« Tu voyes, Berthy, y a un' chose dont à laquelle, j'veuille t'causer, à propos d'mon ancêtre Napoléon Pommier, c'est d'ses amours.
Emp'reur, tout c' qu'tu voudreras, mais j'sus convaincu qu'il était loin d'avoir un chibre comm' l'mien, ni d'savoir s'en servir aussi bien qu'moive. A l'âge qu'y lutinait Caroline du Colombier, sa pr'mière, y a lurette que j'empétardais la Vévette Mauduy, la fille Marchandise, Léla Bonvin, la cadette au maire, sans parler d'Maâme Lamplatré, la couturière, qu'avait un pied r'tourné et un grand carré d'poils frisés su' la joue.
Moi, son braque à Napo, j'l'imagine pareil à un saucisson d'âne : ultra sec et noueux ; légèrement à la r'troussette, av'c un' tête plutôt pointue ; mais j'peuve m' gourer, des braques, y en éguesiste de toutes sortes ; faut avoir fait son service militaire pour s'en rend' compte. J'ai l'idée qu'il timorait d'c' côté, mon glaïeul. Su' un champ d'bataille, y s'éclatait, mais au plumard y bredouillait d'la membrane.
D'après M'sieur Félisque qui m'a éducationné su' l'sujet, Napo s' s'rait embourbé une trentaine d'greluses n'au cours d'sa vie, c' qu' je consomme par trimesse. Tu vas m'dire qu'y faut choisir : baiser ou faire la guerre, car tu n' peuves pas charger un nennemi au sabre et sabrer un' pécore en mêm' temps. J'ai toujours mieux aimé planter ma bite qu'un' baïonnette. Moive, les infusions d' sang, j'déteste pas, n'à condition qu' ça s' fasse d'homme à homme et à poings nus. Défoncer la gueule d'un pourri n'manque pas d' charme quand c'est l' vilain qui t' cherche des rognes.
Pour t'en reviendre à la zifolette farceuse d'Poléon, ell' le faiblissait n'au lieu d'lu donner du tonus. Dès qu'un' frangine lu vidait les aumônières, y s'croiliait son débiteur pour l'avoir bitée. La vraie pomme à l'huile ! N'habituellement, les Corsicos transforment les gerces en gagneuses. Dans son cas, c'est lui qui f'sait le pigeon ! Un' pipe : un' rente ! Un' feuille d'rose : un tit' d' noblesse ! Et tout à lav'ment !
La bonne affure pou' les gonzesses.
Quand est-ce y leur déballait ses roustons tannés par la pratique du bourrin, il éperduait de r'connaissance. Dans l' fond, c'tait modeste de la part d'un gazier qu'a fait tant tell'ment de veuves qu' la pauv' France s'en est pas encore r'mise complèt'ment !
Mais j' dégraisse, Berthe. J' m'écartèle d'mon propos. En tant qu'son descendant, faut qu' je fasse taire ces critiques. J'lu doive l'respecte, biscotte la famille c'est sacré.
J'veuille pas insister su' les pouffes qu'il a grimpées, not' Illuste. Pour beaucoup ça t'été du rapidos : un coup dans les baguettes et Malboro s'en va t'en guerre ! C't' marotte d'désambuler su' les routes d'Europe avec des milliers d' zigus qu'auraient tant préféré rester chez eux à moud' le blé, presser l'raisin, et empaffer leur rombiasse ! C' qu'a d'malheureux, vois-tu, Berthy, c'est qu' les guerreriers font plus causer d'eux qu' les pacifiqueurs et qu'on écrit des bouquins su' les tyrans, mais pas à propos du mec ayant inventé le vasquecin cont' la rougeole ou la pommade pou' la chaude-lance.
C' qu' j'en r'viens, c't'aux frangines.
