14 Ligne de fuite

C’est le garde-champêtre de Loperhet qui retrouva la 504 Peugeot bleu métallisé immatriculée 6667ND35 : située le long d’une ligne de chemin de fer désaffectée, grossièrement camouflée sous des branchages derrière les ruines de l’ancien garde-barrière, le véhicule était tellement cabossé que l’employé municipal avait d’abord cru à une voiture volée. Il avait donc alerté la gendarmerie locale, qui avait passé l’information au lieutenant Mc Cash.

Quand celui-ci arriva sur les lieux, les hommes du préfet encombraient les sentiers frais et humides du sous-bois. Peut-être même des types de la DST. Le Cairan était le voisin du député, ils avaient vite fait le rapprochement et, dans cette affaire d’État, toutes les pistes étaient vérifiées. En retrait, les gendarmes de Plougastel chargeaient l’atmosphère de commentaires allusifs. Silencieux, professionnels, les inspecteurs en civil relevaient des empreintes sur le terreau, encore meuble après l’orage de jeudi.

L’Irlandais n’était pas à la fête. Le bandeau qui cernait son visage le démangeait, il avait mal au crâne, à s’en arracher les cheveux. Dans son nez, plus d’odeur. Juste une sensation de sang séché. Il avança vers le bâtiment en ruine où s’agitaient des hommes en tenue de combat. Celui qui les dirigeait s’appelait Legay. Jean-Yves Legay. Un grand costaud aux cheveux blonds rasés, engoncé dans un cou de taureau cerclé d’or. Veste Armani avec boutons de manchette, mâchoire cubique, pommettes saillantes, Mc Cash le salua à peine : il était dans un sale état et il n’aimait pas les bijoux pour les hommes.

— C’est vous qui recherchez Le Cairan ? fit-il, penché sur la 504.

— Oui.

Legay redressa ses yeux, d’un bleu sibérien.

— Et vous ne l’avez toujours pas retrouvé ?

— L’oiseau est disons, volatile.

— Hum hum… Et la voiture ? Volée ?

— Possible.

— Alors ? Le Cairan c’est une bonne ou une mauvaise piste ?

Avec la migraine qui l’assaillait, Mc Cash fit la moue sans forcer.

— Je sais pas. À quand estime-t-on l’abandon de la Peugeot ?

— Pas plus d’une semaine : on a retrouvé un journal daté du 7 sous le siège avant.

L’Irlandais compta les jours dans sa tête, probabilisait l’amplitude de leur déplacement, quand une sorte de libellule vint bourlinguer autour de son front moite : cherchant à l’écarter, il se perdit dans ses calculs, recommença à zéro. Jusque-là arc-bouté sur le siège avant, un flic en civil ressortit de l’habitacle, tenant à la main un objet enrubanné de papier bleu et blanc.

— Qu’est-ce que c’est que ce truc ? fit Legay en dépliant les ailes d’une espèce d’animal peinturluré.

— Un cerf-volant, répondit Mc Cash dans son dos.

L’officier, agacé, étudia brièvement l’objet et conclut :

— Aucun intérêt. Maintenant vous me fouillez les environs, vous finissez de relever les empreintes et vous me consignez tout ça dans un rapport : au trot !

Legay agita sa gourmette. Autour de lui, les policiers se dispersaient, fourmis au combat des herbes folles. Les ordres résonnaient sous la futaie, les gendarmes opinaient du képi, s’organisaient, communiquaient, démarraient des voitures.

