VI

Un ultimatum aux savants. – Le prophète Horbiger, Copernic du XXe siècle. – La théorie du monde glacé. – Histoire du système solaire. – La fin du Monde. – La Terre et ses quatre lunes. – Apparitions des géants. – Les lunes, les géants et les hommes. – La civilisation de l'Atlantide. – Les cinq cités d'il y a 300 000 ans. – De Tiahuanaco aux momies tibétaines. – La deuxième Atlantide. – Le Déluge. – Dégénérescence et chrétienté. – Nous approchons d'un autre âge. – La loi de la glace et du feu.

Un matin de l'été 1925, le facteur déposa une lettre chez tous les savants d'Allemagne et d'Autriche. Le temps de la décacheter : l'idée de la science sereine était morte, les rêves et les cris des réprouvés emplissaient soudain les laboratoires et les bibliothèques. La lettre était un ultimatum :

« Il faut maintenant choisir, être avec ou contre nous. En même temps qu'Hitler nettoiera la politique, Hans Horbiger balaiera les fausses sciences. La doctrine de la glace éternelle sera le signe de la régénération du peuple allemand. Prenez garde ! Rangez-vous à nos côtés avant qu'il ne soit trop tard ! »

L'homme qui osait ainsi menacer les savants, Hans Horbiger, avait soixante-cinq ans. C'était une sorte de prophète furieux. Il portait une immense barbe blanche et usait d'une écriture à décourager le meilleur graphologue. Sa doctrine commençait à être connue d'un large public sous le nom de la Wel(66). C'était une explication du cosmos en contradiction avec l'astronomie et les mathématiques officielles, mais qui justifiait d'anciens mythes. Pourtant, Horbiger se considérait lui-même comme un savant. Mais la science devait changer de voie et de méthodes. « La science objective est une invention pernicieuse, un totem de décadence. » Il pensait comme Hitler que « la question préalable à toute activité scientifique est de savoir qui veut savoir ». Seul le prophète peut prétendre à la science, car il est, par la vertu de l'illumination, porté à un niveau supérieur de conscience. C'est ce qu'avait voulu dire l'initié Rabelais en écrivant : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. » Il entendait : science sans conscience supérieure. On avait faussé son message, au profit d'une petite conscience humaniste primaire. Quand le prophète veut savoir, alors il peut être question de science, mais c'est autre chose que ce qu'on appelle ordinairement la science. C'est pourquoi Hans Horbiger ne pouvait souffrir le moindre doute, la moindre esquisse de contradiction. Une fureur sacrée l'agitait : « Vous avez confiance dans les équations et non en moi ! hurlait-il. Combien de temps vous faudra-t-il enfin pour comprendre que les mathématiques sont un mensonge sans valeur ? »

Dans l'Allemagne du Herr Doktor, scientiste et technicienne, Hans Horbiger, avec des cris et des coups, livrait passage au savoir illuminé, à la connaissance irrationnelle, aux visions. Il n'était pas le seul ; dans ce domaine, c'est lui qui prenait la vedette. Hitler et Himmler s'étaient attaché un astrologue, mais ne le publiaient pas. Cet astrologue se nommait Führer. Plus tard, après la prise du pouvoir, et comme pour affirmer leur volonté, non seulement de régner, mais de « changer la vie », ils oseraient provoquer eux-mêmes les savants. Ils nommeraient Führer « plénipotentiaire des mathématiques, de l'astronomie et de la physique(67)».

Pour l'heure, Hans Horbiger mettait en œuvre, dans les milieux de l'intelligence, un système comparable à celui des agitateurs politiques.

Il semblait disposer de moyens financiers considérables. Il opérait comme un chef de parti. Il créait un mouvement, avec un service d'informations, des bureaux de recrutement, des cotisations, des propagandistes et des hommes de main recrutés parmi les jeunesses hitlériennes. On couvrait les murs d'affiches, on inondait les journaux de placards, on distribuait massivement des tracts, on organisait des meetings. Les réunions et conférences d'astronomes étaient interrompues par les partisans qui criaient : « Dehors les savants orthodoxes ! Suivez Horbiger ! » Des professeurs étaient molestés dans les rues. Les directeurs des instituts scientifiques recevaient des cartons : « Quand nous aurons gagné, vous et vos semblables irez mendier sur le trottoir. » Des hommes d'affaires, des industriels, avant d'engager un employé, lui faisaient signer une déclaration : « Je jure avoir confiance dans la théorie de la glace éternelle. » Horbiger écrivait aux grands ingénieurs : « Ou bien vous apprendrez à croire en moi, ou bien vous serez traité comme un ennemi. »

En quelques années, le mouvement publia trois gros ouvrages de doctrine, quarante livres populaires, des centaines de brochures. Il éditait un magazine mensuel à fort tirage : La Clef des Événements Mondiaux. Il avait recruté des dizaines de milliers d'adhérents. Il allait jouer un rôle notable dans l'histoire des idées et dans l'histoire tout court.

Au début, les savants protestaient, publiaient lettres et articles démontrant les impossibilités du système d'Horbiger. Ils s'alarmèrent quand la Wel prit les proportions d'un vaste mouvement populaire. Après l'arrivée au pouvoir d'Hitler, la résistance se fit plus mince, quoique les Universités continuassent à enseigner l'astronomie orthodoxe. Des ingénieurs en renom, des savants se rallièrent à la doctrine de la glace éternelle, comme, par exemple, Lenard qui avec Roentgen avait découvert les rayons X, le physicien Oberth, et Stark, dont les recherches sur la spectroscopie étaient mondialement connues. Hitler soutenait ouvertement Horbiger et croyait en lui.

« Nos ancêtres nordiques sont devenus forts dans la neige et la glace, déclarait un tract populaire de la Wel, c'est pourquoi la croyance en la glace mondiale est l'héritage naturel de l'homme nordique. Un Autrichien, Hitler, chassa les politiciens juifs ; un second Autrichien, Horbiger, chassera les savants juifs. Par sa propre vie, le Führer a montré qu'un amateur est supérieur à un professionnel. Il a fallu un autre amateur pour nous donner une compréhension complète de l'Univers. »

Hitler et Horbiger, les « deux plus grands Autrichiens », se rencontrèrent plusieurs fois. Le chef nazi écoutait ce savant visionnaire avec déférence. Horbiger n'admettait pas d'être interrompu dans son discours et répondait fermement à Hitler : La ferme ! « Maul zu ! » Il porta à l'extrémité la conviction d'Hitler : le peuple allemand, dans son messianisme, était empoisonné par la science occidentale, étroite, affaiblissante, détachée de la chair et de l'âme. Des créations récentes, comme la psychanalyse, la sérologie et la relativité étaient des machines de guerre dirigées contre l'esprit de Parsifal. La doctrine de la glace mondiale fournirait le contrepoison nécessaire. Cette doctrine détruisait l'astronomie admise : le reste de l'édifice croulerait ensuite de lui-même, et il fallait qu'il croule pour que renaisse la magie, seule valeur dynamique. Des conférences réunirent les théoriciens du national-socialisme et ceux de la glace éternelle : Rosenberg et Horbiger, entourés de leurs meilleurs disciples.

