Malko suivait anxieusement la progression des votes, sur le tableau lumineux. Depuis un moment, la barre verte ne cessait de s’allumer. Il poussa un soupir de soulagement avec les votes du Japon et de la Jordanie. Maintenant, la majorité des deux tiers ne pourrait plus être atteinte.
Discrètement, il quitta la salle de l’Assemblée générale et gagna le bureau du colonel MacCarthy. Celui-ci avait perdu une grosse part de son flegme britannique. Le dernier coup venait de lui être porté lorsqu’on l’avait prévenu qu’un membre respectable de la délégation japonaise était recherché pour la bagatelle de deux meurtres. Sans compter les autres broutilles.
Dieu soit loué, c’était un Asiatique… Mais cela choquait profondément le colonel MacCarthy. Du temps de l’Armée des Indes, les diplomates ne se servaient d’armes que par personnes interposées.
— Vous n’avez pas retrouvé le colonel Tanaka ? demanda Malko.
MacCarthy essaya de retrouver une partie de son flegme, en jetant un regard noir à Malko. Il lui était profondément désagréable de penser que ce garçon qui avait l’air d’un gentleman, qui s’habillait bien, parlait avec distinction et ressemblait à un vrai diplomate, soit en réalité un de ces agents secrets sans foi ni loi.
— S’il met les pieds aux Nations Unies, nous le retrouverons, affirma-t-il sèchement. Il n’y a rien à craindre.
Ce n’était pas absolument l’avis de Malko mais il s’inclina. Heureusement, Chris Jones et quelques agents du FBI patrouillaient dans le building. La seule idée d’arrêter un diplomate dans l’enceinte des Nations Unies rendait le colonel MacCarthy malade. Il priait de toutes ses forces pour que le colonel Tanaka ait l’élégance d’aller se faire prendre ailleurs.
Malko le laissa lisser ses belles moustaches et regagna la salle de l’Assemblée générale.
Le colonel Tanaka pénétra sans encombre dans le parking des Nations Unies, après avoir montré sa carte de diplomate au garde en faction qui n’y jeta qu’un coup d’œil distrait. Il gara la Buick blanche et descendit, la boîte de Cyclon B à la main. Son colt était glissé dans sa ceinture, invisible. Avant de quitter la voiture, il avait fait monter une balle dans le canon.
Il s’orienta. Mentalement, il revit le plan du troisième sous-sol où il se trouvait.
C’est là que se trouvait la machinerie centrale de l’air conditionné, les énormes machines vertes dans une salle digne du Titanic qu’on lui avait fait visiter à son arrivée à l’ONU.
Maintenant, il se souvenait : le bureau du responsable se trouvait au fond, à droite.
Joe Ruark, l’énorme contremaître chargé de la climatisation, surnommé « Fatty » en raison de ses deux cent quatre-vingts livres, était en train de raconter une histoire cochonne à son aide, un mince jeune homme à lunettes, lorsque la porte de leur minuscule bureau s’ouvrit sur le colonel Tanaka, pistolet au poing. Ils en restèrent muets de surprise.
Surtout à cause du pistolet noir braqué sur eux.
— Lequel de vous est responsable de la climatisation ? demanda le Japonais dans son anglais sifflant et parfait.
Joe, le gros contremaître, se dit qu’il avait affaire à un fou. Et qu’il ne fallait surtout pas le contrarier.
— C’est moi, fit-il aimablement, comme s’il ne voyait pas le pistolet.
— Où se trouvent les entrées d’air ?
— Au sixième, au quinzième et au vingt-septième étage, sir, mais…
— Celles du bâtiment de l’Assemblée générale ?
— Au sixième.
Le téléphone sonna et le gros homme tendit la main vers l’appareil.
Le colonel Tanaka n’éleva pas la voix, mais le gros homme arrêta son geste.
— Ne décrochez pas.
Tout à coup, l’Américain eut la conviction de se trouver en face de quelqu’un de très dangereux.