Adossé à un vieux chêne, Mc Cash observait leur manège. Il pensait à ce qu’il avait vu écrit à l’encre de Chine sur les rubans du cerf-volant : « Pour tes six ans, petite. »


L’enquête qui suivit menait à Saint-Jean-de-Luz : interrogeant un de ses contacts à l’Erzaintza, la police autonome basque, Mc Cash apprit qu’à la mort de ses parents Alice Arbizu avait été élevée par sa tante, Itziar Aizperua, elle-même proche d’Herri Batasuna, chef du parti indépendantiste basque Unité Populaire, lequel groupe ne s’était pas présenté lors des manifestations qui suivirent les dernières tueries orchestrées par l’ETA. Mieux, la tante d’Alice aurait même déclaré à cette occasion qu’un « peuple qui lutte est un peuple qui vaincra »… Quant à son frère, un certain Martial Arbizu, sympathisant déclaré, il n’avait pas regagné son domicile depuis plus d’une semaine. Des petits détails qui corroboraient la piste indépendantiste du préfet. Le problème, c’est que Le Cairan et Arbizu se comportaient comme de parfaits amateurs. Ils avaient semé les indices derrière eux, laissé des traces, oublié des choses… Quant au pavillon de Locmaria où ils avaient trouvé refuge, le propriétaire, un certain Mavel, n’était toujours pas réapparu…

Six heures de l’après-midi : les bistrotiers préparaient les terrasses, les goélands survolaient les colombages du vieux Rennes après avoir festoyé à la déchetterie, les filles marchaient vite, les garçons faisaient du style, les personnes âgées avaient comme disparu de la ville. Mc Cash but deux bières en espérant passer son mal de crâne. C’est en consultant son carnet de notes, succession de listes obscures et de gribouillis illisibles, qu’il fit enfin le rapprochement entre le dénommé « Filou », l’imprimeur fantôme de L’Ankou Magazine, et Georges Filoc’h, ancien cadre du FLB, dont le nom avait traversé le dossier du préfet Basillac.

À croire que les amphétamines lui ramollissaient le cerveau…


Filoc’h habitait Rochefort-en-terre, commune du Morbihan, une petite ferme retapée perdue au milieu de la campagne. Sorte de grizzly au pull élimé, le sexagénaire arrosait un plan de capucines lorsque Mc Cash gara sa Safrane dans la cour.

Un grand chien noir aboya une fois et vint renifler les roues du véhicule. Le policier claqua la portière, un œil sur le hangar adjacent, et avança vers la grosse tête rustique de Filoc’h. L’homme avait une voix de ténor, l’œil bleu ciel et aucune appréhension en voyant débarquer chez lui un borgne aux allures de flic.

— Qu’est-ce que vous voulez ? lança-t-il après un bref salut.

— Police, répondit Mc Cash.

— Désolé, je suis à la retraite.

— Je ne viens pas pour vous.

— Il n’y a personne d’autre ici. À moins que vous ne vouliez embarquer mon clébard. Lucky ! cria-t-il. Viens ici !

Le chien noir jappa, laissant couler un filet d’urine sur le pneu avant de la Safrane.

— C’est vous qui imprimez la revue de Le Cairan ?

— Oui.

— Vous savez que rien n’est légal dans cette affaire ?

— Oui. Par contre ce qui est légal, c’est de se faire payer en stock-options pour éviter de contribuer aux charges qui pèsent sur la collectivité et virer des types qui en bout de chaîne viendront nous quémander de quoi bouffer pendant que les zigotos qui ont fomenté le coup se gavent de dividendes…

Il posa son arrosoir, les yeux pétillants d’une rage intacte.

— Vous paraissez bien au courant de la mondialisation pour un ancien chef du FLB, insinua Mc Cash.

— La révolte n’a pas de frontière.

— Toujours gauchiste ?

Filoc’h haussa ses épaules de pilier.

— L’autonomie, c’est de l’histoire ancienne : le monde a changé.

— Fine analyse. Et Le Cairan, il partage ce type d’idées ?

— On milite un peu pour un monde moins con.

— C’est-à-dire ?

— Rien de bien méchant. Pour foutre la merde, la vraie, il ne suffit pas de refuser de se lever pour Danette.

Mc Cash eut un rictus déplaisant :

— Et il vous paye pour imprimer ce genre de conneries ?

— Non : c’est moi qui offre.

— Comment ça ?

— Ça coûte cher l’édition. C’est, disons, ma contribution à la société de consommation. Je n’ai pas besoin de beaucoup d’argent, la maison est à moi et puis l’imprimerie, c’est pour le plaisir…

Il se tourna vers le hangar au fond du jardin.

