CHAIR APPATÉE

Le cabinet médical du docteur Devaincy est éclairé dans sa partie rez-de-chaussette. Je remise ma tire de location dans un créneau laissé par d’autres voitures en stationnement pour la nuit.

Il est dix heures moins vingt et il fait noir comme dans le trou du cul d’un nègre, endroit que j’ai très peu visité jusqu’à ce jour, mais qui jouit d’une forte réputation d’obscurité.

Le quartier est désert, sans autre bruit que cette rumeur télévisuelle que sécrètent les soirées des individus d’aujourd’hui pour lesquels le mariage est devenu une source de discorde entre zappeurs.

Le môme a beau dire, beau faire, au bout d’un bref instant, il sombre dans un profond sommeil que je respecte. Après l’épreuve qu’il vient de subir, il a grand besoin de repos, le pauvre. Son souffle est agité de sursauts et de brefs gémissements dus aux liens qui l’ont entravé des heures durant.

Les minutes s’enchaînent, me permettant de mesurer l’inexorabilité de la vie qui coule, coule sans trêve, indifférente à nos états d’âme. Et, crois-le bien, que tu fasses l’amour ou des mots croisés, la trotteuse ne flanche pas, ne ralentit pas et t’estoque à chaque seconde pour, vicieusement, te déguiser en mort, toi si peinard dans ton présent d’aujourd’hui.

Un poil avant dix heures, une Range Rover noire, immatriculée en Haute-Savoie, stoppe devant le cabinet de Léo. Le conducteur n’en descend pas. Juste, il file un petit coup de klaxon guilleret sur l’air de « T’as qu’à les mettre dans un coin ».

Une giclette de temps et la porte s’ouvre sur le doc, vêtu d’un imper mastic à martingale et épaulettes, boutons de faux cuir. Ce gusman porte un sac de voyage à soufflets en cuir craquelé par le temps. Du bel article de jadis au fermoir de laiton, assez monumental pour une trousse médicale. Il ferme sa porte à clé après avoir actionné le coupe-loupiotes général et embarque à bord de la grosse tire.

Je laisse un peu de champ à celle-ci, puis m’extrais de ma file. A cette heure, et l’auto étant monumentale, je n’aurai pas de mal à la retapisser. Par contre, je suis, moi aussi, plus zaizément repérable. Je demeure à bonne distance et puis je me mets à accélérer, rejoins, et double la Range.

C’est mieux ainsi, plus confortable, car ça n’éveille pas d’inquiétudes, une bagnole qui roule loin devant toi. C’est ta pomme qui a l’air de la filocher. On rejoint l’autoroute blanche qu’on suit jusqu’à l’embranchement fatidique. Tout droit, c’est Chamonix et le tunnel du Mont-Blanc, à droite, la voie Chambéry-Lyon.

— Va pisser sur le talus ! enjoins-le à Toinoche qui vient de se réveiller. Bien ouvertement.

Il libère une vessie qui, sans être surmenée, ne demande qu’à épancher ses récents souvenirs. La Range Rover nous double en cours de miction et opte pour la voie de droite. Toinet rengaine son brise-jet pour me rejoindre.

Fouette, cocher !

Cette fois, on roule derrière, en laissant un max d’avance à nos deux lascars.

En moins de jouge, voilà la bretelle pour Annecy-Nord. Le doc et son pote s’y engagent. Je me dis que si leur vigilance est en alerte, ils trouveront bizarre de nous voir prendre la même sortie qu’eux, mais enfin je n’ai pas d’autre choix.

Une rampe descend vers le nid de lumières de la ville. Au bas, la Range Rover tire à droite. Quand je l’imite, je pousse une exclamation navrée en découvrant une longue voie de banlieue, rigoureusement déserte. Pas la moindre trace de la bagnole suivie. Des lampadaires espacés jettent une lumière cotonneuse sur ce coin de la ville suburbaine. J’avance au ralenti, avec la circonspection d’un taxi maraudant aux alentours d’un théâtre à l’heure du rideau final.

— Arrête ! me lance brusquement Toinet.

