14 Chapitre où j’en apprends un peu sur la vie d’un grand con

Me voici rentré à la carrée, je suis passé par l’usine brûler deux, trois cierges, causer avec le Patron, histoire qu’il ne me tienne pas trop rigueur de la mort de l’abruti. Ça a l’air d’aller, le Vieux a l’air de bon poil, pas de coup de vent sur les endosses ou autre.

Je vide le morlingue du gus, une cinquantaine d’euros, ses papelards d’identité, Ludovic Crémier, né en 1977. Une carte professionnelle, cela fait quelques années qu’il bosse comme garçon d’amphithéâtre. Pas de photo de môme, de gonzesse. Célibataire ?

Une carte de fidélité pour un supermarché, des capotes, ce qui tendrait à pencher pour le mec seul, ou le type volage. Une carte de membre d’un club de fitness, the Beauty-Body… j’ai déjà vu ce nom quelque part. Cela ne te dit rien ? Je ne l’ai pas déjà écrit plus haut ? Non, autant pour moi, mais c’est le club dans lequel se rendait Martine. Elle m’avait dit y aller trois fois par semaine. Dans mon boulot faut être musclé du fessier. disait-elle. Je crois que je vais me prendre un abonnement.

Forcément cet idiot a crypté son iPhone, un code à quatre chiffres, logiquement j’ai droit à trois essais… si il était aussi con que le toubib nous l’a confié, on va faire dans la simplicité.

Je tente 0000, 1234, que dalle. Il me reste encore une chance dans les codes à la con, je chope sa carte d’identité, vérifie la date de naissance, tape 1977 et bingo, c’est encore un curé qui gagne le filet garni avec une Vierge qui fait tomber de la neige quand on lui soulève la tunique.

Je fouine dans le répertoire, le type n’était pas aussi ringard qu’il en avait l’air, pas de nom, des codes à la con, et le journal d’appel est vide, c’était nettoyé au fur et à mesure, il reste juste une conversation SMS — avec un ou une dénommé Bonny — qu’il n’a pas eu le temps d’effacer.

— JE DOIS AIDÉ POUR AUTOPSIÉ NOTRE STAR.

— SANS RIRE ? MERDE TU AS MOYEN DE FILMER ?

— TROP 2 DANGÉ PAS POSSIBLE MEME CI IL ME PREND POUR UN CON JE DOI FAIRE ATTENTION, SURTOUT INVITÉ SURPRISE.

— INVITÉ SURPRISE ?

— OUI LE CURÉ…

— PUTAIN DE FOUILLE-MERDE… QU’EST-CE QU’IL FOUT LÀ LUI ? FAIS GAFFE.

— NE VOUS INQUIÉTÉ PAS, JE CÉ ETRE DISCRÉ.

— TU AS TON CALIBRE ?

— OUI DANS VESTIERE.

— ALORS DÈS QUE TU PEUX TU L’ÉLIMINES !

— BIEN MADAME, JE VOUS DI QUAND CÉ FAIT.

— RETROUVE-MOI AU CLUB J’Y SERAI EN FIN DE JOURNÉE.

— OK

Trois choses importantes : la première c’est que comme je le pensais déjà, ils savent qui je suis, la seconde c’est que le commanditaire est une gonzesse. Toi je ne sais pas, mais moi, j’ai toujours du mal quand les femmes sont des monstres. J’ai toujours l’impression que c’est l’homme le salaud, j’ai dû trop écouter Miss Maggie de Renaud, Palestiniens et Arméniens, témoignent du fond de leurs tombeaux, qu’un génocide c’est masculin comme un S S, un torero. Ben là je crois que j’ai touché une fieffée garce mon pote…

Tu te demandes la troisième chose que j’ai apprise, c’est comme la une, je ne l’ai pas vraiment apprise, c’est plus une affirmation, le Ludovic en plus d’être con, était une vraie brêle en orthographe, juste à lire ses SMS, j’ai les yeux qui saignent.

En bonus, elle cause d’un club, cela peut être une boîte de nuit, voire à partouzes, dans le genre de celle où tu es allé une fois avec ton beau-frère en Belgique. Mais ça peut aussi être ce fameux Beauty-Body, ça vaut le coup d’être creusé.

Aucune boîte mail reliée au téléphone, un minimum d’information. Juste quelques photos dans la mémoire, idem, ce sont celles qu’il n’a pas dû avoir le temps de vider, pas grand-chose. De l’horreur, du gore. Je suppose que tu as compris que c’est la môme Martine sur les clichés. On vient de la fixer au mur, ses yeux sont emplis d’effroi. Sur un autre, un type pose devant le lit, sur lequel repose toute une armada d’instruments de torture, et d’objets détournés de leurs fonctions premières dans un seul but : faire souffrir ma protégée. Des pinces, un scalpel, des godemichets, un fer à souder, et quelques objets dont je n’arrive même pas à imaginer le mode d’emploi. De vrais sadiques.

Il y a un type sur une des photos. Le mec, tu sais déjà qui c’est, ton esprit de déduction n’est plus à démontrer ? Tu es un véritable San-Antonio, un Colombo, Starsky sans son Hutch, un Hercule sans son Poirot, un Sherlock des plus brillants… non tu n’as pas trouvé ?

Tu me déçois là… la poutre de Bamako, le poney humain, triple jambe. Bon il est vrai que je ne t’ai pas dit qu’il exhibait son engin dressé en même temps que le matos. Sur cette photo-là, le regard de la petite n’est déjà plus le même on sent que la peur l’a envahie.

Je peux donc déduire qu’ils étaient trois, le grand con, la poutre de Bamako et la patronne. J’en ai plus que deux à trouver. Ma seule véritable piste est la salle de fitness, c’est là que mon macchabée a dû croiser Martine.

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