XVII
Les frères Desmaret s’habillaient pour la noce. Ils étaient très souvent invités comme pédérastes d’honneur, car ils présentaient bien. Ils étaient jumeaux. L’aîné s’appelait Coriolan. Il avait les cheveux noirs et frisés, la peau blanche et douce, un air de virginité, le nez droit et les yeux bleus derrière de grands cils jaunes.
Le cadet, nommé Pégase, avait un aspect semblable, à cela près que ses cils étaient verts, ce qui suffisait, d’ordinaire, à les distinguer l’un de l’autre. Ils avaient embrassé la carrière de pédéraste par nécessité et par goût, mais, comme on les payait bien pour être pédérastes d’honneur, ils ne travaillaient presque plus, et malheureusement, cette oisiveté funeste les poussait au vice de temps à autre. C’est ainsi que, la veille, Coriolan s’était mal conduit avec une fille. Pégase le tançait d’importance, tout en se massant la peau des reins avec de la pâte d’amandes mâles, devant la grande glace à trois faces.
« Et à quelle heure es-tu rentré, hein ? disait Pégase.
– Je ne sais plus, dit Coriolan. Laisse-moi. Occupe-toi de tes reins. »
Coriolan s’épilait les sourcils au moyen d’une pince à forcipressure.
« Tu es obscène ! dit Pégase. Une fille !… Si ta tante te voyait !…
– Oh !… Tu ne l’as jamais fait, toi ? hein ? dit Coriolan menaçant.
– Quand ça ? » dit Pégase un peu inquiet.
Il interrompit son massage et fit quelques mouvements d’assouplissement devant la glace.
« Ça va, dit Coriolan, je n’insiste pas. Je ne veux pas te faire rentrer sous terre. Boutonne-moi plutôt ma culotte. »
Ils avaient des culottes spéciales, à braguettes en arrière, difficiles à fermer tout seul.
« Ah ! ricana Pégase, tu vois ! Tu ne peux rien dire !…
– Ça va, je te dis ! répéta Coriolan. Qui est-ce qui se marie, aujourd’hui ?
– C’est Colin qui épouse Chloé, dit son frère avec dégoût.
– Pourquoi prends-tu ce ton ? demanda Coriolan. Il est bien, ce type-là.
– Oui, il est bien, dit Pégase, avec envie. Mais, elle, elle a une poitrine tellement ronde, qu’on ne peut vraiment pas se figurer que c’est un garçon !… »
Coriolan rougit.
« Je la trouve jolie… murmura-t-il. On a envie de lui toucher la poitrine… Ça ne te fait pas cet effet-là ? »
Son frère le regarda avec stupeur.
« Quel salaud tu fais ! conclut-il avec énergie. Tu es plus vicieux que n’importe qui… Un de ces jours, tu vas te marier avec une femme !… »