Franck Woodmill attendait Malko dans le hall de l’Intelligence Building et sauta sur lui dès qu’il eut franchi la porte à tambour.
— Qu’est-ce que vous m’avez dit à propos de Harry Feinstein ?
— Je me suis souvenu de ce que j’avais observé dans les jumelles, expliqua Malko. La tenue de jogging de Jessica avait été fouillée, n’est-ce pas ?
— Oui. Et alors ?
— Lorsque Jessica a donné son adresse à Feinstein, celui-ci lui a prêté un stylo et a oublié de le reprendre. Elle l’a mis dans sa poche.
— Et c’est pour cela qu’il l’aurait tuée ? Pour le récupérer ? Pourquoi ?
Franck Woodmill semblait sincèrement abasourdi. Et Malko le comprenait, il lui avait fallu un sacré travail mental pour parvenir à sa conclusion…
— Partons du point de départ, dit-il. Nous sommes persuadés tous les deux que, mercredi, William Nolan a transmis une information à Harry Feinstein, OK ?
— OK.
— Bien, éliminons la magie. J’ai observé Feinstein dans mes jumelles et j’ai écouté sa conversation avec Jessica. Aucun indice. J’ai vu, par contre, Feinstein tendre un stylo pris parmi plusieurs autres dans la poche de sa salopette, pour qu’elle écrive son adresse. Or, au moment où elle allait le lui rendre, il a été appelé et elle l’a gardé. Quand nous avons trouvé le corps de Jessica, les poches de la tenue de jogging avaient été fouillées. L'assassin cherchait quelque chose.
— Ce stylo ?
— Si c’est Harry Feinstein, c’est plus que probable.
Franck Woodmill fronça les sourcils.
— Pourquoi ?
— Supposons, dit Malko que William Nolan dissimule les informations qu’il transmet au KGB dans le corps d’un stylo. Ce qui est parfaitement possible. Qu’à chacune de ses visites, il le laisse sur place. Ensuite, Harry Feinstein n’avait plus qu’à le récupérer…
— Mais vous avez inspecté la tombe tout de suite après son passage, la première fois et vous n’avez rien vu…
— C’est exact, reconnut Malko, mais j’avais remarqué que Nolan s’était baissé à un certain moment. Il a très bien pu enfoncer le stylo verticalement dans l’herbe. Le sol est meuble. Et il est très possible que je ne l’ai pas remarqué.
— Dans ce cas, avança Woodmill, Feinstein aurait récupéré le stylo et l’aurait donné par mégarde, à la place d’un autre, à Jessica. C’est surprenant.
— Les meilleurs professionnels font des bourdes, remarqua Malko. Et c’est la seule explication de ce meurtre brutal qui n’a pas de lien direct avec l’attaque dont Milton et moi avons été victimes. Cela, c’était, à mon avis, pour signifier à Nolan qu’il était grillé. Harry Feinstein a agi, lui, sans ordre, précipitamment, pour réparer sa méprise. Il fallait à tout prix qu’il récupère son stylo.
Franck Woodmill réfléchissait. Il secoua la tête.
— Mais tous les stylos de Bill Nolan sont marqués à ses initiales. Vous vous rendez compte du risque ?
— Pas du tout, contra Malko. Imaginez que, par suite de circonstances imprévues, on en ait découvert un près de la tombe de son fils : les gardiens du cimetière le lui auraient rapporté. Quant à Jessica, elle n’a même pas dû réaliser. J’ai lu dans le mémo que Nolan utilisait des stylos japonais d’un modèle très banal.
Franck Woodmill ne semblait pas entièrement convaincu.
— Vous avez peut-être raison, admit-il, mais, tant que nous n’aurons pas retrouvé ce stylo… Si nous le retrouvons, cela reste seulement une hypothèse.
— Vous m’avez dit avoir avancé sur Feinstein ?
— Certainement, fît le Directeur adjoint des Opérations. Venez, je vais vous présenter à celui qui m’a aidé.
Ils prirent l’ascenseur jusqu’au sixième et Franck poussa la porte vitrée d’un bureau où se trouvait un géant aux traits burinés, avec des yeux très bleus et le teint brique, les cheveux ultra courts, en chemise, un étui de revolver dans le dos.
