La tempête a fait rage toute la nuit, troublant mon sommeil. Par instants, le vent hurlait si fort que je me suis levé pour écarter le rideau masquant ma baie vitrée. Dans une lumière lunaire livide, l’océan devenait montagnes mouvantes. La cordillère des Andes vue d’avion ! A l’infini, des sommets gris, ourlés de blanche écume, s’agitaient comme un vieux film d’autrefois dans un appareil de patronage.
Sur le morninge, les éléments se sont quelque peu assagis et j’ai pu enfin m’endormir.
Au fond de ma roupille, j’ai confusément conscience qu’il est tard et que je paresse au plumard. Je me dis vaguement que « merdaprétout ». Juste ça : « merdaprétout » ! Certes, je ne suis pas en vacances, mais pas « en » enquête non plus. C’est une position indéfinie, malléable, vague. Disons que je me trouve ici comme « observateur ».
Alors, « merdaprétout », je me chiendefusille au creux des draps, les couvrantes remontées au ras des naseaux, l’oreiller en écran pour me masquer la lumière forçant les rideaux.
Au bout de peu, je conçois un sentiment de malaise, comme si je n’étais pas seul dans ma chambre. Je dis « sentiment de malaise », non » sentiment de danger ». C’est plutôt comme une importunance. La salope de mouche qui s’obstine à venir te butiner le tarin.
Je bâille, grommeluche et me dresse.
Et qu’aperçois-je ? Ces messieurs de la famille !
Le gag !
Ils sont assis sagement, à proximité de ma couche, à me contempler.
Jérémie constate ma lucidité et assure :
— C’est beau, un sexe symbole endormi !
Pinaud rit doucement ; ça fait songer à une pintade triste qui criaille. Il est fumant, l’Ancêtre, dans sa pelisse doublée vison. Un chapeau à bord roulé coiffe son genou droit passé par-dessus le gauche. Chemise bleu ciel, cravate marine, complet bleu sombre. Des tatanes croco complètent sa mise. Brummell ! Il en crache, le vioque ! Fait la pige à l’autre, à Achille. Sa moustache habituellement roussie par la flamme géante de son briquet est bien taillée. Il ressemble à Antoine Pinay enfant !
Comparativement, Jérémie fait un peu relâché avec son blouson de daim, son futal de velours et son pull à col roulé de la couleur de son derme.
De trouver ces deux lascars à mon lever, sentant bon le frais, me plonge dans un bonheur délectable.
— On peut pas dire que tu te défonces, reprend M. Blanc. Tu sais qu’il est onze heures moins dix !
— Je n’avais pas fermé l’œil de la nuit because la tempête, plaidé-je. A propos de tempête : quel bon vent vous amène ?
— On t’apporte les renseignements que tu souhaitais à propos des quatre vieillards, déclare César.
— Nous nous sommes partagé le travail, raconte Jérémie.
— Hier soir, tout était terminé. J’ai proposé à Jérémie de venir te rejoindre. Nous sommes partis aux aurores avec ma Rolls. Il la pilote très bien.
— Je crois qu’il rêve d’un chauffeur nègre ! ricane mon Noirpiot.
— Si je voulais en installer, je ne me serais pas assis près de toi, à l’avant ! objecte la Pine.
— Vous prendrez bien le café avec moi, messieurs ? je leur demande.
— Nous le prendrons volontiers, mais après le déjeuner, avertit M. Blanc, car j’ai une faim de… cannibale.
Il me regarde.
— Ça ne te fait pas rire ?
— Tu me l’as déjà faite.
— Tu as les traits tirés, observe Pinaud, déjà inquiet pour ma santé.
— Parce que j’ai beaucoup baisé dans la journée d’hier, le rassuré-je. Comment va Béru ?
— Il file le parfait amour avec une contractuelle. Elle voulait le verbaliser pour défaut de stationnement, il lui a montré sa carte et ils sont devenus tout de suite amis, voire amants.
— Elle est belle ?
M. Blanc pouffe :
— Tu connais le donjon de Vincennes ? Lui ! En uniforme ! J’ai vu à Londres des horse-guards qui paraissaient chétifs, comparés à cette donzelle.
