Ayla devint pleinement la Femme-Qui-Chasse au cours de l’hiver où elle entra dans sa dixième année. C’est avec soulagement et une satisfaction personnelle qu’Iza remarqua chez la jeune fille les signes avant-coureurs annonçant l’approche de ses menstruations. Des hanches plus pleines et deux seins naissants modifiaient la silhouette longiligne de la fillette et rassurèrent la guérisseuse ; sa fille adoptive n’était pas condamnée à demeurer éternellement impubère. Une légère pilosité au pubis et sous les bras ainsi que des tétons gonflés apparurent peu de temps avant ses premières règles et le premier combat que livra l’esprit de son totem.
A la vue du sang qui témoignait de l’affrontement entre son totem et un autre esprit, Ayla douta de jamais avoir un enfant : son totem était trop puissant. Mais elle se résigna et prit d’autant plus plaisir à s’occuper des enfants des autres, regrettant seulement de ne pouvoir les allaiter elle-même.
Elle ressentait une grande sympathie pour Ovra dont les fausses couches se succédaient. Le Castor, son totem, était lui aussi trop vindicatif et la jeune femme semblait destinée à ne jamais procréer. Depuis la chasse au mammouth, Ayla et Ovra s’étaient découvert de nombreuses affinités et il s’était noué entre elles des liens d’amitié desquels Goov n’était pas exclu. Personne n’ignorait l’attachement qu’éprouvait le jeune servant du mog-ur pour sa compagne, qui regrettait d’autant plus de ne pouvoir lui donner d’enfant.
A la grande satisfaction de Broud, Oga était de nouveau enceinte. Brac n’avait que trois ans et la jeune femme semblait suivre les traces d’Aga et d’Ika qui avaient donné le jour à une nombreuse progéniture. Droog eut l’assurance que le fils de sa compagne, Groob, âgé de deux ans, deviendrait un tailleur de pierre le jour où il le surprit à frapper des cailloux l’un contre l’autre. Il fabriqua au bambin un petit marteau et le laissa jouer près de lui pendant qu’il travaillait, s’amusant de voir l’enfant imiter ses gestes et taper sur les pierres avec le plus grand sérieux. Igra, la fille d’Ika, âgée elle aussi de deux ans, promettait d’être enjouée et chaleureuse comme l’était sa mère. Le clan de Brun ne cessait de s’accroître.
Conformément à la règle d’exclusion imposée à toutes les femmes lors de leurs premières menstruations, Ayla se retira au début du printemps dans sa grotte des hauts pâturages. Après les souffrances qu’elle y avait endurées, ce court séjour lui sembla une partie de plaisir. Elle consacra son temps à perfectionner son tir qu’elle n’avait plus pratiqué depuis l’hiver. Iza venait la voir tous les jours à un endroit convenu, non loin de la caverne, et lui apportait à manger. Mais surtout, elle lui tenait compagnie.
Elles restaient ensemble tard le soir, et c’est à la lueur d’une torche qu’Ayla retrouvait le chemin de sa retraite. La guérisseuse apprit à la jeune fille tout ce qu’une femme doit savoir, lui indiquant les signes symboliques qu’elle devait tracer sur les peaux de lapin souillées de sang avant de les enterrer profondément. Elle lui expliqua la manière de se comporter si un homme voulait assouvir avec elle ses désirs, lui montrant la position convenable, les mouvements qu’elle devrait faire et la façon de se purifier après. Elle lui indiqua également les positions et les gestes susceptibles de plaire aux hommes du clan, ainsi que les diverses manières de faire naître leur désir. Elle lui transmit tout le savoir qu’elle tenait elle-même de sa mère, doutant en son for intérieur que ces connaissances puissent un jour se révéler utiles à une jeune fille aussi laide.
Mais Iza se gardait bien d’aborder ce sujet. Parvenues à l’âge d’Ayla, la plupart des jeunes femmes se sentaient déjà attirées par un jeune homme en particulier. Ni la fille ni la mère n’avaient leur mot à dire dans l’histoire, mais cette dernière pouvait dans une certaine mesure s’en ouvrir à son compagnon qui, s’il le jugeait bon, pouvait à son tour en parler au chef auquel revenait la décision finale. Et si rien ne s’y opposait, le chef accédait aux désirs de la jeune femme.
Mais tous les jeunes gens du clan possédaient déjà un foyer, et même si tel n’avait pas été le cas, Iza demeurait persuadée que personne n’aurait voulu prendre Ayla pour compagne. Quant à la jeune fille, aucun homme ne l’intéressait, et elle n’y avait jamais pensé avant qu’Iza lui en parlât. Mais elle devait s’en préoccuper plus tard.
Par un beau matin de printemps, Ayla se rendit à la mare pour y remplir une outre. Personne n’était encore sorti. S’étant mise à genoux, elle se pencha vers l’eau, l’outre à la main, et s’arrêta soudain, pétrifiée d’horreur. Comme elle puisait de préférence l’eau à la rivière, et n’allait à la mare que lorsqu’elle était pressée, Ayla n’avait jamais eu l’occasion de voir son reflet sur la surface lisse du bassin.
