Empêtré dans les plis d’un suaire diaboliquement lourd, Malko se débattait furieusement, tandis qu’un marteau clouait le couvercle de son cercueil.
Il ouvrit les yeux. Pendant quelques secondes, il ne reconnut pas sa chambre triste de l’hôtel La Paz. Son rêve continuait et les coups aussi.
Mais ils étaient frappés à la porte de la chambre.
— Qu’est-ce que c’est ? cria-t-il.
— Control politico, cria une voix masculine.
Il rejeta les couvertures, à grand-peine. Faites probablement en duvet de crocodile, elles pesaient une tonne. Il passa son kimono et, encore abruti de sommeil, alla ouvrir.
Le battant fut violemment rabattu sur lui. Maigres, hargneux et moustachus, trois hommes se ruèrent dans la chambre, identiques avec leurs complets sombres étriqués, leurs cheveux gras et leurs chaussures pointues. Le plus grand colla un colt 38 dans l’estomac de Malko.
— Señor, faites-nous la faveur de lever les mains.
Où la courtoisie castillane allait-elle se nicher ! L’âpreté de la voix poussa Malko à obéir. Les deux autres moustachus s’étaient mis à fouiller la chambre, dans un grand remue-ménage de tiroirs ouverts. Soudain, l’un d’eux plongea la main dans la valise de Malko et poussa un hennissement de joie. Il brandit une épaisse liasse de billets verts. Stupéfait, Malko reconnut des billets de cent dollars U.S. ! L’affreux les puisait à pleines mains dans sa valise et les jetait sur le lit.
D’où sortait cette fortune ?
On ne lui laissa pas le temps de se poser des questions.
— Dieu et République, dit le policier, avec importance, je vous arrête, señor.
Il laissa à peine à Malko le temps de s’habiller. Un des malveillants enveloppa les liasses dans un vieux Presencia, tandis que les deux autres surveillaient Malko, abasourdi. Ils n’avaient même pas fouillé sa Samsonite où se trouvait son pistolet extra-plat. En dépit de ses protestations, ils le poussèrent hors de la chambre. Il voulut prendre le téléphone, mais un coup de crosse sur le poignet lui fit lâcher prise.
Au rez-de-chaussée, l’employé du desk détourna pudiquement les yeux tandis qu’on enfournait Malko dans une vieille Chevrolet noire et blanche de la police. La voiture tourna immédiatement à droite dans la calle Abaya Junin, montant vers la place Murillo. Étourdi, Malko s’aperçut qu’un des policiers avait aussi pris la Samsonite. Les empreintes digitales de Klaus Heinkel s’y trouvaient, avec le dossier de l’affaire.
Le patio intérieur de la Dirección de los Investigations Nationales était encombré d’indiens assis à même le sol, attendant patiemment. Au rez-de-chaussée, d’autres faisaient la queue devant le bureau des détectives. Les trois hargneux entraînèrent Malko vers un escalier extérieur qui desservait une galerie au premier étage, puis, de là, dans un bureau sommairement meublé. Au fond, un tableau noir détaillait la scène d’un meurtre.
Le grand attacha Malko avec des menottes au fauteuil, posa l’attaché-case et les billets sur la table et se retira.
Presque aussitôt, un homme massif, vêtu d’un complet clair entra dans le bureau. Malko le reconnut aussitôt : c’était le major Gomez, l’homme qu’il avait vu à l’enterrement de Klaus Heinkel et ensuite devant la ferme de Coroico.
Lorsqu’il s’assit sur une chaise en face de Malko, sa veste s’entrouvrit et Malko aperçut un revolver à long canon accroché à sa hanche. Son visage gras et luisant était inexpressif, mais ses petits yeux porcins luisaient d’intelligence. Les mains étaient impeccablement manucurées et il portait une énorme Rolex au poignet. Sans rien dire, il prit le passeport de Malko et l’examina, page par page. Ensuite, il défit une liasse de billets et en regarda un par transparence. Enfin, il saisit le pistolet extra-plat, ôta le chargeur et fit la moue.
— Pourquoi portez-vous une arme, Señor ?
Il parlait bien anglais, avec un fort accent.
Malko était ivre de rage.
