LE FEU AU LAC… ET AILLEURS

En rentrant à la Grande Cabane, je me fais l’effet d’être une abeille lestée de pollen de retour à la ruche.

On accumule un matériel qui, très bientôt, et sans doute avant, nous servira à halluciner[5] cette affaire.

A présent nous allons attaquer le gras du mystère, à savoir la nature des relations que Marmelard entretenait avec des navigants aériens.

Je pénètre dans mon bureau, toujours flanqué de M. Blanc, afin d’en consulter la liste et de dresser un dispositif discret me permettant de contacter chacune de ces personnes sans foutre la panique dans le landerneau.

Malédiction : les monstres béruréens sont à pied d’œuvre. Nous découvrons le Vieux, allongé sur la moquette, au beau milieu du bureau. Il est inanimé ; vraisemblablement évanoui.

Béru ne se formalise pas de son état. Il a placé un coussin sous la tête du doux vieillard et, assis près de lui, sirote une bouteille de beaujolais dont cinq autres (vides celles-là) servent de quilles à Apollon-Jules. Le môme utilise comme boule la pendulette ronde du bureau. Il rit aux éclats. La moquette est vineuse, la pièce pue atrocement, le gamin ayant déféqué sur la plante verte et uriné dans le porte-parapluies de cuivre représentant une botte grenadière.

Je hurle :

— Qu’est-ce que c’est que ce cirque, bordel à cul !

Rire ivrognesque du Gros.

— Fâche-toi pas, le Sioux. Figure-toive qu’ j’ai parv’nu à beurrer l’ Dabe, pour la pr’mière fois qu’on s’connaît. J’v’nais d’ rec’voir six boutanches d’beaujolpif nouveau, qu’mon ami Louis Prin, d’ Ma Bourgogne a fait déposer ici. J’ai monté av’c pour trinquer. Y avait qu’ Chilou, envapé par sa migraine. J’y ai dit comme quoi j’m’chargeais d’ lu la lu faire passer. Y s’a entiflé trois boutanches à lu tout seul, l’boug’. N’a pas l’habitude : ça l’a s’ringué et l’v’là qui cuve. Faudrait prend’ une photo, c’s’rait un document unique dans les voies annales !

Et il achève sa bouteille à puissantes glottées yoyotantes.

L’ayant vidée, il déclare, avant de feuler :

— C’t’à ça qu’ tu voyes qu’Dieu eguesiste.

Entrée rapide de Francine.

Dans tous ses états (ordinairement j’ajoute « Comme Charles Quint », mais l’instant est trop grave pour que je calembourre).

Ses mamelles montent et descendent tandis que palpite fortement sa veine jugulaire.

— Que vous arrive-t-il, douce Francine ?

— C’est le petit ! halète la palefrenière de poils pubiens.

— Quel petit, ma douce ?

— Toinet.

Mon sang nœud fait qu’un tour.

— Quoi, Toinet ?

— Il vient de téléphoner de Genève. Il paraissait surexcité. Il m’a fait comme ça : « Dites à papa qu’il va être content de moi. Je viens de gagner le canard. »

« Et à cet instant, il y a eu une sorte de branle-bas dans sa cabine, des chocs. Je l’ai entendu qui s’écriait : “Mais qu’est-ce que vous me voulez ?” Puis la communication a été interrompue. »

Un linge brûlant m’enveloppe la tronche et mon guignolet se met à chamader.

— Il y a combien de temps de ça ? demandé-je.

— A l’instant.

Putain ! Je voudrais, d’une enjambée, me trouver à Genève. Qu’est-il arrivé à mon vaillant petit troupier ? Ce dégourdoche fureteur a dû mettre le nez dans une méchante fourmilière et il s’est fait poirer !

