Le médecin trébucha en descendant les marches du camping-car et faillit s’étaler dans l’herbe galeuse du terre-plein. Ce fut Miss Lola qui le retint. Le docteur Seruti en voulut à la terre entière de ce faux pas et s’arracha des mains secourables de la jeune fille barbue.
— Vous ne vous êtes pas fait mal ? s’enquit Aurelio Fanutti, lequel dissimulait difficilement son envie de rire.
L’autre grommela des malveillances relatives à cette « pute de roulotte » comme quoi faut-il être va-nu-pieds pour vivre dans cet état nomade ! Et posséder un colossal mépris de l’homme pour gagner sa vie en exhibant de tels malheureux sur les champs de foire ! Il regrettait presque d’avoir signé le permis d’inhumer du monstre.
La femme à barbe pleurait son compagnon de disgrâce. L’homme à deux têtes ne lui offrait pas un grand soutien mais lui apportait une présence.
Une fois le médecin parti, le Commendatore ôta des sangles maintenant sa vieille Vespa à l’arrière du mobile home, fit ronfler l’engin sans trop de mal et cria à Miss Lola qu’il ne serait pas long.
Elle regarda disparaître l’acre nuage qu’il traînait derrière lui. Jamais elle ne s’était sentie plus seule, désemparée et barbue.
Dominée par une poussée morbide, elle retourna auprès d’Alfonso. On aurait cru l’abominable visage « à étages » extrait d’une toile de Jérôme Bosch, Sa chair devenait vert-de-gris, ses yeux de batracien proéminaient, d’autant qu’il ne possédait pas suffisamment de paupières pour les clore entièrement.
Le pauvre garçon venait d’un coin perdu des Pouilles. Son père l’avait « vendu » à un charlatan, mi-colporteur, mi-guérisseur, lequel parcourait les chemins secondaires pour proposer des onguents contre les brûlures, les piqûres de guêpes et les plaies variqueuses. Le camelot se déplaçait sur une motocyclette vénérable, équipée d’un side-car, et dormait dans des coins de grange ou contre des meules de paille. Fanutti et lui se rencontrèrent par hasard au cours de leurs pérégrinations, dans une station-service. Après avoir sympathisé, les deux « tailleurs de route » étaient tombés d’accord pour échanger l’homme à deux têtes contre un nain manchot peignant avec ses pieds, que le Commendatore avait pris en grippe.
Ce décès inopiné jetait le désarroi dans l’entreprise d’Aurelio qui n’avait personne sous la main pour remplacer son pensionnaire. Il lançait des appels d’offre chez différents imprésarios de sa connaissance, mais l’époque devenait de moins en moins propice à la découverte de ce type d’individus. L’Europe, submergée par une civilisation vétilleuse, plaçait ses ratages, dès leur naissance, dans des maisons spécialisées, et des pétitions s’organisaient pour empêcher leur exploitation. Fanutti sentait venir à grands pas la fin de son théâtre et se demandait par quoi le renouveler.
Miss Lola chassa une forte mouche intéressée par le cadavre. Sans doute aurait-elle dû prier pour le repos de cette pauvre âme, mais elle doutait que le monstre en eût une.
Elle entendit quelqu’un héler le Commendatore depuis l’extérieur. Elle reconnut la fille de Fanutti. Celle-ci venait de quitter sa voiture et restait plantée devant la caravane, l’air préoccupé. Pour la femme à barbe, elle représentait l’image de la beauté. Vêtue d’une robe blanche et d’une veste bleue, les cheveux maintenus par un bandeau de tenniswoman, les lèvres chargées d’un rouge éclatant, elle dégageait une notion de force et d’assurance irréductibles.
— Papa est là ? demanda-t-elle.
— Non ! se mit à sangloter l’interpellée.
— Pourquoi pleures-tu ?
— Parce qu’Alfonso est mort ! Vous voulez le voir ?
Maria n’osa décliner l’offre et pénétra dans le gros véhicule. La vision du phénomène sans vie lui souleva le cœur. Elle aurait aimé réciter un bout d’oraison, mais à l’instar de Miss Lola ne put s’y résoudre. Elle se contenta de se signer (réflexe qui lui était familier) et quitta le camping-car déjà envahi par de louches miasmes.