— Malko, voici le capitaine Bill Livingstone. Un des responsables de l’OfFice of Foreign Missions, la branche du FBI chargée de surveiller les diplomates étrangers suspects de recruter des espions parmi nos gens…
Bill Livingstone transforma les doigts de Malko en pulpe avec un bon sourire. Il semblait sorti d’un film de propagande du FBI…
— Je suis un « mole-hunter[30] » expliqua-t-il. Nous avons souvent travaillé ensemble avec Franck…
Les deux hommes se trouvaient dans un bureau séparé par une vitre d’une immense pièce où s’alignaient des consoles d’ordinateurs sur lesquelles étaient penchés de studieux agents du FBI. Jour et nuit, la machine fonctionnait. Tous les diplomates en poste à Washington étaient dans sa mémoire. F Street était le second centre nerveux du Renseignement, à quelques dizaines de mètres de la Maison Blanche.
— Bill a trouvé quelque chose sur Harry Feinstein, expliqua Franck Woodmill.
L’agent du FBI eut un sourire prudent.
— Attendons… C’est seulement une hypothèse.
Ils s’approchèrent de l’écran d’un ordinateur sur lequel un carré vert clignotait en face d’un nom : Oleg Kusanov. Malko lut les indications affichées sur l’écran. Appartenance au KGB, sous couverture de Second secrétaire à l’ambassade d’URSS, plus des tas de détails sur ses habitudes, son logement, ses goûts, les gens qu’il fréquentait, ses précédents séjours à l’étranger. Un des officiers du KGB comme il y en avait des milliers…
La dernière ligne indiquait : Banque Citicorp. Agence BN de Calvert Street. Georgetown.
Malko interrogea du regard le Directeur Adjoint des Opérations.
— C’est la même banque qu’Harry Feinstein, annonça l’Américain. Évidemment, cette agence de la Citicorp a quelques centaines de clients, corrigea aussitôt le « chasseur de taupes », mais nous ne pouvons négliger cette coïncidence.
— Il y a eu des mouvements de fonds suspects, sur l’un ou l’autre compte ? demanda Malko.
— Rien, fit Franck Woodmill, mais ce n’est pas le problème. C’est peut-être une façon de se rencontrer… Donc, si nous avons raison, de transmettre des informations.
— Il va falloir une longue surveillance pour les prendre sur le fait, objecta Malko.
Bill Livingstone sourit joyeusement.
— Non, le camarade Kusanov a des habitudes régulières. Il se rend à la banque tous les jeudis, comme aujourd’hui vers l’heure du déjeuner, pour y prendre de l’argent liquide. Bien entendu, au début, nous l’avons suivi, sans rien découvrir de suspect. Et nous n’avons pas assez d’hommes pour les surveiller tous en permanence.
— Par contre, coupa Franck Woodmill, aujourd’hui Bill est d’accord pour mettre le paquet… Nous avons encore deux bonnes heures.
— Nous allons nous mettre en place bien avant, proposa Bill Livingstone.
De la fenêtre du troisième étage de l’University Club, Sakharov Plaza, on plongeait directement dans le jardin en friche de la petite ambassade soviétique. Un hôtel particulier vieux et petit situé en bordure de Connecticut Avenue, tout noir, au toit hérissé d’antennes de toutes les formes, comme des sculptures surréalistes… Des caméras automatiques balayaient sans cesse le minuscule jardinet.
Le FBI louait à l’année deux pièces à l’University Club, ainsi que dans l’immeuble moderne en face de l’entrée principale de l’ambassade dont l’arrière était pratiquement collée au building du Washington Post. Ce qui faisait dire à certains « faucons » de Washington que la tendance « gauchiste » du Post n’était pas entièrement due au hasard, mais à une sorte de malsaine osmose. Trois agents du FBI s’affairaient dans la pièce surchauffée autour d’une batterie de caméras, de magnétophones, de micros et d’appareils de détection, tous plus perfectionnés les uns que les autres. Dans la pièce voisine, un technicien, des écouteurs aux oreilles, captait les communications téléphoniques. Bill Livingstone regarda sa montre.
— Il ne devrait pas tarder à sortir, il est très ponctuel. Il prend la porte latérale.