A dix-huit ans, y s'laisse déberlinguer par un' prostipute qui y estirpe l'escarguinche d'sa coquille et lu fait mousser l'blanc d'œuf. Fier service ! On n'direra jamais c'qu'un jeune homme doive aux putes. Joli d' s'astiquer l'panais, mais l'moment arrive, inéluctab', qu'tu doives t'faire prend' en main par un' gosseline d'espérience, sinon c't'un pédoque qui t' déboutonne la soutane dans un cinoche et t'oriente su' la terre jaune. Moive, j'ai z'eu des potes qu'ont chopé du rond au départ et n' s'en sont jamais r'mis. Un' fois craqué la rondelle, tu d'viens un inepte d'la chose ; or un chibraque dans le pétrousquin, c'est pas c'qui fait progresser la race humaine, quand bien même ça guérit les émeraudes.
N'aftère sa radasse, mon parent s' la met en veilleuse quéques années avant d'monter à la tringlette pou' d'bon. C't'ainsi qu'y s'embourbe une mijaurée de seize piges : Emilie Laurenti. Et pis v'là qu'au début d'1795 y rencontre un' aut' berlinguée du même âge, Désirée Clary, brune bien roulaga. Y s'l'emplâtre recta (p't'être rectum) !
Un' jouvenceuse d'plus. C't'à ça qu'on voye sa timidité ! Probab' qu'les éplucheuses d'braguettes y font peur. Y veuille bien s' risquer à palucher des chattounes verginales, mais pas encore des babasses écarquillées, comme s'y craindrait d'y paumer sa baratte à moules.
N'au départ, c'tait son frangin Joseph qui guignait la craquette à Désirée ; mais av'c Poléon : pas d'ça, Louisette ! Y fait valoir sa suprême assise et conseille au frelot d'marida Julie, l'aînée. Ce glandu accepte. Pour lui, des rillettes ou du caviar, c'est du pareil au kif.
Mais là y a un os dans la noce, dirait l'Antonio : les vieux d'la Désirée n'veuillent pas d'deux Bonaparte dans la famille. Y pouvaient avoir l'aigle, y s'contentent du pigeon !
En plein suif, l'futur Empereur regagne Pantruche.
Cézigus a pigé qu'pour arrivever à quèqu'chose, faut se frotter aux grands d'c'monde. Y s'fait inviter chez Barabbas qu'on appelle « Le Roi d'la République », près d'qui s'pressent les plus chouettes greluses. Le Barabbas à moinve qu'ça soye Barras, j' m'y perds, s'enquille un' mousmé d'first quality nommée Thérèse Tallien. C' t'un' découilleuse d'classe, entourée d'mômes surchoix, parmi lesquelles Maâme Récamier et un' pouliche aux lotos salingues nommée Joséphine de Beauharnais.
Tu m'as compris tu m'as, hein, Berthy ?
Joséphine ! Un' sacrée pétroleuse.
Dans l' salon d'la Tallien, mon onc' fait des ravages. Il a la gale, il est craspect, mal fagoté, n'au point qu'la Thérèse lu obtentionne du tissu pou' s'reloquer, mais il jacte comm' un merle blanc et les pépées s'entichent d' sa Pomme. Bientôt, y va dégainer dans l'alcôve à Joséphine et lu ramoner la case-trésor.
Salope comme l'est la brunette, il tombe dingue d'elle en plein, lu écrit des babilles qui f'raient chialer un concierge d'usine. Tiens, Félisque m'en a cité des passages capab' d'éclater les burnes d'un sapajou.
J't' cite :
« Ton portrait et l'enivrante soirée d'hier n'ont point laissé de repos à mes sens, douce et incomparable Joséphine. »
Et pis encore :
« En attendant (d't' r'voir) mi dolce amore, un million de baisers ; mais ne m'en donne pas, car ils brûlent mon sang ! »
D'quoive s'poignarder l'oigne av'c un plantoir d'jardin, non ?
Comment ? Ah ! tu trouves ça bien tourné, toi, Berthe ? Y a pas à dire, j'comprendrerai jamais rien aux péteuses !
Poléon veut la marida, mais elle chipote, l'trouvant trop pauvret, la conne !