Elle s’en fut prendre une revue dans le vide-poches de sa voiture et gagna la terrasse d’un estaminet proche, pour lire en attendant le retour d’Aurelio.
Il réapparut deux heures plus tard, gris de poussière et empestant l’essence. Le bruit rageur de son moteur tira Maria de la somnolence qui l’avait saisie. Elle se leva en adressant des signes à son père. Le Commendatore corrigea sa trajectoire pour la rejoindre. Il eut, avant de l’étreindre, ce grand sourire vorace qui lui donnait l’aspect d’un carnassier heureux.
— Quel bon vent, ma fille chérie ?
— Je ne crois pas qu’il soit bon, repartit la jeune femme. Fanutti devint grave.
— Vicino ? demanda-t-il, en baissant le ton.
Elle acquiesça. Il nota son air dur ; une rage intense crispait sa bouche et pinçait ses narines.
Le cabaretier, un petit bonhomme chauve et ventru à l’air matois, vint s’enquérir de sa commande.
Aurelio choisit de la bière.
Au bord du trottoir, sa Vespa trop sollicitée craquait en se refroidissant.
— Alors ? insista-t-il après le départ du cafetier.
— Il a convoqué Nino hier soir et mon mari n’a plus reparu.
— Gian Franco avait motif de se plaindre de lui ? demanda-t-il.
— Je ne le pense pas.
— Ce qui veut dire oui, bougonna Fanutti. Tu devrais tout me raconter.
Maria parla de leur dernier contrat, l’idée qu’ils avaient eue de le transformer en statue pour le faire disparaître. Le Commendatore l’écoutait sans marquer de réactions.
Quand elle eut achevé son récit, il dit avec gravité :
— Je comprends la colère du Parrain : votre travail n’est pas un jeu, or ce que tu viens de m’expliquer est digne d’un téléfilm !
Elle rougit et détourna le regard.
— Autre chose encore : tu me confies le déroulement d’un contrat. Or, le silence est sacré. Que je sois ton père n’empêche pas que tu viens de transgresser la première règle de la Camorra : la discrétion.
Il but d’un trait la moitié de son verre. De la mousse blanchissait sa moustache de séducteur. Penaude, Maria réalisait que leur fameuse mission avait tourné en farce macabre.
Fanutti suivit le cours de sa pensée, pianotant nerveusement le bois verni de la table :
— Le client que vous retrouvez dans votre lit après avoir entrepris tout un commerce pour le changer en statue, c’est du Vicino tout craché ! Et, ensuite, qu’avez-vous fait ?
— Nous avons emprunté une barque de pêche pour le flanquer à la mer.
— C’est déjà mieux, murmura-t-il avant d’achever sa bière.
À quelque distance d’eux, Miss Lola, « La déesse barbue », venait de s’asseoir sur le marchepied du véhicule. Elle ne pleurait plus et supputait ce qu’allait être la vie désormais. Son inquiétude était tempérée par sa confiance en Fanutti.
— Tu as téléphoné chez le Parrain pour demander des nouvelles de ton époux ? demanda le Commendatore.
— Non.
— Tu as très bien fait : il n’aurait pas apprécié.
— Crois-tu qu’ils aient liquidé Nino ?
Aurelio étudia la question :
— S’il en veut à la vie de ton mari, il me le dira avant d’agir. N’oublie pas que nous sommes amis d’enfance. Il ne le tuerait pas sans m’en parler.
Ils virent arriver une ambulance sur la placette. Deux infirmiers et un policier en uniforme en descendirent.
— Il faut que j’y aille, fît le bonhomme : on vient enlever le corps. Écoute, ma fille, sitôt que j’en aurai terminé avec Alfonso, j’essaierai de contacter le Parrain.
Il se leva, prit la tête de Maria entre ses mains et déposa un baiser sur chacune de ses paupières baissées.
Ce fut le Dante qui lui ouvrit. Il était en corps de chemise dans l’appartement surchauffé, mais conservait son chapeau enfoncé jusqu’aux sourcils.
— Salut ! jeta-t-il au Commendatore.
Sans un mot de plus, il guida l’arrivant dans les méandres de l’appartement envahi par des plantes.
