XXVII SOUS LES QUINCONCES

Le lendemain de grand matin, M. de Bernis, son bras toujours en écharpe, quitta le château sans avoir été remarqué. Le mystérieux personnage que nous continuerons à appeler M. Jacques avait bien tort de se défier de lui. Non seulement Bernis était trop intelligent pour persister dans ses velléités de trahison, mais encore il avait pour son chef suprême une admiration sans bornes. La scène de la nuit n’était pas faite pour diminuer cette admiration…


Il résolut d’être désormais fidèle et d’obéir aveuglément.


Il faut ajouter que sa fidélité à M. Jacques ne pouvait en rien lui enlever la faveur qu’il avait conquise auprès du roi. Au contraire, peut-être allait-il trouver l’occasion de rendre à Sa Majesté de nouveaux services.


Ce fut donc plein d’ardeur qu’il prit le chemin de Paris et se rendit tout droit à l’auberge des Trois-Dauphins, où il demanda à parler à M. le chevalier d’Assas.


Quelques minutes plus tard il était introduit dans la chambre de d’Assas, et, après l’avoir salué courtoisement, lui demandait:


– Me reconnaissez-vous, monsieur?


Le chevalier examina un instant son visiteur et secoua la tête.


Bernis avait mis cet instant à profit pour étudier de son côté celui qu’il venait voir. Le chevalier était fort pâle, ce qui prouvait qu’il avait peu ou pas dormi, et il avait les yeux rouges, ce qui prouvait qu’il avait pleuré beaucoup. Il semblait accablé par une morne tristesse. De plus, Bernis remarqua que son portemanteau était ouvert sur le lit et qu’il était en train d’y ranger les effets de parade qu’il avait apportés à Paris; évidemment d’Assas s’apprêtait à s’en aller.


– Monsieur le chevalier, reprit-il en voyant que d’Assas secouait la tête, je m’appelle M. de Bernis, et je passe pour un poète passable. Mme de Rohan, dont vous connaissez la réputation d’esprit, me veut quelque bien, et j’ai tout lieu de croire que je ferai mon chemin comme un autre.


Le chevalier s’inclina poliment, mais froidement.


– Cette présentation faite, cher monsieur, continua Bernis, et je doute qu’elle vous ait intéressé, je vais vous dire une chose qui vous intéressera davantage: c’est moi qui, l’autre nuit, conduisais le carrosse où se trouvaient Mme d’Étioles et sa Majesté…


Le chevalier frissonna. Pour ce freluquet importun qui venait ainsi presque insulter à sa douleur, il eut un regard de haine, et ce fut d’une voix que la rage d’amour faisait trembler qu’il répondit:


– Je vois que vous faites plusieurs métiers, monsieur… tantôt vous faites des vers, et tantôt…


– Halte! fit Bernis. Pardonnez-moi de vous interrompre…


– Et pourquoi m’interrompez-vous, s’écria violemment d’Assas, au moment où j’allais dire…


– Je vous interromps encore… et c’est parce que je lis dans vos yeux que vous avez une insulte au bout de la langue. Or, mon cher chevalier, si je vous laissais proférer cette insulte, nous serions obligés de nous couper la gorge ce soir ou demain, ce qui n’est rien. Mais je serais aussi obligé de vous quitter sur l’heure, ce qui serait fâcheux pour vous qui ne sauriez pas ce que j’avais à vous dire, et fâcheux pour moi qui serais désespéré de laisser dans le désespoir le gentil garçon que, d’un mot, je pouvais consoler…


– Que signifie…? murmura le chevalier étourdi de ce babil.


– Cela signifie, se hâta de reprendre Bernis, que, conduisant le carrosse de Sa Majesté l’autre nuit, j’ai assisté à toute la scène, et que j’ai trouvé votre attitude héroïque, et que vous m’avez du premier coup inspiré la plus vive et la plus sincère sympathie. En même temps j’ai pu comprendre l’état de votre cœur, ce qui n’était pas trop difficile, et je me suis dit: voici, par ma foi, un gentilhomme qui va pleurer, bien à tort, toutes les larmes de ses yeux, puisqu’il s’imagine… ce qui n’est pas…


D’Assas bondit.