L'histoire de l'humanité, telle que la décrivait Horbiger, avec les grands déluges et les migrations successives, avec ses géants et ses esclaves, ses sacrifices et ses épopées, répondait à la théorie de la race aryenne. Les affinités de la pensée d'Horbiger avec les thèmes orientaux des âges antédiluviens, des périodes de salut de l'espèce et des périodes de punition, passionnèrent Himmler. À mesure que la pensée d'Horbiger se précisait, des correspondances se révélaient avec les visions de Nietzsche et avec la mythologie wagnérienne. Les origines fabuleuses de la race aryenne, descendue des montagnes habitées par les surhommes d'un autre âge, destinée à commander à la planète et aux étoiles, étaient établies. La doctrine d'Horbiger s'associait étroitement à la pensée du socialisme magique, aux démarches mystiques du groupe nazi. Elle venait nourrir fortement ce que Jung devait appeler plus tard « la libido du déraisonnable ». Elle apportait quelques-unes de ces « vitamines de l'âme » contenues dans les mythes.


C'est en 1913 qu'un nommé Philipp Fauth(68), astronome amateur spécialisé dans l'observation de la Lune, publia avec quelques amis un énorme livre de plus de huit cents pages : La Cosmologie Glaciale de Horbiger. La plus grande partie de l'ouvrage était écrite par Horbiger lui-même.

Horbiger, à cette époque, administrait avec négligence son affaire personnelle. Né en 1860, dans une famille connue au Tyrol depuis des siècles, il avait fait ses études à l'École de technologie de Vienne et un stage d'études pratiques à Budapest. Dessinateur chez le constructeur de machines à vapeur Alfred Collman, il était entré ensuite comme spécialiste des compresseurs chez Land, à Budapest. C'est là qu'il avait inventé, en 1894, un nouveau système de robinet pour pompes et compresseurs. La licence avait été vendue à de puissantes sociétés allemandes et américaines, et Horbiger s'était trouvé soudain à la tête d'une grande fortune que la guerre allait bientôt disperser.

Horbiger se passionnait pour les applications astronomiques des changements d'état de l'eau : liquide, glace, vapeur qu'il avait eu l'occasion d'étudier dans sa profession. Il prétendait expliquer par là toute la cosmographie et toute l'astrophysique. De brusques illuminations, des intuitions fulgurantes lui avaient ouvert les portes, disait-il, d'une science nouvelle qui contenait toutes les autres sciences. Il allait devenir un des grands prophètes de l'Allemagne messianique, et, comme on devait l'écrire après sa mort : « Un découvreur de génie béni par Dieu. »


La doctrine d'Horbiger tire sa puissance d'une vision complète de l'histoire et de l'évolution du cosmos. Elle explique la formation du système solaire, la naissance de la terre, de la vie et de l'esprit. Elle décrit tout le passé de l'univers et annonce ses transformations futures. Elle répond aux trois interrogations essentielles : Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Et elle y répond de façon exaltante.

Tout repose sur l'idée de la lutte perpétuelle, dans les espaces infinis, entre la glace et le feu, et entre la force de répulsion et la force d'attraction. Cette lutte, cette tension changeante entre des principes opposés, cette éternelle guerre dans le ciel, qui est la loi des planètes, régit aussi la terre et la matière vivante et détermine l'histoire humaine. Horbiger prétend révéler le plus lointain passé de notre globe et son plus lointain avenir, et il introduit des notions fantastiques sur l'évolution des espèces vivantes. Il bouleverse ce que nous pensons généralement de l'histoire des civilisations, de l'apparition et du développement de l'homme et de ses sociétés. Il ne décrit pas, à ce propos, une montée continue mais une série d'ascensions et de chutes. Des hommes-dieux, des géants, des civilisations fabuleuses nous auraient précédés, voici des centaines de milliers d'années, et peut-être des millions d'années. Ce qu'étaient les ancêtres de notre race, nous le redeviendrons peut-être, à travers des cataclysmes et des mutations extraordinaires, au cours d'une histoire qui, sur terre comme dans le cosmos, se déroule par cycles. Car les lois du ciel sont les mêmes que les lois de la terre, et l'univers tout entier participe du même mouvement, est un organisme vivant où tout retentit sur tout. L'aventure des hommes est liée à l'aventure des astres, ce qui se passe dans le cosmos se passe sur terre, et réciproquement.

Comme on le voit, cette doctrine des cycles et des relations quasi magiques entre l'homme et l'univers donne de la force à la plus lointaine pensée traditionnelle. Elle réintroduit les très vieilles prophéties, les mythes et les légendes, les anciens thèmes de la Genèse, du Déluge, des Géants et des Dieux.

Cette doctrine, comme on le comprendra mieux tout à l'heure, est en contradiction avec toutes les données de la science admise. Mais, disait Hitler, « il y a une Science nordique et nationale-socialiste qui s'oppose à la science judéo-libérale ». La science admise en Occident, comme d'ailleurs la religion judéo-chrétienne qui y trouve des complicités, est une conjuration qu'il faut briser. C'est une conjuration contre le sens de l'épopée et du magique qui réside au cœur de l'homme fort, une vaste conspiration qui ferme à l'humanité les portes du passé et celles de l'avenir au-delà du court espace des civilisations recensées, qui l'ampute de ses origines et de son destin fabuleux et qui la prive du dialogue avec ses dieux.