Aurelio, bien qu’il comptât parmi les meilleurs amis du maître de la Camorra, était rarement reçu chez ce dernier. Seule sa garde rapprochée jouissait de ce privilège, sans entraîner pour autant un régime de faveur.
— Entre, Aurelio ! Entre ! Lança la voix légèrement sifflante du Parrain.
Le Dante s’effaça.
Fanutti découvrit un cabinet de travail où il n’avait encore jamais mis les pieds. La pièce, de dimensions modestes, ne comportait pas de fenêtre et s’éclairait par des tubes de néon dissimulés dans des corniches. Un bureau d’acajou, une bibliothèque munie de portes grillagées et quelques sièges visiblement inconfortables la meublaient.
À l’entrée de son vieil ami, le Parrain se leva pour lui donner l’accolade. Il n’avait pas meilleure mine que la fois précédente. Chaussé de pantoufles fourrées, il portait un gilet de velours orné de broderies d’argent. On ne l’avait pas rasé depuis deux jours et sa barbe poussait n’importe comment sur ses joues caves.
— Assieds-toi, saltimbanque, assieds-toi ! fit-il d’une voix qu’il voulait guillerette. Je sais pourquoi tu es ici et m’attendais à ta visite. Tu crains pour ton bébé de gendre, pas vrai ? Note que tu n’as pas tort, mais ton inquiétude est prématurée. Pour l’instant il se porte bien. La preuve !
Gian Franco pressa un bouton et l’écran d’un téléviseur s’éclaira. Une image, laiteuse de prime abord, se précisa. Le forain reconnut Nino, allongé sur un lit de camp, les bras derrière la tête, occupé à suivre les sinuosités d’une fissure au plafond.
Vicino interrompit le contact.
— Te voilà tranquillisé ? railla-t-il.
— Qu’a-t-il fait ? demanda le Commendatore.
— Le con, répondit son ami.
— Mais encore ?
— Il confond contrat et roman policier…
— Qu’entends-tu par là ?
— C’est tout ce que je peux te raconter pour l’instant ; il faut que la situation se décante.
Changeant de ton, il murmura :
— Alors, ton petit monstre est mort ?
Il se signa.
— Hélas oui, soupira Aurelio. Je me demande ce que je vais pouvoir montrer à mes clients, maintenant.
— Fais-leur voir ta bite, ricana le Parrain. Je crois me rappeler qu’elle est superbe !
Comme il se dirigeait vers la porte, après l’embrassade d’usage, le Commendatore se cabra.
— Qu’y a-t-il ? fit Gian Franco.
Son ami rebroussa chemin et revint s’asseoir, en proie à quelque débat de conscience. Ce comportement inhabituel déconcerta son hôte.
— Je n’ai pas l’impression qu’il fait bon dans ta tête, fit Vicino.
— J’ai quelque chose à te dire.
— Dis-le !
— De très grave.
— Raison de plus.
Fanutti ne paraissait pas complètement décidé à s’épancher. Son vis-à-vis savait que dans ce cas-là, il ne faut pas presser le mouvement. Ouvrant le tiroir central de son bureau, il en sortit un paquet de Camel plus ou moins froissé dans lequel il puisa une cigarette. Il en fumait rarement et encore la laissait-il se consumer dans un cendrier, à croire que sa volute suffisait à son plaisir.
— Je vais te confier un secret dont jamais je ne t’aurais parlé si les circonstances…
Gian Franco hocha la tête en souriant. Ce n’était pas l’homme des préambules laborieux.
— Mais parle, animal ! C’est tellement difficile à sortir ?
— Très difficile.
— Il s’agit de qui ? De quoi ?
— D’Orthensia, ma femme !
Le Parrain devint grave. Il reprit sa cigarette dans le cendrier, mais elle venait de s’éteindre.
— Et alors quoi, Orthensia ?
— J’étais fou d’elle !
— Ce n’est pas un secret.
— Toi aussi, je crois ?
Ils se dévisagèrent avec calme.
— Je l’ai été, en effet…
Il y eut comme de la musique dans le solennel bureau, due à leur commune émotion.