Le téléphone continuait à sonner. Enfin il se tut. La tension était devenue insupportable dans la petite pièce. Tanaka regarda les graphiques pendus aux murs. Cela prendrait des heures pour les interpréter. Il avait besoin du gros homme, coûte que coûte. Par la glace, il jeta un coup d’oeil à la grande salle des machines, en contrebas. Elle semblait déserte.
— Il n’y a personne ? demanda-t-il.
Le gros homme secoua la tête sans pouvoir répondre. Il crevait de peur. Si seulement on avait prévu un système d’alarme quelconque ! Il aurait fallu qu’il décroche le téléphone et hurle au secours.
Ce serait certainement ses dernières paroles.
— Vous connaissez aussi le système ? demanda poliment le colonel Tanaka à l’ouvrier à lunettes.
Celui-ci crut que les mots ne passeraient pas.
— Non, sir.
Tanaka continua, pour le gros :
— Vous allez me conduire immédiatement aux entrées d’air de la salle de l’Assemblée générale.
Le gros homme retrouva un semblant de courage, secouant la tête.
— Je ne peux pas, sir, c’est impossible. Je risque ma place.
— Si vous refusez, dit doucement Tanaka, je vais être obligé de vous tuer.
Silence de plomb.
— Je peux pas, répéta Joe d’un ton plaintif. Je peux pas.
Le colonel Tanaka ne répondit pas. Il connaissait la nature humaine et ses faiblesses. Les mots n’étaient rien à côté des actes. Le pistolet fit un quart de tour et l’homme à lunettes eut juste le temps de faire une grimace.
L’explosion assourdit Joe. Il recula et se cogna à la table, faisant tomber plusieurs des stylos accrochés à sa poche de devant. Son copain, les yeux exorbités, les deux mains au ventre, se laissait lentement glisser par terre. L’âcre odeur de la cordite envahit la petite pièce. L’explosion assourdissante bourdonnait encore dans les oreilles du contremaître.
Joe était paralysé par le petit trou noir maintenant braqué sur lui.
— Dépêchez-vous, intima Tanaka, autrement, je vais vous tuer aussi.
Joe regarda le corps de son copain, se dit qu’il allait mourir. D’ailleurs son cerveau refusait de fonctionner.
— On y va, on y va, mais je voudrais soigner mon pote.
— Ne faites pas l’imbécile, fit Tanaka. Venez.
Comme dans un cauchemar, Joe décrocha le trousseau de clés du sixième et sortit, précédant le Japonais. Celui-ci remit son arme dans sa poche. Dans sa main gauche, il tenait la boîte de cyanure.
— Est-ce qu’il y a un escalier ? Je ne veux pas passer par l’ascenseur.
Joe se dirigea vers le petit escalier de ciment.
Sam Goodis, de veille dans la Control Room devant les douze postes de télévision intérieure surveillant les endroits stratégiques de l’ONU, vit passer deux silhouettes devant un des écrans de télévision. La première était incontestablement celle du gros Joe. Personne d’autre n’avait un ventre pareil à l’ONU.
Il se demanda qui l’accompagnait, mais ce n’était pas son problème. Joe était service-service et s’il était avec quelqu’un, c’est que c’était O.K. Il regarda sa montre : six heures dix. Il en avait encore jusqu’à huit heures.
Quelqu’un poussa la porte et il sourit en reconnaissant Dennis, un des gardes en civil, accompagné d’un homme blond aux étranges yeux dorés.
— Tout va bien, Sam ? demanda Dennis. Rien de spécial ?
— Tout est O.K. Pourquoi ?
— On cherche un dingue. Un Japonais.
Sam Goodis faillit parler de l’homme qui accompagnait Joe, puis se retint à temps. Joe était trop à cheval sur les règlements pour prendre un risque quelconque.
Le gros Joe s’écorcha un doigt en dévissant un écrou. Il ne comprenait toujours pas. L’inconnu lui avait fait fermer la porte à clé. Ils essayaient maintenant toutes les bouches d’aération. Mais le système était très diversifié. Rien que pour la salle immense de l’Assemblée générale, il y avait près de quatre-vingt-dix circuits différents. Il venait d’en ouvrir un peu. Aussitôt, le Japonais avait versé des granulés mauves qui avaient été aspirés par la tuyauterie.