– Ce qui n’est pas! balbutia-t-il en devenant livide. Au nom du ciel, monsieur, expliquez-vous clairement… je sens que ma tête s’égare rien qu’à la pensée que… peut-être… je me suis trompé…


– Eh bien! je vais être clair et précis. D’abord, vous croyez que Mme d’Étioles a volontairement suivi le roi?


– Oui!…


– Vous croyez ensuite qu’elle l’aime?…


– Hélas!…


– Enfin, vous croyez que depuis l’autre nuit ils ne se sont pas quittés?


D’Assas baissa la tête. Et une larme brûlante parut dans ses yeux.


– Vous vous trompez sur ces trois points… ou presque, dit alors Bernis.


Le chevalier eut un long frémissement.


– Tout d’abord, c’est contrainte et forcée que Mme d’Étioles est montée dans le carrosse. C’est à la suite d’un véritable guet-apens et je puis vous en parler en connaissance: j’ai assisté à la chose. Elle s’est défendue vaillamment, je vous le garantis, et on n’a eu raison de sa résistance qu’en lui assurant qu’on la conduisait dans une maison où elle serait chez elle…


Le chevalier secouait la tête et songeait:


– Pourquoi alors ne s’est-elle pas confiée à moi lors de la rencontre?…


– Il est vrai, reprit Bernis, que cette charmante jeune femme a quelque penchant pour le roi… ou du moins elle est éblouie par la grandeur royale. Mais ceci ne me regarde pas… Et j’arrive au troisième point: Mme d’Étioles a été conduite à Versailles dans une maison où Louis XV n’a pas pénétré. Et elle n’y est entrée qu’à cette condition qu’elle recevrait qui bon lui semblerait… même son mari, ajouta Bernis en éclatant de rire.


– Êtes-vous sûr de ce fait? haleta d’Assas qui saisit la main du visiteur.


– Pardieu! monsieur, s’écria Bernis en jetant un cri de douleur, vous oubliez que vous m’avez fracassé l’épaule!…


– Oh! pardon… c’est donc moi… c’est donc mon coup de pistolet…


Le pauvre chevalier était désolé; et à cette désolation, Bernis vit qu’il avait cause gagnée.


– Ce n’est rien, reprit-il. Dans huit jours, il n’y paraîtra plus. Et puis, cela m’apprendra à me mêler de ces sortes d’aventures au lieu de m’occuper de rimer, ce qui est mon métier… Si je suis sûr que le roi n’a pas encore pénétré auprès de Mme d’Étioles!… Je puis vous le jurer sur l’honneur!…


– Et comment le savez-vous? s’écria le chevalier repris d’un soupçon subit.


– Chevalier, vous aimez; sur ce point, au moins, je vous ressemble: j’aime!… Oh! rassurez-vous: ce n’est pas Mme d’Étioles… mais une charmante, une délicieuse enfant qui habite la maison en question, à titre de soubrette… Que voulez-vous? Je déroge, mais la coquine m’a ensorcelé, je crois… C’est pour lui complaire que je me suis transformé en Phébus conduisant le char de l’Amour… Bref, Suzon… elle s’appelle Suzon… n’a plus aucun secret pour moi… et par elle je sais tout ce qui me tient à cœur, pour moi… ou pour mes amis… et je veux espérer que vous me faites l’honneur d’être de mes amis.


Le chevalier tendit sa main à Bernis et appela pour qu’on montât du vin d’Espagne.


La glace rompue, Bernis accumula les détails, fournit des preuves, répondit à toutes les questions du chevalier, l’assura qu’il serait enchanté de jouer un mauvais tour au roi qu’il détestait, et finalement lui proposa de le conduire à Versailles, pour lui montrer la maison où Mme d’Étioles était enfermée.