Il saute de ma chignole et s’engage dans une voie très courte. J’avise un grand portail ouvert dans cette impasse. Une lueur rouge sort de ce renfoncement, puis s’éteint. Fiston m’adresse un signe d’allégresse qui me remue l’âme. Cher môme, comme il met du cœur à l’ouvrage !

Je remise ma caisse au bord de la voie où il gesticule et le rejoins.

— Ils sont ici, me dit-il. C’est une espèce de petite clinique bizarre. « Gériatrique », dit la plaque, mais elle fait très province, très pauvret.

Je vais examiner les lieux et constate qu’il a raison. Il s’agit d’une villa aux dimensions modestes à laquelle on a dévolu un caractère médical, mais, franchement, je préférerais me faire opérer de la prostate dans un endroit où la médecine semble mieux maîtrisée.

La Range Rover est stationnée auprès de deux autres bagnoles : une Porsche Carrera et un véhicule utilitaire, du genre Renault Espace.

Les volets de bois de la maison sont fermés, pourtant je m’efforce d’aller coller un n’œil à travers les lattes de l’un d’eux derrière lequel il y a de la lumière.

J’aperçois, confusément, quatre personnages dans une chambre. Trois hommes, une femme. Cette dernière est une fille pas très belle, avoisinant la quarantaine. De taille moyenne, plutôt menue, elle est d’un châtain filasseux et ses crins sont bouclés serré, presque crépus. Son nez, peu gracieux, évoque le bec d’un canard. Elle a le regard très clair, entouré de cils chargés de khôl comme les pattes d’une mouche à merde de merde.

Les trois hommes sont : le docteur Léo, le gros mec à lunettes qui est allé le chercher à Annemasse, et enfin un Maghrébin nu gisant inanimé sur un lit étroit. Devaincy est en train d’ausculter l’Arabe en promenant un stéthoscope sur son corps dénudé.

Les trois « lucides » parlent, mais je ne puis percevoir leurs paroles.

Au bout d’un moment, la femme quitte la pièce. Le gros génaire besiclé va prendre un lampadaire, situé à l’autre bout de la chambre pour l’amener près du lit. Je note alors que le plumard en question possède une alaise en guise de courtepointe. Le gros à lunettes a actionné le commutateur du lampadaire et c’est le faisceau impitoyable d’un projecteur à halogène qui noie le lit et le gisant d’une lumière follement intense et blanche.

Le docteur passe dans une salle de bains attenante. Comme il en a laissé la porte ouverte, je constate qu’il se lave minutieusement les mains. M’est avis qu’il s’apprête à pratiquer une intervention sur le Maghrébin. J’en déduis que le gars en question est blessé et que Devaincy va extraire une balle de sa plaie. Donc, il serait un médecin marron travaillant à l’occasion pour le Milieu ? La chose ne me surprend pas : je me gaffais d’un truc du genre.

Que faire ? J’interviens illico, ou bien j’attends que « l’opération » soit terminée ? Peut-être que l’Arabe est durement touché et qu’en différant l’extraction de la balle que je lui suppose, je mettrais ses jours en danger ? A quoi bon accroître les risques ?

Je rejoins l’auto à pas de Dupanloup (un salingue de mon espèce, tu penses !) et préviens Toinet de ce que je viens de découvrir. Lui aussi est de l’avis d’attendre.

— Par exemple, ajoute le môme, tu pourrais prévenir les flics qu’ils envoient des renforts pour sauter ces gens, après ?

Je gamberge un chouïa. En pleine noie ça va être coton de rameuter les confrères de Haute-Savoie. On dérange pas des poulets en pleine nuit, sur un simple coup de turlu, même si tu prétends être le président de la République.

Et puis, que veux-tu : cette affaire est « à moi », je l’ai levée tout seul, c’est mon os et je le rongerai jusqu’à la moelle. Je palpe mes vagues dans l’une desquelles se trouve le bizarre pistolet que j’ai engourdi au docteur.

— Je vais m’en occuper moi-même, décidé-je. Roupille un pneu en m’espérant, môme.

Je retourne au volet de la chambre qui, en y regardant attentivement, n’est pas une chambre mais une sorte de cabinet d’auscultation.