La jeune femme observa attentivement son visage. Il était plutôt anguleux, terminé par des maxillaires très prononcés, mais adouci par la rondeur des hautes pommettes, et soutenu par un cou lisse. Une légère fossette creusait son menton, ses lèvres étaient charnues et son nez droit et fin. Ses grands yeux gris-bleu étaient rehaussés de longs cils un ton plus foncé que ses longs cheveux blonds, tombant en cascade sur ses épaules et brillant dans les rayons du soleil. L’arc de ses sourcils délicatement dessinés soulignait la courbe de son front. Quittant précipitamment la mare, Ayla se rua vers la caverne.
— Ayla, que se passe-t-il ? lui demanda Iza en la voyant bouleversée.
— Oh, maman ! Je me suis vue dans la mare. Pourquoi suis-je si laide ? répondit-elle sur un ton pathétique, avant de fondre en larmes.
Aussi loin que remontaient ses souvenirs, Ayla n’avait jamais vu personne d’autre que les membres du clan et son aspect provoqua en elle un choc douloureux.
— Ayla, Ayla, calme-toi, dit Iza en la serrant contre elle.
— Je ne savais pas que j’étais si vilaine, maman. Pourquoi suis-je si laide ?
— Mais tu n’es pas si vilaine que ça, Ayla. Tu es différente, c’est tout.
— Je suis laide ! Je suis laide ! répondit Ayla avec entêtement. Regarde-moi ! Je suis trop grande, je suis plus grande que Broud et Goov, je suis presque aussi grande que Brun ! Et je suis laide. Je suis grande et laide. Je n’aurai jamais de compagnon, personne ne voudra de moi ! s’écria-t-elle en redoublant de sanglots.
— Ayla, arrête ! lui ordonna Iza. Tu n’y peux rien changer. Tu n’es pas née au sein du clan, tu es née chez les Autres et tu leur ressembles. Tu dois te faire à cette idée. S’il est vrai que tu ne puisses jamais trouver de compagnon, tu dois te faire à cela aussi. Mais on ne sait jamais... Tu seras bientôt guérisseuse et tu ne seras pas sans statut ni sans valeur.
« Le Rassemblement du Clan se tiendra l’été prochain, il se pourrait fort bien que tu y rencontres un compagnon. Il ne sera peut-être ni jeune ni d’un rang très élevé, mais il sera ton compagnon. Zoug te tient en grande estime ; il a déjà prié Creb de te recommander auprès des autres clans. N’oublie pas que nous ne sommes pas le seul clan au monde, et qu’il existe d’autres hommes que ceux que tu connais.
— Zoug a dit ça ? Malgré ma laideur ? s’étonna Ayla dont les yeux brillèrent d’une lueur d’espoir.
— Exactement. Avec sa recommandation et le rang que je vais te transmettre, je suis certaine qu’il se présentera un homme pour t’accepter.
— Mais je ne serai pas obligée de m’en aller au moins ? demanda Ayla dont le sourire fugace avait disparu. Je ne veux pas vous quitter, ni toi, ni Creb, ni Uba.
— Écoute, Ayla, je suis vieille. Creb n’est plus très jeune lui non plus, et d’ici quelques années, Uba sera en âge de vivre dans le foyer d’un homme. Que feras-tu alors ? Brun passera bientôt le pouvoir à Broud et je ne suis pas sûre que ce jour-là tu souhaiteras rester parmi nous. Profite du Rassemblement du Clan pour trouver le moyen de t’en aller à temps.
— Je crois que tu as raison. Je ne pourrais jamais supporter de vivre ici quand Broud sera le chef. Mais il me reste encore une année entière pour y penser, je ne vais pas m’inquiéter d’ici là !
Une année entière, pensa Iza. Ayla, ma pauvre enfant. Peut-être faudrait-il que tu aies mon âge pour savoir combien passe vite une année. Tu ne veux pas me quitter. Mais tu ne sais pas combien tu me manqueras. Si seulement il y avait dans le clan un homme disposé à te prendre pour compagne ! Si seulement Broud n’était pas destiné à devenir chef !
Mais Iza ne laissa pas deviner ses pensées. Ayla se frotta les yeux et retourna puiser de l’eau à la mare. Cette fois elle évita de regarder son reflet.
Un peu plus tard dans l’après-midi, Ayla, à la lisière du bois, observait de loin la caverne devant laquelle travaillaient et bavardaient plusieurs personnes. Elle disposa convenablement les deux lapins jetés en travers de son épaule, sortit sa fronde d’un repli de son vêtement pour se l’attacher à la taille, bien en vue, et, quelque peu nerveuse, elle se dirigea droit vers la caverne, la tête haute.
Brun a dit que j’avais le droit de chasser à la fronde, se dit-elle pour se rassurer. Je suis un chasseur, la Femme-Qui-Chasse.