Les savants admettent généralement que notre univers a été créé par une explosion, voici trois ou quatre milliards d'années. Explosion de quoi ? Le cosmos tout entier était peut-être contenu dans un atome, point zéro de la création. Cet atome aurait explosé et serait depuis en constante expansion. En lui auraient été contenues toute la matière et toutes les forces aujourd'hui déployées. Mais dans cette hypothèse, on ne saurait pourtant dire qu'il s'agit du commencement absolu de l'Univers. Les théoriciens de l'expansion de l'univers à partir de cet atome réservent le problème de son origine. Somme toute, la science ne déclare là-dessus rien de plus précis que l'admirable poème indien : « Dans l'intervalle entre dissolution et création, Vishnou-Cesha reposait en sa propre substance, lumineux d'énergie dormante, parmi les germes des vies à venir. »

En ce qui concerne la naissance de notre système solaire, les hypothèses sont aussi floues. On a imaginé que les planètes seraient nées d'une explosion partielle du soleil. Un grand corps astral serait passé à proximité, arrachant une partie de la substance solaire qui se serait dispersée dans l'espace et comme figée en planètes. Puis, le grand corps, le super-astre inconnu, continuant sa course, se serait noyé dans l'infini. On a imaginé encore l'explosion d'un jumeau de notre soleil. Le professeur H.-N. Roussel, résumant la question, écrit avec humour : « Jusqu'à ce que nous sachions comment la chose est arrivée, la seule chose réellement sûre, c'est que le système solaire s'est produit d'une certaine façon. »

Horbiger, lui, prétend savoir comment la chose est arrivée. Il détient l'explication définitive. Dans une lettre à l'ingénieur Willy Ley, il confirme que cette explication lui a sauté aux yeux dans sa jeunesse. « J'ai eu la révélation, dit-il, lorsque, jeune ingénieur, j'ai observé un jour une coulée d'acier fondu sur de la terre mouillée et couverte de neige : la terre explosait avec un certain retard et une grande violence. » C'est tout. À partir de cela, la doctrine d'Horbiger va s'élever et foisonner. C'est la pomme de Newton.

Il y avait dans le ciel un énorme corps à haute température, des millions de fois plus grand que notre soleil actuel. Ce corps entra en collision avec une planète géante constituée par une accumulation de glace cosmique. Cette masse de glace pénétra profondément dans le super-soleil. Il ne se produisit rien pendant des centaines de milliers d'années. Puis, la vapeur d'eau fit tout exploser.

Des fragments furent projetés si loin qu'ils allèrent se perdre dans l'espace glacé.

D'autres retombèrent sur la masse centrale d'où était partie l'explosion.

D'autres enfin furent projetés dans une zone moyenne : ce sont les planètes de notre système. Il y en avait trente. Ce sont des blocs qui se sont à peu près couverts de glace. La Lune, Jupiter, Saturne sont de glace, et les canaux de Mars sont des craquelures de la Glace. Seule la Terre n'est pas entièrement saisie par le froid : la lutte s'y perpétue entre la glace et le feu.

À une distance égale à trois fois celle de Neptune se trouvait, au moment de cette explosion, un énorme anneau de glace. Il s'y trouve toujours. C'est ce que les astronomes officiels s'entêtent à nommer la Voie lactée, parce que quelques étoiles semblables à notre soleil, dans l'espace infini, brillent à travers. Quant aux photographies d'étoiles individuelles dont l'ensemble donnerait une Voie lactée, ce sont des truquages.

Les taches que l'on observe sur le soleil, et qui changent de forme et de place tous les onze ans, demeurent inexplicables pour les savants orthodoxes. Elles sont produites par la chute de blocs de glace qui se détachent de Jupiter. Et Jupiter boucle son cercle autour du soleil tous les onze ans.

Dans la zone moyenne de l'explosion, les planètes du système auquel nous appartenons obéissent à deux forces :

– La force première de l'explosion, qui les éloigne ;

– La gravitation qui les attire vers la masse la plus forte située dans leur voisinage.

Ces deux forces ne sont pas égales. La force de l'explosion initiale va en diminuant, car l'espace n'est pas vide : il y a une matière ténue, faite d'hydrogène et de vapeur d'eau. En outre, l'eau qui atteint le soleil remplit l'espace de cristaux de glace. Ainsi, la force initiale, de répulsion, se trouve de plus en plus freinée. Par contre, la gravitation est constante. C'est pourquoi chaque planète se rapproche de la planète la plus proche qui l'attire. Elle s'en rapproche en circulant autour, ou plutôt en décrivant une spirale qui va se rétrécissant. Ainsi, tôt ou tard, toute planète tombera sur la plus proche, et tout le système finira par retomber en glace dans le soleil. Et il y aura une nouvelle explosion, et un recommencement.

Glace et feu, répulsion et attraction luttent éternellement dans l'Univers. Cette lutte détermine la vie, la mort et la renaissance perpétuelle du cosmos. Un écrivain allemand, Elmar Brugg, a écrit en 1952 un ouvrage à la gloire d'Horbiger, dans lequel il dit :

« Aucune des doctrines de représentation de l'Univers ne faisait entrer en jeu le principe de contradiction, de lutte de deux forces contraires, dont pourtant l'âme des hommes est nourrie depuis des millénaires. Le mérite impérissable d'Horbiger est d'avoir ressuscité puissamment la connaissance intuitive de nos ancêtres par le conflit éternel du feu et de la glace, chanté par Edda. Il a exposé ce conflit aux regards de ses contemporains. Il a fondé scientifiquement cette image grandiose du monde liée au dualisme de la matière et de la force, de la répulsion qui disperse et de l'attraction qui rassemble. »

C'est donc certain : la Lune finira par tomber sur la Terre. Il y a un moment, quelques dizaines de millénaires, où la distance d'une planète à l'autre semble fixe. Mais nous allons pouvoir nous rendre compte que la spirale se rétrécit. Peu à peu, dans le cours des âges, la Lune se rapprochera. La force de gravitation qu'elle exerce sur la Terre ira en augmentant. Alors les eaux de nos océans se rassembleront en une marée permanente, et elles monteront, couvrant les terres, noyant les tropiques et cernant les plus hautes montagnes. Les êtres vivants se trouveront progressivement soulagés de leur poids. Ils grandiront. Les rayons cosmiques deviendront plus puissants. Agissant sur les gènes et les chromosomes, ils créeront des mutations. On verra apparaître de nouvelles races, des animaux, des plantes et des hommes gigantesques.

Puis, s'approchant encore, la Lune éclatera, tournant à toute vitesse, et elle deviendra un immense anneau de rocs, de glace, d'eau et de gaz, tournant de plus en plus vite. Enfin cet anneau s'abattra sur la Terre, et ce sera la Chute, l'Apocalypse annoncée. Mais si les hommes subsistent, les plus forts, les meilleurs, les élus, d'étranges et formidables spectacles leur sont réservés. Et peut-être le spectacle final.