Les choses ont progressé. Les trois assistants ont passé des blouses vertes et des masques de gaze. Je distingue le patient qu’ils ont placé sur le côté droit et dont ils ont badigeonné toute la zone gauche de mercurochrome. Ils l’ont lié avec des sangles dans cette posture inconfortable. Une petite table roulante, supportant des instruments et des récipients émaillés se trouve perpendiculaire à la « table d’opération ».

La femme, gantée de caoutchouc ainsi que ses deux compagnons, branche un appareil qu’elle présente à Léo. Je suis suffisamment initié aux choses cliniques pour identifier un bistouri. Très sûr de soi, le médecin se penche sur le patient et son outil perfectionné se met à entailler la viande de l’Arbi. L’assistante s’active également, mais je ne vois pas ce qu’elle fait.

A cet instant palpitant (j’espère ?) de l’action, je me dis que cette intervention ne ressemble pas à une extraction de balle. Je connais les gestes opératoires pratiqués dans ces cas-là et peux t’assurer qu’ils n’ont rien de commun avec ceux de Léonard Devaincy. Alors ?

Ma perplexité n’a d’équivalent que mon inquiétude. Que fait-on à ce malheureux frère maghrébin, putain d’elle ?

Je vois plus ou moins nettement à travers les fentes des volets, assez malgré tout pour constater que l’opéré vient d’être ouvert sur une longueur de 15 ou 20 centimètres. L’entaille commence à une largeur de main du nombril pour s’achever à une autre largeur de main de la colonne vertébrale. Non, mais dis donc : c’est du sérieux, ça.

Je lutte entre l’impulsion incoercible (mais que je coerce pourtant) qui m’engage à intervenir et la raison qui me conseille de ne pas interrompre une opération délicate. La police, comme la médecine, c’est l’art du moindre mal.

Un glissement. Je sursaute, mais ce n’est que mon garçon qui, malgré sa promesse, vient de me rejoindre.

— Merci ! je lui souffle méchamment. Il hausse les épaules et se met à mater.

Aidé de ses étranges assistants, le docteur Devaincy engage des instruments chromés dans la plaie. Ce qu’il tripatouille, là-dedans, impossible de t’en rendre compte car je bornique moi-même.

Ça dure, c’est long, minutieux. Et puis le gros mec à besicles s’approche, muni d’un sac de plastique transparent contenant un liquide lui aussi incolore. Il le tient ouvert au-dessus de l’opéré. Et alors, mon pote, la gerbe nous empare quand on voit le docteur Devaincy sortir de l’ouverture de son patient, un organe sanguinolent qui n’est autre que son rein droit.

Il le place dans la poche de plastique qu’on clôt alors soigneusement avant de la déposer dans un caisson isotherme. Et ma pomme de tout comprendre : je viens de mettre la main sur un trafic de plus : celui des organes. J’en avais entendu causer, mais j’avais du mal à le croire.

Déjà, l’infirmière occasionnelle (à moins qu’il ne s’agisse d’une vraie ?), ôte son masque et sa blouse pour aller décrocher son manteau. Il est clair qu’elle va livrer la marchandise, car ce genre de produit de la ferme n’attend pas, c’est une denrée plus délicate encore que les fruits de mer ! Mon môme opère alors un mouvement rapide en direction des voitures stationnées, marque un temps d’hésitation puis opte pour la Porsche.

Affolé, je le hèle, silencieusement :

— Toinet, non !!!!

Mais il a déjà grimpé à l’arrière de la tire. Son but est clair, il veut s’assurer de l’endroit où la fille va porter le rein prélevé. Il a éliminé la Range Rover du gros mec, et aussi le grand véhicule dont il pense qu’il va servir à transporter l’Arbi « opéré », pour choisir la voiture rapide qui convient à l’urgerie du transport.

Dans quel bain de merde va-t-il encore se fourrer ce petit con ! En voilà un qui me remplacera avantageusement un jour, je te le prédis ; à moins que les petits gorets salingues ne le briffent avant ; il est tellement audacieux, ce gentil mec, qu’il va se créer des inimitiés.

