III

Où l'on voit un petit Juif préférer le miel au sucre. – Où un alchimiste qui pourrait être le mystérieux Fulcanelli parle du danger atomique en 1937, décrit la pile atomique et évoque des civilisations disparues. – Où Bergier découpe un coffre-fort au chalumeau et promène une bouteille d'uranium sous son bras. – Où un major américain sans nom recherche un Fulcanelli définitivement évanoui. – Où Oppenheimer chante en duo avec un sage chinois d'il y a mille ans.

C'était en 1933. Le petit étudiant juif avait un nez pointu, chaussé de lunettes rondes derrière lesquelles brillaient des yeux agiles et froids. Sur son crâne rond se clairsemait déjà une chevelure pareille à un duvet de poussin. Un effroyable accent, aggravé par des hésitations, donnait à ses propos le comique et la confusion d'un barbotage de canards dans une flaque. Quand on le connaissait un peu mieux, on éprouvait l'impression qu'une intelligence boulimique, tendue, sensible, follement rapide, dansait dans ce petit bonhomme malgracieux, plein de malice et d'une puérile maladresse à vivre, comme un gros ballon rouge retenu par un fil au poignet d'un enfant.

« Vous voulez donc devenir alchimiste ? » demanda le vénérable professeur à l'étudiant Jacques Bergier qui baissait la tête, assis sur le bord du fauteuil, une serviette bourrée de paperasses sur les genoux. Le vénérable était un des plus grands chimistes français.

« Je ne vous comprends pas, monsieur », dit l'étudiant, vexé.

Il avait une mémoire prodigieuse, et il se souvint d'avoir vu, à six ans, une gravure allemande représentant deux alchimistes au travail, dans un désordre de cornues, de pinces, de creusets, de soufflets. L'un, en haillons, surveillait un feu, la bouche ouverte, et l'autre, barbe et cheveux fous, se grattait la tête en titubant au fond du capharnaüm.

Le professeur consulta un dossier :

« Durant vos deux dernières années de travail, vous vous êtes surtout intéressé au cours libre de physique nucléaire de M. Jean Thibaud. Ce cours ne conduit à aucun diplôme, à aucun certificat. Vous exprimez le désir de poursuivre dans cette voie. J'aurais encore compris, à la rigueur, cette curiosité de la part d'un physicien. Mais vous vous destinez à la chimie. Compteriez-vous, par hasard, apprendre à fabriquer de l'or.

— Monsieur, dit l'étudiant juif en élevant ses petites mains grasses et négligées, je crois en l'avenir de la chimie nucléaire. Je crois que des transmutations industrielles seront réalisées dans un proche avenir.

— Cela me paraît délirant.

— Mais monsieur… »

Parfois, il s'arrêtait au début d'une phrase et se mettait à répéter ce début, comme un phonographe détraqué, non par absence, mais parce que son esprit s'en allait faire un crochet inavouable du côté de la poésie. Il savait par cœur des milliers de vers, et tous les poèmes de Kipling :


Ils copièrent tout ce qu'ils pouvaient suivre

Mais ils ne pouvaient rattraper mon esprit

Aussi les ai-je laissés haletants et pensant

Un an et demi en arrière…


« Mais monsieur, même si vous ne croyez pas aux transmutations, vous devriez croire à l'énergie nucléaire. Les énormes ressources potentielles du noyau…

— Ta, ta, ta, dit le professeur. C'est primaire et enfantin. Ce que les physiciens nomment l'énergie nucléaire est une constante d'intégration dans leurs équations. C'est une idée philosophique, voilà la chose. La conscience est le principal moteur des hommes. Mais ce n'est pas la conscience qui fait marcher les locomotives, n'est-ce pas ? Alors, rêver d'une machine actionnée par l'énergie nucléaire… Non, mon garçon. »

Le garçon avalait sa salive.

