Malko demeura muet de stupéfaction quelques instants. Il s’attendait à tout, sauf à cela. D’abord, il fallait être certain qu’il s’agissait bien de l’Américain.
— Donnez-moi votre numéro d’immatriculation de la CIA, dit-il.
Paul Kramer récita les huit chiffres sans hésiter. Malko prit le dossier et les vérifia. C’étaient les bons. Paul Kramer enchaîna, d’une voix pressante :
— Je n’ai pas le temps de répondre à vos questions. On m’a enfermé, j’ai pu me libérer. Mais ils me cherchent.
— Qui ?
— Ceux qui me gardent. Des Cubains et des gens d’ici.
— Où êtes-vous ?
— Je me cache… dans l’ancienne Feria Ganaderia désaffectée en bordure de l’autopista 30 de Mayo. Vers le kilomètre onze. Juste en face, il y a un monument à la mémoire de Raphaël Trujillo. Arrêtez-vous à côté et donnez trois coups de phare. Je vous rejoindrai.
— Pourquoi vous êtes-vous enfui ?
— Je vous expliquerai plus tard. Venez vite.
Il raccrocha, laissant Malko perplexe. Que signifiait ce nouveau développement ? Apparemment, le tuyau de Flor Mochis était crevé. L’endroit où il avait rendez-vous était à l’opposé du motel Cabanas por el Mar. Ce coup de fil était plus que suspect. Mais il ne pouvait pas ne pas aller au rendez-vous. Il appela sans succès les chambres de Chris et Milton. Et il n’avait même pas une arme !
Il descendit, traversa le hall désert, inspecta la salle de jeux, en face. La fête continuait sur le Malecon. Où étaient passés les deux gorilles ? Furieux, il revint dans le hall, essaya le Raffles. Une voix espagnole lui dit que le señor Jim était sorti. Il appela le numéro personnel de Henry Fairmont. Pas de réponse. Et le temps s’écoulait. Sautant dans sa Colt, il s’engagea dans l’avenida Independencia.
Espérant que Flor Mochis n’était pas ressortie.
L’escalier branlant sentait le poisson et la crasse. Malko craqua une allumette et inspecta les boîtes aux lettres. Sur l’une d’elles, une inscription à l’encre rouge indiquait : F. Mochis. Primero. Au milieu de craquements du bois pourri, il monta jusqu’au palier, frappa à la porte où une carte de visite était épinglée. Il frappait encore quand une porte s’ouvrit brutalement, dans son dos. Il n’eut même pas le temps de se retourner. Le canon d’une arme s’enfonçait violemment dans sa nuque, le projetant contre le mur.
— Ne bouge pas, lagarto !
Flor Mochis était toujours aussi douce.
— C’est moi, Malko.
L’arme se décolla de sa nuque, il fît demi-tour, ébloui par le faisceau d’une torche électrique, aperçut Flor vêtue d’un long T-shirt, les cheveux défaits, pieds nus dans des escarpins, son « 357 Magnun » nickelé au poing.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle.
Malko le lui expliqua, sans même qu’elle le fasse entrer. Sa réaction fut rapide et brutale.
— C’est un piège, mais il faut aller voir. Attends-moi.
Elle referma la porte, le laissant sur le palier. Elle réapparut quelques minutes plus tard, vêtue d’un polo et de jeans enfoncés dans des bottes bleues cloutées à hauts talons. Son arme était glissée dans sa ceinture au milieu du dos.
— Vamos, dit-elle simplement.
Il leur fallut quand même près de vingt minutes pour remonter le bord de mer, traversant tout Saint-Domingue. À partir du kilomètre 5, il n’y avait plus que des maisons clairsemées et quelques hôtels. À leur gauche, la mer des Caraïbes bruissait doucement. Un kilomètre avant le lieu du rendez-vous, Flor se laissa glisser sur le plancher de la voiture, complètement invisible de l’extérieur.
Peu après, les phares éclairèrent à droite un long mur : l’ancienne Ganaderia. Un panneau délavé en annonçait la rénovation imminente. Le coin était sinistre, aucune circulation. À sa gauche, Malko aperçut une masse sombre sur le trottoir, longeant la mer.
