L’ambassadeur se pencha par-dessus la table vers le colonel Tanaka, parlant très bas.
— Mon cher, si vous aviez vu cette blonde. Je veux dire, ces blondes… Une partie royale, absolument royale.
Il en avait encore l’eau à la bouche. Évidemment on trouvait assez peu de grandes blondes dans le genre de Gail du côté du Congo… Le Japonais l’écoutait d’une oreille distraite. Il avait invité le diplomate au restaurant des délégués, le sacro-saint de l’ONU, où on apercevait parfois le secrétaire général en personne, un peu pour s’amuser : l’homme qui était en face de lui faisait partie du plan. En ignorant bien entendu que Tanaka y était pour quelque chose. D’ailleurs, pour lui, l’action ne se déclencherait que vingt-quatre heures plus tard.
Le Noir murmura soudain :
— Tenez, voilà notre hôte.
Lorsque Malko passa près de la table, il lui adressa un sourire éblouissant de cannibale. La reconnaissance du bas-ventre. Le colonel Tanaka en resta figé de surprise. L’homme qui leur avait causé tant d’ennuis, qui travaillait pour le FBI, était blond lui aussi. Et les yeux : Jada avait parlé des yeux dorés.
Le Japonais eut du mal à avaler sa bouchée de steak. Il ne pouvait détacher ses yeux de la table où s’était assis l’homme blond, avec quatre autres personnes.
— Reparlez-moi encore de cette soirée, demanda-t-il.
L’ambassadeur ne se fit pas prier. Plus son récit avançait et plus le colonel Tanaka se sentait glacé. Il avait sous-estimé ses adversaires. Il n’y avait pas de coïncidence possible. L’homme qui avait organisé cette « soirée » et celui qui avait contacté Jada étaient un seul et même personnage. Sous le couvert d’un poste aux Nations Unies, un agent du FBI ou de la CIA. Le colonel Tanaka pensa plutôt à la CIA. Cela ressemblait plus à ses méthodes. On était en train de le contrer sur son propre terrain. Il eut un coup d’œil de mépris pour son vis-à-vis, encore béat de son expérience de la veille. Il risquait de la payer cher, sa partouze. C’était un truc vieux comme le monde. Si ce n’était pas à cause de la femme, on avait peur des conséquences sociales ou professionnelles.
Il repoussa son assiette : il n’avait plus faim.
On était à quatre jours du vote. Dieu sait les manipulations que l’homme blond était capable de mener à bien, pendant ce temps ! Tanaka frissonna : il avait frôlé la catastrophe. Il eut une fugitive bouffée de reconnaissance pour l’homme assis en face de lui.
— Je vais vous prier de m’excuser, dit-il. J’avais complètement oublié une commission où je dois siéger. Nous nous verrons plus tard.
Il partit, après avoir signé l’addition, laissant l’ambassadeur à ses rêveries blondes. Le colonel Tanaka avait besoin de marcher, de réfléchir, avant de prendre une décision. La roseraie, en bordure d’East River, lui semblait parfaite pour une méditation. Il avait toujours aimé la nature. Mais, dans l’escalier roulant déjà, une évidence s’imposa à lui : il fallait éliminer son adversaire. Et le plus tôt serait le mieux. Dans la guerre secrète, les gens ne sont pas interchangeables. On n’aurait pas le temps de le remplacer à temps. Et, cette fois, il se chargerait lui-même de l’opération.
C’était plus sûr.
Malko était d’une humeur massacrante. Il s’en était fallu d’un cheveu qu’il se rembarquât pour l’Autriche avec Krisantem. Al Katz lui avait demandé de faire pression lui-même sur les participants à la soirée… Leur discussion avait fait trembler les murs. Malko regrettait déjà de s’être laissé entraîner dans ce genre de choses. Jamais il ne le referait. Ce n’était pas dans son éthique.
Quant à faire chanter lui-même les malheureux qu’il avait aidés à surprendre, il préférait étrangler Al Katz de ses propres mains. Service que Krisantem avait d’ailleurs offert spontanément.
Il regarda autour de lui la foule des visages noirs, jaunes, blancs des délégués, affairés dans des conversations animées. Ils s’ennuyaient tellement pendant les séquences des commissions et multiples sous-commissions. Même le débat sur la Chine rouge ne passionnait pas les foules. Tout le monde en connaissait le résultat à l’avance et les interminables discours des membres du bloc communiste n’étaient qu’un trompe-l’œil.