« Revenez sur terre et songez à votre avenir. Ce qui vous pousse, pour l'instant, parce que vous ne me paraissez pas sorti de l'enfance, c'est un des plus vieux rêves des hommes : le rêve alchimique. Relisez Berthelot. Il a bien décrit cette chimère de la transmutation de la matière. Vos notes ne sont pas très, très brillantes. Je vous donnerai un conseil : entrez le plus vite possible dans l'industrie. Faites donc une campagne sucrière. Trois mois dans une fabrique de sucre vous remettront en contact avec le réel. Vous en avez besoin. Je vous parle comme un père. »

Le fils indigne remercia en bégayant, et partit le nez au vent, sa grosse serviette au bout de son bras court. C'était un entêté : il se dit qu'il fallait profiter de cette conversation, mais que le miel était meilleur que le sucre. Il continuerait à étudier les problèmes du noyau atomique. Et il se documenterait sur l'alchimie.


C'est ainsi que mon ami Jacques Bergier décida de poursuivre des études jugées inutiles et de les compléter par d'autres études jugées délirantes. Les nécessités de la vie, la guerre et les camps de concentration l'écartèrent un peu de la nucléonique. Il y a cependant apporté quelques contributions estimées par les spécialistes. Au cours de ses recherches, les rêves des alchimistes et les réalités de la physique mathématique se recoupèrent plus d'une fois. Mais dans le domaine scientifique, il s'est produit de grands changements depuis 1933, et mon ami eut de moins en moins l'impression de naviguer à contre-courant.


De 1934 à 1940, Jacques Bergier fut le collaborateur d'André Helbronner, l'un des hommes remarquables de notre époque. Helbronner, assassiné par les nazis à Buchenwald en mars 1944, avait été, en France, le premier professeur de Faculté à enseigner la chimie-physique. Cette science frontière entre deux disciplines a donné naissance, depuis, à de nombreuses autres sciences : l'électronique, la nucléonique, la stéréotronique(26). Helbronner devait recevoir la grande médaille d'or de l'Institut Franklin pour ses découvertes sur les métaux colloïdaux. Il s'était également intéressé à la liquéfaction des gaz, à l'aéronautique et aux rayons ultraviolets.

En 1934, il se consacrait à la physique nucléaire et avait monté, avec le concours de groupes industriels, un laboratoire de recherches sur la nucléonique où des résultats d'un intérêt considérable furent obtenus jusqu'en 1940. Helbronner était en outre expert auprès des tribunaux pour toutes les affaires touchant la transmutation des éléments, et c'est ainsi que Jacques Bergier eut l'occasion de rencontrer un certain nombre de faux alchimistes, escrocs ou illuminés, et un alchimiste véritable, un vrai maître.

Mon ami ne sut jamais le nom réel de cet alchimiste, et le saurait-il qu'il se garderait de donner trop d'indices. L'homme dont nous allons parler a disparu depuis longtemps déjà, sans laisser de traces visibles. Il est entré en clandestinité, ayant volontairement coupé tous les ponts entre le siècle et lui. Bergier pense seulement qu'il s'agissait de l'homme qui, sous le pseudonyme de Fulcanelli, écrivit aux environs de 1920 deux livres étranges et admirables : Les Demeures Philosophales et Le Mystère des Cathédrales. Ces livres furent édités par les soins de M. Eugène Canseliet, qui ne révéla jamais l'identité de l'auteur(27). Ils sont certainement parmi les ouvrages les plus importants sur l'alchimie. Ils expriment une connaissance et une sagesse souveraines, et nous savons plus d'un grand esprit qui vénère le nom légendaire de Fulcanelli.

« Pouvait-il, écrit M. Eugène Canseliet, arrivé au faîte de la connaissance, refuser d'obéir aux ordres du Destin ? Nul n'est prophète en son pays. Ce vieil adage donne, peut-être, la raison occulte du bouleversement que provoque, dans la vie solitaire et studieuse du philosophe, l'étincelle de la révélation. Sous l'effet de cette flamme divine, le vieil homme est tout entier consumé. Nom, famille, patrie, toutes les illusions, toutes les erreurs, toutes les vanités tombent en poussière. Et de ces cendres, comme le phénix des poètes, une personnalité nouvelle renaît. Ainsi, du moins, le veut la tradition philosophique.

