous avons une très jeune Haïtienne, enchaîna-t-elle. Elle est très saine. Des seins magnifiques. Mais vous êtes deux.
— Il paraît que vous avez une étrangère, dit Malko, c’est plus excitant.
Le visage de la femme platinée se ferma.
— Non, señor, pas d’étrangère ici.
Elle recula et appuya sur un bouton dissimulé sous une tenture. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit violemment sur deux moustachus en chemise, tous deux un pistolet à la ceinture.
— Caballeros, lança la Cucaracha, je crois qu’il n’y a rien ici pour vous.
Les deux voyous caressaient les crosses de leurs pistolets d’un air féroce. Milton Brabeck glissa la main droite dans son dos, d’un air innocent.
Quatre secondes plus tard leurs yeux s’écarquillèrent devant l’Uzi et l’ambiance changea considérablement.
— Qu’est-ce que vous voulez ? siffla la Cucaracha. De l’argent ? Faites attention, le colonel ne laissera pas passer ça.
— Je veux une femme qui s’appelle Kareen Norwood, fit Malko. Et je sais qu’elle est ici.
Un des deux moustachus esquissa un mouvement et Milton fît « psitt ». L’autre s’arrêta aussitôt. Poliment, Malko demanda :
— Voulez-vous avoir l’obligeance de jeter vos armes à terre ?
Ils obéirent. Les deux pistolets tombèrent avec un bruit sourd. Les yeux de la Cucaracha lançaient des éclairs.
— Le colonel doit venir boire un verre avec ses amis, fît-elle, il vous fera tuer…
— Nous allons visiter, annonça Malko. Sous votre direction.
La blonde platinée ne bougea pas.
Au même moment, un cri étouffé rompit le silence, venant de l’intérieur du motel. Un cri de femme ! Milton Brabeck avait viré au blanc.
Malko sentit le drame venir. L’index de Milton Brabeck s’était dangereusement crispé sur la détente de l’Uzi.
— Vous feriez mieux d’obéir, conseilla-t-il.
La Cucaracha était à un dixième de millimètre de l’éternité. Ses yeux allèrent des moustachus désarmés au canon de l’Uzi, sa bouche se tordit dans une grimace haineuse et soudain, elle sortit de la pièce, suivie de Malko et Milton.
Kareen Norwood était allongée sur le côté droit, le visage écrasé sur le lit. Le bracelet métallique enfermant sa cheville gauche relié à la sangle de cuir maintenait sa jambe gauche dans une position élevée, à la façon d’une branche de compas.
Justo le Colombien était allongé contre elle, son sexe puissant fiché profondément dans son ventre, ses mains crispées sur ses seins. Le colonel Manuel vint se placer de l’autre côté, la saisit par les hanches, et, d’un seul coup, viola ses reins jusqu’à la garde. Les deux hommes se mirent alors à remuer alternativement, échangeant des plaisanteries obscènes. Le lit grinçait et craquait sous les efforts des deux hommes.
Josepha, debout à côté, s’affairait auprès des quatre autres, ivres de rhum et de stupre, s’apprêtant à prendre leur tour.
Le judas coulissa soudain avec un léger grincement. Seule Josepha tourna la tête. Au lieu des cheveux platinés de la Cucaracha elle aperçut des yeux gris et froids qui respiraient la mort. Elle poussa un léger cri et, machinalement, serra le sexe qu’elle tenait. Son propriétaire, furieux, la gifla, mais son regard remonta jusqu’au judas et il sentit son érection se recroqueviller. Le canon noir d’une arme automatique en émergeait, ressemblant à l’oeil d’un mortel voyeur.
— Holy Cow ! Regardez !
Milton Brabeck se redressa, après avoir collé son visage au judas, blanc comme un morceau de craie. De la main gauche, il maintenait d’une poigne de fer le poignet de la Cucaracha. Tandis que Malko se penchait à son tour, elle eut la mauvaise idée de mordre l’Américain.
Celui-ci abattit le canon de l’Uzi, avec un rugissement de douleur, sur son nez qui se brisa, dans un flot ue sang. Si Malko ne l’avait pas retenu, Milton l’aurait tuée. Elle s’effrondra dans un fauteuil, le visage entre ses mains. D’un coup de pied, Milton Brabeck venait de faire voler en éclats la porte de la chambre où se trouvait Kareen Norwood. Visant le plafond, il lâcha une rafale.
