— Je suis heureuse, fît-elle.
Elle restait nue sur le lit étroit, serrant l’oreiller entre ses bras comme, un instant plus tôt, elle étreignait le corps fané du Commendatore.
Il la contemplait d’un regard émerveillé de barbon comblé. La déclaration de la prisonnière creusait en lui des abîmes de mélancolie, cependant, son orgueil de mâle balayait ces signes de détresse. Il savait bien que l’âge aurait raison de son tardif amour mais s’accommodait des conséquences de cette félicité impensable.
Après le départ de ses acolytes, une étrange béatitude s’était emparée d’eux. Il mettait celle de sa compagne sur le compte de la drogue ; peu importait qu’elle fut réelle ou factice, ce qui comptait c’était de savourer ce chant du cygne inespéré.
Quand, à sa vive surprise, le Parrain l’avait chargé du cas de l’Allemande, il avait accepté, pensant trouver dans cette mission un remède à ses chagrins. Pourtant, avant de quitter Naples, il avait retiré de la banque son pécule chichement constitué. Avait-il la prémonition qu’il n’y reviendrait jamais ?
Assis contre le lit, il continuait de la caresser.
— Où irons-nous ? demanda-t-il d’un ton peureux.
— Pourquoi aller ailleurs ? Ne sommes-nous pas bien ici ? C’est la première fois de ma vie que je me sens sécurisée. Et par un homme à qui j’ai fait du mal et qui voulait me tuer ! C’est inimaginable !
« La Pologne me plaît. Ce pays ne ressemble pas aux autres ; il est d’une autre époque. Je voudrais trouver un logement dans un endroit quelconque, banal, laid peut-être. M’y terrer avec toi et essayer d’oublier. »
En entendant ces paroles, un bonheur doux-amer envahit le Commendatore. Il murmura, penaud :
— Je suis vieux…
— Ah ! non ! protesta Johanna. On ne va pas se mettre à parler ainsi.
Elle ajouta :
— Ton âge sera notre enfant.