VIII


« Monsieur va y arriver ! dit Nicolas. Encore un effort.

– Mais pourquoi, demanda Colin en sueur, prend-on un air si lent ? C’est beaucoup plus difficile.

– Il y a une raison, dit Nicolas. En principe, le danseur et la danseuse se tiennent à une distance moyenne l’un de l’autre. Avec un air lent, on peut arriver à régler l’ondulation de telle sorte que le foyer fixe se trouve à mi-hauteur des deux partenaires : la tête et les pieds sont alors mobiles. C’est le résultat que l’on doit obtenir théoriquement. Il est, et c’est regrettable, advenu que des personnes peu scrupuleuses se sont mises à danser le biglemoi à la façon des Noirs, sur tempo rapide.

– C’est-à-dire ? demanda Colin.

– C’est-à-dire avec un foyer mobile aux pieds, un à la tête et, malheureusement, un intermédiaire mobile à la hauteur des reins, les points fixes, ou pseudo-articulations, étant le sternum et les genoux. »

Colin rougit.

« Je comprends, dit-il.

– Sur un boogie, conclut Nicolas, l’effet est, disons le mot, d’autant plus obscène que l’air est obsédant en général. »

Colin restait songeur.

« Où avez-vous appris le biglemoi ? demanda-t-il à Nicolas.

– Ma nièce me l’a appris… dit Nicolas. J’ai établi la théorie complète du biglemoi au cours de conversations avec mon beau-frère. Il est membre de l’Institut, comme Monsieur le sait sans doute, et n’a pas eu de grandes difficultés à saisir la méthode. Il m’a même dit qu’il avait fait ça il y a dix-neuf ans…

– Votre nièce a dix-huit ans ? demanda Colin.

– Et trois mois… rectifia Nicolas. Si Monsieur n’a plus besoin de moi, je vais retourner surveiller ma cuisine.

– Allez, Nicolas, et merci », dit Colin en enlevant le disque qui venait de s’arrêter.

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