Quand les détails de l’histoire furent révélés dans le journal du dimanche, la nouvelle fit le tour de la ville. Un policier assassiné dans la nuit de jeudi. Avec son propre revolver, qu’on n’avait pas retrouvé sur les lieux du crime. Pas de témoins. Pas d’indices. Pas la moindre idée de ce qu’il faisait à l’endroit où on avait découvert le corps. Aucune certitude, sinon qu’il était mort. Tout le monde ne parlait plus que de ça, au café et dans les allées du supermarché et dans la salle d’attente de l’hôpital et aux pompes à essence. Pendant la messe dominicale, chez les baptistes comme chez les méthodistes, les catholiques, les épiscopaliens et tous les autres, un moment de silence fut observé. On pria pour l’agent des forces de l’ordre abattu. On pria pour son âme. On pria pour sa famille. On pria pour la justice et pour que le Seigneur accorde sa pitié au monstre en liberté qui avait pu commettre un acte aussi impie. Les femmes en robe du dimanche poussaient des hauts cris, indignées que de tels barbares puissent se promener en toute impunité au sein de la communauté, tandis que les hommes en complet veston hochaient la tête et déploraient qu’on n’ait toujours aucune piste pour expliquer ce qui s’était réellement passé. Quand on eut dit amen dans tous les lieux saints de la ville et que les fidèles furent sortis sur les marches des églises, certains firent part de leur sidération à l’idée qu’une telle chose ait pu se produire ici. Et d’autres affirmèrent qu’ils n’étaient pas surpris le moins du monde.