— Hum… Bon, et Le Cairan, vous l’avez vu quand pour la dernière fois ?

— Fin juin, répondit-il, pour la publication du prochain numéro.

— Il paraissait comment ?

— Triste.

— Ah ouais ? Pourquoi ?

— Ça vous intéresse les histoires de famille ?

— Passionnément.

Filoc’h enfonça les mains dans les poches de son vieux jeans.

— Fred espérait obtenir la garde de sa petite sœur.

— Et alors ?

— Je ne sais rien de plus mais comme il n’a pas donné de nouvelles…

L’Irlandais alluma une cigarette.

— Vous connaissez sa famille ?

— Pas intimement.

— Et Alice Arbizu ?

— Alice ? reprit-il d’un air étonné.

— Vous la connaissez d’où ?

— Elle est venue manger un soir.

Visiblement, le souvenir était bon.

— Vous connaissez sa tante, n’est-ce pas ?

— De nom. Nous n’avons pas la même conception de la région…

— Et son frère, Martial ?

— Je connais pas de Martial.

— Et Alice ? C’est une autonomiste ?

— Ça m’étonnerait, estima-t-il, par contre c’est certainement une fille intéressante…

L’homme esquissa un sourire. Pas Mc Cash :

— Vous les croyez capables de faire des bêtises ?

— C’est drôle, éluda Filoc’h, pas plus tard qu’hier deux de vos collègues sont venus me poser la même question.

— Quels collègues ? Je n’ai pas de collègues.

— Un gros en sueur et un maigre, tout sec.

Tuvier et Orsillard. Des types de la DST. Il les avait vus traîner autour du bureau de la commissaire en compagnie de Legay…

— Qu’est-ce qu’ils ont demandé ?

— Si j’avais vu Fred. J’ai répondu la même chose qu’à vous.

— C’est tout ?

— Non : ils m’ont aussi demandé si un grand borgne avec une tête de con n’était pas venu me poser des questions ces temps-ci.

— Marrant. Alors ? reprit-il. Fred et Alice ?

— Oui, ils aiment bien faire des conneries.

— Quel style ?

— Eh bien, par exemple acheter un appareil jetable dans un Photo-Station, sortir du magasin et le jeter dans la rue.

Lucky flaira les chaussures anglaises du policier.

— Vous vous foutez de ma gueule ?

— Si je me foutais de votre gueule, vous en seriez sûr, inspecteur. Maintenant si vous voulez mon avis, Fred et Alice sont moins dangereux que vos collègues. Et s’ils étaient mêlés à l’affaire du député, car vous y pensez n’est-ce pas, ils ne prendraient jamais le risque de venir dans la maison d’un autonomiste à la retraite…

Mc Cash acquiesça, toujours en proie à ses nausées : Filoc’h avait joué franc-jeu — il en allait de l’avenir de son imprimerie clandestine.

*

Ainsi les types de la DST étaient sur ses talons. Soupçonnaient-ils Le Cairan ? Cherchaient-ils à l’entendre comme témoin éventuel du meurtre ? Il était le voisin du député et, après un silence qui durait depuis des jours, sa voiture venait d’être retrouvée dans un bois du Finistère, abandonnée…

Minuit trente-deux, premier étage : la lumière filtrait sous la porte de Gwénaëlle Magadec. Mc Cash appuya sur la sonnette, un truc kitsch en forme de rose des sables. La jeune femme apparut, vêtue d’une robe longue fendue aux mollets.

— Tiens tiens, dit-elle. L’inspecteur Mc Cash…

Son demi-sourire flirtait avec l’ironie. Trop mal en point pour tenir une conversation sérieuse, il lâcha :

— Je passais voir si vous n’aviez pas des nouvelles de votre copain, là, Fred…

— Vous auriez aussi pu téléphoner, rétorqua-t-elle sans façon. Non, aucune nouvelle.

Un peu de peau apparaissait par l’échancrure de sa robe.

— Et Philippe Mavel, vous le connaissez ?

— Philippe quoi ?

— Mavel.

— Non. Pourquoi, je devrais ?