Pendant un long moment, tous les regards se tournèrent vers la jeune fille qui, les joues en feu, passa son chemin et pénétra dans l’ombre accueillante de la caverne. Sa première surprise passée, Iza détourna les yeux sans rien dire. Creb semblait méditer, assis sur sa fourrure, mais il l’avait vue entrer et il s’abstint également de toute remarque quand elle déposa les deux lapins près du feu. Ce fut Uba qui, accourant de toute la vitesse de ses petites jambes, rompit le silence.
— C’est toi qui les as tués, toi toute seule ? demanda-t-elle.
— Oui, c’est moi, répondit Ayla.
— Ils ont l’air bien gras. On va les manger ce soir, maman ?
— Euh, oui, j’imagine... bafouilla Iza, encore sous le choc.
— Je vais les dépecer, s’empressa d’ajouter Ayla en sortant son couteau.
— Non, Ayla. Tu les as tués, c’est à moi de les dépecer, déclara Iza qui, après un instant d’hésitation, lui prit le couteau des mains. Lorsque la jeune femme rapporta le produit de sa chasse la fois suivante, l’émoi fut déjà moindre et tout le monde s’habitua bientôt à cet état de fait. Creb comptait désormais un chasseur dans son foyer, et la part qu’il prélevait sur la chasse des autres s’en trouva réduite, à l’exception toutefois des animaux de grande taille que les hommes tuaient à la lance.
Ayla ne chôma pas ce printemps-là. Outre ses activités de chasseur, il lui fallait toujours accomplir sa part de travail féminin, et ramasser des herbes pour Iza. Mais elle aimait cette vie et se sentait plus dynamique et heureuse que jamais, heureuse de pouvoir chasser ouvertement, heureuse de vivre de nouveau au sein du clan, heureuse enfin d’être une femme et de se lier plus étroitement d’amitié avec les autres femmes.
Ebra et Uka l’avaient acceptée. Ika s’était toujours montrée amicale et l’attitude d’Aga et de sa mère avait changé du tout au tout depuis le sauvetage d’Ona. Ovra était devenue une confidente et quant à Oga, elle était, malgré l’hostilité de Broud, mieux disposée à son égard. En revanche, la haine de Broud envers Ayla avait encore grandi après son admission parmi les chasseurs, et il cherchait par tous les moyens à la persécuter. Ayla ne s’en émouvait plus et elle en était arrivée à penser que rien venant de lui ne pourrait jamais plus l’affecter.
Le printemps était à son apogée lorsqu’un jour Ayla décida d’aller chasser le lagopède, le gibier favori de Creb. Elle en profiterait pour recenser les plantes en herbe et commencer à cueillir les simples dont Iza avait besoin. Elle passa la matinée à parcourir les bois puis orienta ses pas vers une vaste prairie près des steppes. Elle abattit deux perdrix en plein vol, et se mit à chercher leur nid parmi les hautes herbes dans l’espoir d’y trouver des œufs dont Creb raffolait. Elle poussa une exclamation de joie en découvrant le nid et trois œufs à l’intérieur. Elle les enveloppa dans de la mousse et les glissa dans un repli de son vêtement. Heureuse jusqu’à l’exubérance, elle courut à perdre haleine à travers la prairie et s’arrêta, pantelante, au sommet d’un petit tertre couvert d’une herbe verte.
Elle se laissa choir à plat ventre, vérifia que les œufs étaient intacts, et calma sa faim d’un morceau de viande séchée. Elle observa une alouette à la gorge jaune vif qui, perchée sur un arbuste, lançait des trilles vibrantes vers l’azur. Des moineaux se chamaillaient dans les mûriers bordant la prairie. Ayla adorait ces moments de solitude où elle pouvait lézarder au soleil, détendue et heureuse sans penser à rien de particulier. C’est seulement au moment où une ombre se dessina à ses pieds qu’elle réalisa qu’elle n’était pas seule. Stupéfaite, elle leva les yeux pour découvrir le visage menaçant de Broud.
Aucune expédition de chasse n’avait été organisée ce jour-là, et Broud avait décidé de chasser en solitaire. Il n’avait encore rien tué, se contentant de se promener par cette belle journée. Il avait aperçu de loin Ayla étendue sur le tertre, et n’avait pu résister à la tentation de profiter de l’occasion pour aller lui reprocher sa paresse.
Ayla bondit sur ses pieds en le voyant, ce qui eut le don de l’exaspérer. Elle était plus grande que lui et il n’aimait pas devoir lever les yeux pour regarder une femme. Il la repoussa, se préparant à la corriger sévèrement, et le regard soumis et absent à la fois de la jeune fille le mit hors de lui. Il lui fallait trouver un moyen de l’obliger à réagir. A la caverne, il pouvait au moins la charger d’une tâche pour la voir s’empresser d’obéir.