A la longue, pourtant, elle dit « banco ». Ils font un contrat d'mariage en bon uniforme. Su' c'documentaire, la morue s'rajeunit d' trois piges tandis qu'lui s'vieillit d'dix-huit mois. Môm'ries ! Il tire sa souris deux noyes d'enfilées et part conquir l'Italie. N'au passage, j' t'signalise que la Joséphine a la clape daubée et les ratiches kif les touches noires d'un piano ; elle fouette du tout-à-l'égout et ses beaux harnais (fallait pas qu' j' la rate, cell'-là) puent la brune en pleine cultur' physique ; mais ça y stimule l'popaul. Un guerrerier, ça aime la v'naison.
Davantage qu'elle pue, davantage qu'il gode ! Note qu'j' partag'rais ses goûts : moive, un' crougnasse trop lavée, c'est comm' un' huître amerloque qu' ces cons, là-bas, rincent dix fois à l'eau claire avant d'la gober !
J'espère qu'au moins ell' s'astiquait les recoins pour s'laisser grimper. N'à c't'époque, les blablutions s'opéraient à sec ; faut dire qu'Jacob Delafon encombrait pas les appartes comm' d'nos jours où qu'on peut accumonceler des réserves d'patates dans les baignoires.
N'à peine il a décarré qu' la mère Bonaparte se fait r'luire la chagatte à tout berzingue, allant jusqu'à s'embourber les têtes d'camp d'son mec : Murat et Junot qu'il a envoiliés à Paname pou' la chercher ! Tu parles d'une incendiée d'la craquette. Question d'faire décharger la populace, son fion c't'était le port du Have ! Sans compter qu'elle s'tait entichechée d'un bioutifoule yeut'nant nommé Hippolyte, comm' l'garçon à mon n'veu Patrice !
Et pendant qu'on lu décoiffe l'frifri à coups d'guiseau, l'grand conquéreur lu écrit : « Prends des ailes, viens, viens ! Un baiser au cœur et puis un peu plus bas, bien plus bas ! » C'qui indiqu'rait qu'y lui interprétait des tyroliennes d'broussailles et lu écrémait l'brigounet à la menteuse !
Ou j' m'goure ?
Leur vie couplière à Poléon et Joséphine cahin-cahate, va son ch'min, av'c des z'hauts et des bas : y s'aiment, y s'aiment plus ! Y s'font des scènes, puis liment pendant trente-six plombes. Des comédies d'louftingues !
Un jour, y vire les affaires de sa bobonne su' le perron, et puis vite les fait rerentrer et lu file une bourrée auverpiote dans l'porte-pébroque. Les sens, quoive !
J'sus là : j' blablate mais faut t'en viendre au point culminatif d' la vie : l'Empire !
T't'rendes compte l'culot qu'y faut à un gonzier pou' s'faire déclamer empereur quinze piges après la Révolution d'89 ? Les burnes du m'sieur ! N'avait pas peur des mouches à miel pisqu'il en fait broder plein son manteau !
Son couronnement, oh pardon ! gaffe aux châsses ! Y fait viendre l'pape d'Rome : Pie VII. Y a 22 000 invités ! La monstre foiridon. Il eguesige que ses frangines et la bergère de Joseph portent la traîne d'la mariée ; ces pétasses font exprès d'tirer d'ssus pour essayer qu' la belle-sœur s' casse la gueule. Reus'ment, mon grand-onc' s'en aperçoive et pousse un' bramante.
L'soir du sacre, il décide de claper en tête à tête avec sa vioque. Lui fait conserver sa couronne su' la calbombe pendant qu'y l'empaffe. Dans l'fond, il aime s' marrer.
Tout à fait entr' nous et moive, Berthe, je croye qu' c'était un' sorte d'jeu, son empire, à tonton.
Y voulait s'rend' compte l'à quel point les hommes sont cons !
Ben, il a vu !