— C’est là, annonça Flor.
Malko fît demi-tour un peu plus loin, revenant sur la voie extérieure et stoppa. Les phares révélèrent une stèle bizarre : une portière de voiture sur un socle de béton où une plaque était scellée. C’est à cet endroit que Raphaël Trujillo, El Benefactor, avait été assassiné le 10 mai 1961… Pas rancuniers, ses assassins lui avaient élevé un monument.
Malko donna trois coups de phare et descendit. Dans son dos, il entendit Flor chuchoter.
— Vaya con Dios !
Il atteignit le monument. Autour des trous dans la portière, on avait barbouillé de la peinture rouge imitant les taches de sang. Très kitch… Il regarda autour de lui : pas un chat. Deux ou trois minutes s’écoulèrent.
Il allait repartir quand un bruit léger le fît se retourner. Son estomac se noua. Trois silhouettes venaient d’émerger de la plage en contrebas. Des hommes qui se déployèrent aussitôt entre sa voiture et lui. La lumière des lampadaires révéla des têtes jeunes, brutales, sans expression. Ils avançaient, silencieux comme la mort.
L’un d’eux leva la main et la lame d’un rasoir brilla. Malko n’eut pas le temps de réagir. Reculant, il se heurta à quelque chose de dur. Deux bras le serrèrent à l’étouffer. Par-dessus son épaule, il aperçut un nouveau venu, énorme, surgi de derrière le monument, qui le neutralisait totalement, lui décollant les pieds du sol… Les trois autres accouraient. Le gros cria :
— Donnez-lui le traitement !
Le premier des tueurs venait sur lui, le rasoir haut. Malko esquiva au prix d’un effort surhumain et la lame ne fit que lui entamer légèrement l’avant-bras. Celui qui le tenait le serra à lui rompre les os, et répéta :
— Rapido ! Rapido ! Donne-lui le traitement !
Le second arrivait, tenant un poignard de survie à l’horizontale. Une lame de vingt centimètres dont un côté était une scie, effilée comme un rasoir. Malko se souleva, envoyant ses jambes à l’horizontale dans un mouvement désespéré. L’autre, gêné, s’arrêta, cherchant la faille. Le tueur au rasoir tournait autour de lui, prêt à frapper.
— Lagartos !
Le glapissement avait percé la nuit comme un cri de guerre. Les tueurs se figèrent. Une détonation claqua, assourdissante et le troisième tueur, demeuré en retrait, boula sur le trottoir. Du coup, celui qui tenait Malko lâcha prise, et les trois survivants du commando se dispersèrent en courant. Celui au poignard fonça vers la plage. Le « 357 Magnum » tonna de nouveau et il roula à terre avec un hurlement et y demeura immobile. Flor cria de toute la force de ses poumons :
— Halto ! Policia !
L’agresseur de Malko et le tueur au rasoir se séparèrent, détalant dans l’obscurité. Poursuivis par les projectiles. Trois détonations. Posément, les jambes écartées, Flor Mochis tirait en simple action avec son « 357 Magnum » pour avoir plus de précision.
Le gros homme courait maladroitement le long de la Ganaderia après avoir traversé la chaussée. Flor Mochis visa soigneusement. La détonation déclencha des couinements abominables de chiot écrasé. Malko et Flor se précipitèrent. Le gros homme tournait sur lui-même comme une toupie avec des cris déchirants. D’après ses mouvements désordonnés, il devait être touché à la colonne vertébrale…
Une voiture ralentit en apercevant le corps étendu sur le trottoir et repartit sans demander son reste. Flor Mochis s’accroupit près du blessé qui continuait à couiner. Impitoyablement, elle lui cogna violemment les canines avec le canon de son arme. Sous le choc, il hurla de douleur, desserrant les mâchoires, et Flor en profita pour lui enfoncer le canon du « 357 Magnum » jusqu’à la glotte.
— Qui t’a envoyé ? gronda-t-elle de sa voix rauque.
