LXI
Colin apercevait le trentième pilier. Il marchait, depuis le matin, dans la cave de la Réserve d’Or. Sa tâche consistait à crier quand il voyait des hommes venir voler l’or. La cave était très grande. Il fallait un jour, en allant vite, pour en faire le tour. Au centre, se trouvait la chambre blindée où l’or mûrissait lentement dans une atmosphère de gaz mortels. Ce métier rapportait beaucoup si l’on arrivait à faire le tour dans sa journée. Colin ne se sentait pas en assez bonne condition physique, et il faisait trop nuit dans la cave. Malgré lui, il se retournait de temps en temps et perdait sur l’horaire, et il ne voyait, derrière lui, que le minuscule point rayonnant de la dernière lampe, et, devant lui, la lampe suivante qui grossissait lentement.
Les voleurs d’or ne venaient pas tous les jours, mais on devait, tout de même, passer au contrôle au moment prévu, sinon, on subissait une retenue d’appointements. Il fallait respecter l’horaire pour se trouver prêt à crier quand les voleurs passaient. C’étaient des hommes d’habitudes très régulières.
Colin souffrait du pied droit. La cave, construite de dure pierre artificielle, présentait un sol rugueux et inégal. Il força un peu en dépassant la huitième ligne blanche, afin d’arriver au trentième pilier en temps voulu. Il se mit à chanter tout haut pour accompagner sa marche, et s’arrêta, car les échos lui renvoyaient des mots hachés et menaçants et chantaient un air opposé au sien.
Les jambes douloureuses, il allait, inlassablement, et dépassa le trentième pilier. Machinalement, il se retourna, croyant voir quelque chose derrière. Il perdit encore cinq secondes et fit quelques pas accélérés pour se rattraper.