Sa déburneuse a eu, toute leur vie ou presque, barre su' lui. Y chocottait d'vant elle, grande mectonne espérimentée, championne du radada, qui s'y entendait pour le finger dans l'moule à bronze, l'paquet de couilles fic'lé, les nichebab's à la coque, l'œil à P'tit Lu, y court, y court l'furet, la servante du curé, l'banc d'huîtres perlières, l'bonheur du meunier, la tulipe à Fanfan, l'casse-noix d'Vénus, la folie des Carpates, la dent'lière d'Bruges, l' coup'-cigare à molette, mes légumes en vidéo, le poireau rassis, les fourches de Claudine, l'arroseseur arrosesé, l'happé des braves, Popaul va au r'file, la valvule mitrale et le donjon d'Vincennes en raval'ment. Av'c c't' polisseuse d' bite, les pires coups étaient bonnards ; y pouvait tout lu d'mander : des combines qu' l' plus vic'loque des Chinagos n'eusse pas été capab' d'inventer.
Nanmoins, la chair fraîche continue d'lu flanquer la tricotine. Assurément, sa vraie longueur d'onde c'est les bouillaveuses d' dix-sept piges pas encore compostées du berlingue. Et c't'en ça qu'on s'ressemb' pas, moi et lui. J'raffole des grandes babasses disloquées, comm' la tienne, plutôt qu' du frifri des bêcheuses. Un' chagatte, faut s'y sentir chez soye, sinon é t'gêne aux entournures comme des godasses trop étroites.
Avec les gamines y n'prenait qu'un m'nu pied d'petit rat d'opéra, mais c'tait le panard d'la dominance, biscotte, dans sa Ford intérieure, y manquait d'autoritance vis-à-vis des fatmas.
Un doigt dans la fente en cherchant des trèfes à quat' feuilles, à la rigoriste ! L'bouffage d' cul glouton, n'en était pas question ! J't' caresse l'duvet, te gnoufgnouffe l'oreille, te bisouille le r'vers du poignet ; but achtung pour la suite, comme disent les Britiches. Mollo, Max ! D'abord, ça s'passait toujours chez les vieux de la fillette, av'c papa-maman qui morflaient des org'lets à guigner par les trous d'serrure.
A la firste bisouille su' l'bout du pif, ils saccageaient la lourde, ces croquants, d'mandaient si sa généralerie, puis, aftère, son impériosité avait b'soin d' quèqu' chose. Tu parles : l'avait b'soin qu'on lu laisse embroquer la gamine, Napo ; ne d'mandait qu'à y asperger la tartiflette au jus d'burnes, mais bernicles, comm' disent les Br'tons. Alors, la plupart du temps, l'éternuait dans son mouchoir, m' nonc', comme Monsieur quand la soubrette y consent une petite branlette d'boudoir entr' deux lourdes.
On s'imagine ; mais la vie des grands d' c' monde est souvent moins r'lusante que leurs atours. Tu croives qu'y z'ont l'fion torché au coton-tige, mais t'oublilles qu'ils chient des oursins !
Passons su' ses amours styl' S'maine d'Suzette pou' en arrivever à des choses plus sérieuses.
Tu l'auras r'marqué, Berthy, ses batailles, je m'en cire l'oigne. Soilions réalisses : tonton pinçait l'lobe d'ses soldats ou les médaillait su' le champ d' bataille, leur f'sait écluser un coup d'gnole à son thermo, c'qui n' l'empêchait pas d'espédier tout' la jeunesse française au casse-pipe. Des milliers ! Des dizaines, des centaines d'milliers, j' t' l'ai déjà dit. La seule chose qu'importait, c'tait les victoires : cell's d' la gare d'Austerlitz, de l'avenue d' Wagram entre z'autres. Ses grognards clapaient des nèfles, arpentaient du ruban, allaient s'faire zinguer ou tronçonner à des chiées de bornes d' chez eux et couraient à l'étripaille en brandissant des drapeaux plus effrangés qu' les manches d' mes calbutes. Et cézigus matait la bigorne en scope-couleur, le lampion à la lorgnette, d'puis son bourrin blanc, mettant calmos en scène cette produc en vistavision.
