15.

— Tu connaissais ce ganèf, lance Landsman à Berko sur un ton plus affirmatif qu’interrogateur, tandis que, voûtés dans la neige de shabbat, ils se dirigent vers le domicile du rebbè à la suite du mayven des frontières.

Pour l’expédition de l’autre côté de la platz, Zimbalist s’est lavé le visage et les aisselles dans un lavabo à l’arrière de son magasin. Il a mouillé un peigne pour ratisser la totalité de ses dix-sept cheveux en un ruban de moire en travers du haut de son crâne. Puis il a endossé un manteau de sport en velours côtelé marron, un gilet de duvet orange, des caoutchoucs noirs et, par-dessus tout ça, un manteau d’ours ceinturé qui laisse derrière lui l’odeur d’antimite d’un cache-nez de six mètres de long. À la ramure d’un élan fixée près de la porte, le mayven a pris un ballon de foot ou une ottomane miniature en fourrure de glouton pour le ou la poser au sommet de sa tête. Maintenant il se dandine devant les inspecteurs, empestant la naphtaline, l’air d’un ourson poussé par des maîtres cruels à accomplir des tours avilissants. Moins d’une heure avant la nuit, et la neige tombe comme des éclats de jour brisé. Le ciel de Sitka est un plat d’argent dépoli qui se ternit vite.

— Ouais, répond Berko. On m’a emmené le voir juste après que j’ai commencé à couvrir le 5e district. On a organisé une fête dans son bureau, au-dessus de la salle d’études de South Ansky Street. Il a épinglé quelque chose à la calotte de mon latkè, une feuille d’or. Après ça, il m’a toujours envoyé une belle corbeille de fruits pour Pourim. Livrée à mon domicile, alors que je ne lui ai jamais donné mon adresse personnelle. Tous les ans, des poires et des oranges, jusqu’à ce que nous emménagions dans le Shvartsn-Yam.

— Je me suis laissé dire qu’il était, comment dire ? un peu imposant.

— Il est trop mignon, un vrai petit trognon !

— Ces choses que le mayven nous racontait sur Mendel, les prodiges et les miracles, Berko, tu y crois ?

— Tu sais bien que ce n’est pas une question de croire ou de ne pas croire, Meyer. Ça ne l’a jamais été.

— Mais tu as vraiment – je suis curieux – le sentiment d’attendre le Messie ?

Berko lève les épaules, marque de son peu d’intérêt pour cette question, gardant les yeux rivés sur la trace des caoutchoucs noirs dans la neige.

— C’est le Messie, dit-il. Que peut-on faire d’autre sinon attendre ?

— Et alors quand il arrive, c’est quoi ? La paix sur terre ?

— La paix, la prospérité. Une profusion de nourriture, personne de seul ni de malade, personne qui ne vend rien à personne, je ne sais pas, moi…

— Et la Palestine ? Avec la venue du Messie, tous les Juifs y retournent ? Ils retournent sur la Terre promise ? Les chapeaux de fourrure et les autres ?

— J’ai ouï dire que le Messie a passé un marché avec les castors, répond Berko. Plus de fourrure.

Sous le halo d’une grosse lanterne à gaz en fer fixée au fronton de la maison du rebbè par une potence également métallique, un petit groupe de retardataires tuent les dernières heures de la semaine. Des parasites, les victimes du rebbè, un ou deux vrais jobards. Et l’habituel cafouillis impromptu de prétendus gardes suisses qui ne facilitent pas la tâche des biks postés de chaque côté de la porte d’entrée. Tous disent aux autres de rentrer à la maison et de bénir la lumière en famille afin de laisser le rebbè prendre en paix son dîner de shabbat. Nul ne part ni ne reste vraiment. Ils échangent d’authentiques mensonges sur des miracles et des prodiges récents, les nouvelles arnaques de l’immigration canadienne et quarante nouvelles versions de l’histoire de l’Indien à la massue : comment il a récité l’Alenu en interprétant une patch tanz.