Il émit un son indistinct et elle retira un peu l’arme pour qu’il puisse répéter.
— El Coronel murmura-t-il.
— C’est Gomez, fît-elle, en se retournant vers Malko. J’en étais sûre.
Le gros homme respirait avec un bruit de soufflet. Il eut un hoquet violent, vomit du sang et ne bougea plus.
— Comment ont-ils su ? demanda Malko.
— La fille qui vendait des tableaux, fit Flor Mochis. C’est la première fois que je la voyais. Ils sont bien organisés. Et ils te connaissent aussi.
Ils regagnèrent la Colt. Pendant que Flor rechargeait son arme, Malko fit le point mentalement. Il n’avait plus en face de lui un défecteur paumé mais un traître protégé par un réseau féroce et puissant. Est-ce que Paul Kramer n’était pas la « super-taupe » ?
— Allons au motel, dit-il.
Paul Kramer y était peut-être encore. Certain que Malko venait d’être éliminé.
Malko dévalait à tombeau ouvert l’avenida Mella, le cerveau en ébullition. Le fait que Paul Kramer l’ait sciemment entraîné dans un mortel guet-apens signifiait que l’agent de la CIA avait changé totalement de camp. À moins qu’il n’ait agi sous la contrainte… Ils franchirent le pont Mella sur le rio Ozama, rejoignant l’avenida de Las Americas. La circulation était nulle.
L’enseigne du motel était éteinte. Ils remontèrent les deux allées. Cette fois, toutes les portes des garages étaient ouvertes… Malko stoppa devant le bungalow du gérant éteint lui aussi.
Flor Mochis sauta à terre. Sans autre forme de procès, elle prit son arme par le canon et fracassa la vitre de la porte. Passant ensuite sa main par l’ouverture pour ôter le loquet. La lumière s’alluma et le gardien qui dormait en caleçon enroulé dans une couverture sur un lit de camp se dressa devant eux, abruti et terrifié.
Il le fut encore plus quand Flor lui appuya le « 357 Magnum » sur la gorge.
— Lagarto, annonça-t-elle. J’appartiens à la DNI et j’ai besoin de ton aide.
— Como no ! balbutia l’autre. Que…
— Le gringo que tu as hébergé, il est parti où et quand ?
Le gardien recula, secouant la tête.
— Le gringo ! Quel gringo ? Je ne connais pas les clients ici, on ne voit personne… Le motel est vide.
— Lagarto ! répéta Flor en appuyant sur la détente du « 357 Magnum ».
Si le motel avait encore eu des clients, ils auraient cessé leurs ébats… Le gardien regarda stupidement le trou qui venait d’apparaître dans le carrelage entre ses pieds. Le canon du « 357 Magnum » remonta lentement pour se Fixer sur son entrejambe. D’un pouce à l’ongle long et rouge, Flor Mochis ramena le chien de son arme en arrière avec un claquement sinistre.
— Lagarto ! fit-elle d’une voix calme, si tu ne me dis pas la vérité, tu n’auras plus jamais à te soucier du Sida…
Le gardien regarda l’arme et ses attributs virils, avala sa salive et dit d’une voix blanche :
— Ils sont partis il y a une heure.
— Où ?
— Je ne sais pas, je le jure.
Les traits décomposés, les mains nouées sur ses parties vitales, les yeux baissés sur le « 357 Magnum », il avait l’air de prier.
— Qui est venu les chercher ?
— Un homme que je ne connais pas. Dans une voiture américaine toute neuve, bleue avec une plaque exonerado.
— Ah, je vois, dit Flor. Et qui t’avait ordonné de les prendre ?
— Le propriétaire du motel, el señor coronel Gomez. Mais si…
— Bien, dit Flor, conduis-nous au bungalow où ils se trouvaient.
L’homme chaussa des baskets et ils le suivirent. C’était un de ceux qu’ils avaient vu fermés. L’intérieur était semblable aux autres. Malko l’inspecta, sans découvrir autre chose qu’un vieux paquet de cigarettes Winston. Il n’y avait plus rien à faire et ils repartirent.