L’ONU éclatait. Il n’y avait plus assez d’espace. Les malheureux délégués n’avaient même pas la place de s’asseoir tous dans ce bar, et les bureaux des délégations se trouvaient dispersés dans tout New York.
La voix d’une des speakerines s’éleva au-dessus du bruit des conversations. On demandait Malko au téléphone. Il se leva, résigné. Al Katz devait être prêt à des excuses. Une speakerine noiraude, de nationalité indéterminée, lui indiqua la cabine 3. Malko y entra et décrocha le récepteur.
— Vous êtes le prince Malko Linge, de la délégation autrichienne ?
La voix parlait anglais avec un accent asiatique assez prononcé. Elle était inconnue de Malko.
— Je voudrais vous voir d’ici un quart d’heure, au onzième étage, dit l’homme. Dans le bureau 1184. Nous avons du nouveau.
Avant que Malko lui ait demandé qui il était, il avait raccroché. Malko sortit de la cabine, intrigué. Le onzième étage était le fief des Chinois nationalistes. Des alliés de Al Katz, de Lo-ning et des autres. La voix devait appartenir au docteur Shu-lo. Il regarda dans le bar si Lo-ning n’était pas dans les parages, mais, avec la foule, il était impossible de rien voir. Tranquillement, il se dirigea vers le onzième étage.
Le hall, en face de la salle du Conseil de tutelle, bourdonnait de conversations. Les délégués faisaient les cent pas ou étaient assis sur les banquettes sans dossier, sous l’œil paternel des gardes en bleu.
Malko s’engagea dans l’escalier roulant.
L’étage était désert. C’était la pause du déjeuner. Malko pénétra dans un grand bureau portant le numéro 1183, La salle des calligraphes. Sur chaque table – il y en avait une vingtaine – s’étalaient des feuilles couvertes de caractères soigneusement calligraphiés. Fascinant.
Au fond, une porte donnait sur une autre pièce. Le bureau 1184. Malko y pénétra.
Il n’y avait qu’un seul bureau sur lequel était posé un étrange appareil. Cela tenait de la grue et de la machine à écrire. Malko se souvint que Lo-ning lui en avait parlé. C’était une machine à écrire le chinois. Le mandarin comportant trente-cinq mille caractères, on en avait sélectionné sept mille. Quatre mille se trouvaient à la disposition de l’opérateur, dans un grand casier plat. Une feuille de papier passait dans un rouleau, comme dans une machine à écrire classique. À l’aide d’une pince articulée, l’opérateur sélectionnait un des caractères, l’appliquait contre la feuille de papier où il s’imprimait. Certains arrivaient à imprimer plusieurs centaines de caractères à l’heure.
C’était aussi fascinant qu’un jeu d’enfant. Sur le rouleau, il y avait une feuille de papier blanc avec quelques caractères dispersés, comme si quelqu’un s’était entraîné. Malko regarda par la fenêtre. Le petit bureau donnait sur la Première Avenue. Comme il n’y avait pas d’autre siège, il s’assit sur la chaise métallique, en face de la machine à calligraphier.
Un téléphone se mit à sonner sur la table. D’abord, Malko ne répondit pas. Puis, comme la sonnerie continuait, il décrocha. C’était l’homme qui lui avait donné rendez-vous. La voix était beaucoup moins mystérieuse, chaleureuse même.
— Je suis un peu en retard, dit-il. Voulez-vous vous asseoir et m’attendre ? (Il eut un petit rire.) Amusez-vous à calligraphier votre nom.
Il raccrocha. Malko se pencha sur la machine. Chaque caractère ne mesurait que quelques millimètres. Il essaya de voir comment la machine fonctionnait. C’était minutieux et archaïque à la fois. L’antithèse de l’IBM à boule. Il fallait avoir une mémoire aussi bonne que la sienne pour se souvenir de la place des quatre mille caractères étalés dans le casier. Il nota que certains portaient une marque rouge ou verte. Probablement les plus utilisés.
Il réalisa soudain qu’il mourait d’envie de s’amuser un peu.