Entendant le crissement carillonnant des caoutchoucs de Zimbalist traverser la platz dans leur direction, ils s’éloignent un à un en faisant leur propre bruit, tel un orgue de Barbarie asthmatique. Cinquante ans que Zimbalist vit au milieu d’eux, et il est toujours un étranger, par un mélange de choix et de nécessité. C’est un sorcier, un prêtre vaudou, avec ses doigts posés sur les cordes qui encerclent le district et ses paumes en coupe qui recueillent l’eau saumâtre de leurs âmes tous les shabbats. Perchées au sommet des poteaux du mayven des frontières, ses équipes peuvent espionner par toutes les fenêtres, écouter secrètement tous les appels téléphoniques. C’est du moins ce qu’ont entendu dire ces hommes.

— Le passage, s’il vous plaît, dit le mayven, se dirigeant vers le perron aux élégantes rampes en fer forgé tarabiscoté. Ami Belsky, poussez-vous.

Les hommes s’écartent aussitôt comme si Zimbalist courait vers un seau d’eau en tenant quelque chose en flammes dans les mains. Avant de pouvoir refermer complètement la brèche, ils voient Landsman et Berko venir vers eux et se murent dans un silence si pesant que Landsman le sent battre à ses tempes. Il entend la neige pétiller, et jusqu’au grésillement que produit chaque flocon au contact du sommet de la lanterne à gaz. Les autres rivalisent de regards méchants ou innocents, ou bien si inexpressifs qu’ils menacent de vider les poumons de Landsman de tout leur air.

— Je ne vois pas de massue, dit l’un.

Les inspecteurs Landsman et Shemets leur souhaitent un joyeux shabbat. Puis ils tournent leur attention vers les biks de la porte, deux gars bien bâtis au nez en trompette et aux yeux écarquillés, avec des cheveux roux et d’épaisses barbes laineuses de la couleur rouge doré du jus d’entrecôte. Deux Rudashevsky rouquins, des biks issus d’une longue lignée de biks, formés à la simplicité, à la stupidité, au pouvoir et à l’agilité.

— Professeur Zimbalist, dit le Rudashevsky du côté gauche de la porte, bon shabbat !

— À vous aussi, ami Rudashevsky. Je regrette de vous déranger par un après-midi aussi paisible.

Le mayven enfonce plus douillettement l’ottomane de fourrure sur sa tête. Le voilà parti pour un préambule fleuri, mais quand il finit par ouvrir le tiroir-caisse de sa bouche, aucune pièce n’en tombe. Landsman plonge la main dans sa poche. Zimbalist reste simplement planté là, les bras ballants, pensant peut-être que tout est sa faute, que les échecs ont détourné le gamin de l’angle de sa gloire tracé par Dieu, et maintenant il doit entrer dans cette maison et annoncer au père la triste fin de l’histoire. Alors, de ses doigts serrés autour du goulot lisse et glacé de la pinte de vodka canadienne, Landsman frôle l’épaule du mayven. Il tapote la bouteille contre la serre osseuse de Zimbalist jusqu’à ce que le vieux comprenne et s’en saisisse.

— Nu, Yossele, c’est l’inspecteur Shemets, dit Berko, se chargeant des opérations et louchant dans la lumière du gaz diffuse, une main en visière.

Derrière eux, toute la bande se met à murmurer, pressentant déjà le rapide déroulement de quelque chose d’extraordinairement néfaste. Le vent ferre les flocons d’avant en arrière sur ses cent hameçons.

— Qu’est-ce qui ne va pas, Yid ?

— Inspecteur, répond le Rudashevsky de droite, peut-être le frère de Yossele, peut-être son cousin, peut-être les deux à la fois. Nous savions que vous étiez dans le quartier.

— Voici l’inspecteur Landsman, mon coéquipier. Pourriez-vous, s’il vous plaît, dire au rabbin Shpilman de bien vouloir nous accorder un moment de son temps ? Croyez-moi, nous ne le dérangerions pas à cette heure-ci si ce n’était pas si important.