— Deux jours avant notre mariage, reprit le Commendatore, tu es allé la voir chez sa couturière pendant qu’elle essayait sa robe blanche et tu l’as violée parce qu’il te fallait coûte que coûte sa virginité. À l’époque, tout le monde déjà tremblait devant toi. Tu as déclaré à Orthensia que tu me ferais abattre si elle se refusait…
— On tombe dans la tragédie antique, dit Gian Franco.
— Hé ! Nous sommes italiens, mon cher et, plus encore : napolitains ! Tu ne vas pas t’abaisser à nier les faits ?
— Non, dit Vicino. Comment et quand les as-tu connus ?
— Le jour même, par Orthensia. Crois-tu qu’elle se serait mariée en me les taisant ? Nous avions bon goût, toi et moi : c’était une fille bien.
— Quelle a été ta réaction ?
— Devine !
— Me tuer, bien sûr.
Aurelio secoua la tête :
— Je suis le contraire d’un sanguinaire ; ce que, toi, tu dois appeler un lâche. Je te connaissais depuis l’enfance et t’aimais d’une amitié que tu n’as jamais dû retrouver ailleurs. Mais je peux te dire que nos noces furent un calvaire. Pendant des nuits et des nuits nous sanglotions dans les bras l’un de l’autre au lieu de nous unir. Combien de fois avons-nous résisté à la tentation, Seigneur ! Et bien nous en a pris, mon cher grand ami !
— Pourquoi ? murmura le Parrain.
— Parce que le mois suivant notre mariage, elle s’aperçut qu’elle était enceinte !
Le Commendatore regarda le cabinet de travail de son hôte et remarqua :
— C’est curieux que tu ne mettes rien sur les murs. On dirait que seules les plantes t’intéressent. Tu pourrais au moins y accrocher la photo de tes parents…
Vicino ne répondit pas. Avait-il seulement entendu la remarque de son ami ?
En le dévisageant, l’idée vint brusquement à Fanutti que le Parrain souffrait d’une grave maladie. La lumière impitoyable des néons accusait son teint cireux et ses traits creusés.
— La prison ne t’a vraiment pas réussi, fit-il froidement. Tu as le cancer ou quoi ?
Par réflexe, Gian Franco fit la fourche avec ses doigts pour conjurer des sorts funestes.
— Ce que tu viens de m’apprendre est vrai ? demanda-t-il de sa voix marquée par l’essoufflement.
— Invente-t-on une chose pareille, Giani ?
— Et tu n’as rien dit pendant tout ce temps ?
— J’aurais eu bien trop peur de te faire plaisir.
— Alors pourquoi parles-tu aujourd’hui ?
— Pour le bonheur de Maria. Tu as besoin de faire un exemple. Tu sors de taule, ta santé n’est pas fameuse : c’est mauvais pour un chef. Alors tu es prêt à immoler ces enfants à la Camorra, à l’image de Mussolini faisant fusiller son gendre Ciano pour affermir son autorité. Eh bien ! tu te trompes de route : châtier injustement est un signe de faiblesse !
Vicino se cambra sous l’insulte.
Il allait parler, se ravisa.
— Ne ravale pas tes menaces, conseilla Aurelio. Je sais bien que mon existence est compromise après cette confidence. Fais-moi liquider si tu veux me priver de la satisfaction de te survivre.
Son compagnon ne l’écoutait pas, entièrement mobilisé par la révélation de sa paternité. Ada, sa femme, stérile comme un mulet, n’avait pu lui accorder la descendance à laquelle il aspirait. Un moment, il faillit adopter un neveu, mais y renonça, le jugeant trop intello pour devenir son héritier.
— Moi aussi, je te dois une explication, Fanutti. Ce n’est pas pour des enfantillages que j’entends punir Nino.
— C’est pour quoi, alors ?
— La personne dont il a eu à s’occuper détenait des documents dans la doublure de sa veste. Son devoir était de me les remettre : il s’en est bien gardé.
— En somme, tu le traites de voleur ?
— Tu as un autre mot à me proposer ?
— Et comme ils travaillent ensemble, Maria et lui, elle est donc une voleuse ?
L’autre hocha la tête. Une expression triste assombrit davantage son visage.
— Tu me permets de téléphoner à Maria ? demanda Aurelio.