« Mettez-moive un' chiée d'lanciers su' l' flanc gauche ! Maint'nant, faites charger les dragons ! Et les canonniers, dites ? Y s'bougent le fût, les canonniers ? J'voye un sergent qu'est en train d'débourrer derrerière la ferme, là-bas, il attend quoi t'est-ce ? Que j'y porte du papier ? J'ai qu'ma carte Mich'lin ! »
Rien n'y échappait, alors il vainquait, logique ! Et plus y vainquait, plus y f'sait rebelote, biscotte y croiliait en son étoile, mets-toive à sa place…
Et pis v'là qu'un beau jour, y s'pointe en Pologne pou' r'mett' de l'ordre dans c'pays, rayé du nomb' des nations. Le peup' l'attend comm' l'av'nue d'Messine. Braves mecs, les Polacks. On a toujours eu un penchant pour eux. A quoi c'la tient-ce ? Mystère. On aime le picrate, eux s'poivrent à la vodka ; on raffine à table, y bouffent moins bien qu'nos cochons. P't'êt' que ça vient d' not' r'ligegion commune et d'nos goûts pou' la baisanche ?
Peu n'importe. On constate.
J't' l' répète, l'Napo est acclamationné en n'héros. C'trèpe su' sa route ! L'Tour d'France au Galibier ! Les Champs-Zés un soir d'coupe du Monde ! Y fait un froid d'canard. Et v'là qu'au r'lais où y doit licebroquer et changer d' canasson un' ravissante etvery hübsch personne s'avance vers lui av'c son teint d'aubépine en fleur et lu gazouille : « Soiliez l' bienv'nu, mille fois l' bienv'nu su' not' terre ! »
M' n'onc, ça lu glatifouille les roustons, un' darlinge aussi giscarde, bien polonaise d'partout, avec un sourire adorab' d' p'tite gosse qu'a envill' d' s' branler la motte. Après des jours à s'tanner l'fion dans sa calèche qui lu confectionne d' la purée d'hémorroïdes, son guiseau module du capuchon ! Comment t'il lu accorderait un visa pou' son plumard, à la jolie !
D'autant qu' c'est pas du lot à réclamer ! Marie Walewska, jeune épouse d'un vieux birbe de soixante-huit berges, deux fois veuf, dont la nobliance r'monte à dache !
En l'aperc'vant, Tonton s' sent partant pou' le grand ramonage d'hiver. Arrivé à Varsovie, il s'installationne au château d'Zamek et y donne des sauteries dont auxquelles est convivée tout' la noblesse polack.
T'as pigé que la p'tite Marie est r'çue en têt' de liste. Avant qu' la fiesta soit ach'vée, il y carre un' babille dans la fouille ainsi délibellée : « Je n'ai vu que vous, je n'ai admiré que vous, je ne désire que vous. Une réponse bien prompte pour calmer l'ardeur de N. »
C' n'était pas d' la dentelle mais ça payait !
N'en out' comme deux d'ses têtes d' camp avaient fait les jolis cœurs auprès d'elle, y les fait muter en première ligne !
C'est vach'ment avantageux d' êt' emp'reur !
La jolie Marie, c' t'un deuxième printemps pour lui. Sa santé l' tracasse d'plus en plus. L'estom', comm' toujours. N'est plus fraîchouillard. Sa frite s'faisande. Y jaunasse ! Sa gueul' vire tarte aux fraises ! Mais sa Polack y fait gonfler les amygdales du bas ! N'au début, quand t'est-ce y s' retrouvent seulâbres dans un' piaule, la mignonne « s' refuse t'à lui » qu'on disait alors. Faut admett' qu'il ragoûtait guère av'c ses bubons blancs pareils à la chaîne des Alpes. Il lu off' des bijoux : ell' les r'pousse ! Il s'enrogne ! A quoi slave sert-il d'êt' l' bon Dieu si un' p'tite Polack peut t'envoilier chez Plumeau, l'perruquier des zouaves ? Dis, bêchons pas ! Qui c'est qui licebroque su' l'évier, ici ? N'à la fin, ell' triomphe du panais, Sa Majesté ! Puis court se chicorner à Eylau ! Gagné ! Et trente cinq mille troufions su' soixante mille restent su' l' carreau !