« Mon maître le savait. Il disparut quand sonna l'heure fatidique, lorsque le signe fut accompli. Qui donc oserait se soustraire à la loi ? Moi-même, malgré le déchirement d'une séparation douloureuse, mais inévitable, s'il m'arrivait aujourd'hui l'heureux avènement qui contraignit mon maître à fuir les hommages du monde, je n'agirais pas autrement. »

M. Eugène Canseliet écrivit ces lignes en 1925. L'homme qui lui laissait le soin d'éditer ses ouvrages allait changer d'aspect et de milieu. En 1937, un après-midi de juin, Jacques Bergier crut avoir d'excellentes raisons de penser qu'il se trouvait en présence de Fulcanelli.

C'est à la demande d'André Helbronner que mon ami rencontra le mystérieux personnage, dans le cadre prosaïque d'un laboratoire d'essai de la Société du Gaz de Paris. Voici exactement la conversation :

« M. André Helbronner, dont vous êtes, je crois, l'assistant, est à la recherche de l'énergie nucléaire. M. Helbronner a bien voulu me tenir au courant de quelques-uns des résultats obtenus, et notamment de l'apparition de la radio-activité correspondant à du polonium, lorsqu'un fil de bismuth est volatilisé par une décharge électrique dans du deutérium à haute pression. Vous êtes très près de la réussite, comme d'ailleurs quelques autres savants contemporains. Puis-je me permettre de vous mettre en garde ? Les travaux auxquels vous vous livrez, vous et vos pareils, sont terriblement dangereux. Ils ne vous mettent pas seuls en péril. Ils sont redoutables pour l'humanité tout entière. La libération de l'énergie nucléaire est plus facile que vous ne le pensez. Et la radio-activité artificielle produite peut empoisonner l'atmosphère de la planète en quelques années. En outre, des explosifs atomiques peuvent être fabriqués à partir de quelques grammes de métal, et raser des villes. Je vous le dis tout net : les alchimistes le savent depuis longtemps. »

Bergier tenta d'interrompre en s'insurgeant. Les alchimistes et la physique moderne ! Il allait se lancer dans les sarcasmes, quand son hôte l'interrompit :

« Je sais ce que vous allez me dire, mais c'est sans intérêt. Les alchimistes ne connaissaient pas la structure du noyau, ne connaissaient pas l'électricité, n'avaient aucun moyen de détection. Ils n'ont donc pu opérer aucune transmutation, ils n'ont donc jamais pu libérer l'énergie nucléaire. Je n'essaierai pas de vous prouver ce que je vais vous déclarer maintenant, mais je vous prie de le répéter à M. Helbronner : des arrangements géométriques de matériaux extrêmement purs suffisent pour déchaîner les forces atomiques, sans qu'il y ait besoin d'utiliser l'électricité ou la technique du vide. Je me bornerai ensuite à vous faire une courte lecture. »

L'homme prit sur son bureau l'ouvrage de Frédéric Soddy : L'interprétation du Radium, l'ouvrit et lut :

« Je pense qu'il a existé dans le passé des civilisations qui ont connu l'énergie de l'atome et qu'un mauvais usage de cette énergie a totalement détruites. »

Puis il reprit :

« Je vous demande d'admettre que quelques techniques partielles ont survécu. Je vous demande aussi de réfléchir au fait que les alchimistes mêlaient à leurs recherches des préoccupations morales et religieuses, tandis que la physique moderne est née au XVIIIe siècle de l'amusement de quelques seigneurs et de quelques riches libertins. Science sans conscience… J'ai cru bien faire en avertissant quelques chercheurs, de-ci, de-là, mais je n'ai nul espoir de voir cet avertissement porter ses fruits. Au reste, je n'ai pas besoin d'espérer. »

Bergier devait toujours garder dans l'oreille le son de cette voix précise, métallique et digne.

Il se permit de poser une question :

« Si vous êtes alchimiste vous-même, monsieur, je ne puis croire que vous passiez votre temps à tenter de fabriquer de l'or, comme Dunikovski ou le docteur Miethe. Depuis un an, j'essaie de me documenter sur l'alchimie, et je nage parmi les charlatans ou les interprétations qui me semblent fantaisistes. Vous, monsieur, pouvez-vous me dire en quoi consistent vos recherches ?