— C’est un copain de Fred, hasarda-t-il.

— Je ne connais pas tous ses copains, dit-elle. Heureusement.

— Pourquoi ?

— Ils font trop de bruit pour moi.

Mc Cash grommela. Il n’avait toujours aucune nouvelle du propriétaire du pavillon : sa petite enquête l’avait mené à Angers, où un maître zen lui avait signalé que Philippe était parti deux jours plus tôt, a priori pour rentrer chez lui. Seulement personne n’avait de ses nouvelles depuis… Gwénaëlle sembla alors se rappeler quelque chose :

— Dites donc, c’est vous qui avez mis le bazar chez Fred ? Quand je suis montée arroser ses plantes, c’était pire que d’habitude !

— Vous avez ses clés d’appartement ?

— Oui, il m’a prêté son double. Il devait m’enregistrer un film au ciné-club…

Comme le policier semblait perdu dans le silence de ses pieds nus, elle ajouta :

— C’est tout ce que vous avez à me dire ?

— Non, fit-il en relevant la tête : par hasard, vous ne savez pas à quel mariage Fred s’est rendu le soir du meurtre ?

— Non.

— Du côté de Saint-Malo vous avez dit ?

— Oui, je crois.

La minuterie de l’escalier s’éteignit brusquement, laissant Gwénaëlle dans le contre-jour du couloir. Un chat passa les moustaches par la porte et fila dans l’escalier.

— Oh non ! Arturo ! Reviens !

Mais les chats ne reviennent pas comme ça. Quand elle poussa le bouton orange de la minuterie, Mc Cash cligna de l’œil. Gwénaëlle, déjà dans l’escalier, se retourna.

— Vous ne voulez pas m’aider à rechercher mon chat ?

Des sueurs froides papillonnaient sur le front du borgne.

— Non.

Son regard lui siffla sous le nez comme une balle.

— Bon, eh bien… au revoir ?

Il ne répondit pas. Les pieds nus de Gwénaëlle disparurent dans l’escalier.

D’un doigt rageur, Mc Cash effaça la larme qui s’échappait de son œil mort — cette saleté coulait toujours à l’improviste…

Dehors la pluie tombait et sa méchanceté le rendait triste. De toute façon incapable de dormir, il regagna sa voiture de fonction et décida de rouler sous les réverbères en attendant que les amphétamines « redescendent ». Saleté de dope. Saleté de gens. Saleté d’œil. Saleté de tout.

*

Trentième étage de la tour des Horizons, le lendemain. Mc Cash reprit le Gai savoir où il l’avait laissé : la page 403. À propos des gens qui détruisent tout sur leur passage, Nietzsche déclarait :

La volonté d’éterniser a besoin d’une interprétation double. Elle peut provenir d’une part de la reconnaissance de l’amour : un art qui a cette origine sera toujours un art d’apothéose. Mais elle peut être aussi cette volonté tyrannique d’un être qui souffre cruellement, qui lutte et qui est torturé, d’un être qui voudrait donner à ce qui lui est le plus personnel, le plus proche, donner à la véritable idiosyncrasie de sa souffrance le cachet d’une loi et d’une contrainte obligatoires et qui se venge en quelque sorte de toutes choses en leur imprimant en caractères de feu son image, l’image de sa torture…

— Ben voyons, marmonna le borgne.

Il prépara un joint d’herbe saupoudré de cocaïne. Les amphétamines frelatées le tourmentaient toujours et il avait choisi de soigner le mal par le mal — vieille tradition catholique. Puis il s’assit dans le canapé acheté le jour où il apprit que son père était mort en le réclamant, alluma la télé, coupa le son et aspira de longues bouffées âcres, son œil torve sur l’écran. À la télévision, une banque proposait n’importe quoi pour qu’on lui confie notre argent.