Il la regarda, attendant à genoux qu’il la frappe à son gré puis s’en aille. Elle est pire que jamais depuis qu’elle est devenue une femme, pensa-t-il. La Femme-Qui-Chasse ! Comment Brun a-t-il pu lui permettre de chasser ? Il remarqua les deux perdrix. Et lui avait les mains vides. Que pourrais-je bien lui ordonner de faire ? Puisque la voilà femme, il y a tout de même une chose qu’elle peut faire.
Ce que Broud lui signifia d’un geste fit écarquiller les yeux d’Ayla. Elle ne se serait jamais attendue à cela. Iza lui avait dit que les hommes ne l’exigeaient que des femmes qu’ils trouvaient attirantes, et elle savait que Broud la trouvait affreuse. La surprise de la jeune fille n’échappa pas au garçon que cette réaction encouragea. Il lui fit à nouveau impérativement signe d’adopter la position qui lui permettrait d’assouvir ses désirs, la position du rapport sexuel.
Ayla savait ce qu’il attendait d’elle. Outre les explications d’Iza, elle avait souvent vu, comme tous les enfants, les adultes du clan se livrer à cette activité à laquelle on ne mettait aucune entrave. C’est en regardant faire leurs parents que les enfants apprenaient à se conduire en adultes, et ils imitaient volontiers entre eux leur comportement sexuel.
Parfois l’acte n’était pas seulement feint. Il arrivait souvent que des petites filles soient déflorées par de tout jeunes garçons pubères, et parfois même par un adulte, excité par une fillette plus délurée que les autres. Mais, en règle générale, les jeunes gens bientôt en âge d’accomplir leur première chasse dédaignaient ces jeux érotiques avec leurs amies d’enfance.
Il n’y avait eu que Vorn comme garçon de son âge autour d’Ayla, et ils n’étaient jamais devenus proches. Elle n’avait jamais apprécié qu’il imite le comportement de Broud à son égard. En dépit de l’incident avec Zoug, le garçon idolâtrait toujours Broud et se gardait bien de lui déplaire en sympathisant avec la jeune étrangère. Aussi se trouvait-elle encore vierge au sein d’un groupe où chacun se livrait aux activités sexuelles aussi naturellement qu’il respirait.
La jeune femme ne savait que faire, consciente qu’elle devait s’exécuter mais en proie à un effarement dont Broud jouissait. Il était ravi de son idée et tout excité de la voir ainsi prise de panique. Il se pressa contre elle quand elle fit mine de se relever et la força à se remettre à genoux. Dans son inexpérience, Ayla fut effrayée par la respiration haletante de l’homme.
Impatient, Broud la jeta à terre et se débarrassa de son vêtement, exhibant un sexe énorme et turgescent. Qu’est-ce qu’elle attend ? se demandait-il. Elle est si laide qu’elle devrait se sentir flattée de trouver un homme qui veuille d’elle.
Quand Broud se jeta sur Ayla, quelque chose se brisa en elle. Elle ne pouvait s’exécuter, cela lui était impossible. Elle sentit sa raison chavirer. Bondissant sur ses pieds, elle se mit à courir, mais Broud, plus rapide, la rattrapa, la fit tomber et la frappa au visage, lui ouvrant la lèvre d’un coup de poing. Il commençait à trouver ce jeu amusant. Trop souvent, il avait dû se retenir de la battre, mais cette fois personne ne pouvait l’en empêcher, et il avait une raison valable de le faire : elle lui désobéissait ouvertement.
Ayla était comme folle. Elle essaya de se relever et il la frappa de nouveau. Il allait enfin dompter cette femme insolente. Il cogna à coups redoublés, prenant un immense plaisir à la voir frémir chaque fois qu’il levait la main.
La tête en feu, le sang ruisselant de son nez et de la commissure des lèvres, elle essayait toujours de se relever, mais il la plaquait au sol. Elle se débattait, lui martelant la poitrine à coups de poing sans autre résultat que de l’exciter encore davantage : la violence déchaînait le désir du garçon, l’incitant à frapper de plus belle.
Elle était à moitié évanouie quand il la retourna face contre terre, la dépouilla de son vêtement et lui écarta les jambes pour la pénétrer profondément d’un seul coup violent. Elle hurla de douleur ; il s’enfonça de nouveau en elle, lui arrachant un autre cri de souffrance, et il recommença encore et encore. Son excitation atteignit bientôt une intensité insupportable et, en un dernier assaut, provoquant un dernier hurlement déchirant, il se libéra de la tension accumulée.
Broud s’écroula sur elle un instant, épuisé. Puis, toujours pantelant, il se retira. Ayla sanglotait nerveusement. Ses larmes salées avivaient les blessures de son visage maculé de sang ; l’un de ses yeux était tuméfié, à moitié fermé et commençait à virer au noir ; ses cuisses étaient couvertes de sang, et elle avait horriblement mal au ventre. Broud se leva et regarda la fille toujours à terre. Il se sentait bien. Il n’avait jamais pris autant de plaisir à pénétrer une femme. Ramassant ses armes, il reprit le chemin de la caverne.