— Reculez-vous, avait-il ordonné à Joe. Et ne respirez pas.
Joe ignorait pourquoi, mais il commençait à avoir sérieusement mal à la tête et envie de vomir.
— Dépêchez-vous, ordonna l’homme au pistolet.
Joe terrorisé, allait aussi vite qu’il le pouvait.
Le colonel Tanaka éprouvait une sombre satisfaction. Dans cinq minutes les premiers délégués ressentiraient l’effet du poison. Encore une demi-heure de travail. Il n’aurait plus qu’à se débarrasser de cet imbécile et à tenter de trouver une mort honorable.
— Tiens, c’est bizarre, il n’y a personne, remarqua Dennis.
Avec Malko, le garde de l’ONU faisait le tour des sous-sols.
Malko poussa la porte du minuscule bureau. La première chose qu’il vit fut la chaussure de l’homme à lunettes. Il ne respirait plus, couché sur le dos.
— Mon Dieu, fit Dennis, il est mort.
Comme tous les gardes en civil il portait un pistolet, mais ne s’en était pas servi depuis dix ans. Il écarquillait les yeux, stupéfait. Malko comprit immédiatement. Tanaka était revenu. Il se souvenait que quelques années plus tôt on avait déjà voulu gazer les délégués.
— Comment peut-on arrêter l’air conditionné ? demanda-t-il à Dennis.
Le garde de l’ONU secoua la tête.
— Je n’en ai pas la moindre idée. Il faut aller à la Control Room. Ils doivent savoir.
Les deux hommes partirent en courant. Sam Goodis s’étrangla avec son sandwich en les voyant arriver.
— Où sont les contrôleurs de la climatisation ? demanda Malko.
L’autre mit bien une minute à répondre.
— J’ai vu Joe monter. Il doit rester Ted. Il y en a toujours un en service dans la boîte.
— Ted est mort, dit Malko. Et il faut arrêter la climatisation immédiatement. Comment peut-on faire ?
— À côté, la salle de contrôle, balbutia le garde, mais vous devez demander au colonel…
Malko était déjà dans l’autre pièce. Les murs étaient couverts de voyants lumineux, comme dans une centrale électrique. Un homme lisait une bande dessinée. Il se leva.
— Hé ! c’est interdit ici !
Dennis lui montra son badge.
— C’est O.K., comment peut-on arrêter la climatisation. Tout de suite. Question de vie ou de mort.
L’employé de la sécurité désigna le panneau du fond.
— Tous les fusibles sont là. Mais… Mais il me faut un ordre écrit.
Malko appuyait déjà sur le premier disjoncteur.
L’employé voulut s’interposer.
— Vous allez faire venir tous les pompiers de New York !
— Ça sera peut-être utile, dit Malko.
Un à un, les voyants rouges s’allumaient sur le mur. Un peu partout, dans l’immense building, l’air conditionné cessait de fonctionner. Mais ce n’était pas encore suffisant, car les gaz dangereux risquaient de stationner dans les conduites, et, étant plus lourds que l’air, de descendre aux étages inférieurs, c’est-à-dire, dans la salle de l’Assemblée générale.
— Comment peut-on inverser le flux ? demanda Malko.
L’employé secoua la tête.
— Ce n’est pas ici. Il faut aller dans la salle de contrôle.
Les deux hommes étaient déjà partis. Heureusement que Dennis connaissait un peu la maison. Ils traversèrent le bureau où se trouvait le cadavre et descendirent l’échelle de fer jusqu’à la salle des machines. Un grand tableau était devant eux avec des manettes numérotées de 1 à 400 : tous les systèmes de ventilation.
Malko et Dennis rabattirent toutes les manettes, aussi vite qu’ils le purent. Comme les fusibles avaient été déconnectés, rien ne se passa. Le dernier disjoncteur inversé, ils repartirent.
Le colonel Tanaka secoua furieusement l’épaule de Joe Ruark.
— Qu’est-ce qui se passe ?
Joe essuya son front en sueur.