— Pourquoi m’a-t-on amené ici ? protesta-t-il. Qui êtes-vous ?
Plein d’emphase, le Bolivien annonça :
— Je suis le major Hugo Gomez, directeur du control politico. J’ai le droit d’arrêter qui je veux. Je veux savoir pourquoi vous avez en votre possession des faux dollars ?
Ça, c’était le comble ! Malko faillit s’étrangler de fureur :
— J’aimerais le savoir aussi, fit-il. C’est la première fois que je les vois, vrais ou faux.
Le major Gomez secoua la tête :
— C’est un système de défense stupide, Señor. Nous vous surveillons depuis que vous êtes en Bolivie, nous savons pourquoi vous êtes ici.
— Et pourquoi donc ?
— Pour acheter un important stock de cocaïne. Vous représentez la Mafia. Vous avez eu des contacts avec des trafiquants notoires comme Josepha, par exemple. De plus, ces billets sont faux.
Malko se sentait devenir fou. La règle numéro Un de son métier était de ne jamais révéler son appartenance à la C.I.A., quelles que soient les circonstances. On ne savait jamais l’usage que les gens pouvaient faire d’une telle révélation. Il pouvait seulement se faire couvrir par un fonctionnaire en titre de la Company.
— Ce sont des sornettes, dit-il. Il existe à La Paz une personne qui pourra vous dire que je ne suis pas un trafiquant. Jack Cambell, directeur de l’U.S.I.S.
Le Bolivien jouait avec son passeport.
— Vous n’êtes pas Américain, remarquait-il, vous avez un passeport autrichien.
— Jack Cambell est un ami personnel, fit sèchement Malko. Je possède également la nationalité américaine.
Le major alluma un petit cigare sans se presser, puis commença à compter les liasses de dollars, avec ses gros doigts spatulés.
— Il y en a pour deux cent douze mille dollars, dit-il à la fin.
— Je vous dis…
Le Bolivien se pencha vers Malko, onctueusement protecteur. Il empestait la brillantine.
— Je vous demande un million de pardons, Seňor, mais j’ai des ordres supérieurs et impératifs pour faire cesser le trafic de cocaïne. Je ne veux pas vous causer d’ennuis. Mais, nous autres, éléments très responsables, avons le sens de l’hospitalité envers les étrangers. Les Américains sont nos amis. Vous allez simplement signer une déclaration avouant que vous êtes venu en Bolivie avec deux cent douze mille dollars pour acheter de la cocaïne. Vous serez expulsé et nous ne parlerons plus de cette malheureuse histoire. Évidemment, nous confisquerons les dollars.
— Jamais, fit Malko.
Le major Gomez enfonça un petit doigt velu dans son oreille gauche et le secoua violemment. L’air abattu.
— Je suis votre ami, Señor. Avec les lois actuelles, je peux vous garder en prison très longtemps. Même en camp de concentration. C’est désagréable, un camp de concentration. Dans la région de Camiri, il fait très chaud…
Malko essaya de ne pas se paniquer. Jusqu’à quel point le Bolivien bluffait-il ? Ce coup monté était le résultat de l’évasion de Martine et de sa visite à Don Federico Sturm. Bien qu’il n’ait encore rien trouvé, il faisait peur. On voulait à tout prix lui faire quitter la Bolivie.
Donc, il y avait quelque chose à découvrir. Qui ne pouvait être que Klaus Heinkel. Il se dit qu’il pouvait disparaître comme Jim Douglas, enterré dans le cercueil d’un autre… S’il se laissait intimider, il était perdu.
Il planta son regard dans celui du gros Bolivien :
— Je suis victime d’une machination et vous le savez très bien. Je veux que l’on prévienne Jack Cambell et un avocat.
Brutalement, le Bolivien changea d’attitude. Frappant du plat de la main sur la table, il vociféra :
— Petit vagabond sans vergogne ! On ne dit pas « je veux » au major Gomez.
Il se leva, ouvrit la porte et hurla :
— Ramon !
Un homme jeune au visage marqué de petite vérole apparut, nerveux et obséquieux. Le major dit simplement :
— Au 5.
Au moment où Malko se levait, le major Gomez lui envoya un coup de pied compétent, en plein dans la cheville.