Le colonel Tanaka était rigoureusement immobile dans le réduit du onzième étage recelant les installations électriques. Il en profitait pour se livrer à quelques exercices respiratoires de yoga, parfaitement maître de lui. Il appliquait la politique du risque calculé. Durant sa méditation dans la roseraie, il était arrivé à la conclusion que le meilleur endroit pour éliminer son adversaire était encore l’ONU. C’est là qu’il se sentait le plus en sécurité et que le FBI veillait le moins.
L’élimination de Malko présentait certes un risque, mais sa survie représentait un risque encore plus grand. Le colonel Tanaka ne s’était pas donné le mal qu’il s’était donné pour se faire coiffer sur le poteau. La marge de manœuvre était trop faible. Il suffisait de trois ou quatre votes basculant au dernier moment pour réduire à néant le travail du Japonais.
Ce dernier inspecta les appareils de contrôle devant lui. Il était ingénieur. Cela servait parfois. Les aiguilles, devant lui, allaient lui apprendre la mort de son adversaire. Il n’aurait plus qu’à tout remettre en place avant le retour des Chinois partis déjeuner. Il avait organisé un guet-apens méticuleusement, connaissant les liens de Malko avec les Chinois, grâce à Jada. Et, après avoir examiné les meilleures possibilités offertes par le building des Nations Unies, il s’était arrêté à une solution sophistiquée mais efficace.
C’était tout simplement le principe de la chaise électrique. Le colonel Tanaka avait relié la machine à calligraphier à la colonne montante de deux mille volts, grâce à un câble volant. Un autre embranchement du câble était relié à la chaise métallique sur laquelle Malko avait dû s’asseoir. La veille au soir, il avait effectué les branchements préliminaires, percé le mur avec une perceuse achetée dans l’après-midi. Personne ne lui avait rien demandé. On travaillait jour et nuit dans le building, et surtout quand les employés n’étaient pas là.
Tanaka était assez fier de son plan. En jouant avec la machine, Malko fermerait le circuit. En quelques secondes, cela serait fini. Le Japonais n’aurait plus qu’à retirer les fils du branchement. Il avait déjà liquidé plusieurs personnes de cette façon au cours de sa carrière. Il suffisait de repérer une ligne à haute tension, de posséder un petit matériel et quelques notions d’électricité.
La partie délicate consistait à amener Malko dans la pièce à un moment où elle était déserte. Mais le coup de fil et l’installation finale avait pris exactement huit minutes à Tanaka. Il avait appelé du bureau 1183.
Quand Malko toucherait les fils, l’aiguille du voltmètre volant allait plonger sur la droite. Il suffisait d’attendre une minute. Tanaka s’était enfermé dans le cagibi et ne craignait que la visite inopinée d’un ouvrier de l’entretien. Ce qui était tout à fait improbable à l’heure du déjeuner.
Il achevait son cycle respiratoire du yoga quand l’aiguille oscilla brusquement, puis bondit vers la droite. Elle oscilla follement quelques secondes, puis retomba d’un coup vers la gauche. L’homme avait établi le contact, lutté pour se dégager puis était tombé de la chaise, électrocuté, interrompant le courant.
Le Japonais débrancha aussitôt le fil volant avec sa pince isolante. Il ne restait plus qu’à regagner le restaurant des délégués, où un de ses collègues japonais l’attendait. Cela n’avait aucune importance qu’on découvre les fils. On saurait, de toute façon, que c’était l’œuvre d’un professionnel.
Tanaka ouvrit la porte et referma rapidement. C’était le seul moment risqué de la mission. Car il n’avait rien à faire dans ce réduit.
— Qu’est-ce que vous cherchez ?
La voix froide le fit sursauter. Il se retourna d’un bloc. Une Chinoise, un sandwich à la main, l’examinait, les sourcils froncés. Une femme aux cheveux gris tirés en chignon, très maigre.
— Je me suis trompé de porte, fit Tanaka avec son sourire le plus idiot.
Il ne pouvait pas savoir que Mme Tso, le bras droit du docteur Shu-lo abrégeait toujours ses lunches, souffrant de l’estomac. Et qu’elle était méfiante par métier.
— Vous n’avez pas pu vous tromper, dit-elle sèchement. Il faut une clé spéciale pour ouvrir cette porte. Qui êtes-vous ?
Une seconde, le colonel Tanaka songea à détaler. Mais il ne pouvait pas disparaître de l’ONU, et cette femme risquait de le reconnaître. Son sang-froid revint instantanément. Il en avait vu d’autres.
