Les dames putes, en tenue de travail, lui font perdre l’odorat, Salami. Il se prodigue de l’une à l’autre, en leur carrant la truffe dans le fion. J’ai beau lui seriner que c’est l’Allemand qui m’intéresse, toutes ces chattes l’ensorcellent ; l’illusionniste est aux antipodes de ses préoccupations. Une rouquine, surtout, le passionne. Te lui fouignazoffe l’entre-meules avec l’application inspirée d’un « nez » mettant au point un parfum nouveau à base de tubéreuses.
Qu’à la longue, je m’emporte :
— Dites-moi, vieux, ne soyez pas plus chien qu’un homme. Nous ne sommes pas là pour flairer des frifris de moukères, mais pour rencontrer une lope de prestidigitateur. Si vous n’êtes pas foutu de lever sa piste, prévenez-moi, je m’y prendrai différemment !
Mon éclat bride ses ardeurs. Il me jette un de ses regards en double virgule dont il a le secret, puis décarre. Il longe le couloir, gratte à une porte marquée « Private ». Constatant qu’elle est équipée d’un va-et-vient, la pousse.
Nous voici sur un palier d’où part un autre escalier. Au sommet des marches, une seconde lourde.
Je m’apprête à sonner quand mon instinct me dissuade d’achever ce geste.
Ravisé, j’en appelle à l’ami sésame, à ce point silencieux que t’entendrais voler le portefeuille d’un maquignon écossais. Les portes et les femmes s’ouvrent comme par enchantement devant moi.
L’index perpendicule mes lèvres. Mes compagnons deviennent des ombres. Salami cesse de haleter en pensant aux fragrances de sa rouquemoute. Déguisé en ectoplasme, j’avance en direction du salon.
En m’acheminant vers le repaire du magic-mec, je sentais qu’il se passait quelque chose…
— Ne bougez plus, ma Rose Bleue ! chuchote la voix de Liebling, vous ne sentirez rien !
Selon moi, ça suffit !
J’ouvre à la volée !
Vision céleste ! Le Titien (à sa mémère) ! Brueghel l’Ancien et son fils ! Leonardo da Vinci peignant la Joconde avec Mme Thatcher pour modèle !
Berthy, nue comme à l’instant de sa naissance, est agenouillée sur un lit, le dargif offert, le menton posé sur ses mains croisées de madone. Équipé d’une seringue due au bon docteur Pravaz, « l’homme en blanc » s’apprête à la lui planter dans le train.
— Stop ! crié-je en bondissant sur lui avec la souplesse d’un léopard survolté par une abstinence prolongée.
Il se tourne vers moi.
Et comme il est bien inspiré !
Mon poing, dans la force de l’âge, percute à grande vitesse son menton désuet. Un parpaing pareil ne pardonne pas.
Couac-île-en-soie, le magicien d’Oz-les-Moulineaux est soulevé du sol pour une lévitation de vingt centimètres. Il s’écroule kif un pantalon privé de jambes et de cul.
Impavide et solennel, je ramasse l’injection en devenir sur la moquette de haute laine.
Entrée des gladiateurs, Bérurier en tête. Il voit sa bourgeoise offerte, béant de tous ses orifices, et la fureur qui l’animait contre la Pinaudière repart en éruption volcanique ! Ramasse l’homme en blanc, entreprend de le teindre en rouge à grands ramponneaux évoquant le bûcheron maniant sa cognée. Comme l’autre est à demi inconscient, il le maintient debout avec sa main gauche tandis qu’il le castagne de la droite.
Les deux poulets admirent la volée en connaisseurs. Ils ignoraient que les pacifiques Français qui ont toujours besoin des Ricains pour achever leurs guerres puissent dérouiller un quidam avec tant d’énergie et de maestria. Ils matent, intéressés, le physique de l’Allemand en train de se détériorer à tout va. Ses « arcanes sourcières » pour commencer, ensuite ses pommettes, puis son nez dûment aplati, sa bouche pareille à celle des gugus, ses dents qu’il se met à baver sur son plastron naguère immaculé. Beau travail de défiguration !
Le Mastard est superbe dans son œuvre anéantisseuse. Inépuisable. D’une faroucheté peu commune !
Ayant achevé de le « détroncher », il décide de l’écouiller et lui satonne l’entre-jambe avec application, prenant son temps, son élan, visant juste.
Berthe a caché sa vaste gouttière en s’asseyant dessus et regarde, mi-éplorée, mi-admirative. Elle reconnaît bien là son magistral époux. L’Attila des cornards !
À cet instant, il venge tous les cocus de l’univers, Alexandre-Benoît.
L’un des perdreaux s’adresse à moi :
— Pensez-vous qu’il va le tuer, sir ? Parce que, dans ce cas, mon confrère et moi sortirions pour ne pas être témoins, comprenez-vous ?
— Rassurez-vous, dis-je, il s’agit là d’une simple correction ; un peu vive, certes, mais vous l’admettrez lorsque je vous aurai appris que la dame nue est son épouse.
— Ah ! je vois, réalise l’uniformé.
— Tu devrais faire une pause ! conseillé-je au Mammouth. Avec la ration de marrons que tu viens de lui servir, tout Las Vegas pourra préparer sa dinde de Noël !
Épuisé par l’effort, et plus ou moins hébété, mon cher compagnon de croisade laisse retomber ses bras.
Lâché, le dompteur dompté choit comme une bouse de vache au débouché de l’intestin. L’une de ses jambes est agitée d’un tremblement que je me permettrai de déclarer « convulsif ».
Lors, dame Berthe quitte la couche qui l’obstruait et va courageusement à son époux.
— Ah ! mon homme ! Mon homme ! fait-elle, t’es vraiment unique. J’ t’ d’mande pardon d’ t’avoir vexé, mais tu m’ connais ? Chez moi, un coup d’pine n’ consécute pas. Ça va, ça vient, ça réchauffe ! Tu y sais, hein, Gros Loup ? Dis-moi qu’ tu y sais et qu’ tu n’ m’en veuilles pas !
Le Gravos garde l’air songeur.
Sa femelle l’implore de toutes ses mamelles puissantes et de son cul, dont chacun des volets pèse un quintal.
— Mouais, finit par soupirer Bérurier-le-Preux, j’ sais, ma poule, j’ sais.
Il arme son bras et lui balance l’un des taquets les plus monumentaux qu’il m’ait été donné d’apprécier.
T’as entendu craquer, toi ?
Non ? Eh bien moi, si !