Je saute sur le téléphone et réclame, en priorité, la mise à ma dispose d’un jet privé. On n’en peut obtenir que dans des cas d’exception, mais moi, codirluche de cette taule, je décide que c’en est un. En deux coups les gros, on m’informe que dans quarante-cinq minutes un zinc sera à ma disposition à Orly et que les autorités compétentes vont se mettre en contact avec la Suisse.

— Je viens avec toi ? demande Jérémie.

— Non, tu poursuis l’enquête : rubrique des navigants en cheville avec Marmelard, ainsi que nous venions d’en convenir. Du doigté, hein ? Je compte sur toi.

— Moive, j’t’ suis ! décide Béru.

Il tend la main à son hoir :

— Amène-toive, mon bijou, j’vas t’faire voir du pays !

— Tu te fous de moi ! pesté-je. Aller enquêter à Genève avec ton affreux moutard !

— Mercille du compliment ! balbutie tout à coup Alexandre-Benoît, terrassé.

Et il pleure de vraies larmes issues d’une vraie peine.

— Oh ! merde, ne me joue pas la grande scène de la répudiation, soupiré-je. Amenez-vous, les ogres ; après tout, vous me changerez les idées !

Nous enjambons (de Bayonne) le Vieux pour gagner plus vite la sortie.

Bérurier soupire en lui lançant un regard miséricordieux :

— Franch’ment, j’croive qu’il a eu été, l’Achille !

* * *

Naturellement, Apollon-Jules ne va pas rater une aussi belle occasion de gerber dans le petit Jet flambant neuf ! C’est leur malédiction, chez les Bérurier, la dégueulasserie intégrale : scatologiques, hirsutes, dégueulatoires, mal embouchés.

Je n’ignore pas que certains de mes lecteurs (ceux qui sont un peu cons, donc une infime minorité), tordent le nez quand je raconte trop réalistement leurs excès et pauvretés, aux Bérurier. Mais pourquoi ne pas relater ce qui est, du moment que cela est ? Filtrer les faits et les dits, c’est les émasculer, les dénaturer. Tartes aux fraises pimpantes ou flaques de dégueulis appartiennent à l’existence. Elles sont de nous !

Le valeureux papa s’emploie à réparer les dégâts sous les maugréments du pilote. Ce n’est pas une sinécure d’avoir un mouflet pareil à garder ! L’institutrice du poussah en sait quelque chose, le môme rampant sous ses jupes quand elle a le dos tourné ou se tapant déjà un rassis devant ses condisciples pendant le calcul. Il reste proche de la bête, Apollon-Jules.

En cours de vol, et nonobstant les débordements (c’est le mot juste) de Bérurier bis, j’ai mis au point un plan d’action immédiate.

En débarquant, j’ai la satisfaction d’être attendu, au bas de la passerelle, par deux inspecteurs de la Sûreté genevoise : le blond Strückbach et le brun Fidélio, garçons d’une trentaine d’années qui demeurent perplexes en me voyant en compagnie d’un gros type violacé et de son fils couvert de traînées malencontreuses.

Leur bagnole est sur la piste, nous y prenons place. Je leur résume à gros traits ce qui m’amène : une femme impliquée dans un assassinat à Paris et qui se déplace dans une Audi décapotable bleu pétrole immatriculée à Genève. Mon jeune stagiaire de fils que j’envoie ici se renseigner. Son coup de téléphone triomphant, voici deux heures environ, et qui tourne court.

Les deux jeunes inspecteurs semblent intéressés. Ils conciliabulent ; au bout de quoi, Fidélio qui ne pilote pas décroche le téléphone et se met à converser avec différents services, en termes brefs et à voix basse. Si basse que j’entrave que pouic à ce qu’il bonnit.

Après un moment de discussion hachée menu, il raccroche.