Ayla resta face contre terre longtemps après avoir cessé de sangloter. Elle finit par se lever. Son corps n’était que souffrance. Voyant le sang couler entre ses cuisses et les taches dans l’herbe, elle se demanda si son totem n’était pas encore en train de se battre. Mais non, décida-t-elle, ce n’est pas le moment habituel. Broud a dû me blesser, mais je ne savais pas qu’il pouvait ainsi me faire mal. Pourtant, cela ne fait pas mal aux autres femmes. Est-ce moi qui ne suis pas normale ?
Elle se dirigea péniblement vers la rivière et s’y lava sans réussir à se débarrasser de la douleur lancinante ni de son trouble. Pourquoi Broud m’a-t-il fait ça ? Iza dit que les hommes désirent assouvir leurs besoins avec les femmes qui leur plaisent, or moi je suis laide. Et pourquoi un homme voudrait-il faire mal à une femme qui lui plaît ? Les femmes aussi semblent y prendre du plaisir, sinon pourquoi feraient-elles tant de gestes pour les encourager ? Cela ne gêne pas Oga quand Broud lui fait ça, au moins une fois par jour, si ce n’est plus.
Ayla fut soudain horrifiée à la pensée que Broud puisse recommencer de lui faire ça. Désespérée, elle songea un bref instant à ne pas revenir à la caverne. Elle se réfugierait dans sa grotte secrète. Mais celle-ci était trop proche de la caverne et puis elle ne pourrait jamais y tenir tout un hiver. Enfin, et surtout, elle ne pouvait quitter Iza, Creb et Uba. Elle ne savait que faire, consciente qu’elle ne pourrait se refuser à Broud. Il ne m’a jamais fait ça quand je n’étais pas encore une femme. Pourquoi ne suis-je pas restée une petite fille ? A quoi bon être une femme si on a un totem trop puissant pour avoir des enfants ? Surtout si un homme vous force de cette façon ? A quoi bon ?
Le soleil était déjà bas à l’horizon quand elle remonta chercher les deux perdrix qu’elle avait laissées sur le tertre. En regardant la rivière, elle se souvint combien elle avait été heureuse de chasser à cet endroit. Elle avait l’impression que cela faisait une éternité. Puis elle se traîna jusqu’à la caverne, souffrant le martyre à chaque pas.
Comme le soleil disparaissait derrière les arbres, Iza se sentait de plus en plus anxieuse. Elle s’était mise à la recherche d’Ayla dans tous les sentiers avoisinants et avait poussé jusqu’au promontoire rocheux pour scruter le chemin qui descendait vers les steppes. Creb, lui aussi, était préoccupé quoiqu’il s’efforçât de n’en rien laisser paraître. Quand la nuit tomba, Brun lui-même commença à s’inquiéter. Iza fut la première à la voir revenir. Elle s’apprêtait à la réprimander, mais elle se ravisa en la voyant.
— Ayla ! Tu es blessée ! Que s’est-il passé ?
— Broud m’a battue, répondit-elle d’un air accablé.
— Mais pourquoi ?
— Je lui ai désobéi, lui signifia la jeune femme en entrant dans la caverne.
Que pouvait-il s’être passé ? se demanda Iza. Cela faisait bien longtemps qu’Ayla ne désobéissait plus à Broud. Alors pourquoi s’était-elle révoltée aujourd’hui contre lui ? Et lui, pourquoi n’avait-il rien dit ? Il savait que j’étais inquiète. Il est rentré quand le soleil était au plus haut. Comment se fait-il qu’Ayla rentre seulement maintenant ? Iza jeta un regard furtif dans la direction du foyer de Broud et le vit, contre tous les usages, dévisager Ayla d’un air narquois.
La scène n’avait pas échappé à Creb : le visage tuméfié d’Ayla, son expression désespérée, le regard triomphant et mauvais que Broud fixait sur elle depuis qu’elle était entrée dans la caverne. Il savait que la haine de Broud n’avait fait que croître au cours des années et que l’impassible soumission de la jeune fille l’exaspérait encore plus que sa révolte enfantine. Mais cette fois un élément nouveau était intervenu, donnant à Broud le sentiment d’avoir barre sur elle. En dépit de sa perspicacité, Creb ne pouvait en deviner la nature.
Le lendemain, Ayla, redoutant de quitter le foyer, fit durer son repas matinal aussi longtemps que possible. Mais Broud l’attendait, excité par le souvenir de son plaisir de la veille. Quand il lui fit de nouveau le signe convenu, elle fut tentée de prendre la fuite, mais elle se résigna. Malgré ses efforts pour demeurer silencieuse, la souffrance lui arracha des cris qui suscitèrent la curiosité de tous ceux qui se trouvaient à proximité. Ils ne comprenaient pas plus ces cris de douleur que le soudain intérêt de Broud pour cette laideronne.