— Vous pensez pouvoir les retrouver ? demanda Malko.
Flor Mochis hocha la tête.
— Nous allons essayer. Par Jim. Il a un ami qui travaille avec Gomez. Mais il faut faire vite. Ils doivent chercher à le faire sortir. Le colonel peut le cacher n’importe où ; il possède plusieurs bordels, des maisons, des entrepôts et une villa à La Romana. Il est très puissant…
— Je vais essayer de mettre le gouvernement de notre côté, dit Malko. Maintenant que Paul Kramer a essayé de m’éliminer, nous avons une raison.
La femme-policier haussa les épaules.
— Essaye, mais les gens du « Capitolio » ne t’aideront pas. Gomez y a trop d’amis.
Ils repassèrent le pont et Malko la déposa devant sa masure.
— Flor, dit-il. Tu m’as sauvé la vie. Tu ne crains rien pour toi ?
Elle eut un sourire résigné.
— Je savais que c’était un piège. Cet endroit est désert. Je ne pouvais pas te laisser mourir. Je vais faire un rapport. Expliquant… que j’ai intercepté des voyous qui attaquaient un touriste… C’est le colonel Gomez qui risque de me faire des problèmes. Je prétendrai que je ne savais pas pour qui ces lagartos travaillaient. Ce n’est pas El Gordo[20] qui dira le contraire, ajouta-t-elle avec un rire cruel. Hasta luego. À demain soir. Je t’appelle avant si j’ai quelque chose.
Malko repartit à travers les ruelles désertes de la zona colonial. La première chose à faire était de se procurer une arme et de secouer sérieusement Henry Fairmont.
Henry Fairmont semblait profondément contrarié par le récit de Malko… Depuis le matin, les télex crépitaient entre Langley et Saint-Domingue. L’ordre venait d’arriver enfin : Paul Kramer était officiellement un traître et le chef de station devait demander au gouvernement dominicain l’aide des forces de sécurité pour le retrouver et l’appréhender…
— Je vais aller au « Capitolio » voir le patron de la DNF, annonça l’Américain. Mais je doute qu’ils bougent beaucoup…
— Je continue de mon côté, dit Malko, vous pouvez avertir les Dominicains de ma présence.
Il s’était dopé avec trois expresso où il y avait presque autant de sucre que de café, pour se remettre de sa nuit agitée, et se sentait en pleine forme.
— Je préfère pas, fit le diplomate. En cas de problème, j’interviendrai.
Toujours Ponce Pilate. Malko devait maintenant se reposer entièrement sur les tuyaux de Jim Harley et le temps pressait. Si on avait voulu l’éliminer, c’est que le départ de Paul Kramer était imminent.
Chris et Milton traînaient dans le hall du Sheraton l’arme au pied, fascinés par la vitrine d’une boutique de décoration où trônait un bureau de laque noire, de style Louis XIV, insolent de beauté, rehaussé de bronzes à l’or fin, un des joyaux de la collection Claude Dalle. Pensant que Malko n’avait pas besoin d’eux, les deux baby-sitters étaient partis observer la fête populaire sur le Malecon et avaient oublié l’heure.
Il restait donc Jim Harley.
Jim Harley prenait son bain de soleil sur sa terrasse. Malko lui tapa sur l’épaule et il sursauta, ôtant les coques qui protégeaient ses yeux.
— Ah, c’est vous ! fît-il. Vous avez fait fort, cette nuit ! Flor m’a tout raconté.
— Oui, heureusement qu’elle était là. Justement c’est elle qui a tiré, corrigea Malko, mais j’aimerais que vous me procuriez une arme.
Jim Harley sourit.
— Ça, c’est facile. Venez en bas.
Malko le suivit dans sa chambre où il ouvrit un tiroir. Il y avait là une bonne vingtaine de pistolets et de revolvers ! De tous les calibres, de tous les modèles…
— Vous les vendez ?