— On a, en effet, reçu la visite de votre fils au Service des automobiles, à Carouge et il a obtenu ce qu’il désirait, c’est-à-dire les noms de trois propriétaires d’Audi décapotables bleues pour le canton de Genève. On lui a également donné des renseignements concernant les cantons francophones Vaud, Valais, Fribourg, Neuchâtel, Jura ; mais si on s’en réfère à l’appel téléphonique qu’il vous a lancé, il n’a pas eu besoin de chercher plus avant.

— Je peux avoir les identités des propriétaires d’Audi en question ?

— Naturellement. On va vous remettre tout ça à l’hôtel de police. Vous pensez déposer plainte à propos de votre fils ?

— Non. Pour l’instant, je n’ai que de l’inquiétude et pas de preuve qu’il lui soit arrivé quelque chose. Je préfère m’occuper de cette histoire personnellement et avec la plus grande discrétion. Si quelque chose cafouillait, évidemment, je vous alerterais.

* * *

— J’veux manger ! déclare Apollon-Jules. Tout de suite, autrement je te mords !

— T’as jamais essayé de lui mettre une tarte dans le museau ? demandé-je à Sa Majesté. Je trouve intolérable qu’un chiare parle de cette façon à son père !

— De quoi qu’y s’mêle, le grand con ? fustige Apollon-Jules. N’heureus’ment que j’sus pas son fils !

— Moive, j’sus pas partisan de frapper, déclare le champion toutes catégories du passage à tabac, l’homme qui a effeuillé davantage de mâchoires qu’un amoureux de marguerites. Surtout les enfants, continue Bérurier-le-Gros. Tu risques d’leur fout’ des complesques.

— Je veux manger ! réitère fortement l’Infernal.

— On va dire au chauffeur d’nous stopper d’vant une charcutrerie, décide le faible père.

Là, j’explose :

— Crois-tu que je t’ai amené à Genève pour te regarder remplir ce goret de boustifaille, Sac-à-merde ? Toinet a probablement été kidnappé, et au lieu de foncer sur les pistes qui se proposent, on doit gaver ce demeuré ! Ah ! non ! Meeeeerde ! Chauffeur, arrêtez-vous. Tiens, Gros, voilà mille balles suisses, alimente le bambin et rentrez chez vous !

— Fâche-toi pas…, balbutie le Mastard. T’es là à pendre la mouche du coche, si tu serais père, tu comprendrerais.

Le môme s’est déjà dévoituré et fonce en direction d’une boulangerie sise à quelques encablures.

— Casse-toi ou je t’explose ! fais-je au Mammouth.

Vaincu, il descend du taxi afin de rejoindre sa production séminale prolongée.

— Continuons ! fais-je au conducteur, un vieux Spanish aux rides grises, coiffé d’une gâpette à pompons.

— Moussiou, me déclare cet homme de bien, il n’est plu de jounesse !

— Tout coït perpétré sans préservatif devrait entraîner la peine capitale pour son auteur, ajouté-je avec conviction.

Premier arrêt de mon chemin de croix : la demeure de M. et Mme Bergovici, à Corsier, une sorte de grand chalet en bordure de lac, muni d’un ponton et d’un hangar à barlus. Un parc entoure la propriété.

Depuis le portail, j’avise trois automobiles rangées sur un terre-plein, devant la maison : une Rolls, une Audi décapotable et une japonouillerie à bord de laquelle je prendrais place pour rien au monde. Tous ces Européens qui fabriquent les plus belles tires de la planète et qui vont acheter jap ! N’ont donc pas le sens civique ? Va au Japon et compte les bagnoles italiennes, françaises, allemandes, anglaises ou suédoises ! Zob ! mon pote ! Ils fourguent à tout-va mais n’achètent pas, les Jaunisseux. Ils nous envahissent carrément, les photographes ! Nous le glissent vite fait, leur petit paf fiévreux ! Nous submergent de denrées. C’est ça le péril jaune que m’annonçait bonne-maman quand j’étais chiare. Economique, il est. Les Bridés ne nous réduisent pas par les armes, mais par la consommation de leurs produits. Ils nous enchômagent de fond en comble ! Alors vends vite ta Pigeot, ta Fiat, ta Mercedes pour t’offrir une Yamamoto ou une Zouzouski, grand con ! Elles sont moins chères et les balais d’essuie-glaces font de la musique !