Le bout carré fit horriblement mal. Ramon defit une des menottes et l’entraîna, le tirant comme un veau. Ils descendirent un escalier intérieur, jusqu’à un couloir au sous-sol. L’odeur âcre de la sueur et de la saleté prit Malko à la gorge. Une ampoule nue éclairait des portes bardées d’acier. Son garde s’arrêta devant l’une d’elles, l’ouvrit et le poussa à l’intérieur.
C’était une pièce sans ouverture qui ne mesurait pas quatre mètres sur quatre.
— Hijo de puta, fit aimablement Ramon, tu vas crever ici.
Les minutieuses civilités castillanes s’étaient envolées. Il claqua la porte. À la lueur de l’ampoule, Malko aperçut un homme nu, les mains attachées derrière le dos et les chevilles entravées, assis sur le sol dans un coin de la cellule. Son visage était couvert de sang séché et de croûtes. En voyant le nouvel arrivant, il leva la tête et gémit.
Malko s’approcha et découvrit une chose horrible. Un fil de fer passé autour du cou du chulo descendait sur sa poitrine jusqu’à son sexe. L’autre bout était serré autour de ses testicules ; le forçant à demeurer courbé en avant, sous peine de s’étrangler ou de se torturer lui-même. Malko essaya de défaire le fil de fer sans y parvenir. Il aurait fallu des pinces. Dès qu’il effleura les testicules monstrueusement enflés du chulo, celui-ci hurla.
Un cri lui répondit de la cellule voisine. Suivi de bruits de coups, d’injures, et des hurlements sauvages d’un homme torturé à mort.
Malko s’appuya au mur humide. La mise en scène était parfaite. À cela près que ce n’était pas du bluff. On pouvait parfaitement l’assassiner ou le torturer dans ce cul-de-basse-fosse sans que le monde en sache jamais rien.
Pour ne pas penser aux testicules démesurément enflés de son compagnon de cellule, il se remémora sa soirée de la veille avec Lucrezia. Il l’avait retrouvée après son expédition chez Don Federico. Ils avaient été dîner chez Maxim’s, un des moins mauvais restaurants du Prado. Horrifié par le « suicide » de Friedrich, elle avait conjuré Malko d’abandonner Klaus Heinkel à son sort. Il devait déjeuner avec elle… Maintenant, les empreintes digitales de l’Allemand se trouvaient en possession du major Gomez.
Le coup de pied fit sursauter Malko. Il se réveilla en sursaut. Deux policiers en manches de chemise le contemplaient, l’air hargneux.
— Debout, fils de pute.
Malko se leva. L’un d’eux lui passa rapidement des menottes.
Aussitôt, un coup de poing violent dans le ventre le plia en deux. Puis un déluge de coups s’abattit sur lui. Les deux policiers frappaient calmement, là où cela faisait le plus mal, accompagnant leurs coups de toutes leurs forces. Quand il tomba, ils s’acharnèrent à coups de pieds, sans un mot, comme on tape dans un punching-ball. Un coup à la rate lui arracha un cri et une panique viscérale le submergea. Ils avaient peut-être reçu l’ordre de le tuer à coups de pied et de poing.
Mais la grêle de coups s’arrêta aussi soudainement qu’elle avait commencé. Les deux hommes le relevèrent et lui ôtèrent les menottes. Le plus jeune l’apostropha :
— Alors, hombre ? Tâche de te conduire en caballero avec le major, sinon, tout à l’heure on va briser tous les os de ton corps et te couper les couilles.
Malko ne répondit même pas. Il parvint à remettre sa veste et se laissa pousser hors de la cellule. Cela faisait vingt-quatre heures qu’il n’avait rien mangé. Il avait bu un peu d’eau croupie et une soif atroce lui asséchait le palais. Dans le couloir, il vacilla. L’un des policiers lui donna un petit coup pour le faire avancer.
— Maricon ![20]…
Le major Hugo Gomez était toujours aussi luisant de bonne graisse. Mais il n’y avait plus aucune trace d’amabilité sur son visage rond. Il tendit une feuille dactylographiée à Malko.
— Voilà vos aveux, Señor. Vous signez ? J’ai mis le numéro de tous les billets.