Je commande un caoua sérieux et passe dans ma salle de bains.
— Venez au rapport pendant que je me douche, les gars !
— En ce cas, je dois poser ma pelisse, sinon je crèverai de chaud, dit Pinuche.
Ils me laissent pisser un coup et, quand le chant glorieux de la chasse les informe de l’accomplissement de ma miction de confiance, viennent me rejoindre.
A loilpé sous le pommeau, je confie mon corps tant apprécié des dames à l’onde chaude de la résurrection.
— Eh bien ! je vous écoute, mes zélés !
Pinaud sort du papier de ses fringues neuves. Le défroisse, chausse ses lunettes demi-lune et attaque :
— Pétrus Dubois-Douillet, quatre-vingt-deux ans, veuf. Demeurant à Passy, rue du Général-Bartois. Retiré des affaires. Self-made man. A créé jadis une manufacture d’accessoires automobiles après s’être fait un nom de coureur de rallyes. Il y a une dizaine d’années, il a cédé son entreprise à son fils unique, Bertrand, lequel lui sert une pension substantielle. Une grande tendresse semblait lier le père et le fils. Le vieil homme était choyé par sa bru et ses petits-enfants. Donc à première vue, il est incompréhensible qu’on ait voulu le supprimer.
« Je passe maintenant à mon second client : Armand Morduche, quatre-vingt-cinq ans. Marié. Son épouse et lui habitaient Bois-Colombes, rue des Pâquerettes. Ils étaient dans la charcuterie et sont en retraite depuis une vingtaine d’années. Gentille aisance. Ils n’ont pas d’enfant. Là encore, on voit mal à qui profite son trépas. Sa veuve est hospitalisée à la suite du choc que lui a causé la mort tragique de son mari. »
Pépère se tait.
Les jets impétueux cinglent ma viande. Je m’oins de mousse. En filigrane de mes pensées, il y a l’image émouvante de Lucette Clabote. Lucette choquée, Lucette déçue. Son regard désenchanté tandis qu’elle me regardait calcer Ellena.
— Bon, à moi ! fait Jérémie. Je me suis occupé de Séraphin Vigouret et de Paul-Léon Semballe.
« Pour le premier, son cas est simple : célibataire sans famille. Il habitait boulevard Haussmann et tenait jadis une librairie de luxe : éditions rares ou originales, autographes, documents, dans le quartier de l’Opéra. C’est l’Etat qui hérite ses biens. Le crime ne profite qu’au Trésor ; j’ignore s’il avait des ennemis ; son existence méticuleuse de rat de bibliothèque n’incite pas à le penser.
« Pour Paul-Léon Semballe, il en va autrement. Lui, c’était le patriarche de province. Il habitait la Nièvre où il possédait toutes sortes d’exploitations agricoles et d’industries. Grosse fortune ! Sa femme vit depuis plusieurs années dans un asile psychiatrique. Il a un fils chirurgien, établi à Bordeaux, où il dirige une polyclinique prospère, et une fille fixée aux Etats-Unis. Cette dernière a épousé un G.I. qu’elle a rencontré en Allemagne. Son service terminé, Stanley Cain a emmené Eloïse Semballe avec lui à Boston. Ils se sont mariés et il a créé là-bas une chaîne de restaurants à prix modiques qui marchent le feu de Dieu. Il ne semble donc pas qu’il attende le décès de son beau-père pour connaître une vie luxueuse. »
Je stoppe la douche. La paroi de plexiglas opaque est embuée et je fume comme une merde neuve en hiver.
— En somme, fais-je en quittant la cabine, on a l’impression que le décès de ces quatre vieillards était attendu sans impatience notoire. Il paraîtrait en tout cas que le meurtre ne serait pas le motif de leur curieuse mise à mort.
Mon café m’attend dans la chambre. Je noue une serviette de bain à ma taille et vais le boire.
— Il s’est produit un sixième assassinat à l’institut, pas plus tard qu’hier, leur révélé-je.