Mais je t’en reviens à cette demeure opulente. Que décider ? Entrer ? Et après ? Demander « Madame, voire mademoiselle », s’il en est une ? Et puis dire quoi à l’une ou à l’autre ? « Est-ce vous qui avez fait assassiner, très ingénieusement d’ailleurs, un certain Roger Marmelard à Paris, voici quelques jours ? »

Là, y a comme un défaut, mon brave Sana. Si la clé du mystère se trouve ici, ta visite ne servira qu’à mettre ces gens sur leurs gardes. D’un autre côté, si tu n’entreprends rien, les choses resteront « en état », comme on dit puis.

Je remonte dans mon bahut.

— Conduisez-moi maintenant au Grand Saconnex, chemin des Courbes.

Intrigué par ma conduite, il modifie la sienne, se mettant à rouler bon vent et en jactant. Il est andalou, d’Estepona. Sa femme est suissesse. Il a un garçon à la faculté de médecine, un berger bernois, un jardinet, des rhumatismes articulaires, une montre gousset qui lui vient de son père et une assurance casco pour son véhicule. En final, il se risque à me demander ma profession. Fort heureusement, nous arrivons au Grand Saconnex, ce qui lui épargne ma réponse.

Seconde propriété, moins fastueuse que la précédente. Le parc est remplacé par un jardinet, le Léman par une usine de produits chimiques, l’opulent chalet par une maisonnette, pleine de charme au demeurant. L’Audi n’est point en vue et le garage jouxtant la demeure est vide.

Cette fois, je n’hésite pas et sonne.

Une agréable jeune femme survient, vêtue d’une robe en lainage abricot sur laquelle elle a noué un coquin tablier. Un marmot renifleur, blond et qui de loin fait craindre qu’il ne soit vaguement hydrocéphale, s’accroche à la jupe maternelle, ce qui est une heureuse initiative, cette dernière étant fendue assez haut.

La jeune femme s’enquiert.

Je lui dis.

Version : je suis chargé par la Maison Audi d’établir un annuaire des propriétaires de décapotables dans le but de créer un club qui fournirait de gros avantages à ses adhérents.

Le mot « avantages » fait partie du vocabulaire courant, en Suisse, et suffit à mobiliser l’intérêt de la maman à la jupe écartée.

Me fait entrer.

Joli séjour, à la vérité : bel aquarium de style où se font chier une ribambelle de poissons tellement exotiques qu’ils ont l’air faux, canapé de cuir vert, fausse cheminée à feu artificiel, meubles en merisier plaqué, tableaux forestiers tissés au point de croix pendant la puberté de l’hôtesse, tapis ramenés de souks évasifs. Charmant, quoi. Le confort helvétobourgeois.

Mme Strengerïnzenaïte (c’est son nom de mariage) ne demande qu’à bavasser, comme toutes les mères au foyer, qu’elles soient suisses, françaises ou moldo-valaques. Elle me raconte, bien comme il faut, que son mec est fondé de pouvoir à l’U.B.B. (Union des Banques Blanchisseuses), qu’ils ont un petit voilier à la Nautique, que sa mère à elle est d’origine savoyarde, qu’elle a fait une vraie fausse couche « cinq ans en arrière », à la suite d’un accident de vlanche à poile et que ç’aurait déjà été un garçon, à un moment où il ne naît pratiquement plus que des filles ! Et puis d’autres choses intéressantes. Comme quoi, oui, ils sont ravis de l’Audi et que ça change l’existence de pouvoir décapoter, regardez comme il me reste du bronzage de cet été !