Quatre voitures « CD » étaient garées dans une sente, le long de l’ambassade. Devant, sur Connecticut, une voiture bleue et blanche du « service secret » veillait. Le silence retomba. Cinq minutes plus tard, une petite porte s’ouvrit sur un homme athlétique, aux cheveux très noirs, un cigare entre les dents, le visage avenant, un attaché-case noir à la main. Il ressemblait à un méridional ou même à un Arabe.
— Voilà Kusanov, annonça Bill Livingstone. Il est de Bakou, dans le Causase. Un bon vivant.
L’officier du KGB monta dans sa Ford beige et s’engagea avec précaution dans Connecticut. Bill Livingstone se tourna vers Franck Woodmill.
— On y va. Une voiture nous attend. Il ne conduit jamais vite et je me suis arrangé. Un policier va l’arrêter au prochain carrefour, pour un contrôle du véhicule…
L’agence de Calvert Street de la Citicorp n’avait qu’un étage, au coin de Wisconsin, avec un parking derrière, auquel on accédait en contournant le bâtiment. Une paisible petite agence de quartier. Le fourgon de AT & T dans lequel se trouvaient Malko, Bill Livingstone et Franck Woodmill pénétra dans le parking et se gara au fond. À travers de multiples ouvertures camouflées un peu partout, on pouvait observer sous tous les angles.
— J’ai des hommes partout, annonça le « chasseur de taupes ». Sur Calvert Street, à l’intérieur de la banque, ici et même dans un immeuble voisin. Un de nos hommes a pris la place d’un caissier.
Pourvu que cela serve à quelque chose ! pensa Malko.
Ils n’eurent pas à attendre longtemps. La Ford beige du Soviétique entra dans le parking et se gara à deux voitures d’eux. Oleg Kusanov pénétra dans la banque en balançant joyeusement son attaché-case. Apparemment, sans le moindre souci.
La tension remonta. Une voix assourdie grésilla dans un des haut-parleurs :
— Il fait la queue, il ne parle à personne.
Nouveau silence. Des voitures entraient et sortaient du parking. Tout à coup, Franck Woodmill poussa un rugissement étouffé.
— God damned !
Une Econoline blanche venait de pénétrer dans le parking. Elle passa devant eux et se gara contre le mur, assez loin de la voiture du diplomate soviétique. Tous retenaient leur souffle. La porte du véhicule coulissa et un homme sauta à terre.
C’était Harry Feinstein, en salopette blanche, une vieille serviette de cuir à la main. Le ronron d’une caméra se déclencha. Il était filmé. On aurait entendu voler une toute petite mouche… Le marchand de fleurs se dirigea vers l’entrée de la banque et au moment d’y entrer, se retourna, balayant du regard le parking vide. Brusquement, au lieu de pousser la porte, il fit un pas de côté, s’approchant de la Ford du diplomate soviétique. Cela dura quelques secondes. Il se baissa soudain à l’arrière de la voiture, comme s’il regardait quelque chose à terre, le bras gauche pendant, puis se redressa et s’éloigna.
— Sainte Mère de Dieu ! murmura Bill, il a glissé quelque chose dans le tuyau d’échappement.
Le fleuriste avait disparu à l’intérieur de la banque. Au même moment, le haut-parleur annonça :
— Le second sujet vient d’entrer.
Bill Livingstone se pencha vers son micro.
— Que fait le premier sujet ?
— Il est en train de compter ses billets.
Le chef de l’OFM se tourna vers un des agents du FBI affublé d’une combinaison AT & T.
— Allez inspecter le pot d’échappement. Vite.
— Je retire l’objet ?
— Oui.
L’agent fit coulisser la porte et sauta à terre, se dirigeant vers la voiture du diplomate. Tous retenaient leur souffle. Il se penchait vers le tuyau d’échappement quand la voix venant de l’intérieur de la banque lança :
— Sujet numéro un se dirige vers la sortie.
— Tom, dégagez, cria presque Bill Livingstone dans son micro.