Et de leur raconter succinctement la fin pénible de la signora Morituri. Je narre sans rien omettre en mentionnant jusqu’au coup de rapière rutilant administré à la dame de (bonne) compagnie. Je fais le récit de ma visite chez Ellena, post-coït. Leur parle de passeport ; bref, c’est un rapport solide, preste, élégant, pratique pour la poche intérieure ou le porte-documents extra-plat.
Mes deux compères me prêtent deux (voire même quatre) oreilles attentives. Pinaud remarque, lorsque je me tais :
— Cette personne prétend être au service de sa patronne depuis plusieurs années alors qu’elle est fraîchement rentrée d’un long séjour aux Etats-Unis.
— Oui. Donc, mensonge, soupiré-je.
— Tu as décelé une molécule de boue marine sous un de ses ongles de pied ?
— Sans conteste.
— Ce qui revient à dire que tu la soupçonnes du meurtre de la vieille dame ?
— J’envisage cette possibilité.
Baderne-Baderne se gratte la joue creuse. Il sort un paquet de Boyard papier maïs de sa poche, s’en vrille une dans la clape et allume le cylindre de tabac (comme disent les romanciers honnêtes, soucieux d’éviter les répétitions) à l’aide d’un briquet Cartier en or plus ciselé que la coupe du roi de Thulé.
— As-tu visité la salle de bains de la dame Morituri ?
— Non. Pourquoi ?
— La jeune femme s’y est rendue pour ses ablutions d’après l’amour, mais ce n’était pas sa salle de bains à elle. Or, la signora qui subissait quotidiennement des enveloppements d’algues se nettoyait complètement dans sa salle d’eau, non ? Elle y a fatalement laissé des traces infimes de cette matière, le ménage n’étant pas toujours fait très à fond. Il est très possible que ta conquête ait hérité cette particule de boue en se servant de la salle de bains de sa patronne.
Il tire une goulée voluptueuse et se sépare momentanément de nous en s’enveloppant d’un nuage bleuté.
Je lui virgule un long regard admiratif. Il en a dans le chou, César. Sa vieille cervelle poussive ne fait pas encore des grumeaux.
M. Blanc qui ne s’est pas manifesté déclare :
— Toujours est-il que le cas de la demoiselle n’est pas net. Ces séjours souvent prolongés aux quatre coins du monde ne correspondent pas au curriculum qu’elle a fourni à Antoine. Pourquoi lui a-t-elle menti ?
Le biniou grelotte. C’est Alexis, le directeur-talonneur.
— Bien remis de tes prouesses amoureuses autant que macabres ? demande mon pote.
— Je suis vachement navré, dis-je. Ton épouse a dû être outragée ?
— Plutôt. Comme ta petite séance m’avait allumé le sang, j’ai voulu lui faire une fleur en rentrant, mais elle m’a envoyé au diable !
Un sentiment de joie m’inonde. C’est mesquin, peu charitable, mais ça me réjouit qu’Alex ait fait ballon.
— J’espère ne pas avoir déclenché chez elle un rejet de l’étreinte, sinon tu vas devoir te contenter de la grosse Marinette !
Il soupire.
— En confidence, Lucette n’est pas l’affaire du siècle, au plumard ; on joue à papa-maman, notre vie sexuelle manque de fantaisie ; c’est une nature frigide. Elle est belle mais insipide en amour, comme ces fleurs merveilleuses qui ne sentent rien, tu vois ?
— Je vois, fais-je tristement.
Seigneur, la triste nouvelle ! Dès lors, me voilà chagriné pour Alexis que je cesse illico d’envier.
— Mais ce n’est pas pour te parler de ça que je t’appelle : le fils de la mère Morituri vient d’arriver. Un teigneux ! Il fait tout un suif et parle d’attaquer mon établissement en dommages et intérêts pour avoir prodigué à sa maman des soins que son état de santé ne lui permettait pas de supporter. Je crains que nous ayons évité un scandale pour tomber dans un autre !
— Calme-toi, Alex, c’est la fougue ritale qui s’exprime ; ça va se tasser. J’aimerais bien connaître ce fameux constructeur, ses bagnoles sont sympas si lui ne l’est pas.