— Fais !
Le Commendatore attira à soi l’appareil monté sur un bras amovible et composa le numéro. La jeune femme guettait son appel car elle décrocha à la première sonnerie.
— Viens immédiatement me rejoindre chez qui tu sais ! ordonna-t-il.
Ce fut tout.
Le Parrain sortit une nouvelle cigarette de son tiroir, pour le fugace agrément de l’allumer et d’en tirer une goulée, après quoi, elle alla rejoindre la précédente dans le cendrier.
— Tout ce temps perdu, marmonna-t-il.
— C’aurait changé quoi, que tu le saches plus tôt ? objecta Fanutti ; tu es prêt à sacrifier leur couple ! Veux-tu que je te dise ? Tu es devenu une caricature du pouvoir. Récemment, j’ai vu dans un magazine la reproduction d’un tableau représentant un squelette. Il portait les habits d’un grand d’Espagne du XVIe siècle. Eh bien cela m’a fait penser à toi, Giani.
Il surprit le regard de son compagnon d’enfance : ses yeux obliques de reptile provoqué.
— Ma fin est écrite sur ton visage ! fît Aurelio. Il ne te reste plus que la vie à me ravir. Tu m’as volé ma fiancée l’avant-veille de nos noces, tu m’as volé l’enfant que j’aurais dû avoir. À cause de toi je suis devenu une manière de saltimbanque qui ne sait pas jongler et qui baise une femme à barbe lorsque ses couilles sont trop enflées… Mais continue, mon Giani ! Prends et tue, puisque c’est ta vocation.
Cela faisait des lustres que ces mots nouaient sa gorge. Aujourd’hui, à cause de la révélation capitale qu’il venait de consentir à Vicino, tout lui devenait aisé. C’était une sorte de griserie au Champagne.
Il se tut. Des larmes ruisselaient sur ses joues toujours rasées de près car il était coquet.
— Tu veux que je t’apprenne le plus fort, Gian Franco ? Je ne parviens pas à te détester.
J’en suis toujours à l’époque où nous dévalions les rues de la Malavita dans une caisse à roulettes.
Le Parrain resta de marbre. Il semblait prêter l’oreille aux rumeurs du passé et ne pas les reconnaître.
Un peu plus tard, le Dante vint les informer que Maria Landrini était arrivée.
Elle pénétra dans l’antre du Parrain, apportant une salubre odeur de femme et de fleur. Son attitude réservée évoquait celle d’une nonne.
Maria fit une révérence au chef de la Camorra, prit la main qu’il lui tendait et la baisa. Elle n’était que ferveur et soumission. Vicino la contempla avec une attention nouvelle.
Il cherchait une ressemblance sur ce gracieux visage.
— Parle, toi ! ordonna-t-il à Aurelio.
Le Commendatore hocha la tête.
— Le Parrain souhaite avoir un renseignement relatif à votre dernier travail.
— Si je peux le fournir…
— Votre contrat cachait des documents dans sa veste ; les avez-vous trouvés ?
— Non, répondit-elle spontanément.
Elle eut quelques instants de réflexion et ajouta :
— Nous voulions le transformer en statue, alors nous lui avons demandé de se déshabiller. Il s’agissait de quelqu’un de soigneux car l’homme a plié son costume et l’a rangé sur une armoire.
— Et après… le « traitement », qu’avez-vous fait de ses vêtements ?
Elle eut une expression penaude :
— Nous les avons complètement oubliés, balbutia la jeune femme.
— Ils sont donc toujours où votre type les a posés ?
— Naturellement. Pourquoi ?
Pour toute réponse, le Parrain pressa un timbre et le Dante se montra aussitôt.
— Tu vas accompagner Maria Landrini où elle te conduira et ramener ce qu’elle t’indiquera, ordonna Gian Franco.
— D’accord !
— Je peux te parler seul à seul avant qu’ils s’en aillent ? demanda Fanutti.
Son ami d’enfance opina et fit signe aux deux autres d’attendre dans le vestibule.
— Tu dois y aller également ! décréta le forain ! Il faut que tu vérifies de visu la bonne foi de notre fille : la vérité, ça se constate, ça ne se raconte pas !