L’épisode de la 504 abandonnée en pleine forêt avait laissé des empreintes, des soupçons et un cerf-volant destiné à une gamine de six ans — elle venait de les avoir. Leurs parents s’étant tués au printemps suite à un accident de la circulation, Frédéric avait fait une demande au juge des affaires familiales afin de devenir le tuteur de la gamine, demande qui avait été rejetée : les grands-parents avaient obtenu la garde exclusive de l’enfant. Lui et Alice avaient abandonné la voiture, ils se sentaient donc traqués. Dans ces circonstances, pourquoi continuaient-ils à confectionner des cadeaux à la petite ?

Les yeux dans le vague, le policier voyait défiler les images sur l’écran de télévision. Nouvelle fraude dans l’histoire de la vache folle, tout le monde était dans le coup. Interview d’un industriel en blouse blanche, d’un paysan devant une étable, d’un officier de la douane en képi, un expert en cravate. Changement de sujet : la blonde de France 3 Ouest sourit d’un air mutin à son collègue et voilà les restaurateurs qui se plaignaient du mauvais temps. Interview d’un chef cuistot tout rouge sous sa toque, deux images de vacanciers et retour sur la blonde qui effectua la transition avec le sujet suivant, à savoir un petit reportage sur les îles bretonnes en période estivale. On voyait des touristes grimper la passerelle d’un ferry, deux mots du capitaine, genre vieux loup de mer en chemise blanche, puis retour sur les touristes en short avec des gosses sur les épaules et là il reçut comme une claque venue de loin, violente, imprévue : Le Cairan, en arrière-champ, là, à la télé ! Dérives d’un esprit tourmenté ou hallucinations de drogué ? Au second plan, debout contre un vélo, sur le quai, on le voyait de face… et puis le plan s’était coupé, il avait disparu.

Le borgne se dressa sur le canapé. Sur l’écran du téléviseur, la blonde de France 3 donnait maintenant la parole à son collègue sportif : c’était l’heure des coups de tatane. Mc Cash coupa la télé et joignit les services de France 3. Quand avait-on tourné le reportage sur les îles ? Avant-hier matin ? Ne plus toucher aux bandes. Avait-on gardé les rushes ? Très bien — il arrivait.


Dans les locaux de France 3, les gens paraissaient tendus à l’approche du policier. Adolescent c’était pareil : on se méfiait de lui. Ce grand escogriffe n’était pas comme tout le monde — mais bon Dieu, il ne le faisait pas exprès ! Se fondre aux autres, il ne demandait que ça : ce sont eux qui repoussent, qui mettent à l’index : les gens, toujours les gens !

Mc Cash n’avait rien digéré. Ni Nietzsche, ni le reste.

On l’amena dans une salle de montage au fond d’un couloir gris. Augurant la nuit blanche, il avait avalé une poignée d’amphétamines — se rendant compte trop tard qu’il s’agissait des mêmes que l’autre jour. Un journaliste avec une queue de cheval lui parlait, secondé par un monteur, lequel lui adressa un vague signe de la main. Enfin, les trois hommes commencèrent à visionner les rushes du journal télévisé.

Le sujet était court. Des séquences défilèrent sur l’écran : le monteur accéléra le flux d’images en actionnant ses manettes. Efficace, il retrouva vite la séquence : elle était maintenant plus longue, plus précise… Arriva le plan entrevu un peu plus tôt. La caméra resta un moment en plan fixe sur le quai. Arrêt sur image, agrandissement. Plusieurs essais. Il avait les cheveux plus courts que sur la photo mais le doute s’était mué en certitude : il s’agissait bien de Le Cairan. Il parlait avec une fille aux cheveux rouges qui ne pouvait être qu’Alice…

— Toute la séquence a été tournée sur le quai du port ? demanda-t-il dans la salle enfumée.

— Non, juste ce passage.

— Et le ferry, il effectuait quel trajet ?

— Lorient-Groix, déclara le journaliste. On a fait un sujet sur le capitaine qui prenait sa retraite…

La nuit était tombée sur l’avenue Janvier quand Mc Cash sortit des locaux. L’heure de partir en chasse. Face à Legay et ses hommes, les fugitifs n’avaient pas une chance sur mille de s’échapper. Avec lui, c’était pire. Ils pouvaient toujours courir : il était leur ligne de fuite.

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