Malko photographia la scène. Les quatre à l’air ahuri dont l’érection fondait, la fillette médusée, les deux en train de s’acharner sur Kareen, soudain figés… Il fit un pas en avant, et le crochant par l’épaule, arracha le Colombien qui tomba à terre. Il se releva pour se trouver nez à nez avec le canon du PPK, et les yeux dorés de Malko, striés de rouge. Il recula, en grommelant, muet de peur. Le colonel Manuel se dégagea tout seul en tremblant et bredouilla.
— Qu’est-ce que vous voulez ?
Les regards des deux arrivants le rendirent muets. Malko s’affaira sur les liens qui retenaient Kareen Norwood et la libéra. Elle resta inerte sur le lit. Milton Brabeck tremblait, littéralement. Il poussa un cri presque douloureux.
— Fumiers ! Salauds !
À coups de pied, sans lâcher l’Uzi, il fît aligner les six hommes nus au fond, serrés les uns contre les autres. Ses yeux gris ressemblaient à deux éclats de pierre. Malko, en train de redresser Kareen, s’immobilisa. Quelque chose avait changé dans l’atmosphère de la pièce. Cela basculait dans l’horreur. Il tourna la tête, vit le profil de granit de Milton, le doigt crispé sur la détente de l’Uzi.
— Milton, non !
Milton Brabeck se retourna lentement vers lui. Les six hommes retenaient leur souffle ; ils avaient tous compris que leur vie ne tenait qu’à un fil. Au premier rang, les deux Colombiens se faisaient tout petits. Milton émit une sorte de gémissement.
— Il faut les…
— Non, fit Malko fermement.
La tension se relâcha imperceptiblement. Milton Brabeck laissa l’air accumulé dans ses poumons s’échapper en sifflant. Mais Justo, le Colombien, eut le tort de vouloir faire un pas en avant avec un sourire d’excuses.
— Caballero, commença-t-il d’une voix éraillée.
Il ne termina jamais sa phrase. Milton Brabeck s’était lancé en avant, de tout le poids de ses quatre-vingt-quinze kilos. Son pied frappa le Colombien au bas-ventre avec une violence inouïe. L’autre ouvrit la bouche sur un hurlement dément et s’écroula. Milton continua, tapant comme un sourd sur les cinq hommes nus, les yeux fous. À coups de pied, de crosse d’Uzi, de poing. Aucun ne se défendait et ils tombaient un à un, sous les coups de l’Américain. Il n’y avait pas un mot prononcé. Seulement le bruit mat de la chair qui éclate, le son sourd d’un pied enfonçant dans un ventre, celui plus clair d’un coup de crosse ouvrant un crâne. Il ne s’arrêta qu’une fois les six hommes à terre, essoufflé.
— Venez ! dit Malko. Aidez-moi.
Sans un mot, Milton lui tendit son Uzi et chargea Kareen Norwood dans ses bras. Celle-ci sembla reprendre connaissance et émit un vague gémissement, montrant du doigt un sac posé à terre. Malko le ramassa et y jeta le walkman. En se penchant, il croisa le regard fixe du Colombien étendu à terre.
Mort.
Le coup de pied de Milton lui avait fait éclater le péritoine. Ses compagnons se relevaient tant bien que mal, encore sous le choc… La Cucaracha, dans le salon voisin, essayait toujours d’étancher le sang qui coulait de son nez écrasé. Elle leur jeta au passage un regard de haine inexpiable. Au moment où ils déposaient avec précaution Kareen Norwood dans la Toyota, une autre voiture se gara dans le parking.
Une BMW noire dont émergea un homme de haute taille, cigare au bec. Il s’approcha et lança jovialement :
— Vous vous êtes bien amusés, caballeros ?
Milton Brabeck se redressa lentement et lui fit face.
Le colonel Ricardo Gomez recula sous le choc de ses yeux gris.
— Vous êtes le colonel Gomez ?
Sa voix aurait fait frissonner un iceberg. Malko fut content d’avoir gardé l’Uzi.
— Oui, dit l’officier d’une voix mal assurée. Pourquoi ?
Milton Brabeck, au lieu de répondre, le saisit brutalement par le col de sa chemise et le traîna près de la Toyota, lui mettant le nez sur Kareen Norwood.
— Qui, qui… est-ce, croassa l’officier, fouillant fiévreusement dans sa ceinture.