Après des millénaires sans satellite où la Terre aura connu d'extraordinaires imbrications de races anciennes et nouvelles, de civilisations venues des géants, de recommencements au-delà du Déluge et des immenses cataclysmes, Mars, plus petit que notre globe, finira par le rejoindre. Il rattrapera l'orbite de la Terre. Mais il est trop gros pour être capturé, pour devenir, comme la Lune, un satellite. Il passera tout près de la Terre, il la frôlera en s'en allant tomber sur le soleil, attiré par lui, aspiré par le feu. Alors notre atmosphère se trouvera d'un seul coup happée, entraînée par la gravitation de Mars, et nous quittera pour se perdre dans l'espace. Les océans tourbillonneront en bouillonnant à la surface de la Terre, lavant tout, et la croûte terrestre éclatera. Notre globe, mort, continuant à spiraler, sera rattrapé par des planétoïdes glacés qui voguent dans le ciel, et il deviendra une énorme boule de glace qui s'en ira se jeter à son tour dans le soleil. Après la collision, ce sera le grand silence, la grande immobilité, tandis que la vapeur d'eau s'accumulera, durant des millions d'années, à l'intérieur de la masse flamboyante. Enfin, il y aura une nouvelle explosion pour d'autres créations dans l'éternité des forces ardentes du cosmos.

Tel est le destin de notre système solaire dans la vision de l'ingénieur autrichien que les dignitaires nationaux-socialistes appelaient : « Le Copernic du XXe siècle. » Nous allons maintenant décrire cette vision appliquée à l'histoire passée, présente et à venir de la Terre et des hommes. C'est une histoire qui, à travers « les yeux d'orage et de bataille » du prophète Horbiger, ressemble à une légende, pleine de révélations fabuleuses et de formidables étrangetés.


C'était en 1948, je croyais en Gurdjieff et l'une de ses fidèles disciples m'avait aimablement invité à passer quelques semaines chez elle, avec ma famille, en montagne. Cette femme avait une réelle culture, une formation de chimiste, l'intelligence aiguisée et le caractère ferme. Elle venait en aide aux artistes et aux intellectuels. Après Luc Dietrich et René Daumal, je devais contracter envers elle une dette de reconnaissance. Elle n'avait rien de la disciple folle, et l'enseignement de Gurdjieff, qui séjournait parfois chez elle, lui parvenait à travers le crible de la raison. Pourtant, un jour, je la pris, ou je crus la prendre en flagrant délit de déraison. Elle m'ouvrit soudain les abîmes de son délire, et je demeurai muet et terrifié devant elle, comme devant une agonie. Une nuit étincelante et froide tombait sur la neige, et nous devisions tranquillement, accoudés au balcon du chalet. Nous regardions les astres, comme on les regarde en montagne, éprouvant une solitude absolue qui est angoissante ailleurs et ici purificatrice. Les reliefs de la lune apparaissaient nettement.

« Il faudrait plutôt dire une lune, fit mon hôtesse, une des lunes…

— Que voulez-vous dire ?

— Il y a eu d'autres lunes dans le ciel. Celle-ci est la dernière, simplement…

— Quoi ? Il y aurait eu d'autres lunes que celle-ci ?

— C'est certain. M. Gurdjieff le sait, et d'autres le savent.

— Mais enfin, les astronomes…

— Oh ! si vous vous fiez aux scientistes !… »

Son visage était paisible et elle souriait avec un rien de pitié. De ce jour, je cessai de me sentir de plain-pied avec certains amis de Gurdjieff que j'estimais. Ils devinrent à mes yeux des êtres fragiles et inquiétants et je sentis qu'un des fils qui me reliaient à cette famille venait de se rompre. Quelques années plus tard, en lisant le livre de Gurdjieff : Les Récits de Belzébuth, et en découvrant la cosmogonie de Horbiger, je devais comprendre que cette vision, ou plutôt cette croyance, n'était pas une simple cabriole dans le Fantastique. Il y avait une certaine cohérence entre cette bizarre histoire de lunes et la philosophie du surhomme, la psychologie des « états supérieurs de conscience », la mécanique des mutations. On retrouvait enfin dans les traditions orientales cette histoire et l'idée que des hommes, voici des millénaires, avaient pu observer un autre ciel que le nôtre, d'autres constellations, un autre satellite.

Gurdjieff n'avait-il fait que s'inspirer de Horbiger qu'il connaissait sûrement ? Ou bien avait-il puisé à des sources anciennes de savoir, traditions ou légendes, que Horbiger avait recoupées comme par accident au cours de ses illuminations pseudo-scientifiques ?

J'ignorais, sur ce balcon du chalet de montagne, que mon hôtesse exprimait une croyance qui avait été celle de milliers d'hommes dans l'Allemagne hitlérienne encore ensevelie sous les ruines, à cette époque encore sanglante, encore fumante parmi les débris de ses grands mythes. Et mon hôtesse, dans cette belle nuit claire et calme, l'ignorait aussi.


Ainsi, selon Horbiger, la Lune, celle que nous voyons, ne serait que le dernier satellite capté par la terre, le quatrième. Notre globe, au cours de son histoire, en aurait déjà capté trois. Trois masses de glace cosmique errant dans l'espace auraient, tour à tour, rattrape notre orbite. Elles se seraient mises à spiraler autour de la terre en s'en rapprochant, puis se seraient abattues sur nous. Notre Lune actuelle s'effondrera aussi sur la terre. Mais, cette fois, la catastrophe sera plus grande, car ce dernier satellite glacé est plus gros que les précédents. Toute l'histoire du globe, l'évolution des espèces et toute l'histoire humaine trouvent leur explication dans cette succession des lunes dans notre ciel.

Il y a eu quatre époques géologiques, car il y a eu quatre lunes. Nous sommes dans le quaternaire. Quand une lune s'abat, elle a d'abord éclaté, et, tournant de plus en plus vite, s'est transformée en un anneau de rocs, de glace et de gaz. C'est cet anneau qui tombe sur la terre, recouvrant en cercle la croûte terrestre et fossilisant tout ce qui se trouve sous lui. Les organismes enterrés ne se fossilisent pas, en période normale : ils pourrissent. Ils ne se fossilisent qu'au moment où s'effondre une lune. Voici pourquoi nous avons pu recenser une époque primaire, une époque secondaire et une époque tertiaire. Cependant, comme il s'agit d'un anneau, nous n'avons que des témoignages très fragmentaires sur l'histoire de la vie sur la terre. D'autres espèces animales et végétales ont pu naître et disparaître, au long des âges, sans qu'il en reste trace dans les couches géologiques. Mais la théorie des lunes successives permet d'imaginer les modifications subies dans le passé par les formes vivantes. Elle permet aussi de prévoir les modifications à venir.

Durant la période où le satellite se rapproche, il y a un moment de quelques centaines de milliers d'années où il tourne autour de la terre à une distance de quatre à six rayons terrestres. En comparaison avec la distance de notre lune actuelle, il est à portée de la main. La gravitation se trouve donc considérablement changée. Or, c'est la gravitation qui donne aux êtres leur taille. Ils ne grandissent qu'en fonction du poids qu'ils peuvent supporter.

