CAPITULO UNO

Dans la fraîcheur du hall climatisé, le portier de l’hôtel Soriano lit El Dia, l’un des principaux quotidiens de Montevideo. Officiellement, il n’a pas le droit de le faire pendant son service ; seulement c’est l’heure creuse et torride du début d’après-midi, et les relâchements ne se remarquent pas. L’homme à l’uniforme galonné est intéressé par une photo publiée en page trois, surmontée de ce titre alléchant : « Dix mille dollars de récompense à qui permettra la capture de cet individu ».

Mentalement, il tente de convertir dix mille « verdâtres » en pesos, mais l’inflation galopante le fait vite renoncer à une telle gymnastique. Son attention se consacre alors au portrait : celui d’un mec blond, pris de face, d’une trentaine d’années. Visage aux traits harmonieux. L’on dirait un acteur de cinéma. Le genre de type qui joue des rôles de policier dans les films d’action. Il possède une profonde fossette au menton, façon Kirk Douglas ; son regard est plutôt dur, mais non sans charme. Le portier se dit que ce genre de gringo doit emballer à la seconde les femmes qui le tentent.

Le texte sous l’image est assez laconique et ne précise pas les motivations qui incitent la police à verser une telle somme pour sa capture. Toujours est-il que l’employé du Soriano aimerait bien savoir où se terre un gus de ce prix-là.

Or, le hasard est mutin : l’individu en question est précisément en train de savourer un verre de maté glacé au bar. Lui aussi a lu le papier de l’El Dia, mais il n’en est pas affecté le moins du monde car son aspect physique est très éloigné de la photo publiée.

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