After c' t'esploit, il r'trouve sa gisquette et y se claquemurent dans un' turne aux volets clos. Les parades, les soirées ? Elle en a rien à s'couer. Après l'avoir grimpée cosaque, il travaille. Elle le contemplationne. Enfin un' vraie femme qui s'intéresse à ses bourses mais pas à sa bourse !
L'incomparable conteur, « le » Schéhérazade du pauvre, l'historien aux langoureuses flatulences, cessa de parler pour placer ses mentons entre les seins dunlopillesques de son épouse. Séduit par l'évocation des charmes délicats de Marie Walewska, il se mit à déguster le casoar de son épouse ; non par basse gloutonnerie, mais pour rendre un hommage posthume à celle qui, avec Mme Curie, devait placer si haut la femme polonaise dans l'esprit des Français.
Lorsque fut achevée cette sobre cérémonie, il alla boire deux verres d'aramon et reprit son récit.
M'nonc' fait alors c' qu' font tous les mecs qu'ont longu'ment vadrouillé : y rent' chez soi.
Pas bandant : la Joséphine a morflé un peu plus d'carats et d'vient gentiment blette ; c'est la vie.
L'Empereur s' farcit quéqu' radasses déjà enfournées naguère, manière d' s'entr'tenir la sulfateuse à purée, mais y s'languissante de Marie-la-Jolie. N'en attendant qu'elle vinsse, il organise la vie au château, lui qu' les fiestas mondaines font tell'ment tarter ! Mais y n'trouve qu' des frimes d'enterrement. Un jour, y demande à Talleyrand, l'vieux madré qui boquille, pourquoi tout le monde a l'air si triste. L'aut' qu'a son franc-parler lu répond : « C'est que, Sire, ici comme à l'armée, vous avez toujours l'air de dire : En avant marche ! »
Et c'est vrai qu'y s' plume. Y chope d' la brioche. L'Aigle av'c un bide d' chanoine, ça la fiche mal ! Sa bouille s'met à enfler z'aussi et ses douleurs dominales lu chamboulent la boyasse. A pas quarant' carats, ça promet ! Un coup d'embellie : l'arrivevée de Marie à Paris, toujours pareille à elle-même. Tout c' qu'a lu d'mande c'est d' s'occuper d'la Pologne, mais l'Espagne est le nouveau dada du Corsico. La guerre, encore ! Et d'aut' batailles qui s'mijotent comm' la soupe dans un' marmite, au coin d'la ch'minée.
Alors, en route, mauvaise troupe !
Y a déjà comm' un' odeur d' roussi dans l'air !
L' 30 novemb' 1809, y dîne seul avec Joséphine et lui casse l'morcif, style : « Ça commence à bien faire, la Mère, l'moment pou' moi est v'nu d' changer d'monture. J' t' vas filer cinq bâtons par an pou' t'ach'ter des granulés et tu remballes tes culottes, ça joue ? »
N'à ces mots, ell' s'évanouit, comm' toujours à c' t' époque épique. Il appelle l'préfet du palais, un nommé Bausset, y ordonne d' coltiner l'impérateuse dans ses appartes. C'gazier est gros, maladroit : il faille laisser choir la Dame.
La pâmée murmure :
— Vous m' serrez trop fort !
Et s'lon moive, elle aurait ajouté : « Sac à merde ! » Mais j' veuill' pas empiéter su' l'Histoire.
Su' ces entr'fesses, l'ambrassade d'Autriche lu envoye une bonn' nouvelle : c'est banco pou' l'mariage d'Poléon et d'Marie-Louise !
Le fion beurré, il a, tonton.
