28 Chapitre final…

Je passe au box prendre mon bolide, j’ouvre le coffre, j’attrape la mallette du Desert Eagle, sort le gun et je me mets au volant. Un coup d’œil sur le site des pages jaunes via mon iPhone et je sais aussitôt où se trouve le Galion, la demeure de notre délicieuse Bérengère de Mongourdaint.

Je ne mets pas vingt minutes pour arriver là-bas, je suis dans les temps, l’autre immonde avait annoncé une grosse heure. Je me gare loin de la baraque, derrière de grands arbres, histoire de ménager un petit effet de surprise. La taule de la grosse truie est une superbe baraque en pierre, un magnifique manoir.

Je soulève l’anneau du heurtoir, ce machin doit peser dans les deux kilos. J’entends une voix de crécelle de l’autre côté du panneau de chêne.

— J’arrive Karl, j’arrive, si tu savais comme je suis excitée à l’idée…

Elle ne finit pas sa phrase, elle vient d’ouvrir la lourde, tu verrais sa gueule. Pour une surprise c’est une surprise. Elle s’attend à retrouver Pine d’éléphant et c’est mézigue qui se pointe. Remarque que point de vue gros calibre, je ne sais pas si tu as déjà vu un Désert Eagle, mais ça impose le respect, ça rend beaucoup moins vindicatif, je peux te le dire.

Elle recule de trois pas, j’avance, nous sommes dans la casbah.

— Que faites-vous chez moi ? Qui êtes-vous ? Je vais appeler la police ! Sortez immédiatement.

— Je suis venu venger Martine… Crux sacra sit mihi lux, non draco sit mihi dux. Vade retro satana, numquam suade mihi vana. Sunt mala quae libas ipse venena bibas.[23]

Je ne la laisse pas répondre, pas besoin de ses explications, je suis là pour exorciser, chasser le démon, terrasser la bête. Sans aucun état d’âme, je pense à la môme punaisée au mur, à toutes les images que j’ai vues, j’appuie sur la queue de détente. Le vacarme est assourdissant, pas grave la masure est isolée. La rombière fait un bond de deux mètres. Un trou de la taille d’une orange apparaît où logeait son cœur, si toutefois elle en était pourvue. Elle gît dans une mare de sang. Une ordure de plus peuple l’enfer.

Sur une grande table trône un magnifique bouquet de roses blanches, j’en attrape une, trempe le bout des pétales dans le sang de la pédophile, je retourne la fleur, doucement le raisiné trace son dessin. Je retourne à la Mustang, ouvre le coffre, une seconde mallette, de laquelle j’extrais un pain de Semtex.

J’ouvre une petite porte sur le côté, bingo, accès au sous-sol direct. Je descends les quelques marches, deux lourdes face à moi, je franchis la première, mon Dieu quelle bande de cinglés ! Le marquis de Sade à côté de ces tarés fait figure de Bisounours. Des fouets, des marteaux, des agrafeuses électriques, des fléaux, des poids, des pinces… c’est le BHV des bricolos sado-maso. Je trouve aussi des uniformes de S S, des tenues de prisonniers, des masques de cuir, des cagoules en latex… mais ce fourbi malsain de déglingué du cabochon ne m’intéresse pas, je cherche autre chose.

C’est dans la seconde pièce que je trouve mon Graal : la chaudière et la cuve à fioul, je pose mon pain de plastique. Y en a pas loin de deux cents grammes, ça va faire du vilain. Je place le détonateur, un mécanisme de ma composition. Un truc à pile tout bête qui enverra l’impulsion électrique via mon iPhone.

Je remonte les marches, repasse devant la vieille viande froide, lui balance un crachat à travers la gueule, comme ça, gratuitement, par plaisir et chope la rose sanguinolente au passage. Je referme la porte et me dirige vers mon carrosse, je suis à la moitié du chemin qui me ramène à la route lorsque j’appuie sur le bouton rouge qui clignote sur l’écran de mon smart-phone. Putain quel magnifique feu d’artifice…

J’appuie sur le champignon, je suis collé au siège. Faut que je mette le plus de distance possible entre les ruines fumantes du Galion et ma pomme. Et puis je dois accompagner Martine pour son dernier voyage.

* * *

Il y a quoi, une dizaine de personnes autour de son cercueil, pas plus. Une belle boîte cérusée blanche, un écrin digne de la môme. La voix de Jane Birkin résonne dans la pièce :

Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve,

que le ciel azuré ne vire au mauve,

penser ou passer à autre chose,

vaudrait mieux,

fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve,

se dire qu’il y a over the rainbow.

J’ai comme une envie de chialer, d’ailleurs je sens une larme rouler sur ma joue.

Le maître de cérémonie de la maison terminus nous signifie que l’on peut saluer une dernière fois le cercueil avant qu’il disparaisse à jamais.

Je me signe,dépose ma rose enduite du sang de la morue et murmure à la môme :

Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,

Les poings crispés dans l’ombre et les larmes de fiel,

Quand la Vengeance bat son infernal rappel,

Et de nos facultés se fait le capitaine ?

Ange plein de bonté connaissez-vous la haine ? [24]

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