Pendant qu’elle jacte, son gentil bébé continue d’écarter les jupes de sa mère, comme un qui serait déçu par ce qu’il aperçoit de la vie et qui aimerait retourner d’où il vient.

La manœuvre de mon mignon complice me permet de constater que p’tite mère porte une délicieuse culotte blanche d’honnête femme qui n’en est que plus affriolante pour un blasé de mon acabit, auquel on a fait le coup des slips rouge-bordé-noir, à fleurettes, fendus, à dentelle, à grelots, à moustache, à ficelle, à rien du tout.

Cet intérieur dégage une saine odeur de propre. On doit y être, sinon heureux, du moins en paix, pas plus con qu’ailleurs, mais pas moins et, en tout cas, plus économe.

Son Hubert (le mari se prénomme tel) est-il satisfait de sa bagnole ?

L’en est fou !

S’en sert-il tous les jours ?

Et comment ! Les cadres disposent d’un garage à la banque.

Se rend-il à l’étranger avec ?

Pas depuis les grandes vacances à Cassis.

En ce cas, le gars mézigue n’a plus rien à foutre ici. J’use de quelques formules remercieuses dont la banalité me déshonore et me lève pour lui prendre un grand congé.

Muguette (c’est son prénom usuel) en fait autant. Dans le mouvement, son petit Raymond (l’enfant porte ce prénom qui n’est point carré) cramponné à la fameuse jupe, dégrafe icelle, qui reste en ses petites mains chérubines.

La maman, envahie d’une confusion excédentaire qui la rend maladroite, n’arrive pas à reprendre son vêtement sud à l’innocent Helvète, aussi me porté-je à son secours. Ce manège incertain m’amène à la prendre dans mes bras, à soupirer : « Comme tu es belle ! » A lui rouler sans qu’on comprenne trop pourquoi, une galoche de huit centimètres de pénétration, de couler ma dextre dans sa chaste culotte et, ensuite de quoi, mon médius dans une chatte dont la lubrification est immédiate. Que nous voilà, sans nous être consultés, à effusionner comme des démons jaillis du feu de l’enfer, haletants, effrénants, perdant la tête et l’esprit qui s’y loge, emportés comme par magie dans ce tourbillon de désir dont parle Mme la comtesse de Paris dans son livre. Farouches, étreints, soudés, en rut complet. Qu’heureusement le petit Anatole (comment ? il se prénomme Raymond ? et alors ?) se désintéresse complètement de nous pour jouer avec la jupe qu’il convoitait, le sagouin ! Ce qui me permet de me laisser libre cours, comme à la Bourse de New York un jour de septembre ou d’octobre noir. De faire glisser l’exquise culotte, si peu adultère pourtant. De placer ma fulgurante conquête sur le canapé de cuir vert (dont je me mets à soupçonner qu’il est en skaï, tout bêtement, mais parfaitement imité). De la positionner de manière opérationnelle et d’entrer dans sa case trésor comme dans un moulin. Elle me talonne le michier, me griffe les reins, émet des grondements sismiques, des grimaces simiesques, sue orbi et urbi et ne se gêne pas pour accepter mon obole séminale quand les choses touchent à leur conclusion.

Quand elle a un peu récupéré, dans un silence quasi religieux, elle murmure :

— Je suis en pleine fécondation, car on en voulait un autre, comment saurai-je s’il est de mon mari ou de vous ?

— Vous ne pouvez pas vous tromper, assuré-je. Tous les enfants que je commets ont un trèfle à quatre feuilles sur la fesse droite. Si celui que vous espérez n’a rien, c’est qu’il est de votre époux. J’ai été charmé de faire votre connaissance.

Me retirant, je pense à la parabole de la paille et de la poutre dans l’œil. Moi qui ai chassé Béru parce qu’il voulait acheter de la nourriture à son fils, voilà que je baise une dame au lieu de continuer mon enquête !

Pauvre chair, si misérable !

Pauvre bite si vorace !

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