Habituellement, les chapeaux noirs, même des verbovers, ne contestent pas le droit ou l’autorité des policiers à mener des opérations de police dans le Harkavy ou sur l’île Verbov. Ils ne coopèrent pas, mais n’interfèrent pas non plus. D’un autre côté, se présenter au domicile du plus grand rabbin en exil, à deux doigts du moment le plus sacré de la semaine, il faut avoir une vraiment bonne raison pour ça. Il faut venir pour lui annoncer, par exemple, la mort de son fils unique.

— Un moment du temps du rebbè ? répète un des Rudashevsky.

— Même si vous aviez un million de dollars, si je puis me permettre avec tout le respect que je vous dois, inspecteur Shemets, dit l’autre en posant une main sur son cœur, les épaules plus larges et les phalanges plus velues que Yossele, ça ne suffirait pas.

Landsman se tourne vers Berko.

— Tu as cette somme sur toi ?

Berko lui donne un coup de coude dans les côtes. Landsman, qui n’a jamais fait de ronde chez les chapeaux noirs dans ses jours de latkè, tâtonne dans un fond vaseux de lourds silences et de regards aveugles capables de broyer un submersible. Il ne sait pas montrer la considération convenable.

— Allez, Yossele. Shmerl, mon cœur, roucoule Berko. Il me tarde d’être à table chez moi. Laisse-nous entrer.

Yossele tire sur son cache-col naturel couleur sang de bœuf. Puis l’autre commence à parler fermement à mi-voix. Le bik porte, dissimulé sous les boucles d’une de ses papillotes auburn, un casque équipé d’un micro et d’une oreillette.

— Je dois d’abord m’informer respectueusement, déclare le bik au bout d’un moment, la force de l’ordre reçu se manifestant sur ses traits, qu’elle adoucit en même temps qu’elle durcit son ton : quel motif amène ces distingués fonctionnaires de police au domicile du rebbè si tard en ce vendredi après-midi ?

— Imbéciles ! lance Zimbalist, un coup de vodka dans le ventre, montant les marches à toute allure tel un idiot d’ours sur son monocycle.

Il saisit les revers de la redingote de Yossele Rudashevsky et danse avec lui, de droite et de gauche, de colère et de chagrin.

— Ils sont là pour Mendel !

Les hommes attardés devant la maison de Shpilman, qui jusque-là murmuraient pour commenter et critiquer la tournure des événements, se taisent. La vie entre dans leurs poumons et en ressort bruyamment, crépite dans la morve de leurs nez. Sous l’effet de la chaleur de la lanterne, la neige s’évapore. L’air semble se briser avec le tintement d’une infinité de petites vitres. Et Landsman sent quelque chose le pousser à poser une main sur sa nuque. Il est marchand d’entropie et mécréant, de nature et de formation. Pour lui, le paradis est kitsch, Dieu un mot, et l’âme, au mieux, une charge de batterie. Mais dans l’accalmie de trois secondes qui suit la formulation du nom du fils perdu du rebbè, Landsman a la sensation que quelque chose voltige au milieu d’eux. Pique sur la foule, l’effleure de son aile. C’est peut-être seulement la découverte, passant d’un homme à l’autre, de la raison de la visite de ces deux inspecteurs de la brigade des homicides à une heure pareille. Ou alors c’est peut-être l’ancien pouvoir d’évocation d’un nom dans lequel résidaient jadis leurs espoirs les plus fervents. Ou encore Landsman a peut-être seulement besoin d’une bonne nuit de sommeil dans un hôtel où l’on ne trouve pas de Juif mort.

Le front pétri de plis comme de la pâte à pain, Yossele se tourne vers Shmerl, tenant toujours Zimbalist avec la tendresse stupide d’une brute. Shmerl prononce encore quelques syllabes au fond de la maison du rebbè verbover. Il regarde vers l’est, puis vers l’ouest, consulte le bonhomme à la mandoline sur le toit – il y a toujours un bonhomme sur le toit avec une mandoline semi-automatique. Puis il ouvre doucement la porte à panneaux. Yossele repose le vieux Zimbalist dans un cliquetis de boucles de caoutchoucs et lui tapote la joue.

— Je vous en prie, inspecteurs, dit-il.