Oh ! le Napo, tu l'aurais vu, à l'vance de sa belle choucrouteuse, avec son slip propr' et ses bubons pressés comm' des raisins de Corinthe su' la rout' d' Soissons !
Il a vach'ment envie d'se la composter, la Marie-Louise ! L'a des photos d'ell' su' émail et il est partant pour la partie d' jambons. Y z'en font d' l'estra moelleux, là-bas !
Un' fois d' mieux, y va s'calcer un' jeune fille vierginale d'partout, garantie su' facture. Ses vieux y ont préservevé l' berlingot jusqu'à avoir écarté d'sa vie tous les animals mâles, si bien qu'ell' a même jamais vu s'enculer deux mouches ! L'éclat du neuf, ça, ell' l'avait, la môme.
Donc, Poléon fait l' pet su' la départ'mentable d'Soissons, si j' puis-je dire, et voye radiner la guinde. Y s'précipite, bondit dans la calèche à Poupette. Vacca, le Jacques Pote ! N'a pas été viandé su' la marchandise, Pommier ! La gosseline, c'est pas du laissé-pou'-compte, espère ! Elle est tout' jeunâbre, fraîchouillarde, parfumée, ros' kif la tronche d'mon nœud. Et pas anémiée, j' t' fais valoir ! Les loloches comm' deux fois l'dôme des seins valides, des z'hanches copieuses, les tifs blonds cendreux et un' bouche à pomper des chibres d' débardeurs malgaches !
Vite, un pucier, qu'y lui fasse marquer huit heures vingt av'c les jambes !
Tonton la présente à la Cour, mais les avis sont pas onanismes. Av'c son mec, elle est rigoleuse, cajolante. Ell' fait sa follingue quand y lu apprend à monter à ch'val ; s'l'ment, visse-à-visse des aut', elle bêche un peu beaucoup. Visionne les gens de haut, tel Maâme Granieux, not' ancienne charcutrière qu'est cannée d'un cancer, l'année des inondations. Vois-tu, Berthe, y a une chos' dont j'attire ton intention : c'est qu'avec les bonnes femmes, Poléon s' montrait trop personnel pour qu'elles eussent du goût à fréquenter l'monde.
Nez en moins, la Marie-Louise est un' bonne pouliche : en deux coups d' tringlett' dans les montants, la v'là en cloque. Tu d'vines l'bonheur d' mon onc' ? Ils l'ont dans l'prosibus, les glandus qui l'prétendaient fané des noix !
Mais l'accouch'ment n'est pas un' partie de croquet pou' l'Impérateuse, pas plus qu' pou' son chiare. L' docteur Dubois, l'batracien, en chie des tringles à rideaux pou' l'ram'ner à la surface, le roi d'Rome ! Pauv' biquet ! En v'là t'un qu'a jamais été vergif. Son destin aura ressemblé à un rat cr'vé derrière un' malle !
L'Empereur tire un coup.
Ses canonneurs en tirent cent un.
Tout va très bien, Maâme la Marquise !
Sauf l'Empire…
Ça va de mal en pisse, ma Berthy ! Les Russcoffs sont en guerre cont' nous ! On croive qu' ça va chauffer pou' leurs miches, biscotte Tonton est à la tête d'un' armée de six cent mille mecs ; mais l' tzar s'en caresse la pomponnette. Il ricane : « Je ne me fais pas d'illusions ; je sais combien l'Empereur est un grand général, mais j'ai pour moi l'espace et le temps. Si Napoléon fait la guerre et que la fortune lui sourit, il faudra qu'il signe la paix sur le détroit de Béring ! »
C' t' fois, l'Empire, c'est vrai, en morfle un sacré coup dans les meules.
L'invincible Armada prend d' la gîte : les troufions s' suicident, nases d'trop arquer av'c un barda d'trente kilogrammes sur les endosses.
