XLVIII

Le mardi vers onze heures, enfin loin du tumulte, Adamsberg attendait tranquillement avec Josselin l’arrivée du garde du corps aux yeux bleus. L’ânon – une femelle – était avec eux, mangeant du foin à son rythme, frottant parfois sa tête contre celle du commissaire. Elle avait le dos gris pâle, le ventre et les pattes blanches.

— Elle est belle, elle est douce, dit Josselin.

— Elle est parfaite.

Le garde, en tenue civile puisqu’il était de relâche, arrivait vers eux, non pas en marchant mais en courant, propulsé par son impatience de découvrir son « idée de vie » enfin sur pied. Il entoura le cou de l’ânon, lui caressa fortement la crinière, admiratif et déjà aimant. Si l’intelligence des yeux purs du garde ne s’était pas communiquée dans le regard du jeune animal, son affection s’y était indiscutablement propagée.

— Merci, monsieur de Chateaubriand, merci monsieur le commissaire.

Fébrilement, tout à sa joie, il régla à Josselin les trois cent vingt euros qu’avait coûtés l’ânon.

— J’ai négocié le prix, dit Josselin, le propriétaire en voulait trois cent soixante, car cette petite est robuste, vous verrez cela. On va la mettre au champ ? Lui faire rencontrer Harmonica ?

Les yeux du garde s’allumèrent à sa façon si singulière, et les trois hommes se mirent en route, suivis par l’ânon qui s’arrêtait çà et là pour brouter au hasard du chemin.

— Je sais comment je vais l’appeler, dit le garde : « Vicomte ». C’est un nom d’homme, je le sais bien, mais j’y tiens. C’est bien, n’est-ce pas ? Il paraît qu’on vous appelle comme cela.

— Mais je ne suis pas vicomte, dit Josselin avec son léger sourire.

— Et elle non plus, dit le garde en caressant son ânon. C’est ça le truc, justement.

Et sur le sentier boisé qu’ils suivaient, Adamsberg entendait l’heureux garde répéter à mi-voix : « C’est tout de même quelque chose, un dolmen. »

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