Tom se redressa brutalement, quelque chose dans la main, et revint vers eux. Il était en train de remonter dans le fourgon d’AT & T, lorsque Oleg Kusanov sortit de la banque ; toujours aussi jovial. Il rouvrit sa voiture, jeta son attaché-case à l’intérieur et, sans se presser, fit le tour de son véhicule donnant de petits coups de pied dans les pneus. Pour, finalement, s’accroupir devant l’arriére. Les occupants du fourgon devinèrent sa main qui plongeait dans le tuyau d’échappement.
Il y farfouilla quelques instants, puis se redressa, et regarda autour de lui, visiblement décontenancé. Puis, il remonta en voiture et sortit du parking.
La tension diminua d’un coup dans le fourgon. Bill Livingstone, Malko et Franck Woodmill se tournèrent en même temps vers Tom, l’agent du FBI.
— Tom, qu’est-ce que vous avez trouvé ? demanda Livingstone.
— Ceci, Sir.
Il lui tendit un étui à cigare en métal. Bill Livingstone en dévissa le bout, faisant apparaître du coton. Il tira et sortit un stylo noir, assez ventru.
Malko vit le sang se retirer du visage de Franck Woodmill, qui tendit la main.
— Faites voir.
Bill Livingstone le lui tendit, et le Directeur adjoint des opérations l’examina attentivement. Malko aperçut en même temps que lui les deux lettres dorées sur le capuchon : W.N.
Franck Woodmill échangea un regard avec Malko. Il y avait une détresse inhumaine dans ses prunelles. William Nolan, sûr de l’impunité en dépit des soupçons qu’il devait sentir peser sur lui, avait continué son travail de taupe.
— Vous aviez raison, murmura-t-il.
Bill Livingstone observait les deux hommes, intrigué.
— On dirait que cela vous dit quelque chose, Franck.
L’homme de la CIA inclina affirmativement la tête.
— Oui, Bill. J’aimerais vous en parler. En tête-à-tête.
Ils prêtèrent à peine attention à la voix sortant du haut-parleur qui annonçait la sortie de Harry Feinstein. Ils avaient découvert le système de transmission des Soviétiques et ils savaient où le localiser. Bill Livingstone lança dans un micro.
— Nous démontons. Retour à F Street. Suivez le sujet numéro 2. Terminé.
Durant le trajet, personne n’ouvrit la bouche. Franck continuait à serrer le stylo dans sa main comme si on allait le lui voler. Ce n’est que dans le bureau de Bill Livingstone que ce dernier rompit le silence.
— Alors, Franck, qu’est-ce que vous cachez ?
Malko, Franck Woodmill et Bill Livingstone regardaient le stylo démonté sur le bureau et le rouleau de microfilms qu’il avait contenu. Mâchonnant un chewing-gum, le regard posé sur les diplômes qui décoraient les murs, Bill Livingstone semblait plongé dans une profonde perplexité. Il s’ébroua pour dire :
— Franck, vous me foutez dans une siuation impossible. Le type qui a fait ça mérite d’être collé dans un pénitencier pour une centaine d’années. Quel que soit son rang…
— Bien sûr, reconnut le Directeur adjoint des Opérations. Mais vous réalisez l’importance de cette affaire… Tout ce que je vous demande, c’est de mettre tout ça dans votre coffre jusqu’à lundi, jour où le DCI revient. À huit heures du matin, nous serons tous les deux dans votre bureau. D’ici là, vous ne faites rien. Sauf surveiller Feinstein.
— Et si W.N. se tire ?
Il n’osait même pas prononcer son nom. Les révélations de Franck l’avaient abasourdi.
— Il ne bougera pas, assura Franck. Ce n’est pas une affaire ordinaire. Lundi, nous aviserons.
Il se tut, la bouche sèche. De nouveau Bill Livingstone semblait ailleurs. Une absence qui se prolongea d’interminables secondes. Finalement, Bill Livingstone émit un profond soupir et laissa tomber :
— OK. Franck. Lundi, huit heures. Mais il faut vraiment que j’aie confiance en vous.
Malko et Franck se retrouvèrent dans F Street.
— J’ai fait de mon mieux, fit le Directeur adjoint des Opérations. Lundi, je raconte tout au DCI. Il prendra ses responsabilités. C’est une histoire horrible. Pourvu, au moins, qu’on arrive à inculper Feinstein du double meurtre. Je vais vous demander de rester à Washington. J’aurai besoin de votre témoignage.