— Je ne sais pas, dit-il, aimable, la porte était ouverte.
Il fit un pas en avant comme pour passer, mais la Chinoise lui barra le chemin, le visage hostile.
— Qui êtes-vous ? répéta-t-elle.
Cela, c’était la seule chose que Tanaka ne pouvait pas dire. D’un moment à l’autre, quelqu’un pouvait venir et cette mégère allait ameuter tout l’étage.
— Je ne comprends pas, dit-il lentement, je ne fais rien de mal.
— Vous êtes à la section chinoise, fit sèchement son interlocutrice. Vous mentez, vous ne vous êtes pas perdu.
Elle le prit par le bras. Le Japonais sentit des doigts d’acier s’enfoncer dans ses muscles.
— Vous allez vous expliquer avec un garde, dit la Chinoise.
Le colonel réagit avec la rapidité d’un serpent. Sans chercher à se défaire de l’étreinte, il pivota brutalement sur lui-même, déséquilibrant la Chinoise. Ils étaient juste en face de la porte des toilettes pour femmes. Il la poussa brutalement et ils tombèrent tous les deux à l’intérieur.
La Chinoise se releva la première, ouvrit la bouche pour hurler. Tanaka lui envoya une manchette à toute volée qui la projeta sur le mur d’en face. Mais son pied glissa sur le sandwich tombé à terre et il se retrouva à genoux. La bouche ouverte, la Chinoise reprenait son souffle. Elle cria, mais trop faiblement pour attirer qui que ce soit. Maintenant, elle savait que c’était sérieux. Ou un fou, ou autre chose de pire.
Sa main cueillit dans son chignon une épingle d’acier. La pointe en était enduite d’un puissant anesthésique végétal. De quoi endormir un éléphant. Elle la tint horizontalement devant elle, le poing serré contre sa poitrine, de façon que son adversaire vienne s’empaler dessus.
Tanaka tiqua : il était tombé sur une professionnelle. Il fallait qu’il s’en débarrasse immédiatement. À chaque instant quelqu’un risquait d’entrer dans les toilettes et de donner l’alarme.
Plié en deux, il avança ; puis, quand il ne fut plus qu’à un mètre, ses deux pieds se détendirent à l’horizontale, tandis qu’il s’appuyait des mains sur le carrelage.
Ses pieds frappèrent la Chinoise à la hauteur des genoux. Déséquilibrée, elle battit l’air de ses bras et, en tombant, lâcha l’aiguille. Tanaka se rua sur elle, la saisit à la gorge. Mais elle était douée d’une force prodigieuse. De nouveau, elle lui échappa, fonça sur la porte, cette foie en hurlant comme une sirène.
Il la saisit par la taille, la soulevant de terre, et la jeta contre la porte d’un des W.-C. qui s’ouvrit sous le choc. Tanaka la suivit et referma la porte d’un coup de pied. Il plia en deux la Chinoise et commença à lui cogner le front contre la cuvette de porcelaine, la tenant par les cheveux.
De nouveau, elle hurla.
Le colonel Tanaka avait bien assuré sa prise. La peau du front se fendit et un jet de sang éclaboussa le sol et la porcelaine blanche. Tanaka l’évita de justesse. La Chinoise se débattait plus faiblement. Le Japonais frappa de plus en plus fort : il fallait qu’elle meure.
Dans un sursaut désespéré, la Chinoise saisit ses cheveux et s’y accrocha pour se redresser.
Tanaka prit son souffle, la laissa faire et abattit sa tête. Cette fois, le pariétal gauche craqua. Les autres chocs firent un bruit presque mou, écœurant. La Chinoise ne criait plus. Elle était inconsciente. Tanaka continuait férocement à marteler son crâne défoncé contre la porcelaine fendue du siège. Il ne s’arrêta qu’en voyant le sang couler de ses narines.
Pour plus de sûreté, il souleva le corps de la morte et enfonça la tête dans l’eau de la cuvette. Afin qu’elle se noie si elle avait encore une étincelle de vie. Puis il sortit de l’étroit réduit, rabattant la porte derrière lui.
En passant devant la glace, il vérifia son apparence et se recoiffa rapidement. Dieu merci, il n’avait pas de sang sur ses vêtements. Il pouvait décemment se rendre au restaurant des délégués.
