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— Faut qu' j'vais d'mander à Félisque de fectuer des r'cherches plus poussives ! fit l'empereur-à-forfait en tentant de décoincer sa braguette à la fermeture Eclair de laquelle manquaient deux dents (il en manquait bien davantage à sa propre mâchoire). Tu voyes pas, ma belle, qu' j'soye l'héritier naturel d'Napo ?

— Qu'est-ce tu f'rais ? s'enquit l'éventuelle impératrice ?

— J' vendiquerais mes droits !

— T'sais bien qu'on est en République, mon pauv'.

— Un' République qu'a tourné comme la mayonnaise, ma grosse ! Un' République d'noces et banquets qu' personne n'y croive plus. Y a pas si lurette, quand un homme d'Etat causait à la téloche, tout l'monde s'arrêtait d'claper ou d'visionner Zorro su' un' aut' chaîne. A présent, sitôt qu'tu voyes surgeindre un quéconque chef d'parti, c'est la fuite aux abris ! La monstre carapate ! Tu t'branches su' n'importe quoive, n'importe où… Tu préfères mater la pube su' la pauv'dame perdant d'la valve et licebroquant dans ses jupailles ; n'ou bien un documentaire su' la chauve-souris femelle qui reste enfoutraillée des mois avant d'êt' fécondante. La population en a quine des blablateurs à mandats ! Ell' va plus voter ! L'premier gonzman se pointant pour prend' l'pouvoir n'a qu'à s'baisser pou' l'ramasser. Alors si moive, Béru, citoilien irréprochab', se pointe en annonçant qu'il est l'descendant de l'Emp'reur, j' t'prille d'croire qu'ça fait un cri dans la lanterne haute, fillette. J'passe à l'unanimisme, plus un' voix !

Elle l'écoutait, charmée par l'énergie de son jules, amoureuse de lui à nouveau ; presque dominée !

Elle questionna cependant :

— C'est quoi t'est-ce, l' paquet, su' la table ?

Peut-être espérait-elle un cadeau ?

— Tu vas voir, fit-il d'un ton gourmand.

Et il sortit du papier un bicorne napoléonien, agrémenté de la cocarde.

S'en coiffa.

— Où c'qu'tu l'as déniché ? béa Berthe.

— Chez un costumeur du Palais-Royal, c'tait la plus grande pointure.

Il s'en fut chercher son impérialité dans la glace, l'y débusqua et se perdit dans une fascination suave.

Sa bouille porcine planturait sous le légendaire couvre-chef qui lui donnait l'air totalement con.

— Tu voyes un' différencité ent'moive et lui ? questionna le Mastard.

— Non ! répondit-elle, impartiale.

Ils en étaient là de leur délectation quand on sonna.

Berthe s'en fut délourder.

— M'sieur Félisque ! cantonada-t-elle d'une voix lubrifiée par la reconnaissance.

Elle convoya triomphalement leur ennoblisseur jusqu'au salon.

— La vache ! T'en jettes ! s'écria le Mahousse, surpris par l'élégance inhabituelle du bonhomme.

L'universitaire se montra imperméable au compliment. Son air crispé, lointain et désabusé[11], dérouta Napoléon IV.

— T'as la tête d'une vieille banane tigrée, soye dit sans t'déconvenir. Des misères ?

— On peut appeler cela ainsi ! admit Galochard.

Sans plus tarder, le documentaliste narra au futur empereur la sanglante aventure qu'il avait connue le matin.

— Pourquoive t'as-t-il prév'nu Sana et pas moi ? bougonna celui que la postérité surnommerait vraisemblablement un jour le Gros Caporal.

L'interpellé eut une réponse qui n'arrangea pas les choses :

— J'ai alerté les instances supérieures !

— Tu croives qué sont plus compétentes, tes insistances supérieures ? J't' parille l'cul à Berthe cont' un' dinde truffée qu'je vais êt' en moins de jouge branché su' l'affaire…

Il dit.

Et, par miracle, le téléphone retentissit.

San-Antonio réclamait Bérurier.

Ce dernier poussa la clameur émise par le stade de São Paulo quand l'équipe brésilienne marque un but, puis s'élança en omettant de changer de coiffure. Mais qu'importe : les modes sont cycliques.

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