On entre dans un vestibule lambrissé : une porte tout au fond, à gauche un escalier de bois qui monte au premier étage. L’escalier et ses contremarches, le lambris, le plancher aussi, sont taillés dans de gros tronçons d’une sorte de pin noueux beurre frais. Le long du mur en face de l’escalier court un petit banc, lui aussi en pin noueux, couvert d’un coussin de velours violet, lustré par endroits et présentant six empreintes rondes creusées par des années de fessiers verbovers.

— Je prie les très estimés inspecteurs de bien vouloir patienter ici, dit Shmerl.

Lui et Yossele retournent à leur poste, laissant Landsman et Berko sous la surveillance ferme mais indifférente d’un troisième énorme Rudashevsky qui se prélasse contre la rampe au fond de l’escalier.

— Asseyez-vous, professeur, ordonne le Rudashevsky d’intérieur.

— Merci, dit-il. Mais je n’ai pas envie de m’asseoir.

— Vous allez bien, professeur ? s’inquiète Berko, posant une main sur le bras du mayven.

— Un terrain de handball, murmure Zimbalist en guise de réponse à sa question. Qui joue encore au handball ?

Quelque chose dans la poche du manteau de Zimbalist attire l’œil de Berko. Landsman, lui, s’intéresse soudain vivement à une petite étagère de bois murale à côté de la porte, bien garnie d’exemplaires de deux brochures glacées en couleurs. Intitulée Qui est le rebbè verbover ?, la première l’informe qu’ils se tiennent dans l’entrée d’honneur de sa maison, et que la famille va et vient et vit sa vie de l’autre côté, exactement comme dans la demeure du président de l’Amérique. L’autre publication distribuée par les croyants s’appelle Cinq grandes vérités et cinq gros mensonges sur le hassidisme verbover.

J’ai vu le film, dit Berko, lisant par-dessus l’épaule de Landsman.

L’escalier émet un grincement. Le Rudashevsky marmonne, comme s’il annonçait un changement dans le menu du dîner :

— Le rabbin Baronshteyn.

Landsman connaît Baronshteyn seulement de réputation. Autre garçon prodige, diplômé en droit en plus de sa smikha de rabbin, il a épousé une des huit filles du rebbè. Il ne figure sur aucune photo et ne quitte jamais l’île Verbov, sauf à en croire les histoires selon lesquelles, en pleine nuit, il se rendrait furtivement dans un motel miteux de Sitka-sud pour infliger un châtiment personnel à un touriste du jeu politique ou à quelque shloser qui a raté son coup.

— Inspecteur Shemets, inspecteur Landsman. Je suis Aryeh Baronshteyn, le gabè du rebbè.

Landsman est surpris par sa jeunesse : trente ans, à vue de nez. Un front haut et étroit, des yeux noirs aussi durs que deux cailloux oubliés sur une inscription tombale. Il dissimule sa bouche efféminée dans la floraison virile d’une barbe façon roi Salomon, artistiquement striée de gris pour se vieillir. Ses papillotes pendent mollement au cordeau. Il incarne l’abnégation, mais ses vêtements trahissent le vieux goût verbover pour l’apparence. Ses mollets sont grassouillets et musculeux sous leurs fixe-chaussettes de soie et leurs bas blancs, ses longs pieds enfoncés dans des pantoufles de velours uni noir. La redingote semble fraîchement sortie de l’aiguille à façon de Moses & Sons d’Asch Street. Seule sa calotte tricotée au point jersey a un aspect modeste ; dessous, ses cheveux coupés en brosse luisent comme l’extrémité d’une ponceuse électrique. Bien que son visage ne montre pas de traces de circonspection, Landsman devine où celles-ci ont été soigneusement effacées.

— Reb Baronshteyn, murmure Berko en se décoiffant.

Landsman l’imite.

Baronshteyn garde les mains dans les poches de sa redingote, un modèle en satin à revers de velours et poches à rabat. Il s’efforce de paraître à son aise, seulement certains individus ne savent pas se tenir les mains dans les poches et avoir l’air naturel.

— Que cherchez-vous ici ? dit-il, affectant de jeter un coup d’œil à sa montre, sortant celle-ci de la manche de sa chemise en coton peigné juste le temps de leur permettre de lire le nom de Patek Philippe sur le cadran. Il est bien tard.