Il lui vient une idée, Alex.
— Viens nous rejoindre, je te ferai passer pour le médecin qui a fait les constatations, l’autre est si chiasseux qu’il pourrait bien craquer devant l’énergumène italien.
— Tu oublies la dame de compagnie, hé, glandu ! Elle le sait bien, elle, que je ne suis pas toubib.
— Merde, c’est vrai !
— Cela dit, je vais t’amener le docteur Pinaud.
— Qui ça ? éberlue le talonné.
— Tu vas voir : une sommité médicale ! L’orgueil de la Faculté de Paris.
Aldo Morituri, à première vue, c’est pas un cadeau ! Une armoire d’un mètre quatre-vingt-dix, un ventre énorme, trois mentons en ordre de marche. Un tarbouif gros comme un museau de chameau. Les cheveux grisonnants, dégarnis sur le dessus. La bouche lippeuse, mouillée, luisante, faite pour lécher des petites chattes jouvencelles. Le regard sur coussins de graisse, intraitable. La voix enrouée. Costar avec gilet de grande coupe, dans les gris anthracite. Chemise blanche amidonnée, cravate noire piquée d’une épingle représentant une petite main d’or tenant une perle rare. Boutons de manchettes or et brillants. C’est un personnage important, fumier tout plein, qui doit mochement faire suer le burnous.
Il se tient agenouillé devant le cadavre de sa maman, ses énormes mains croisées devant son paquet de couilles. Il récite des prières en pleurant à injection. Ellena, de sombre vêtue, se tient à l’écart, recueillie. Clabote entre le premier, le docteur Pinaud sur ses talons et ma pomme fermant la marche. Cortège grave, solennel même. On se met en formation derrière le pleureur, attendant qu’il émerge de ses dévotions filiales. Je glisse une langourée éperdue à Ellena. Elle y répond d’une autre, puis incline le chef. Je pense à son joli cul, bien ferme pour sa quarantaine rugissante. C’est beau, la nature, et ça ne coûte pas cher.
La mère Morituri, sur sa couche funèbre, ressemble à un dessin de Sempé. C’est plus qu’un pif de toucan (là, on se rend compte que son fils lui ressemble) et des cheveux teints étalés en flaque sur l’oreiller. La mamma douairière, avec des arrière-allures de cartomancienne à la retraite !
On attend que le constructeur ait terminé ses ablutions de l’âme. Enfin, il dégenouille. Ça craque un peu dans son entrepont. Il a du poil sur les pommettes. Ça fait gorille qui vous salue bien… Il nous regarde, plus exactement, nous toise. L’orgueil statufié ! Mon ami Alexis bredouille :
— Si vous voulez me permettre de vous présenter le docteur Pinaud qui a constaté le décès de madame votre mère.
Alors, aussi sec, il rexplose, Morituri. Flumine de partout comme quoi on lui avait dit monts et merveilles de Riquebon-sur-Mer. Il y envoyait sa chère maman pour y retrouver la forme, non pour y mourir. On l’a assassinée (il trouve les mots justes) avec cette merde de boue, sans doute trop chaude…
Là, César Pinaud intervient avec autorité. Faut l’entendre, ce brin d’homme, assener sa science, rompre les lances pour l’institut, pis que le con de Rosbif qui creva le lampion de Henri II !
