LE GRAND JEU EN PLUSIEURS PARTIES 3

J’arrive à la maternité de l’hôpital où la dame Salvator-Diaz Maria-Flora est venue pondre un futur maçon prénommé Salazar.

Elle occupe une chambre de quatre lits dans laquelle ces dames offrent leurs plantureuses glandes mammaires à d’avides nouveau-nés déjà aussi velus que les aisselles de leur mère.

Un quadruple bruit de succion mobilise le silence. Les mamans comblées admirent l’appétit de leur progéniture en louchant sur leurs visages plissés de bipèdes à peine déballés.

La dame Salvator-Diaz occupe le lit le plus proche de la porte. C’est une bonne personne à figure ronde, avec une moustache à la mongole, une énorme verrue violette sur la narine droite, un regard dissymétrique, la peau quasi asiate et qui dégage une forte odeur de lait sur, de sueur femelle et d’orifices humains.

Comme il n’est pas question d’appliquer à une jeune mère le régime du sérum de vérité, je suis venu seul et sans matériel frelaté, interroger la nouvelle maman.

Afin de me concilier ses bonnes graisses, je commence par m’extasier sur son lardon, si ravissant, bien constitué pour un ouistiti de quelques heures, avec une belle énergie, une façon de presser sur la mamelle en cours d’exploitation pour lui faire rendre un max, tout ça. Elle est aux anges, la Maria-Flora. Elle me répète des « Obrigado ! Obrigado ! » charmés. Je ne réponds pas de l’orthographe du mot, mais je reconstitue sa sonorité.

Quand elle est bien conquise, je place ma question acérée comme un dard :

— Il y a longtemps que vous êtes en rapport avec M. Roger Marmelard ?

Illico, son éberluance infeinte m’apprend qu’avec elle, comme avec les deux premiers, je vais faire chou blanc, chou rouge, voire même chou de Bruxelles.

Il faut en convenir enfin : ces six personnes mentionnées sur son agenda ignorent tout du transporteur. J’en reste essoré de la pensarde.

Le reste de la converse n’est que sciure de mots pour cacher la mère Dauchat. Je chique à la gourance. Ah ! elle est une Salvator-Diaz de Lisboa ? Pas une de Porto ? Alors il y a erreur, pardon, ça m’aura toujours valu d’admirer le plus beau bébé jamais sorti de burnes, puis d’entrailles portugaises. Compliments ! Bonne chance ! Que Dieu protège cette existence neuve !

Départ.

C’est en franchissant la porte de l’étable que je bronche. La banderille d’une idée-force se plante en moi, écrirait la comtesse de Paris (et banlieue). Je te la livre encore humide : le fait que ces gens soient mentionnés dans le carnet du transporteur n’implique pas que LUI eût des contacts directs avec eux. S’il s’est livré à du louche, il a pu agir à travers une tierce personne et soigneusement préserver son anonymat. C.Q.F.D., non ?

Il faut donc poser le problème autrement. De quelle manière, une « personne de paille, œuvrant pour Marmelard, a-t-elle pu amener les six personnes incriminées à opérer un trafic quelconque pour le transporteur, SANS S’EN RENDRE COMPTE ? »

Passionnant, hein ?

En fait tout est à reprendre, car je n’ai pas posé les bonnes questions !

Загрузка...