— Prévenez l’ambassade américaine, dit Malko, se forçant au calme. Je n’ai commis aucun délit.
Sa tête lui tournait et il avait du mal à rester debout. Lentement, Gomez vint vers lui. Sans préavis, il le gifla à toute volée. Sa Rolex heurta Malko à l’oreille et il eut l’impression qu’elle la lui arrachait.
Il était certain que Jack Cambell était au courant de sa détention. Si Gomez n’avait pas été au courant des liens de Malko avec la C.I.A., il n’aurait pas eu besoin de toute cette mise en scène pour l’expulser. Mais il fallait qu’il soit couvert vis-à-vis des Américains.
— Je te donne encore un jour pour réfléchir, dit Gomez.
Il fit signe de reconduire Malko. Au moment où celui-ci sortait de la galerie extérieure, il entendit un hurlement dans la cour. Il baissa les yeux, ébloui par le soleil. Lucrezia, au milieu du patio, agitait le bras dans sa direction. Elle se jeta comme une folle à l’assaut de l’escalier de bois. Alerté par le cri, le major Gomez sortit de son bureau et aperçut la jeune femme. Il glapit un ordre et une grappe de policiers jaillit sur la galerie.
Lucrezia vit les hommes qui dévalaient vers elle et fit demi-tour vers la sortie. Malko la vit disparaître dans la rue Ayacucho. Déjà, les policiers l’entraînaient sous une grêle de coups, comme pour le punir d’avoir aperçu Lucrezia. Il eut peur pour la jeune femme. À quoi cela servirait si on l’enfermait à son tour ? Ceux qui protégeaient Klaus Heinkel semblaient tout-puissants à La Paz.
Jack Cambell contemplait Malko, maussade, engoncé dans un costume à carreaux jaunâtres, trop étroit pour lui. Le major Gomez semblait encore avoir engraissé. Malko essaya de ne pas montrer son soulagement. Après l’apparition de Lucrezia, il venait encore de passer une journée d’angoisse. Le chulo au fil de fer était mort à côté de lui, au début de l’après-midi.
— Avez-vous été prévenu de mon arrestation illégale ? demanda-t-il à l’Américain. Je suis ici depuis deux jours, accusé d’une histoire rocambolesque.
L’Américain eut un regard franchement hostile et croassa :
— J’ai été prévenu à titre officieux de votre arrestation par le major Gomez. Mais, étant donné les charges qui pesaient sur vous, j’ai décidé de laisser la justice bolivienne suivre son cours.
Le buste de feu le Président Barrientos, au fond du bureau, sembla cligner de l’œil. Dans un pays où le Crime avait depuis longtemps rattrapé la Justice et lui avait tordu le cou…
— Je ne suis mêlé à aucun trafic et on m’a tendu un piège, dit sèchement Malko. Pour des raisons que vous devez connaître.
Il ne pouvait pas en dire plus. Ivre de rage, il réalisa que Cambell et Gomez jouaient le même jeu.
— Même si je dois rester dix ans dans cette cellule, continua-t-il, je n’avouerai pas mon prétendu trafic. Et si on m’assassine, vous en serez responsable.
Le major Gomez n’avait pas bronché. Jack Cambell croassa :
— Il ne s’agit pas de vous assassiner. Je suis venu ici au contraire pour assister à votre mise en liberté provisoire. Le major Gomez a bien voulu accepter ma caution morale, en dépit des preuves accumulées contre vous. Bien entendu, vous devrez quitter La Paz dans les vingt-quatre heures. Il y a un avion de la Braniff demain à midi trente…
Le major Gomez griffonna sur des papiers qu’il tendit à Jack Cambell. Malko pointa le doigt vers sa Samsonite, toujours sur le bureau du major Gomez.
— Et mes affaires ?
Le major leva un visage sans expression :
— Ce sont les pièces à conviction, Señor. Il y a déjà les scellés dessus. Cela reste à la disposition de la justice bolivienne… Voici votre passeport dont vous aurez besoin demain.
Malko sentit la moutarde lui monter au nez.
— Cette valise contient des documents appartenant au gouvernement américain, dit-il. J’entends qu’ils me soient rendus.