Le poing de Milton Brabeck s’écrasa d’abord sur sa bouche, lui faisant éclater les deux lèvres d’un coup. Le second coup lui brisa net l’arête du nez. Ensuite, le gorille de la CIA continua méthodiquement, alternant des deux mains. Relevant Ricardo Gomez chaque fois qu’il glissait le long de la Toyota. Jusqu’à ce que son visage ne soit plus qu’une bouillie sanglante. Jamais plus il n’aurait figure humaine. Tous les os des arcades sourcilières, ceux de la mâchoire, les cartilages du nez, étaient brisés, réduits en pulpe. Le sang giclait de tous les côtés.
La Cucaracha contemplait la scène de la porte du motel. Muette et horrifiée. Enfin, Milton abandonna le colonel Gomez qui tomba en tas au pied de la Toyota.
— Allons-y, dit-il simplement.
Malko prit le volant et ils foncèrent sur l’autopista, vers le centre.
— Tout est clair, expliqua Malko au chef de station. En récompense de son aide pour la protection et l’exfiltration de Paul Kramer, le colonel Gomez avait décidé de s’approprier Kareen Norwood avec la complicité des sandinistes. Avec sa chaîne de bordels, il était sûr de l’amortir vite.
Le colonel Diego Garcia demeurait muet, caressant de son geste habituel la crosse de son pistolet. Visiblement embarrassé.
Henry Fairmont se tourna vers Malko.
— J’ai cru comprendre qu’un des agresseurs de Miss Norwood avait été tué. C’est fâcheux.
Le colonel Diego Garcia se hâta d’intervenir.
— La police a en effet découvert un mort au Motel Hispaniola. Il semble être décédé à la suite d’une rixe, le péritoine éclaté. Il s’agissait d’un trafiquant de drogue colombien, recherché par plusieurs pays.
Malko lui adressa un sourire amical :
— Et le colonel Ricardo Gomez ?
— Il est à l’hôpital, expliqua Diego Garcia. Avec de nombreuses fractures du visage ; je crains qu’il ne soit défiguré à jamais. Il a fait dire au Président qu’il avait été attaqué par des agents de la CIA.
Un ange passa et Milton Brabeck baissa la tête. Henry Fairmont ne savait plus où se mettre. Malko se tourna vers lui.
— Henry, je pense que vous devriez user de votre influence pour que le colonel retire sa plainte. Si toute l’affaire était rendue publique, le prestige de l’armée dominicaine n’en sortirait pas intact.
Le colonel Diego Garcia demeura silencieux, mais son regard disait clairement qu’il approuvait Malko.
Les quatre hommes échangèrent des poignées de main sans chaleur. Une heure plus tôt, le Falcon 900 emmenant Chris Jones et Kareen Norwood à Washington avait décollé de Saint-Domingue. Ils sortirent de l’immeuble de la DNI et Malko prit le volant de la Toyota. Leur avion partait une heure plus tard. En franchissant le pont Duarte, Milton Brabeck dit seulement d’une voix basse :
— Vous auriez dû me laisser tuer ces salauds.
Le Boeing « 757 » filait à 900 à l’heure au-dessus de la mer des Caraïbes.
Malko lisait, essayant d’oublier l’horreur des derniers jours. L’affaire Paul Kramer était un échec sanglant. La CIA ne saurait jamais de façon certaine si Paul Kramer et la « super-taupe » ne faisaient qu’un. La façon dont le KGB avait abattu Kramer plutôt que de le laisser retomber aux mains des Américains et le mal qu’ils s’étaient donné semblait indiquer qu’ils y attachaient un grand prix.
Mais ce n’était qu’une hypothèse.
Milton Brabeck, qui n’aimait pas vraiment la lecture, ouvrit le sac de Kareen Norwood, oublié dans la Toyota. Il mit le walkman sur ses oreilles et commença à écouter de la musique : le sac était plein de cassettes.
Une demi-heure plus tard, Malko vit le gorille sursauter, arracher le walkman de ses oreilles et le tendre à Malko.
— Écoutez-ça ! fit-il d’une voix altérée.
Malko mit les écouteurs sur ses oreilles et déclencha la bande. Il entendit au lieu de la musique une voix prononcer en anglais une phrase qui lui sembla banale.
— Je connais cette voix, dit Milton Brabeck. Je la connais foutrement bien.