Il est génial, l’Ancien ! Sa grande trouvaille, tu sais quoi ? Il donne du « monsieur le comte » au fabricant de tires. Faut du génie pour risquer une pareille vanne. Il a pris la mesure de son interlocuteur illico, a flairé la vanité existentielle du mec. Alors, d’entrée de jeu, il y est allé sur l’huile d’amande douce, Césaroche :
— Permettez, monsieur le comte, notre boue marine est appliquée à la température du corps, soit 37 degrés. En aucun cas elle ne saurait être suspectée d’avoir entraîné le décès de Mme la comtesse…
Les Ritals, toujours assoiffés d’honneur comme tu les sais, tu penses qu’être promus comte, brusquement, ça leur débroussaille la coiffe. Il gargarise des tympans, Aldo. Pinuche ne se fait pas faute d’en remettre. Il retient plus, laisse aller en grand :
— Mme la comtesse est décédée d’un collapsus latéral de fréquence consécutif à la position horizontale. C’est un cas relativement fréquent chez les personnes âgées de la bonne société. Or, la position horizontale, elle l’adoptait chaque soir en se mettant au lit, qu’il susse ? Et aussi chaque après-midi en effectuant sa sieste, non ? C’est pur hasard que la crise l’ait emportée dans cette cabine. La grande-duchesse Octavie, mère de l’archiduc Otto III est morte dans ses bras de la même manière, ainsi que la marquise de Goldenberg, cousine par alliance de la reine Elizabeth II d’Angleterre. Les « sang bleu » sont fragilisés du côté cœur. Vous devez admettre le fait, monsieur le comte.
« Monsieur le Comte » se calme. Des larmes lui échappent. Il dit qu’il va construire un superbe caveau à sa chère défunte. Marbre de Carrare, anges sculptés, vue sur la mer, climatisation, le top !
C’est gagné. Alexis respire. Moi j’achève de faire un certain boulot discret, motif principal de ma venue céans. Pinaud continue de discourir. Il connaît à fond la question, ayant présenté sa thèse sur le collapsus latéral de fréquence.
Il s’approche d’un bloc de papier, entraîne le comte-structeur pour lui dessiner un schéma.
— Voici le cœur, monsieur le comte. Là, les deux oreillettes, là, la valve de fiction, et ici le clapet modulaire. Vous me suivez ? Le collapsus latéral provient d’une malformation congénitale du prédicare funeste que je représente d’une croix. Il arrive qu’au moment où le cœur quitte la position verticale pour la position horizontale, l’inducteur verdex bloque le clapet modulaire, vous me suivez ? Dans ce cas, un brusque afflux sanguin verrouille la valve de fiction et le sujet meurt d’une rupture syncopée, dite « rupture de Ballast » du nom du chirurgien scandinave qui a découvert cette affection. Me suis-je bien fait comprendre, monsieur le comte ?
— Parfaitement, parfaitement, c’est très clair ; merci, docteur ! dit le comte.
Il tend la main au « médecin ». Effusions rectoversales.
Ses belles larmes filiales humanisent sa bouille de forban des affaires.
— Est-ce que notre dernier modèle d’Aeral 2000 vous intéresse, docteur ? Système ASR, différentiel à blocage automatique, verrouillage central multifonctionnel, airbag pour conducteur, appuis-tête escamotables à l’arrière, rétroviseurs extérieurs chauffants, roues en alliage léger, boiserie loupe d’orme, régulateur de niveau essieu arrière, colonne de direction à réglage électrique, vitres teintées sur option ; si elle vous intéresse, je peux donner des instructions à notre concessionnaire général pour la France afin qu’il vous fasse une remise de seize pour cent et vous offre la radio. Appréciable, hein ? Qu’avez-vous comme voiture, docteur ?
— Une Rolls, fait Pinaud doucement.
Je me coule jusqu’à Ellena.
— Merci pour votre lettre, balbutie-t-elle, elle m’a bouleversée.
— Quand partez-vous ?
— Sitôt que les formalités de transfert seront terminées, j’accompagnerai le corps jusqu’en Italie. Demain, je pense ; ou après-demain au plus tard.
— Et ensuite ?
Elle hausse les épaules.
— Ensuite ? Eh bien, il faudra que je cherche un nouvel emploi.
Sa tristesse amère m’émeut.
— Vous pourrez passer dans ma chambre, après le déjeuner ?
— Ce ne sera pas facile…
Elle me désigne le gros « comte » du menton.
— Essayez, supplié-je.
— Je ne vous promets rien.
— Moi, je te promets le coup de bite du siècle, ma jolie, murmuré-je tout bas.
Nous nous retirons comme nous sommes venus : à pas feutrés.
J’ai pas de pétrole, mais j’ai des idées.
Bizarres.