Au moment où le satellite est proche, il y a donc une période de gigantisme.

À la fin du primaire : les immenses végétaux, les insectes gigantesques.

À la fin du secondaire : les diplodocus, les iguanodons, les animaux de trente mètres. Des mutations brusques se produisent, car les rayons cosmiques sont plus puissants. Les êtres, soulagés de leur poids, se dressent, les boîtes crâniennes s'élargissent, des bêtes se mettent à voler. Peut-être, à la fin du secondaire, des mammifères géants sont-ils apparus. Et peut-être les premiers hommes, créés par mutation. Il faudrait situer cette période à la fin du secondaire, au moment où la deuxième lune tourne à proximité du globe, à environ quinze millions d'années. C'est l'âge de notre ancêtre, le géant. Mme Blavatsky, qui prétendait avoir eu communication du Livre des Dzyan, texte qui serait le plus ancien de l'humanité et qui raconterait l'histoire des origines de l'homme, assurait aussi qu'une première race humaine, gigantesque, serait apparue au secondaire : « L'homme secondaire sera découvert un jour, et avec lui ses civilisations depuis longtemps englouties. »

Dans une nuit des temps infiniment plus épaisse que nous ne le pensions, voici donc, sous une lune différente, dans un monde de monstres, ce premier homme immense qui ne nous ressemble qu'à peine et dont l'intelligence est autre que la nôtre. Le premier homme, et peut-être le premier couple humain, des jumeaux expulsés d'une matrice animale, par un prodige des mutations qui se multiplient quand les rayons cosmiques sont gigantesques. La Genèse nous dit que les descendants de cet ancêtre vivaient de cinq cents à neuf cents ans : c'est que l'allégement du poids diminue l'usure de l'organisme. Elle ne nous parle pas de géants, mais les traditions juives et musulmanes réparent abondamment cette omission. Enfin, des disciples d'Horbiger soutiennent que des fossiles du l'homme secondaire auraient été découverts récemment en Russie.

Quelles auraient été les formes de civilisations du géant, il y a quinze millions d'années ? On imagine des assemblées et des façons d'être calquées sur les insectes géants venus du primaire et dont nos insectes d'aujourd'hui, très étonnants encore, sont les descendants dégénérés. On imagine de grands pouvoirs de communication à distance, des civilisations fondées sur le modèle des centrales d'énergie psychique et matérielle que forment par exemple les termitières, lesquelles posent à l'observateur tant de problèmes bouleversants sur les domaines inconnus des infrastructures – ou des superstructures – de l'intelligence.


Cette deuxième lune va se rapprocher encore, éclater en anneau et s'abattre sur la terre qui va connaître une nouvelle et longue période sans satellite. Dans les lointains espaces, une formation glaciaire spirale rejoindra l'orbite de la terre qui captera ainsi une nouvelle lune. Mais, dans cette période où nulle grosse boule ne brille au-dessus des têtes, seuls survivent quelques spécimens des mutations qui se sont produites à la fin du secondaire, et qui vont subsister en diminuant de proportions. Il y a encore des géants, qui s'adaptent. Quand la lune tertiaire paraît, des hommes ordinaires ont été formés, plus petits, moins intelligents : nos véritables ancêtres. Mais les géants issus du secondaire et ayant traversé le cataclysme existent encore et ce sont eux qui vont civiliser les petits hommes.

L'idée que les hommes, partant de la bestialité et de la sauvagerie, se sont lentement élevés jusqu'à la civilisation, est une idée récente. C'est un mythe judéo-chrétien, imposé aux consciences, pour chasser un mythe plus puissant et plus révélateur. Quand l'humanité était plus fraîche, plus proche de son passé, au temps où nulle conspiration bien ourdie ne l'avait encore chassée de sa propre mémoire, elle savait qu'elle descendait des dieux, des rois géants qui lui avaient tout appris. Elle se souvenait d'un âge d'or où les supérieurs, nés avant elle, lui enseignaient l'agriculture, la métallurgie, les arts, les sciences et le maniement de l'Âme. Les Grecs évoquaient l'âge de Saturne et la reconnaissance que leurs ancêtres vouaient à Hercule. Les Égyptiens et les Mésopotamiens entretenaient les légendes des rois géants initiateurs. Les peuplades que nous appelons aujourd'hui « primitives », les indigènes du Pacifique, par exemple, mêlent à leur religion sans doute abâtardie, le culte des bons géants du début du monde. Dans notre époque où toutes les données de l'esprit et de la connaissance ont été inverties, les hommes qui ont accompli le formidable effort d'échapper aux manières de penser admises, retrouvent à la source de leur intelligence la nostalgie des temps heureux de l'aube des âges, d'un paradis perdu, le souvenir voilé d'une initiation primordiale.

De la Grèce à la Polynésie, de l'Égypte au Mexique et à la Scandinavie, toutes les traditions rapportent que les hommes furent initiés par des géants. C'est l'âge d'or du tertiaire, qui dure plusieurs millions d'années au cours desquelles la civilisation morale, spirituelle et peut-être technique, atteint son apogée sur le globe.


Quand les géants étaient encore mêlés aux hommes

Dans les temps où jamais personne ne parla


écrit Hugo en proie à une extraordinaire illumination.


La lune tertiaire, dont la spirale se rétrécit, se rapproche de la terre. Les eaux montent, aspirées par la gravitation du satellite, et les hommes, il y a plus de neuf cent mille ans, se hissent vers les plus hauts sommets montagneux avec des géants, leurs rois. Sur ces sommets, au-dessus des océans soulevés qui forment un bourrelet autour de la terre, les hommes et leurs Supérieurs vont établir une civilisation maritime mondiale dans laquelle Horbiger et son disciple anglais Bellamy voient la civilisation atlantidéenne.

Bellamy relève, dans les Andes, à quatre mille mètres, des traces de sédiments marins qui se prolongent sur sept cents kilomètres. Les eaux de la fin du tertiaire montaient jusque-là et l'un des centres civilisés de cette période aurait été Tiahuanaco, près du lac Titicaca. Les ruines de Tiahuanaco témoignent d'une civilisation des centaines de fois millénaire, et qui ne ressemble en rien aux civilisations postérieures(69). Les traces des géants y sont, pour les horbigériens, visibles, ainsi que leurs inexplicables monuments. On y trouve, par exemple, une pierre de neuf tonnes, creusée par six faces de mortaises de trois mètres de haut qui demeurent incompréhensibles pour les architectes, comme si leur rôle avait été depuis oublié par tous les constructeurs de l'histoire. Des portiques ont trois mètres de haut et quatre de large, et ils sont taillés dans une seule pierre, avec des portes, des fausses fenêtres et des sculptures découpées au ciseau, le tout pesant dix tonnes. Des pans de murs, encore debout, pèsent soixante tonnes, soutenus par des blocs de grès de cent tonnes, enfoncés comme des coins dans la terre. Parmi ces ruines fabuleuses s'élèvent des statues gigantesques dont une seule a été descendue et placée dans le jardin du musée de La Paz. Elle a huit mètres de haut et pèse vingt tonnes. Tout invite les horbigériens à voir dans ces statues des portraits de géants exécutés par eux-mêmes.