— Vous me demandez de résumer en quatre minutes quatre mille ans de philosophie et les efforts de toute ma vie. Vous me demandez en outre de traduire en langage clair des concepts pour lesquels n'est pas fait le langage clair. Je puis tout de même vous dire ceci : vous n'ignorez pas que, dans la science officielle en progrès, le rôle de l'observateur devient de plus en plus important. La relativité, le principe d'incertitude vous montrent à quel point l'observateur intervient aujourd'hui dans les phénomènes. Le secret de l'alchimie, le voici : il existe un moyen de manipuler la matière et l'énergie de façon à produire ce que les scientifiques contemporains nommeraient un champ de force. Ce champ de force agit sur l'observateur et le met dans une situation privilégiée en face de l'univers. De ce point privilégié, il a accès à des réalités que l'espace et le temps, la matière et l'énergie, nous masquent d'habitude. C'est ce que nous appelons le Grand Œuvre.

— Mais la pierre philosophale ? La fabrication de l'or ?

— Ce ne sont que des applications, des cas particuliers. L'essentiel n'est pas la transmutation des métaux, mais celle de l'expérimentateur lui-même. C'est un secret ancien que plusieurs hommes par siècle retrouvent.

— Et que deviennent-ils alors ?

— Je le saurai peut-être un jour. »

Mon ami ne devait jamais revoir cet homme qui a laissé une trace ineffaçable sous le nom de Fulcanelli. Tout ce que nous savons de lui est qu'il survécut à la guerre et disparut complètement après la Libération. Toutes recherches échouèrent pour le retrouver(28).


Nous voici maintenant un matin de juillet 1945. Encore squelettique et blafard, Jacques Bergier, vêtu de kaki, est en train de découper un coffre-fort au chalumeau. C'est un avatar de plus. Durant ces dernières années, il a été successivement agent secret, terroriste et déporté politique. Le coffre-fort se trouve dans une belle villa, sur le lac de Constance, qui fut la propriété du directeur d'un grand trust allemand. Découpé, le coffre-fort livre son mystère : une bouteille contenant une poudre extrêmement lourde. Sur l'étiquette : « Uranium, pour applications atomiques. » C'est la première preuve formelle de l'existence en Allemagne d'un projet de bombe atomique suffisamment poussé pour exiger de grandes quantités d'uranium pur. Goebbels n'avait pas tout à fait tort quand, du bunker bombardé, il faisait circuler dans les rues en ruine de Berlin le bruit que l'arme secrète était sur le point d'éclater au visage des « envahisseurs ». Bergier rendit compte de la découverte aux autorités alliées. Les Américains se montrèrent sceptiques et déclarèrent sans intérêt toute enquête sur l'énergie nucléaire. C'était une feinte. En réalité, leur première bombe avait explosé en secret, à Alamogordo, et une mission américaine dirigée par le physicien Goudsmith était, en ce moment même, en Allemagne, à la recherche de la pile atomique que le professeur Heisenberg avait construite avant l'effondrement du Reich.


En France, on ne savait rien formellement, mais il y avait des indices. Et notamment celui-ci, pour les gens avisés : des Américains achetaient à prix d'or tous les manuscrits et documents alchimiques.

Bergier fit un rapport au gouvernement provisoire sur la réalité probable de recherches sur les explosifs nucléaires aussi bien en Allemagne qu'aux États-Unis. Le rapport fut sans doute envoyé au panier, et mon ami garda son flacon qu'il brandissait au nez des gens en déclarant : « Vous voyez cela ? Il suffirait qu'un neutron passe à l'intérieur pour que Paris saute ! » Ce petit bonhomme à l'accent comique avait décidément du goût pour la plaisanterie et l'on s'émerveillait qu'un déporté fraîchement sorti de Mauthausen eût conserve tant d'humour. Mais la plaisanterie perdit brusquement tout son sel le matin d'Hiroshima. Le téléphone se mit à sonner sans relâche dans la chambre de Bergier. Diverses autorités compétentes demandaient des copies du rapport. Les services de renseignements américains priaient le détenteur de la fameuse bouteille de rencontrer d'urgence un certain major qui ne voulait pas dire son nom. D'autres autorités exigeaient que l'on éloignât tout de suite le flacon de l'agglomération parisienne. En vain, Bergier expliqua que ce flacon ne contenait certainement pas d'uranium 235 pur et que, même s'il en contenait, l'uranium était sans doute au-dessous de la masse critique. Sinon, il eût explosé depuis longtemps. On lui confisqua son joujou et il n'en entendit plus jamais parler. Pour le consoler, on lui fit porter un rapport de la « Direction Générale des Études et Recherches ». C'était tout ce que cet organisme, émanant des services secrets français, savait de l'énergie nucléaire. Le rapport portait trois cachets : « Secret », « Confidentiel », « À ne pas diffuser ». Il contenait uniquement des coupures de la revue Science et Vie.