— Non. Ce sont les clients qui me les ont laissés en gage pour des consommations qu’ils n’avaient pas payées. Du temps de Trujillo, il y avait beaucoup d’armes ici, mais les Dominicains sont très pacifiques. Ils préfèrent transformer leur arsenal en rhum…
Malko choisit un automatique PPK 9 mm en parfait état avec un chargeur de rechange. Chien extérieur et assez petit pour qu’il puisse le dissimuler sur lui. Jim Harley semblait préoccupé.
— Je ne pensais pas que l’affaire Kramer évoluerait ainsi, dit-il. J’aurais juré qu’il s’agissait d’un pauvre type. Si le colonel Gomez est mêlé à ce truc, il faut être très prudent. C’est un homme puissant et dangereux qui dispose des tueurs des réseaux narcotraficantes.
— Vous le connaissez ?
— Oui, la DEA l’a dans le collimateur. Militaire typiquement « latino ». Corrompu, arrogant et bon vivant. Il a amassé une fortune considérable avec la drogue et les bordels…
— Mais pourquoi se mouille-t-il dans l’affaire Kramer ?
— J’y ai réfléchi, dit Jim Harley. Gomez est très lié avec les sandinistes d’ici. À l’ambassade du Nicaragua il y a un « conseiller » cubain. Ceux-ci s’occupent aussi des avions chargés de drogue. Ils financent leurs opérations clandestines de cette façon. C’est de ce côté-là qu’il faut chercher…
— Vous croyez qu’ils vont le faire partir sur un avion cubain ?
— Ça m’étonnerait.
— Alors, comment vont-ils l’exflltrer ?
— J’ai un ami qui cherche. Il est bien introduit chez le colonel Gomez. Un barman de l’hôtel Embajador, Jésus. Il doit me contacter aujourd’hui.
— Nous devons absolument mettre la main sur Paul Kramer, dit Malko. Il est le chef d’une importante affaire de contre-espionnage qui risque de pourrir la Company.
Jim Harley leva ies yeux au ciel.
— Revenez me voir demain matin. Si j’ai quelque chose d’ici là, je vous téléphone au Sheraton.
— À propos, Paul Kramer a quitté le motel dans une grosse américaine neuve avec une plaque exonerado. Cela vous dit quelque chose ?
— Bien sûr. C’est encore Gomez. Il a pu faire entrer quelques voitures hors douane, des Chevrolet « Caprice », toutes neuves et il les prête à ses copains qui font le taxi ou transportent les personnalités importantes dans ses bordels… Il y en a toujours en face de l’hôtel Embajador.
Malko se retrouva dans les ruelles bruyantes et sales de la zona colonial. Au Sheraton, Chris et Milton veillaient près du téléphone mais n’avaient reçu aucune nouvelle de Flor Mochis. Tous trois se rendirent à la cafétéria de la piscine, après avoir prévenu le standard. Il n’y avait plus qu’à attendre.
Malko était réveillé depuis six heures du matin. La journée et la soirée s’étaient écoulées, interminables. Lui et les gorilles n’avaient pas bougé de l’hôtel. En vain. Flor ne s’était pas manifestée. Ou elle avait décroché, par crainte de Gomez, ou ses recherches n’avaient rien donné. Le seul espoir de Malko reposait sur Jim Harley. La tête lourde, il s’engagea sur le Malecon. La sarabande des merengues avait duré jusqu’à trois heures du matin…
L’embouteillage, Place Independencia, était pire que d’habitude. Il mit vingt minutes à gagner la calle Hostos.
Il se demandait si ses efforts n’étaient pas vains. Paul Kramer avait eu dix fois le temps de filer. La police dominicaine ne possédait même pas une photo de l’Américain, mais seulement le numéro de son passeport et un vague signalement.
Arrivé devant l’immeuble du Raffles, Malko monta directement à la petite terrasse où Jim Harley prenait toujours son bain de soleil. L’Américain se trouvait à sa place habituelle, allongé sur le dos. Ses coques protégeant ses yeux étaient tombées mais il ne craignait plus le soleil qu’il fixait de ses yeux grands ouverts : un long poignard était enfoncé dans sa poitrine à la hauteur du sternum, le clouant au sol comme un papillon.