« Des lignes du visage vient à nos yeux, et même jusqu'à notre cœur, une expression de souveraine bonté et de souveraine sagesse. Une harmonie de tout l'être sort de l'ensemble du colosse dont les mains et le corps hautement stylisés sont établis en un équilibre qui a une qualité morale. Du repos et de la paix émanent du merveilleux monolithe. Si c'est là le portrait d'un des rois géants qui ont gouverné ce peuple, on ne peut que penser à ce début de phrase de Pascal : “Si Dieu nous donnait des maîtres de sa main…” »

Si ces monolithes ont bien été découpés et mis en place par les géants à l'intention de leurs apprentis les hommes, si les sculptures d'une extrême abstraction, d'une stylisation si poussée qu'elle confond notre propre intelligence, ont bien été exécutées par ces Supérieurs, nous retrouvons là l'origine des mythes selon lesquels les arts ont été donnés aux hommes par des dieux, et la clé des diverses mystiques de l'inspiration esthétique.

Parmi ces sculptures figurent des stylisations d'un animal, le todoxon, dont des ossements ont été découverts dans les ruines de Tiahuanaco. Or, on sait que le todoxon n'a pu vivre qu'au tertiaire. Enfin, dans ces ruines qui précéderaient de cent mille ans la fin du tertiaire, enfoncé dans la vase séchée, il y a un portique de dix tonnes dont les décorations ont été étudiées par l'archéologue allemand Kiss, disciple de Horbiger, entre 1928 et 1937. Il s'agirait d'un calendrier réalise d'après les observations des astronomes du tertiaire. Ce calendrier exprime des données scientifiques rigoureuses. Il est divisé en quatre parties séparées par les solstices et les équinoxes qui marquent les saisons astronomiques. Chacune de ces saisons est elle-même divisée en trois sections, et dans ces douze subdivisions, la position de la Lune est visible pour chaque heure du jour. En outre, les deux mouvements du satellite, son mouvement apparent et son mouvement réel, compte tenu de la rotation de la Terre, sont indiqués sur ce fabuleux portique sculpté, de sorte qu'il convient de penser que réalisateurs et utilisateurs du calendrier étaient d'une culture supérieure à la nôtre.

Tiahuanaco, à plus de quatre mille mètres dans les Andes, était donc une des cinq grandes cités de la civilisation maritime à la fin du tertiaire bâties par les géants conducteurs des hommes. Les disciples d'Horbiger y retrouvent les vestiges d'un grand port, avec ses quais énormes, d'où les Atlantes, puisqu'il s'agit sans doute de l'Atlantide, partaient, à bord de vaisseaux perfectionnés, faire le tour du monde sur le bourrelet des océans et toucher les quatre autres grands centres : Nouvelle-Guinée, Mexique, Abyssinie, Tibet. Ainsi cette civilisation était-elle étendue à tout le globe, ce qui explique les ressemblances entre les plus anciennes traditions recensées de l'humanité.

À l'extrême degré de l'unification, du raffinement des connaissances et des moyens, les hommes et leurs rois géants savent que la spirale de cette troisième lune se rétrécit et que le satellite s'abattra finalement, mais ils ont conscience des relations de toutes choses dans le cosmos, des rapports magiques de l'être avec l'univers et sans doute mettent-ils en œuvre certains pouvoirs, certaines énergies individuelles et sociales, techniques et spirituelles pour retarder le cataclysme et prolonger cet âge atlantidéen, dont le souvenir estompé demeurera, à travers les millénaires.


Lorsque la lune tertiaire s'abattra, les eaux redescendront brusquement, mais des bouleversements avant-coureurs auront déjà endommagé cette civilisation. Les océans abaissés, les cinq grandes cités, dont cette Atlantide des Andes, disparaîtront, isolées, asphyxiées par la retombée des eaux. Les vestiges sont plus nets à Tiahuanaco, mais les horbigériens en décèlent ailleurs.

Au Mexique, les Toltèques ont laissé des textes sacrés qui décrivent l'histoire de la terre conformément à la thèse d'Horbiger.

En Nouvelle-Guinée, les indigènes malekula continuent sans plus savoir ce qu'ils font, d'élever d'immenses pierres sculptées de plus de dix mètres de haut, représentant l'ancêtre supérieur, et leur tradition orale, qui fait de la lune la créatrice du genre humain, annonce la chute du satellite.

D'Abyssinie seraient descendus les géants méditerranéens après le cataclysme, et la tradition fait de ce haut plateau le berceau du peuple juif et la patrie de la reine de Saba, détentrice des anciennes sciences.

Enfin, on sait que le Tibet est un réservoir de très vieilles connaissances fondées sur le psychisme. Venant comme pour confirmer la vision des horbigériens, un curieux ouvrage est paru en Angleterre et en France en 1957. Cet ouvrage, intitulé Le Troisième Œil, est signé Lobsang Rampa. L'auteur assure être un lama ayant atteint le dernier degré d'initiation. Il se pourrait qu'il fût un des Allemands envoyés en mission spéciale au Tibet par les chefs nazis(70). Il décrit sa descente, sous la conduite de trois grands métaphysiciens lamaïstes, dans une crypte de Lhassa ou résiderait le véritable secret du Tibet.

« Je vis trois cercueils en pierre noire décorés du gravures et d'inscriptions curieuses. Ils n'étaient pas fermés. En jetant un coup d'œil à l'intérieur, j'eus le souffle coupé.

« — Regarde, mon fils, me dit le doyen des Abbés. Ils vivaient comme des dieux dans notre pays à l'époque où il n'y avait pas encore de montagnes. Ils arpentaient notre sol quand les mers baignaient nos rivages et quand d'autres étoiles brillaient dans nos cieux. Regarde bien, car seuls les initiés les ont vus.