Je m’accroupis derrière un massif passif d’hortensias au moment où la femme apparaît avec le rein du pauvre Maghrébin. Le calcul de mon fiston était bon : c’est bien la Porsche qu’elle prend.

Je me dis que la gonzesse va pas faire long à s’apercevoir qu’elle a un passager clandestin, vu qu’il y a pas chouchouïe d’espace vital à l’arrière d’une telle chignole. Néanmoins, elle grimpe à bord et décarre sur les boulons de roue, comme dit Béru.

Après son départ, mon attention revient au « bloc opératoire », si tu me passes l’expression.

Le chirurgien d’infortune est en train de recoudre son patient. Il paraît s’appliquer, prouvant que, dans le crime, il apporte une certaine conscience professionnelle. Moi, de gamberger sur la conduite que je dois adopter. Intervenir ? Pas avant que le pauvre gars soit colmaté, c’est certain. Que vont-ils faire ensuite ? Le mettre aux soins intensifs pendant le reste de la nuit, ou bien l’évacuer sans plus attendre, nonobstant les risques que le malheureux encourrait ? Telle que la chose se présente, je penche pour la seconde probabilité. Leur conscience a des limites et je ne doute pas de son élasticité. Ils ne sont pas assez téméraires pour conserver avec eux ce « donneur » involontaire.

J’enrage devant une telle vilenie. Quel point d’aberration faut-il atteindre pour oser « voler » les organes d’un homme sain ! Jusqu’où l’humanité dérivera-t-elle pour arriver à commettre de tels forfaits ?

Du temps a passé et Léonard Devaincy a fini de ravauder l’Arabe.

Il fait tout, ce médecin orchestre, décidément : il est chirurgien, infirmier, bientôt brancardier. Sa besogne d’aiguille achevée, il branche un cathéter dans le poignet de sa victime pour pratiquer un goutte-à-goutte. Vérifications rapides : tension, stéthoscope, examen de l’œil, comptage des pulsations.

Cela fait, il se met à parlementer avec le gros homme. Je ne peux percevoir la moindre broque de leur échange. On dirait qu’ils s’engueulent ou, pour le moins, ne sont pas d’accord.

A la fin, c’est le gradu qui l’emporte, alors il va chercher un brancard roulé dans une pièce voisine, le développe et le place parallèlement à la table d’opération.

Cette fois, je ne peux me contiendre, comme le dirait le marquis Béru de Boissansoif. Il y a des moments où ma nature l’emporte sur toutes autres considérations, fussent-elles de prudence.

Je dégaine le soufflant prélevé naguère dans la trousse du doc et gravis le perron de la pseudo-clinique gériatrique où, soit dit entre nous et le passage Choiseul, on ne doit pas faire de vieux os.

Je franchis le petit hall carrelé. L’endroit est minable. Peinture écaillée, carreaux descellés, vitres brisées, luminaires déficients. Une épave de clinique ! Elle digue-digue, à bout de souffle, n’abritant plus, je gage, que des opérations délictueuses.

Je fonce dans le couloir, en chaussettes, pour du bruit ne pas faire. La lourde du « bloc opératoire » est entrouverte, mais je stoppe, ayant aperçu un téléphone dans une pièce qui devait servir de burlingue au temps où la taule fonctionnait « normalement ». Je décroche : Dieu soit loué, y a la tonalité. Je compose le numéro de Police-Secours.

A voix basse je susurre :

— Ecoutez bien ce que je vais vous dire. Je suis San-Antonio, le directeur de la Police parisienne. Envoyez de toute urgence du monde…

Mon corresponcon m’interrompt :

— Te fatigue pas, Toto, moi j’suis le prince Charles d’Angleterre !

Je n’insiste pas. Me faudrait une plombe pour arriver à obtenir de l’aide. Je raccroche. Qu’à cet instant, le Doc et son gros complice passent en coltinant l’Arbi sur un brancard. Par un miraculeux hasard, tout à leur charge, ils oublient de regarder dans ma direction. J’attends un instant et puis merde, mes godasses ! Je n’y pensais plus. Le gros qui ouvre la marche s’arrête et dit :

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

Pas la peine de tortiller du prose pour déféquer droit, c’est le moment, pour ma pomme, d’entrer en scène.