Il ne lui restait, pour satisfaire sa curiosité, que de rencontrer le fameux major anonyme dont le professeur Goudsmith a conté quelques aventures dans son livre Alsos. Ce mystérieux officier, doué d'humour noir, avait camouflé ses services en une organisation pour la recherche des tombes des soldats américains. Il était très agité et paraissait talonné par Washington. Il voulut d'abord savoir tout ce que Bergier avait pu apprendre ou deviner sur les projets nucléaires allemands. Mais surtout il était indispensable au salut du monde, à la cause alliée et à l'avancement du major, que l'on retrouvât d'urgence Éric Edward Dutt et l'alchimiste connu sous le nom de Fulcanelli.

Dutt, sur lequel Helbronner avait été appelé à enquêter, était un Hindou qui prétendait avoir eu accès à de très anciens manuscrits. Il affirmait y avoir puisé certaines méthodes de transmutation des métaux et, par une décharge condensée à travers un conducteur de borure de tungstène, obtenait des traces d'or dans les produits recueillis. Des résultats analogues devaient être obtenus beaucoup plus tard par les Russes, mais en utilisant de puissants accélérateurs de particules.

Bergier ne put être d'un grand secours au monde libre, à la cause alliée et à l'avancement du major. Éric Edward Dutt, collaborateur, avait été fusillé par le contre-espionnage français en Afrique du Nord. Quant à Fulcanelli, il s'était définitivement évanoui.

Cependant, le major, en remerciement, fit porter à Bergier, avant parution, les épreuves du rapport : Sur l'Utilisation Militaire de l'Énergie Atomique, par le professeur H. D. Smyth. C'était le premier document réel sur la question. Or, dans ce texte, il y avait d'étranges confirmations des propos tenus par l'alchimiste en juin 1937.

La pile atomique, outil essentiel pour la fabrication de la bombe, était en effet uniquement « un arrangement géométrique de substances extrêmement pures ». Dans son principe, cet outil, comme l'avait dit Fulcanelli, n'utilisait ni l'électricité, ni la technique du vide. Le rapport Smyth faisait également allusion à des poisons radiants, à des gaz, à des poussières radio-actives d'une extrême toxicité, qu'il était relativement facile de préparer en grande quantité. L'alchimiste avait parlé d'un empoisonnement possible de la planète tout entière.

Comment un chercheur obscur, isolé, mystique, avait-il pu prévoir, ou connaître tout cela ? « D'où te vient ceci, âme de l'homme, d'où te vient ceci ? »

En feuilletant les épreuves du rapport, mon ami se souvenait aussi de ce passage du De Alchima, d'Albert le Grand :

« Si tu as le malheur de t'introduire auprès des princes et des rois, ils ne cesseront de te demander : « Eh bien, maître, comment va l'Œuvre ? Quand verrons-nous enfin quelque chose de bon ? » Et dans leur impatience, ils t'appelleront filou et vaurien et te causeront toutes sortes de désagréments. Et si tu n'arrives pas à bonne fin, tu ressentiras tout l'effet de leur colère. Si tu réussis, au contraire, ils te garderont chez eux dans une captivité perpétuelle dans l'intention de te faire travailler à leur profit. »

Était-ce pour cela que Fulcanelli avait disparu et que les alchimistes de tous les temps avaient gardé jalousement le secret ?

Le premier et le dernier conseil donné par le papyrus Harris était : « Fermez les bouches ! Clôturez les bouches ! »

Des années après Hiroshima, le 17 janvier 1955, Oppenheimer devait déclarer : « Dans un sens profond, qu'aucun ridicule à bon marché ne saurait effacer, nous autres savants avons connu le péché. »

Et mille années avant, un alchimiste chinois écrivait :

« Ce serait un terrible péché que de dévoiler aux soldats le secret de ton art. Fais attention ! Qu'il n'y ait pas même un insecte dans la pièce où tu travailles ! »

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