— Je ne sais pas. On dirait que tout s’est arrêté. Comme une panne. C’est peut-être la saloperie que vous avez glissée dedans qui les a détraqués.
Le Japonais ne répondit pas. Sa boîte de Cyclon B était encore presque entièrement pleine. Mais sans l’air pour véhiculer le poison, son plan était à l’eau.
Quant à la panne, il n’y croyait pas. Ses adversaires avaient éventé le truc et paré de la seule façon possible : en stoppant l’air conditionné.
— Il faut remettre les machines en route, dit-il.
Joe le regarda, effaré.
— Mais c’est dans la salle du contrôle, au troisième sous-sol.
Le colonel Tanaka eut un sourire suave et venimeux.
— Vous autres Américains, avez la faiblesse de respecter la vie humaine. Ils me laisseront faire, sinon je vous tuerai.
Joe faillit se trouver mal. Entre les précieuses vies des délégués et son humble existence, les policiers n’hésiteraient pas longtemps. Quitte à lui donner une médaille à titre posthume. En grimaçant, il se releva. Tanaka avait sorti son pistolet, repris sa boîte.
— Allons-y, dit-il.
Il y avait encore une minuscule chance. Quand on a fait le sacrifice de sa vie, on peut réussir beaucoup de choses.
— Remettez tout en route, ordonna Malko.
Il avait alerté tout le service de sécurité, Chris Jones et le FBI y compris, par l’intermédiaire du colonel MacCarthy.
L’employé obéit. Un à un, les voyants rouges commencèrent à s’éteindre.
Soudain, Chris Jones fit irruption dans la pièce, brandissant son 357 Magnum.
— Vite, on l’a repéré ! Ils sont au sixième. Le Japonais vient de tirer sur un des gardes. Ils se sont barricadés dans le réduit de l’air climatisé.
— Il faut le prendre vivant, dit Malko.
C’était quand même le grand mystère. Pour qui le colonel Tanaka travaillait-il ?
Ils se ruèrent dans l’ascenseur. Les agents du FBI commençaient posément à investir l’immeuble, doublant partout les gardes de l’ONU. C’est la première fois dans toute l’histoire de l’auguste organisation qu’une telle chose se produisait. Le colonel MacCarthy allait en sauter par la fenêtre.
Le palier du sixième était en état de siège. Milton Brabeck vint au-devant de Malko.
— Ils sont là-bas.
Il désignait la porte métallique avec une inscription rouge : Keep out. Deux trous avaient percé le battant. Devant, sur le dallage plastique, il y avait une large traînée de sang.
— Il est touché ?
Milton secoua la tête.
— Non, hélas, c’est le gros qui a morflé.
— Grave ?
Le gorille baissa la tête. Son colt faisait des trous comme des soucoupes.
— J’aurais pas dû tirer, fit-il.
Malko s’avança le long du mur, restant hors du champ de tir du Japonais. Puis il appela :
— Colonel Tanaka, sortez.
Il renouvela son appel. Sans succès. Le Japonais l’entendait sûrement pourtant.
— Nous allons donner l’assaut, continua Malko. Laissez au moins sortir l’homme qui se trouve avec vous.
Toujours pas de réponse. Malko rejoignit Milton et les agents du FBI. Le gorille annonça :
— Ils seront là dans dix minutes, avec des gaz lacrymogènes.
Malko hocha la tête. La guerre du Pacifique avait appris que les Japonais se laissaient rarement prendre vivants.
Debout contre la cloison, protégé des coups de feu, le colonel Tanaka contemplait avec ennui le gros Joe en train d’agoniser. Étendu par terre comme une grosse méduse, ils soufflait et une bave rosâtre s’échappait de la commissure de ses lèvres. La balle de Milton lui avait ouvert le poumon droit, sans espoir. Sa main grattait le plastique et il n’arrivait plus à parler. Ses yeux glauques ne voyaient déjà plus.
Tanaka était coincé dans cette pièce. Il savait que les autres allaient l’enfumer ou le gazer. Au choix. Il restait plusieurs solutions : la sortie à la samouraï, la balle dans la tête ou le saut du sixième.