– Je n’osais vous le demander! s’écria le chevalier transporté, mais j’avais déjà fait mon plan: je vous eusse suivi, et puisque vous vous rendez tous les jours dans cette maison…


– Bien imaginé! Eh bien! mon cher chevalier, faites comme si je ne vous avais rien proposé: suivez-moi sans que je m’en aperçoive. Je vais de ce pas monter à cheval, et la maison devant laquelle vous me verrez m’arrêter… eh bien, ce sera là! De cette façon, nul ne pourra dire que je vous ai conduit… Et même, s’il vous arrivait de me rencontrer à Versailles…


– Soyez tranquille, je ne vous reconnaîtrai pas…


– Parfait. En route, donc!…


Les deux jeunes gens descendirent, enfourchèrent chacun leur cheval, et marchèrent de conserve jusqu’à ce qu’ils fussent sortis de Paris. Alors, ils se serrèrent la main, et de Bernis prit les devants, suivi à deux cents pas par le chevalier.


Le soir tombait au moment où ils arrivaient à Versailles.


Bernis contourna l’aile droite du château; le chevalier, le cœur battant, le vit passer au pas et s’arrêter enfin devant une maison isolée. Bernis mit pied à terre comme pour ressangler son cheval, puis, se remettant en selle, ne tarda pas à disparaître.


Aussitôt le chevalier sauta à terre, attacha sa bête à un tronc d’arbre et s’avança vers la maison, qui avait une apparence des plus mystérieuses. Il s’arrêta à vingt pas de la façade, et, dissimulé dans l’ombre du quinconce, l’examina avec un intérêt facile à comprendre.


– C’est là! murmura-t-il. Elle est là! Ce jeune homme ne peut avoir menti; quel intérêt aurait-il eu à me tromper?… Oui! elle doit être là!… Que ne puis-je entrer! lui parler! lui dire tout ce que je souffre!…


À ce moment, un homme enveloppé d’un manteau, qui à quelques pas de là surveillait, lui aussi, la maison, aperçut le chevalier, sourit et s’enfonça plus profondément dans l’ombre, en disant:


– Bernis a tenu parole… voici le chevalier… Allons! la leçon de cette nuit a été bonne!…


Cet homme, c’était M. Jacques…


Le chevalier, timide et palpitant comme un pauvre amoureux qu’il était, dévorait des yeux la maison et prenait l’héroïque résolution d’aller frapper à la porte, tout en se disant d’ailleurs qu’il n’en aurait jamais le courage.


Pourtant, à force de s’affirmer qu’il ne pouvait plus vivre s’il ne la revoyait pas encore, il finit par se détacher de l’arbre auquel il s’était accoté et il avançait de quelques pas, lorsqu’il fut heurté par quelqu’un qui marchait assez vivement.


– Au diable l’importun! grommela le quelqu’un.


– Au diable vous-même, monsieur le malappris! répliqua vivement le chevalier qui se trouvait dans cet état d’exaspération particulier aux amoureux que l’on dérange.


– Eh! reprit la voix en se faisant narquoise et insolente, c’est ce cher chevalier d’Assas!…


– Le comte du Barry! fit d’Assas en reconnaissant l’homme.


C’était du Barry, en effet, qui, ayant sans doute reçu quelque mission, rôdait de son côté aux abords de la fameuse petite maison, laquelle, à défaut d’autre mérite, avait du moins en ce moment celui d’être parfaitement gardée.


Du Barry, en reconnaissant d’Assas, jeta un rapide regard autour de lui.


Le paysage était désert. Sous les quinconces, la solitude était profonde.


Quant à la maison, elle était assez éloignée et hermétiquement close.


Alors une bouffée de fiel monta au visage de du Barry.


Cet homme, ce chevalier qui l’avait insulté, humilié, puis blessé, il le haïssait!


Le terrible M. Jacques avait imposé silence à cette haine. Du Barry avait dû s’incliner, la rage au cœur.


Mais maintenant, ils étaient seuls en présence!…


Un coup d’épée est vite donné… Et s’il touchait le chevalier, s’il le tenait un instant à sa merci, le poignard achèverait ce que l’épée avait commencé.


D’Assas avait reculé de deux pas. Le comte lui inspirait une insurmontable aversion. Et pourtant, d’après ce que lui avait dit M. Jacques, c’est à du Barry qu’il avait dû de sortir promptement de la Bastille.