Le couloir était désert.
Le colonel s’éloigna vers les ascenseurs. Il n’attendit que quelques secondes avant d’en avoir un qui, par chance, était vide.
Malko se pencha sur la machine à calligraphier. Ces centaines de caractères étaient absolument fascinants. Il allongea la main pour saisir la poignée métallique permettant de prendre les petits cubes et sa manche accrocha une règle qui tomba par terre.
Il se pencha pour la ramasser et son regard tomba sur le pied de la chaise sur laquelle il était assis. Un fil métallique y était fixé avec une bande de sparadrap noir.
Une petite sonnette d’alarme s’alluma dans sa tête. Il avait déjà remarqué que la machine était reliée à un fil qui partait le long du mur, mais cela ne l’avait pas choqué. De nos jours toutes les machines sont électriques. Il se leva et examina le fil de la chaise. Il courait le long du mur et disparaissait dans un trou. Malko se baissa et vit la poussière de plâtre. Le trou était frais. Il se redressa, un picotement désagréable au bout des doigts.
Avec précaution, il rapprocha la chaise de la machine. Puis il laissa tomber la règle, de façon qu’elle entrât en contact avec les deux en même temps.
Il y eut un grésillement et une courte étincelle bleue, avant que la règle ne tombât par terre. Malgré lui, Malko fit un bond en arrière. Il ramassa la règle. Aux endroits où elle avait touché le métal, il y avait deux marques noirâtres.
Il venait tout simplement d’échapper à une forme astucieuse d’électrocution. Ce n’était plus la peine d’attendre son correspondant.
Tirant sur la chaise, il arracha le fil. Ensuite il appela l’entretien au téléphone, leur demandant de venir immédiatement. Il écrivit « Danger » sur une feuille de papier qu’il posa sur le fil.
Encore sous le coup de l’émotion, il quitta la pièce. En espérant que le bar des délégués aurait de la vodka russe. Le dessus de ses mains le picotait encore. Il venait de l’échapper belle. Il ne restait plus qu’à avertir Al Katz de ce rebondissement. Une chose était sûre. Leur ennemi se trouvait à l’intérieur des Nations Unies. Les Mad Dogs n’étaient que des exécutants.
En appuyant sur le bouton de l’ascenseur, Malko s’aperçut que sa main droite tremblait légèrement.
La poignée de cheveux noirs était soigneusement posée sur un lit de coton, sous une enveloppe plastique. Le docteur Shu-lo l’examinait soigneusement.
— Il faudrait un microscope, dit-il, mais je suis à peu près sûr que ces cheveux appartiennent à un Asiatique.
Al Katz hocha la tête.
— C’est également ce qu’a dit le laboratoire de la police.
Il était huit heures du soir. Le corps de Mme Tso reposait déjà à la morgue. Il avait été découvert quelques minutes après que Malko eut quitté l’étage. Depuis une heure, les trois hommes faisaient le point. Le docteur proposa :
— Je suis prêt à faire prélever des cheveux sur tous les membres de ma délégation et des sections de traduction. Et à les comparer à ceux-ci.
Al Katz approuva. Ce ne serait pas la première fois que des rouges se glisseraient dans les services de Formose.
— Cela nous donne une indication précise sur la personnalité de notre adversaire, dit-il. C’est un Asiatique qui est quelque chose aux Nations Unies. Il connaît les habitudes des employés et des lieux.
— Je crois que nous pouvons ajouter que c’est un homme cruel, ajouta le docteur. Dans sa bouche, cela avait une certaine saveur.
Al Katz baissa la tête, remué par les photos qu’on lui avait montrées. Les toilettes étaient condamnées. De toute façon les employées de l’étage avaient juré qu’elles n’y remettraient plus les pieds. Le colonel MacCarthy, responsable de la sécurité des Nations Unies, était catastrophé. C’est la première fois qu’une telle chose arrivait. Officiellement, il s’agissait d’un crime de sadique. Après tout, des milliers de touristes visitaient tous les jours les lieux. Un avait pu se perdre.
La section chinoise n’avait pas jugé utile de parler au colonel MacCarthy du petit piège tendu à Malko. Il valait mieux laver son linge en famille.
— Il nous reste trois jours, conclut Katz. Espérons qu’il commettra une autre gaffe.
Malko souhaitant la même chose à condition d’y être moins impliqué.