Aucune des trois solutions n’était vraiment satisfaisante. Le colonel n’éprouvait aucune haine pour les hommes qui se trouvaient à l’extérieur. La perspective d’en tuer plusieurs ne l’enchantait pas.
Soudain, il y eut un chuintement. Il sursauta et fit un saut de côté, puis se maudit de sa nervosité. Ce n’était que l’air conditionné qui se remettait en marche.
Une fraction de seconde, une joie sauvage le submergea : à la suite d’une fausse manœuvre, on avait remis la machinerie en route ! En l’oubliant. Il posa son pistolet par terre et fiévreusement, commença à dévisser le couvercle de sa boîte.
L’odeur d’amandes amères frappa ses narines au même moment. Et il réalisa que l’air n’était pas aspiré mais puisé dans la pièce. L’appareil marchait à l’envers, expulsant les gaz mortels.
Le colonel Tanaka fit un pas vers la fenêtre puis s’arrêta. Il lui suffisait de relever le battant et de laisser l’air frais entrer. Il arrêta son geste : il venait d’avoir une meilleure idée. Il était écrit qu’il ne verrait pas les cerisiers refleurir à Tokyo. Mais ce sont les choses de la vie. Agenouillé, il se pencha sur le conditionneur. L’odeur d’amandes amères se fit plus forte.
Il respira profondément, les yeux fermés, gardant l’air empoisonné dans ses poumons comme s’il s’agissait d’un tabac rare. D’abord, il ne se passa rien. Puis une brûlure terrible lui déchira la poitrine. Il eut envie de se déchirer la peau. Il voulut hurler de douleur, mais aucun son ne sortit.
Il bascula d’un coup en arrière, se recroquevilla, les yeux hors de la tête.
C’est dans cette position que le trouva Malko. Le visage encore convulsé par la douleur, après que la brigade des gaz eut fait sauter la porte et ouvert les fenêtres pour évacuer les vapeurs mortelles. Personne ne saurait jamais pourquoi le colonel Minoru Tanaka s’était lancé dans une telle aventure. Ceux qui l’y avaient poussé l’avaient déjà rayé de leurs mémoires.
Mais sa femme et ses filles sauraient qu’il était mort honorablement.
Malko se pencha sur le colonel japonais et lui ferma les yeux.
Il faisait une chaleur étouffante dans la salle de l’Assemblée générale quand Mlle Brooks, représentante du Libéria annonça officiellement le résultat du vote sur la résolution N° 569, concernant le rétablissement des droits légitimes de la République populaire de Chine à l’Organisation des Nations Unies.
La résolution était repoussée par 56 voix contre 48, n’atteignant pas la majorité des deux tiers requise. Six pays avaient voté d’une façon « inexplicable » et il y avait eu 21 abstentions, 8 de plus que l’année précédente. Il s’en était fallu de peu que le colonel Tanaka ne réussisse.
Les délégués se pressèrent vers la sortie en s’épongeant le front. Celui de l’Australie glissa à son voisin argentin :
— Je n’ai jamais eu aussi chaud de ma vie. Ils sont fous d’avoir arrêté l’air conditionné. Décidément, rien ne marche plus en Amérique.
Jeanie avait maigri, ce qui faisait ressortir sa grande bouche et ses immenses yeux marron. Elle poussa un petit cri en voyant Malko avec la longue Cadillac noire, courtoisie de la CIA.
Après quatre jours d’hôpital, elle allait mieux. Malko prit son sac et le jeta dans la voiture. Elle monta à côté de lui.
En s’enfonçant dans le siège moelleux, sa robe remonta sur ses cuisses. Son premier geste fut de la rabattre, puis elle se jeta contre Malko et il sentit sa bouche chaude dans son cou.
— Je suis si heureuse que vous soyez venu, murmura-t-elle.
Il appuya sur la droite et arrêta la Cadillac. Aussitôt, Jeanie l’embrassa violemment, longuement, le serrant de toutes ses forces.
Krisantem allait être affreusement choqué, raciste comme il l’était. Malko espérait néanmoins que son sens du devoir lui interdirait de parler à Alexandra.