Le chevalier souleva donc son chapeau, et, se contraignant à la politesse:


– Comte, dit-il, on m’a assuré que vous avez tout fait pour me rendre la liberté lorsque j’ai été arrêté. Veuillez donc recevoir ici mes remerciements…


– Ma foi, mon cher monsieur, vous m’étonnez, fit du Barry. Je me suis occupé de vous rendre la liberté, moi?… Je suis charmé de l’apprendre…


D’Assas remit son chapeau sur sa tête.


Du Barry ne s’était pas découvert.


– En ce cas, reprit le chevalier, j’ai eu tort de vous présenter mon compliment, et je le regrette.


– D’autant plus, ricana du Barry, que votre compliment, à des oreilles mal intentionnées, eût pu sembler vous avoir été dicté par la crainte.


– Quelle crainte, je vous prie? fit d’Assas qui commençait à voir où le comte voulait en venir.


– Mais la crainte, par exemple, que je ne vous demande compte de certain coup d’épée que vous me donnâtes par surprise… Au surplus, en Auvergne, c’est peut-être par des compliments que l’on paie les dettes d’honneur. Je vous préviens que je n’accepte pas cette monnaie, monsieur…


– En Auvergne, monsieur, répondit gravement d’Assas, quand on rengaine un compliment, on dégaine l’épée…


– En garde, donc! fit du Barry, les dents serrées par la rage. En même temps, les deux adversaires jetèrent bas leurs manteaux, sortirent les épées du fourreau et tombèrent en garde.


– Tenez-vous bien, cette fois, gronda le comte, car je vous préviens que je ne fais pas de quartier.


Et il se fendit à fond.


– Vous êtes insensé, monsieur, railla d’Assas en parant le coup: mais je veux être plus généreux que vous, et cette fois encore, je vous ferai quartier, car je me contenterai de vous marquer à la joue…


– Misérable! rugit le comte, c’est la dernière fois que tu m’auras raillé!


Et il se rua sur son adversaire; au même instant un homme s’élança entre les deux duellistes, en disant avec autorité:


– Bas les armes!…


– Par la mordieu! gronda du Barry.


L’inconnu écarta son manteau et son visage apparut. M. Jacques – car c’était lui – ajouta aussitôt:


– Remettez votre épée au fourreau: je vous l’ordonne…


Du Barry fit un geste de rage, ses yeux devinrent sanglants… mais M. Jacques le regarda fixement… le comte obéit.


– Je suis déshonoré! murmura-t-il en frémissant.


– Non, monsieur, dit d’Assas, pas pour cela, du moins; et pour preuve, je serai toujours votre homme, quand il vous plaira…


– Merci, monsieur! balbutia confusément du Barry.


M. Jacques se tourna alors vers le chevalier.


– Mon enfant, dit-il, laissez-moi espérer que vous écouterez ma voix. Le comte du Barry n’est pas votre ami; vous n’êtes pas le sien: mais vous pouvez et vous devez être alliés…


– Pour quelle œuvre? quelle besogne? fit d’Assas avec hauteur.


– Écoutez-moi un instant, dit paisiblement M. Jacques en se reculant.


D’Assas le suivit.


– Mon enfant, reprit alors M. Jacques, c’est moi qui vous ai tiré de la Bastille; c’est moi qui vous ai consolé; c’est moi qui, jusqu’ici, ai préservé Mme d’Étioles…


D’Assas frémit.


– C’est moi, continua M. Jacques, qui vous ai fait prévenir qu’on allait l’enlever; c’est moi qui ai fait suivre le carrosse; enfin, c’est moi qui aujourd’hui même vous ai envoyé Bernis… Je ne veux pas que le roi abandonne encore la reine Marie! Pour toutes sortes de raison de morale et de politique, je ne veux pas que Mme d’Étioles lui appartienne… Me croyez-vous?…


– Oui! gronda le chevalier, au visage de qui monta une bouffée de sang. J’ignore qui vous êtes; j’ignore les vrais motifs qui vous font agir, mais je vous crois!…


– C’est tout ce qu’il faut. Peu vous importe que je vous dise ou non la vérité sur certains points; ce qui vous importe, c’est que je veux séparer à tout jamais Mme d’Étioles et le roi. C’est mon intérêt. C’est le vôtre. Nous sommes donc alliés?