Broud jouissait du nouveau pouvoir qu’il exerçait sur Ayla et il en usait largement, à la grande surprise du clan qui le voyait délaisser son avenante compagne pour cette fille hideuse qu’il haïssait. Au bout de quelque temps, Ayla cessa de souffrir mais elle continua de détester cela. Et c’est justement ce qui plaisait à Broud. Il l’avait remise à sa place, il avait affirmé sa supériorité et enfin trouvé un moyen de la faire réagir. Il aimait la voir trembler à son approche, il se délectait de sa soumission forcée. Il lui suffisait d’y penser pour se sentir envahi d’un désir frénétique. Son activité sexuelle, déjà considérable, s’était encore accrue. Tous les matins où il ne partait pas à la chasse, il la prenait, puis de nouveau le soir et parfois même dans le courant de la journée. Il lui arrivait souvent de se réveiller la nuit dans un état de grande excitation, et il se soulageait alors sur sa compagne. Il était jeune et sain, au zénith de sa puissance sexuelle, et plus elle le haïssait pour ce qu’il lui faisait subir, plus il en tirait du plaisir.
Ayla perdit tout son entrain. Elle se sentait abattue, morose, sans plus de goût à rien. Un seul sentiment l’occupait : sa haine implacable pour Broud et le viol quotidien de son corps qu’il lui infligeait.
Si elle s’était toujours montrée propre et soignée, multipliant les ablutions à la rivière, ses cheveux à présent formaient une masse terne et emmêlée, et elle portait continuellement le même vêtement, sans jamais se préoccuper de le nettoyer. Elle renâclait à accomplir les corvées ménagères, obligeant les hommes les moins brutaux à la corriger. Elle perdit tout intérêt pour les plantes médicinales, cessa de parler, si ce n’est pour répondre à des questions directes, ainsi que d’aller à la chasse. Le malaise provoqué par son état gagna tout le monde au foyer de Creb.
Iza, qui ne comprenait pas les motifs de ce changement soudain, était fort inquiète. Elle savait que cela tenait à l’inexplicable intérêt que Broud portait à Ayla, mais il dépassait son entendement de voir une telle cause produire un tel effet. Elle surveillait attentivement Ayla, et quand la jeune femme commença à éprouver régulièrement au réveil un malaise, elle craignit qu’un mauvais esprit se fût emparé d’elle.
Mais Iza, en guérisseuse expérimentée, fut la première à remarquer qu’Ayla ne respectait pas l’isolement relatif auquel les femmes étaient astreintes lorsque leurs totems se battaient, et elle redoubla de vigilance envers sa fille adoptive. L’hypothèse qui lui vint à l’esprit lui parut d’abord extravagante. Mais après l’écoulement d’une autre lune, Iza se sentit sûre de son fait. Un soir, en l’absence de Creb, elle appela Ayla.
— Je voudrais te parler.
— Oui, répondit Ayla en se traînant auprès d’elle.
— Quand ton totem s’est-il battu pour la dernière fois, Ayla ?
— Je n’en sais rien.
— Je veux que tu fasses un effort pour y réfléchir. Les esprits se sont-ils battus en toi depuis que les arbres ont perdu leurs fleurs ?
La jeune fille rassembla avec peine ses souvenirs.
— Une fois, peut-être.
— C’est bien ce que je pensais, dit Iza. Tu as des nausées le matin, n’est-ce pas ?
— Oui.
Ayla croyait que ses malaises étaient dus aux assauts de Broud, si pénibles à supporter qu’elle en vomissait son repas du matin et même parfois celui du soir.
— Est-ce que tu as mal aux seins ?
— Oui, un peu.
— Et ils ont grossi, n’est-ce pas ?
— Je crois. Mais pourquoi poses-tu ces questions ?
— Ayla, dit-elle en la regardant avec sérieux, je ne comprends pas ce qui a pu se passer et j’ai même du mal à y croire, mais je suis sûre d’avoir raison.
— Et en quoi as-tu raison ?
— Ton totem a été vaincu, tu vas avoir un enfant.
— Un enfant, moi ? Mais je ne peux pas en avoir, protesta Ayla, mon totem est trop puissant.
— Je sais bien, Ayla, et je n’y comprends rien, mais tu vas quand même donner le jour à un enfant, répéta Iza.
Une lueur d’espoir apparut dans le regard morne de la jeune femme.
— Est-ce vrai ? Moi, avoir un enfant ? Oh, maman, c’est merveilleux !
— Ayla, tu n’as pas de compagnon, et aucun homme du clan ne voudra de toi, même comme seconde compagne. Or, tu ne peux avoir d’enfant sans compagnon, cela lui porterait malheur, déclara Iza avec fermeté. Il vaudrait mieux que tu essaies de t’en débarrasser. Je pense que le gui fera l’affaire. C’est une plante très efficace et, utilisée avec précaution, à peu près inoffensive. Je vais te faire une infusion de feuilles avec quelques baies seulement, cela aidera ton totem à expulser la vie naissante. Tu seras un peu malade, mais...
— Non, non, et non ! coupa Ayla en secouant vigoureusement la tête. Non, Iza, je ne prendrai rien du tout. Je veux un enfant. J’en ai toujours voulu un depuis la naissance d’Uba et je n’aurais jamais cru cela possible.