— Nous sommes ici pour parler au rebbè Shpilman, rabbi, répond Landsman. Si votre temps est si précieux, alors nous ne voudrions surtout pas vous le faire perdre en parlant avec vous.

— Ce n’est pas mon temps que j’ai peur de vous voir gâcher, inspecteur Landsman. Et je vous dis tout de suite que si vous tentez d’adopter, dans cette maison, l’attitude irrespectueuse et le comportement scandaleux pour lequel vous êtes connu, alors vous repartirez comme vous êtes venu. Est-ce bien clair ?

— Je crois que vous devez me confondre avec l’autre inspecteur Meyer Landsman. Moi, je suis celui qui ne fait que son boulot.

— Alors vous êtes ici dans le cadre d’une enquête pour homicide ? Puis-je vous demander en quoi cela concerne le rebbè ?

— Nous avons vraiment besoin de parler au rebbè, dit Berko. S’il nous signifie qu’il souhaite votre présence, libre à vous de rester. Mais, avec tout le respect que je vous dois, rabbi, nous ne sommes pas là pour répondre à vos questions. Et nous ne sommes pas là non plus pour faire perdre du temps à quiconque.

— En plus d’être son conseiller, inspecteur, je suis l’avocat du rebbè, vous le savez.

— En effet, monsieur, nous ne sommes pas sans le savoir.

— Mon bureau se trouve de l’autre côté de la platz, ajoute Baronshteyn, allant à la porte d’entrée et la tenant ouverte avec l’affabilité d’un portier.

La neige tombe dru dans l’encadrement, scintillant à la lumière du gaz tel un jackpot de pièces sans fin.

— … Je suis sûr de pouvoir répondre à toutes vos questions.

— Baronshteyn, espèce de morveux ! Laisse-les passer.

Le chapeau aplati sur une oreille, Zimbalist est déjà debout, drapé dans son immense manteau miteux et ses miasmes d’antimite et de chagrin.

— Professeur Zimbalist, prenez garde.

Le ton de Baronshteyn est celui de l’avertissement, mais son regard s’aiguise quand il prend la mesure de l’état ravagé du mayven des frontières. Il n’a peut-être jamais vu Zimbalist proche d’une émotion auparavant. À l’évidence, le spectacle le fascine.

— Tu as voulu prendre sa place, s’écrie le professeur. Eh bien, maintenant tu l’as ! Quel effet cela te fait-il ?

Chancelant, Zimbalist s’avance d’un pas vers le gabè. Toutes sortes de cordons et de fils de détente doivent s’entrecroiser dans l’espace les séparant. Mais, pour une fois, le mayven semble avoir égaré sa carte des ficelles.

— Même aujourd’hui il est plus vivant que tu le ne seras jamais, espèce d’éperlan ! Sale pantin ! gronde-t-il.

Il bouscule Berko et Landsman, tendant le bras pour saisir la rampe ou la gorge du gabè. Baronshteyn ne bronche pas. Berko rattrape Zimbalist par la ceinture de sa peau d’ours et le tire en arrière.

— Qui ? demande Baronshteyn. De qui parlez-vous ? – Il reporte ses regards sur Landsman : Inspecteur, est-il arrivé quelque chose à Mendel Shpilman ?

Le policier devait se repasser le film des événements avec Berko par la suite, mais sa première impression est que Baronshteyn a l’air surpris par cette possibilité.

— Professeur, dit Berko. Nous apprécions votre aide, merci – Il remonte la fermeture Éclair du cardigan de Zimbalist et boutonne son veston, rabat un pan de son manteau de peau d’ours sur l’autre puis noue la ceinture serré à sa taille. – Maintenant, je vous en prie, rentrez chez vous. Yossele, Shmerl, qu’on ramène le professeur à la maison avant que sa femme s’inquiète et appelle la police.

Yossele prend Zimbalist par le bras, et tous deux descendent le perron.

Berko referme la porte.

— Conduisez-nous au rebbè, conseiller, dit-il. Tout de suite.

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