Le Bolivien eut un sale sourire :
— Si ce que vous dites est vrai, ces documents seront rendus à M. Cambell ou au chargé d’affaires…
L’astuce était là ! Jack Cambell avait dû le convaincre que, les empreintes digitales de Klaus Heinkel en leur possession, Malko n’était plus dangereux. Même s’il allait se plaindre à Langley.
Mais pourquoi diable jouait-il à ce point le jeu du Bolivien, contre les instructions d’une autre division de la C.I.A. ?
La première chose était de sortir de là. Il se leva et prit le passeport tendu par le major Gomez. Les effusions furent brèves.
Sa poitrine se dilata de soulagement quand il se retrouva sur la galerie extérieure. La cour était toujours pleine de chulos. Il respira voluptueusement l’air frais, pensant à son malheureux compagnon de cellule. Jack Cambell attendit qu’ils soient Plaza Murillo pour remarquer d’une voix acerbe :
— Je vous ai sorti d’un drôle de pétrin ! Nous nous verrons demain à l’aéroport d’El Alto. Soyez à l’heure. Je ne veux pas d’histoires avec les autorités boliviennes.
Malko se demanda s’il lui donnait tout de suite un coup de pied dans le ventre ou s’il attendait d’avoir repris des forces. Il opta pour la seconde solution. Sans un mot, il quitta l’Américain et descendit la rue Ayacucho.
Il n’avait pas parcouru vingt mètres qu’un claquement de pas rapides le fit se retourner. Lucrezia courait vers lui à perdre haleine. Elle le rattrapa et se jeta dans ses bras. À cause de la pente, ils faillirent rouler jusqu’à l’avenue Camacho. Dès qu’il pleuvait, les taxis ne pouvaient plus monter dans la vieille ville, tant la chaussée était glissante.
— J’ai faim, dit Malko.
— Je t’ai préparé une apparillada comme tu n’en as jamais mangée, fit Lucrezia. J’ai eu si peur…
— Comment as-tu fait pour me retrouver ?
Elle secoua joyeusement la tête.
— À l’hôtel, on m’a dit que tu avais été arrêté. J’ai réussi à apprendre où tu étais. Je voulais qu’on sache que je t’avais vu. Ensuite, j’ai été à l’ambassade américaine. J’ai vu le consul et j’ai menacé de faire un scandale. Comme je t’avais vu, le major Gomez ne pouvait pas dire qu’il ne te détenait pas…
— Mais tu n’avais pas peur pour toi ?
— Non. Mon père est trop connu. Bien sûr, ils auraient pu me battre, mais ils ne m’ont pas attrapée…
Lucrezia était une alliée de poids. Malko s’arrêta pile :
— Sais-tu où je pourrais téléphoner à l’étranger ?
— Bien sûr, chez I.T.T., rue Socabaya. C’est près de chez moi.
— Allons-y.
Jack Cambell allait sortir de son bureau lorsqu’il se heurta à Malko qui ne s’était pas fait annoncer. Ses yeux dorés avaient complètement viré au vert. L’Américain ouvrit la bouche, mais Malko, sans lui laisser le temps de parler, le repoussa dans son propre bureau et referma la porte derrière lui.
— Mon cher Cambell, dit-il d’une voix glaciale, ou vous m’écoutez tranquillement ou je vous passe par la fenêtre.
— Vous êtes devenu fou, ou quoi ? bredouilla l’Américain…
— Non, dit Malko. Je viens seulement de téléphoner à David Wise. Vous savez de qui il s’agit, n’est-ce pas ? Il m’a réitéré l’ordre de continuer ma mission. C’est-à-dire de retrouver Klaus Heinkel et de le faire arrêter. Pour des raisons qui sont au moins aussi importantes que les vôtres. Nous sommes à quelques mois des élections et l’Administration n’a pas du tout envie de se trouver avec un scandale sur le dos. Un pool de journalistes est en train de préparer un dossier sur l’affaire Klaus Heinkel…
— Tout ceci va vous être confirmé par câble dans les heures qui viennent. Bien entendu, je ne pars plus. Le State Department a câblé dans ce sens au ministre de l’Intérieur bolivien… Puisque vous êtes si bien avec le major Gomez, mettez-le au courant.
Il sortit de la pièce et salua poliment l’horrible secrétaire moustachue.
Revigoré.