— Laissez, fais-je en surgissant, ce sont mes targettes !

Les deux se pétrifient. Je m’avance, l’arme pointée et vais réintégrer mes mocassins.

— Maintenant, on file directo à l’hôpital d’Annecy, déclaré-je, y a pas de temps à perdre.

Alors, se déclenche un rodéo impromptu. Le gros salingue lâche son brancard et l’Arbi choit sur le sol. Le vilain dégaine de ses braies une pétoire grande comme un os de gigot et m’ajuste. Par grâce divine, dans sa précipitance il a omis d’abaisser le cran de sûreté de son riboustin et c’est ma pomme qui le praline the first. Plein burlingue.

Il pousse un hurlement pareil à celui des stukas allemands de la 39, quand ils piquaient sur les cohortes de réfugiés. Il largue son juge de paix pour se tordre au sol en continuant de crier à pierre fendre. A ma vive surprenance, je vois ses fringues qui fument et se mettent à roussir. Les pralines que crache le composteur de Devaincy ne sont pas des balles ordinaires, mais des capsules d’acide sulfurique ; je reconnais l’odeur.

Ce chéri, ça lui brûle le bide, le bas-bide, l’estom’. Douleurs intolérables. Si ça lui parvient au service trois pièces, l’encéphalogramme de sa tête de nœud ressemblera à celui de Pline l’Ancien.

— Laissez votre opéré et suivez-moi au bureau, Doc !

Il est prostré, le nanar, se dit qu’il aurait mieux fait de rester devant sa télé pour visionner la « Marche du Siècle » consacrée, ce soir, à la disparition progressive du prépuce dans la société moderne.

Je reste dans le couloir, surveillant simultanément les deux gredins.

— Appelez les urgences de l’hôpital d’Annecy, enjoins-je au médecin. Si vous ne savez pas le numéro, demandez-le aux renseignements.

Il se met à composer un numéro au cadran. Sonnerie d’appel. Le gars bibi, pas guêpe et pas folle, de plonger sur le combiné en rebuffant le praticien. Quelques sonneries encore, et une voix de femme demande :

— Qu’est-ce que c’est ?

— Léo, réponds-je à voix basse.

— Qu’est-ce que tu veux ?

Je raccroche, saute sur le docteur et, noir de rage, lui balance un coup de crosse dans les dents.

— Tu te referas paver la gueule en centrale, lui dis-je. Là-bas, ils sont un service dentaire très convenable.

* * *

Bon, je te passe les différentes interventions. L’ambulance avec un interne auquel j’explique le problo du brave Maghrébin. Puis la Rousse que j’ai fait prévenir par Paris et qui escouade avec empressure. Les deux salauds emballés sans déménagement (toujours selon Béru).

Je suis épuisé, en regagnant mon hôtel. Juste comme j’en franchis le seuil, le concierge de nuit me demande si c’est bien moi, l’illustre commissaire Santantonio. Ebloui par l’affirmative, il me passe la communication en cours et qui, par grâce du ciel, me met Toinet dans la portugaise droite.

Soulagement ! Joie flamboyante !

— Alors, mon héros ? je questionne.

— Ça s’est passé au poil, p’pa. La gonzesse a mis la radio plein tube et n’a pas perçu ma présence. J’ai les reins en rémoulade. Nous sommes à Lyon. Elle a apporté le rognon du mec dans la clinique d’assez bonne apparence d’un quartier chicos.

« J’ai profité de ce qu’elle était à l’intérieur de l’établissement pour me sortir de sa caisse. J’en ai crevé les pneus arrière et relevé le numéro. Et puis pris l’adresse de la clinique ; qu’est-ce que je fais d’autre ? »

— Tu as du blé sur toi ?

— Pas lerchouille : trois cents balles suisses et cinq cents français.

— Bien suffisant pour te prendre un billet pour Paris. Va voir à la gare Perrache s’il y a encore un dur à cette heure nuiteuse, sinon prends une piaule dans un hôtel modeste et rentre à la première heure demain ; rendez-vous à la Grande Cage, petit drôle. Tu es un champion !

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