« J'obéis, j'étais à la fois fasciné et terrifié. Trois corps nus, recouverts d'or, étaient allongés sous mes yeux. Chacun de leurs traits était fidèlement reproduit par l'or. Mais ils étaient immenses ! La femme mesurait plus de trois mètres et le plus grand des hommes pas moins de cinq. Ils avaient de grandes têtes, légèrement coniques au sommet, une mâchoire étroite, une bouche petite et des lèvres minces. Le nez était long et fin, les yeux droits et profondément enfoncés… J'examinai le couvercle d'un des cercueils. Une carte des cieux, avec des étoiles très étranges, y était gravée(71). »

Et il écrit encore, après cette descente dans la crypte :

« Autrefois, des milliers et des milliers d'années auparavant, les jours étaient plus courts et plus chauds. Des civilisations grandioses s'édifièrent et les hommes étaient plus savants qu'à notre époque. De l'espace extérieur surgit une planète, qui frappa obliquement la terre. Des vents agitèrent les mers, qui, sous des poussées gravitationnelles diverses, se déversèrent sur la terre. L'eau recouvrit le monde qui fut secoué de tremblements et le Tibet cessa d'être un pays chaud, une station maritime. »


Bellamy, archéologue horbigérien, retrouve autour du lac Titicaca les traces des catastrophes qui précédèrent la chute de la lune tertiaire : cendres volcaniques, dépôts provenant d'inondations soudaines. C'est le moment où le satellite va éclater en un anneau et tourner follement à toute petite distance de la terre avant de s'abattre. Autour de Tiahuanaco, des ruines évoquent des chantiers brusquement abandonnés, outils éparpillés. La haute civilisation atlantidéenne connaît, durant quelques milliers d'années, les attaques des éléments, et elle s'effrite. Puis, voici cent cinquante mille ans, le grand cataclysme se produit, la lune tombe, un effroyable bombardement atteint la terre. L'attraction cesse, le bourrelet des océans retombe d'un seul coup, les mers se retirent, redescendent. Les sommets qui étaient de grandes stations maritimes, se trouvent isolés à l'infini par des marécages. L'air se raréfie, la chaleur s'en va. L'Atlantide ne meurt pas engloutie, mais au contraire abandonnée par les eaux. Les navires sont emportés et détruits, les machines s'étouffent ou explosent, la nourriture qui venait de l'extérieur fait défaut, la mort absorbe des myriades d'êtres, les savants et les sciences ont disparu, l'organisation sociale est anéantie. Si la civilisation atlantidéenne avait atteint le plus haut degré possible de perfection sociale et technique, de hiérarchie et d'unification, elle a pu se volatiliser en un rien de temps, sans presque laisser de traces. Que l'on songe à ce qui pourrait être l'effondrement de notre propre civilisation dans quelques centaines d'années, ou même dans quelques années. Les outils émetteurs d'énergie, comme les outils transmetteurs se simplifient de plus en plus, et les relais se multiplient. Chacun de nous possédera bientôt des relais d'énergie nucléaire, par exemple, ou vivra à proximité de ces relais : usines ou machines, jusqu'au jour où il suffira d'un accident à la source pour que tout se volatilise en même temps sur l'immense chaîne de ces relais : hommes, cités, nations. Ce qui serait épargné serait justement ce qui n'a pas de contact avec cette haute civilisation technique. Et les sciences clés, de même que les clés du pouvoir, disparaîtraient d'un coup, en raison même de l'extrême degré des spécialisations. Ce sont les civilisations les plus grandes qui s'engloutissent en un instant, sans rien y transmettre. Cette vision est irritante pour l'esprit, mais elle risque d'être juste. Ainsi peut-on songer que les centrales et les relais de l'énergie psychique, qui était peut-être à la base de la civilisation du tertiaire, sautent d'un seul coup, tandis que des déserts de vase cernent ces sommets maintenant refroidis et où l'air devient irrespirable. Plus simplement, la civilisation maritime, avec ses Supérieurs, ses vaisseaux, ses échanges, s'évanouit dans le cataclysme.

Il reste aux survivants à descendre vers les plaines marécageuses que vient de découvrir la mer, vers les immenses tourbières du continent nouveau, à peine encore libéré par le retrait des eaux tumultueuses, où n'apparaîtra que dans des millénaires une végétation utilisable. Les rois géants sont à la fin de leur règne ; les hommes sont redevenus sauvages, et ils s'enfoncent avec leurs derniers dieux déchus dans les profondes nuits sans lune que va maintenant connaître le globe.


Les géants qui, depuis des millions d'années, habitaient ce monde, pareils aux dieux qui vont hanter nos légendes, beaucoup plus tard, ont perdu leur civilisation. Les hommes sur lesquels ils régnaient sont redevenus des brutes. Cette humanité retombée, derrière ses maîtres sans pouvoir, se disperse en hordes dans les déserts de vase. Cette chute daterait de cent cinquante mille ans, et Horbiger calcule que notre globe demeure sans satellite durant cent trente-huit mille ans. Au cours de cette immense période, des civilisations renaissent sous la conduite des derniers rois géants. Elles s'établissent sur des plaines élevées, entre le quarantième et le soixantième degré de latitude nord, tandis que sur les cinq hauts sommets du tertiaire demeure quelque chose du lointain âge d'or. Il y aurait donc eu deux Atlantides : celle des Andes, rayonnant sur le monde, avec ses quatre autres points. Et celle de l'Atlantique Nord, beaucoup plus modeste, fondée longtemps après la catastrophe par les descendants des géants. Cette thèse des deux Atlantides permet d'intégrer toutes les traditions et anciens récits. C'est de cette seconde Atlantide que parle Platon.

Voici douze mille ans, la terre capte un quatrième satellite : notre lune actuelle. Une nouvelle catastrophe se produit. Notre globe prend sa forme renflée aux tropiques. Les mers du nord et du sud refluent vers le milieu de la terre et les âges glaciaires recommencent au nord, sur les plaines dénudées par l'appel d'air et d'eau de la lune commençante. La deuxième civilisation atlantidéenne, plus petite que la première, disparaît en une nuit, engloutie par les eaux du nord. C'est le Déluge dont notre Bible garde le souvenir. C'est la Chute dont se souviennent les hommes chassés en même temps du paradis terrestre des tropiques. Pour les horbigériens, les mythes de la Genèse et du Déluge sont à la fois des souvenirs et des prophéties puisque les événements cosmiques se reproduiront. Et le texte de l'Apocalypse, qui n'a jamais été expliqué, serait une traduction fidèle des catastrophes célestes et terrestres observées par les hommes au cours des âges et conformes à la théorie horbigérienne.