— Mais, Ayla, ça va porter malheur à l’enfant ! Il pourrait naître anormal.
— Mais non, tu verras, je ferai très attention. Ne dis-tu pas qu’un totem puissant contribue, après sa défaite, à favoriser une heureuse naissance ? Iza, il faut absolument que je garde cet enfant. Mon totem ne sera peut-être plus jamais vaincu. Je dois saisir cette chance !
Pour la première fois depuis longtemps, Iza perçut dans le regard implorant de la jeune fille une étincelle de vie. Elle savait qu’elle aurait dû insister pour qu’Ayla absorbe le breuvage, mais elle craignait que la jeune fille ne sombre alors dans une dépression encore plus profonde. Peut-être avait-elle raison, après tout, peut-être était-ce là son unique chance de procréer ?
— Parfait, si tel est ton désir. Mais n’en parle à personne pour l’instant, on le saura bien assez tôt.
— Oh, Iza ! s’écria Ayla en se jetant dans ses bras, le visage illuminé de joie.
Elle sembla retrouver soudain toute son énergie et ne plus tenir en place.
— Maman, que fais-tu à manger pour ce soir ? Laisse-moi t’aider.
— Un ragoût d’aurochs, répondit la guérisseuse, stupéfaite par la transformation soudaine de la jeune fille. Tu peux découper la viande, si tu veux.
Tandis que les deux femmes s’affairaient, Iza réalisa qu’elle avait presque oublié combien la présence d’Ayla lui apportait de joie. La jeune fille recommençait même à s’intéresser aux techniques de la guérisseuse.
— Je ne connaissais pas cet usage du gui, s’étonna-t-elle.
— Il y aura toujours des choses que je ne t’aurai pas dites, Ayla, mais tu en sais déjà assez. La tanaisie fait également l’affaire mais elle est d’un usage plus dangereux. Il faut utiliser toute la plante, les fleurs, les feuilles et les racines, et les faire bouillir. Si tu remplis d’eau cette écuelle jusqu’à hauteur de cette marque et si tu la fais réduire jusqu’à la contenance de ce bol-ci, tu obtiendras une quantité suffisante. Les fleurs de chrysanthèmes se révèlent parfois efficaces et sont beaucoup moins dangereuses que le gui ou la tanaisie, mais le résultat n’est pas garanti. Il est aussi autre chose dont je voudrais t’entretenir, Ayla, poursuivit Iza en s’assurant que Creb ne se trouvait pas dans les parages. Aucun homme ne doit apprendre ce secret, connu des guérisseuses seules. Tu promets de n’en parler jamais à personne, même pas aux autres femmes ?
— Oui, répondit Ayla.
— Je ne pense pas que tu en aies besoin un jour pour toi-même, mais il faut que tu le connaisses, en ta qualité de guérisseuse. Il est parfois souhaitable, après un accouchement difficile, que la femme n’ait plus d’autre enfant. Dans ce cas, la guérisseuse lui donne ce qu’il faut pour cela, sans lui dire de quoi il s’agit. Certaines plantes possèdent la propriété particulière de fortifier le totem d’une femme au point qu’il empêche toute vie de prendre naissance.
— Tu peux donc empêcher une femme de devenir enceinte ? Tu peux donner de la puissance à n’importe quel totem, même à un totem faible ? Et cela même si Mog-ur prépare un charme pour donner de la force au totem de l’homme ?
— Oui, Ayla. C’est pourquoi les hommes ne doivent jamais apprendre ce secret. C’est le sortilège dont je me suis servie moi-même pour inciter mon compagnon, que je n’aimais pas, à me donner à un autre homme. J’espérais qu’il ne voudrait plus de moi si je n’avais pas d’enfant, avoua Iza.
— Mais tu as eu Uba.
— Au bout d’un certain temps, la magie a dû perdre son pouvoir. Ou bien peut-être mon totem n’avait-il plus envie de lutter, ou encore peut-être voulait-il que j’aie un enfant ? Je n’en sais rien. Il existe des forces plus puissantes que la magie, Ayla. Personne ne pourra jamais connaître vraiment le monde des esprits, pas même Mog-ur. Qui aurait cru que ton totem pût s’avouer vaincu ? (Iza jeta un coup d’œil furtif autour d’elle avant de poursuivre.) Vite, que je termine avant le retour de Creb. Tu vois cette petite plante grimpante jaune avec des fleurs et des feuilles toutes petites ?
— Le fil d’or ?
— Exactement. On l’appelle aussi l’herbe-qui-étrangle, parce qu’elle tue la plante autour de laquelle elle s’enroule. Après l’avoir fait sécher, tu en fais bouillir une poignée, dans assez d’eau pour remplir l’écuelle d’os, jusqu’à ce qu’elle ait pris une couleur de foin mûr. Il faut en boire deux gorgées tous les jours durant lesquels ton totem ne se bat pas.