— Et Milton Brabeck ?
— Qu’il décroche. C’est inutile de faire double emploi avec le FBI.
C’était une amère fin de semaine. Malko se dit que ces trois jours allaient être interminables.
— Je vais prévenir Milton moi-même, proposa-t-il.
Grâce au Motorola, il avait un contact facile.
William Nolan essayait de comprendre ce que lui disait son interlocuteur, le chef de la mission d’information du Sénat dans le brouhaha du Four Ways, un des restaurants les plus sélects de Washington, sur la 20e Rue au coeur de R Street. Le Bermuda Lounge bruissait de dizaines de conversations. Le sénateur lui jeta un regard intrigué.
— Ça ne va pas, Bill ?
William Nolan eut un sourire contraint.
— Je crois que je couve une grippe.
— Prenez de la Bufferin, conseilla le sénateur. Avec un grand verre de Johnny Walker.
— Je ne bois jamais d’alcool, expliqua le Directeur adjoint de la CIA avec un sourire d’excuses, mais je passerai votre recette à d’autres. En tout cas, je crois que je vais aller me reposer.
— OK, soignez-vous, conseilla le sénateur, en train d’observer une ravissante attachée de presse du Congrès en mini pousse-au-viol.
Les deux hommes se séparèrent et William Nolan, après avoir serré quelques mains, alla aux toilettes et ensuite dans une cabine téléphonique. Sa conversation fut très brève, il ressortit et s’engouffra dans son Oldsmobile noire.
— On va au bureau, dit-il à son chauffeur.
C’était son anniversaire et il avait promis à Fawn McKenzie de passer la soirée avec elle : seulement avant, il avait beaucoup à faire.
Le matin même, il avait rendu visite au père de Jessica Hayes et trouvé un homme brisé. Toute la Company bruissait de folles rumeurs et la police de Georgetown piétinait. On savait que l’assassin avait utilisé un revolver muni d’un silencieux car il n’y avait pas de douilles et les voisins n’avaient rien entendu.
William Nolan avait eu besoin de toute sa volonté pour ne pas dire ce qu’il savait.
La nuit tombait sur Wisconsin Avenue et Milton Brabeck avait du mal à lutter contre une certaine somnolence. Il s’ébroua, regardant pour la millième fois l’Econoline blanche, garée en face de la boutique d’Harry Feinstein.
Il avait refusé de décrocher de sa planque, comme Malko lui en avait transmis l’ordre, en lui expliquant ce qui s’était passé. Maintenant qu’il était pratiquement sûr que le « clandestin » était le meurtrier de Jessica et de sa fille, il était comme un bouledogue accroché à sa proie.
Même si cela ne servait à rien.
Le FBI surveillait le fleuriste, avec des moyens infiniment plus sophistiqués que lui. Il avait déjà repéré deux fourgons, stoppés un peu plus loin, qui dissimulaient certainement des agents fédéraux…
Il bâilla et décida d’aller boire un café dans un bar, distant de cent mètres à peine. Cela lui changerait les idées. En passant devant la boutique du fleuriste, il aperçut une voie le long de l’immeuble qui rejoignait une cour, bordée de garages en bois. Quelqu’un était en train de la traverser, venant visiblement de la porte de service du magasin de fleurs.
Harry Feinstein ! Le fleuriste n’avait plus sa salopette bleue mais une canadienne et un chapeau. Il ouvrit les portes d’un des garages et Milton aperçut une petite voiture blanche. Il s’attendait à ce que le fleuriste se mette au volant et parte. Mais ce dernier y entra et referma. Milton Brabeck s’arrêta, intrigué. Aucune lumière ne filtrait du garage. Il s’engouffra dans la cour, profitant de l’ombre, et colla son oreille au battant de bois.
Le grondement d’un moteur le fit sursauter. Il écouta, de plus en plus perplexe. Pourquoi Harry Feinstein faisait-il marcher sa voiture dans un garage fermé ? Est-ce qu’il était en train de se suicider ?
Au moment où il se préparait à ouvrir la porte du garage, le bruit s’atténua et s’éloigna. Milton Brabeck attendit quelques secondes, puis n’entendant plus rien, se décida à écarter le battant Le garage était vide.