Dans cette nouvelle période de lune haute, les géants vivants dégénèrent. Les mythologies sont pleines de luttes de géants entre eux, de combats entre hommes et géants. Ceux qui avaient été des rois et des dieux, écrasés maintenant par le poids du ciel, épuisés, deviennent des monstres qu'il faut chasser. Ils tombent d'autant plus bas qu'ils avaient monté haut. Ce sont les ogres des légendes. Ouranos et Saturne dévorent leurs enfants, David tue Goliath. On voit, comme dit encore Hugo :


… d'affreux géants très bêtes

Vaincus par des nains pleins d'esprit.


C'est la mort des dieux. Les Hébreux, lorsqu'ils vont entrer en Terre Promise, découvriront le lit de fer monumental d'un roi géant disparu :

« Et voyez, son lit était de fer, de neuf coudées de long et de quatre de large. » (Deutéronome.)

L'astre de glace qui éclaire nos nuits a été capté par la terre et tourne autour d'elle. Notre lune est née. Depuis douze mille ans, nous n'avons pas fini de lui rendre un culte vague, chargé d'inconscients souvenirs, de lui vouer une inquiète attention dont nous ne comprenons pas très bien le sens. Nous n'avons pas fini de sentir, quand nous la contemplons, quelque chose remuer au fond de notre mémoire plus vaste que nous-mêmes. Les antiques dessins chinois représentent le dragon lunaire menaçant la terre. On lit dans les Nombres (XIII, 33) : « Et là, nous vîmes les géants, les fils d'Anak qui viennent des géants, et à nos yeux nous étions devant eux comme des sauterelles – et à leurs yeux nous étions comme des sauterelles. » Et Job (XXVI, 5) évoque la destruction des géants et s'écrie : « Les êtres morts sont sous l'eau, et les anciens habitants de la terre… »

Un monde est englouti, un monde a disparu, les anciens habitants de la terre se sont évanouis, et nous commençons notre vie d'hommes seuls, de petits hommes abandonnés, dans l'attente des mutations, des prodiges et des cataclysmes à venir, dans une nouvelle nuit des temps, sous ce nouveau satellite qui nous arrive des espaces où se perpétue la lutte entre la glace et le feu.

Un peu partout, des hommes refont en aveugles les gestes des civilisations éteintes, élèvent sans plus savoir pourquoi des monuments gigantesques, répétant, dans la dégénérescence, les travaux des maîtres anciens : ce sont les immenses mégalithes de Malékula, les menhirs celtiques, les statues de l'île de Pâques. Des peuplades que nous nommons aujourd'hui « primitives » ne sont sans doute que des restes dégénérés d'empires disparus, qui répètent sans les comprendre et en les abâtardissant des actes autrefois réglés par des administrations rationnelles.

En certains lieux, en Égypte, en Chine, beaucoup plus tard en Grèce, de grandes civilisations humaines, mais qui se souviennent des Supérieurs disparus, des géants rois initiateurs, s'élèvent. Après quatre mille ans de culture, les Égyptiens du temps d'Hérodote et de Platon continuent d'affirmer que la grandeur des Anciens vient de ce qu'ils ont appris leurs arts et leurs sciences directement des dieux.

Après de multiples dégénérescences, une autre civilisation va naître en Occident. Une civilisation d'hommes coupés de leur passé fabuleux, se limitant dans le temps et l'espace, réduits à eux-mêmes et cherchant des consolations mythiques, exilés de leurs origines et inconscients de l'immensité du destin des choses vivantes, lié aux vastes mouvements cosmiques. Une civilisation humaine, humaniste : la civilisation judéo-chrétienne. Elle est minuscule. Elle est résiduelle. Et pourtant ce résidu de la grande âme passée a des possibilités illimitées de douleur et d'entendement. C'est ce qui fait le miracle de cette civilisation. Mais elle est à son terme. Nous approchons d'un autre âge. Des mutations vont se produire. Le futur va redonner la main au passé le plus reculé. La terre reverra des géants. Il y aura d'autres déluges, d'autres apocalypses, et d'autres races régneront. « Tout d'abord, nous avons gardé un souvenir relativement net de ce que nous avions vu. Ensuite, cette vie-ci s'éleva en volutes de fumée et obscurcit rapidement toutes choses, à l'exception de quelques grandes lignes générales. À présent, tout nous revient à l'esprit avec plus de netteté que jamais. Et dans l'univers où tout retentit sur tout, nous ferons de profondes vagues. »


Telle est la thèse d'Horbiger et tel est le climat spirituel qu'elle propage. Cette thèse est un puissant ferment de la magie nationale-socialiste, et nous évoquerons tout à l'heure ses effets sur les événements. Elle vient ajouter des éclairs aux intuitions d'Haushoffer, elle donne des ailes au travail lourd de Rosenberg, elle précipite et prolonge les illuminations du Führer.

Selon Horbiger, nous sommes donc dans le quatrième cycle. La vie sur terre a connu trois apogées, durant les trois périodes de lunes basses, avec des mutations brusques, des apparitions gigantesques. Pendant les millénaires sans lune sont apparues les races naines et sans prestige et les animaux qui se traînent, comme le serpent qui évoque la Chute. Pendant les lunes hautes, les races moyennes, sans doute les hommes ordinaires du début du tertiaire, nos ancêtres. Il faut encore songer que les lunes, avant leur effondrement, agissent en cercle autour de la terre, créant des conditions différentes dans les parties du globe qui ne sont pas sous cette ceinture. De sorte qu'après plusieurs cycles, la Terre offre un spectacle très varié : races en décadence, races en montée, êtres intermédiaires, dégénérés et apprentis de l'avenir, annonciateurs des mutations prochaines et esclaves d'hier, nains des anciennes nuits et Seigneurs de demain. Il nous faut dégager dans tout cela les routes du soleil d'un œil aussi implacable qu'est implacable la loi des astres. Ce qui se produit dans le ciel détermine ce qui se produit sur la terre, mais il y a réciprocité. Comme le secret et l'ordre de l'univers résident dans le moindre grain de sable, le mouvement des millénaires est contenu, d'une certaine façon, dans le court espace de notre passage sur ce globe et nous devons, dans notre âme individuelle comme dans l'âme collective, répéter les chutes et les ascensions passées, et préparer les apocalypses et les élévations futures. Nous savons que toute l'histoire du cosmos tient dans la lutte entre la glace et le feu et que cette lutte a de puissants reflets ici-bas. Sur le plan humain, sur le plan des esprits et des cœurs, quand le feu n'est plus entretenu, la glace vient. Nous le savons pour nous-mêmes et pour l'humanité tout entière qui est éternellement placée devant le choix entre le déluge et l'épopée.

Voilà le fond de la pensée horbigérienne et nazie. Nous allons maintenant aller toucher ce fond.

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