— Ne peut-on également en faire des emplâtres contre les piqûres et les démangeaisons ?
— Mais oui, et cela te fournira un excellent prétexte pour en avoir toujours en réserve. Il y a encore autre chose que l’on peut prendre, mais cette fois, quand ton totem se bat : la racine de sauge, fraîche ou séchée. Il faut la faire en infusion, et en boire une tasse par jour pendant tout le temps de ton isolement.
— N’est-ce pas la plante aux feuilles dentelées que tu donnes à Creb pour ses rhumatismes ?
— Oui, c’est elle. Je connais enfin un autre remède qui m’a été communiqué par la guérisseuse d’un autre clan. Tu sais, nous échangeons nos recettes entre nous. Je n’ai pu l’expérimenter moi-même car il s’agit d’un tubercule qui ne pousse pas dans nos régions. Il faut le couper en morceaux, le faire bouillir et l’écraser en pâte, que l’on réduit en poudre une fois séchée. Mais il faut en prendre une assez grande quantité, une moitié de bol de poudre délayée dans de l’eau, une fois par jour, pendant tout le temps où ton totem ne se bat pas.
A ce moment-là, Creb entra dans la caverne et surprit les deux femmes en grande conversation. Il se rendit compte au premier regard de la transformation d’Ayla. La jeune fille était à la fois éveillée, attentive et souriante.
Elle a dû se reprendre un peu, pensa-t-il en gagnant son foyer.
— Iza, cria-t-il pour attirer leur attention. Suis-je condamné à mourir de faim, aujourd’hui ?
La guérisseuse se leva précipitamment, l’air contrit, tandis qu’à la grande joie de Creb Ayla s’activait.
— Ce sera bientôt prêt, annonça-t-elle.
Et tandis qu’il s’installait sur sa natte, Uba fit irruption dans la caverne.
— J’ai faim ! s’exclama-t-elle.
— Toi, tu as toujours faim, Uba, dit Ayla en faisant tournoyer la petite fille.
Uba était aux anges ; c’était la première fois de tout l’été qu’Ayla était d’humeur à jouer avec elle.
Plus tard, après le dîner, Uba se pelotonna sur les genoux de Creb. Ayla chantonnait tout doucement en aidant Iza à faire le nettoyage. Le vieux sorcier poussa un soupir d’aise. Les garçons sont très importants pour le clan, pensa-t-il, mais je crois que je préfère les filles. Au moins, elles n’ont pas besoin de démontrer leur bravoure à tout bout de champ et ne craignent pas de se blottir dans vos bras pour s’endormir.
Le lendemain matin, Ayla s’éveilla étourdie de bonheur en se rappelant sa découverte de la veille. Soudain impatiente de se lever, elle pensa aller se laver les cheveux à la rivière. Elle se força toutefois à manger quelque chose avant de partir, et fut agréablement surprise de constater qu’elle ne rendait pas aussitôt ce qu’elle avalait, comme c’était le cas chaque matin ces derniers temps. Elle se hâta de quitter la caverne, mais elle n’avait pas fait trois pas en direction de la rivière qu’elle s’entendit appeler.
— Ayla ! lui cria Broud sur un ton méprisant en lui faisant le signe convenu.
La jeune fille s’arrêta, médusée. Elle avait complètement oublié l’existence de son tourmenteur et ne songeait plus qu’à bercer un bébé dans ses bras, son bébé. Espérons qu’il va se dépêcher, se dit-elle en adoptant la position que Broud attendait pour satisfaire ses désirs.
Mais Broud ne se sentait pas en forme. Il lui manquait quelque chose. La haine, la rage qu’elle n’était jamais parvenue à dissimuler complètement s’étaient évanouies. Ayla était ailleurs, calme, sereine, indifférente à tout ce qu’il pouvait lui faire, résignée à accepter ses caprices.
Or, ce qui procurait du plaisir à Broud, c’était plus de la dominer que l’acte sexuel en soi. Il s’aperçut qu’il ne ressentait à présent aucune excitation et, après plusieurs tentatives infructueuses, il abandonna la partie, fort humilié, et regagna son foyer.
Soulagée qu’il ait enfin cessé de ressentir cette attirance incompréhensible pour Ayla, Oga lui fit bon accueil. Elle n’avait jamais été jalouse, car il n’y avait aucun motif à cela. Broud était son compagnon, et ne semblait pas avoir l’intention de la quitter. Il était normal qu’un homme assouvisse ses désirs avec la femme de son choix. Mais ce qu’elle ne comprenait pas, c’était qu’il s’intéresse à une femme qui, de toute évidence et pour une raison mystérieuse, ne prenait aucun plaisir avec lui.
Quant à Broud, la soudaine indifférence d’Ayla à son égard l’exaspéra au plus haut point. Il croyait avoir découvert un moyen infaillible de la dominer, de briser une fois pour toutes sa résistance tout en savourant son plaisir, et il n’en fut que plus déterminé à la soumettre de nouveau par quelque autre moyen.