– Nous le sommes, fit d’Assas qui haletait.


– Eh bien! maintenant, écoutez ceci: M. du Barry était ici, par mon ordre, pour surveiller cette maison et au besoin empêcher par la force le roi d’y entrer… Est-il votre allié?…


Le chevalier se tut.


– Que le comte soit tué, acheva M. Jacques, ou même qu’une blessure le mette au lit pour huit jours, et vous aurez servi les intérêts du roi, mon enfant…


D’Assas fit un geste de rage.


– Sans du Barry, je ne puis rien, vous entendez?… Battez-vous donc avec lui, si cela vous convient, mais seulement quand il n’y aura plus de danger pour Mme d’Étioles…


– Et comment le saurai-je?…


– Je vous préviendrai, dit M. Jacques avec un sourire. Ainsi, c’est entendu, jusque là, le comte vous est sacré?…


– Je jure de ne pas le provoquer, dit d’Assas.


– C’est tout ce qu’il faut, mon enfant. Adieu… à bientôt!… À propos, où logez-vous?…


– Mais… aux Trois-Dauphins, vous le savez, monsieur.


– À Paris, oui; mais à Versailles?…


– Je n’ai point de logis à Versailles, monsieur.


M. Jacques leva les bras au ciel avec indulgence.


– Voilà bien les amoureux! dit-il. Imprévoyants jusqu’à la folie. Ils se contentent de soupirer. Eh bien! je vais vous indiquer un logis, moi, car il faut que vous vous installiez à Versailles…


– Tout mon portemanteau est à Paris, dit d’Assas étourdi.


– Ne vous en inquiétez pas: on vous le renverra.


– Ma bourse est maigre.


– Que cela ne vous arrête pas: vous n’aurez rien à payer dans le logis où je prétends vous envoyer. Allez donc aux Réservoirs. Prenez la ruelle qui débouche juste en face. Arrêtez-vous devant la quatrième maison à gauche, frappez deux coups, et à celui qui viendra vous ouvrir, dites simplement que vous êtes envoyé par M. Jacques.


Là-dessus, M. Jacques fit un geste amical au chevalier, s’approcha de du Barry, le prit par le bras et l’entraîna vivement.


– Ah çà! êtes-vous fou, mon cher comte? lui dit-il. Vous venez déranger ce digne jeune homme juste au moment où il se dirige vers la maison!… Vous lui cherchez querelle! Vous me l’auriez blessé, tué peut-être!…


– Je le hais! gronda du Barry.


– Oui, je sais… Mais n’aurai-je donc jamais autour de moi que des hommes incapables de dominer leurs passions?… Attendez, que diable! Et quand il en sera temps, je vous livre le petit chevalier.


– Quand cela? fit avidement du Barry.


– Je vous le dirai. Jusque là, vous êtes alliés, vous devez le respecter. Il vous est sacré. Vous aviez déjà promis. Cette fois-ci, il me faut un serment…


– Je le jure, dit le comte après un instant d’hésitation.


– Bien! reprit M. Jacques sur un ton dur dont du Barry comprit parfaitement toutes les menaces pour le cas où il ne tiendrait pas la parole donnée.


Ce terrible personnage, qui semblait ainsi jongler avec la conscience des gens qui l’entouraient, reprit alors:


– Et Juliette?… Est-elle arrivée?…


– Depuis deux heures, elle est dans la maison de la ruelle aux Réservoirs.


– Parfait, mon cher comte… Avez-vous besoin de quelque argent?… Oui… Eh bien! passez chez moi ce soir… Et quant à Juliette, tenez-vous prêt à la conduire lorsque Bernis viendra vous prévenir…


Les deux hommes s’éloignèrent dans la direction de Versailles, M. Jacques tenant toujours du Barry par le bras.

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