M' n'onc' lu aussi est grogginche : il a la tronche lourde, les cannes enflées, y licebroque tout just' quéques gouttes à la fois, n'au lieu d'êt' resté d'vant son mouflet à y faire des papouilles su' les miches ! Pourtant il veut vainquir l'armée Koutousov et entrer à Moscou.
Encore un effort ! puis un aut', la terre est couverte de morts ! Les cadav' sont détroussés, mis à nu. Tu t'croives en enfer !
Il s'pointe enfin à Moscou. Mais qui l'a dans l'baigneur, Monseigneur ? Lui ! La ville, bâtissée en bois, crame comm' un chapeau d'paille.
C'est la monstre faillite ! Alors, tu sais c'qu'y branle pou' s'changer les idées ?
J'vais t' l' dire, mais tu n'me croireras pas : il rédactionne un décret organisant la Comédie-Française !
La neige s'prend à tomber à gros flocons comm' la lune. Quéqu' jours encore et il met les adjas sous prétesque d'aller chicorner l'armée ruscoff !
Mon zob ! N'en réalité, la r'traite d'Russie est commencée !
L' général Hiver ! disaient les Popofs.
Y s'en souviendra, m'n'Empereur ! La caval'rie et l'artillerie s'traînent. Les soldats carbonisent les bourrins pou' boire leur sang et bouffer leur foie. La Berezina bérézine en charriant des glaçons ; les pontonniers pontonnent. La Grande Armée (à droite en sortant de Moscou) l'a dans l'prosibe. Comm' y a pas d'taxis, ell' rentre à pince, et ça en r'présente des ressm'lages de groles pour aller du Kremlin au Kremlin-Bicêtre !
Tonton qui n'aime pas rester les deux pieds dans la mêm' calèche moule ses guérilleros et fonce su' Paris. Ouf ! L'a eu froid aux plumes !
Il déboule aux Tuileries. Son chiare, l' p'tit II qui commence déjà à arquer, s'jett' dans ses bras. Puis c't'au tour d'la Marie-Louise. Il fait un gros poutou au môme et va tirer l'Impératrice biscotte il est en manque d'radadoche.
Peu n'après, son beau-dabe l'fait marron en attaquant la France dont malgré qu' sa fille en soye l'impératrice. Dans l'oigne la balayette ! Son spectre lui est arraché des mains. Finito la belle aventure dorée sur tranche. Il est dégoûté d'tous ces jean-foutre qui s'bousculaient pou' lu lécher les roustons et qu'agglutinent à présent pour y tirer des pénos dans la poire.
Alors y résolve d' s'casser à l'île d'Elbe, plutôt qu'en Corse, n'voulant pas amputationner la France d'son pays natable.
L'traité d'Fontain'bleau lu en fait cadeau, plus un' pension confortab'. Du coup, Poléon s'transforme en p'tit roit'let peinard, parmi les orangegers en fleur. Joséphine vient d'canner, finitas l'passé ! Y s'intéresse à la culture, fait planter des oliviers, des mûreriers, des patates, des châtaigniers. Construit des routes, installe l'eau potab'.
Il prépare un apparte pou' sa régulière et son moutard, mais on dix raies qu'il a pas tell'ment envie d'les revoir. P' t'être parce qu'il aurait contrecarré une chaude-lance ; à moins qu'il n'voulusse point leur montrer sa déchance ?
La Marie-Louise s'console en f'sant une cure thermale à Aix-les-Bains. Son vieux lu a fourni un ch'valelier d'honneur : l'comte de Neipperg, beau mec bien musclé, sédusant malgré l'bandeau noir qui cache son lampion cr'vé à la guerre.
Le borgneau s'l'envoille recta d'vant les cygnes du Bourget. Ell' oublille Napo en deux coups d' gourdin in the moniche. Par la sute, il l'épousera, lu f'ra d'aut' lardons pendant qu' le pauv' p'tit roi de Rome glaviot'ra ses soufflets à Vienne !
Pleure pas, Berthy, c'est la vie : y a pas qu' les pauv' qu'ont la scoumoune !
Et la gentille Marie Walewska ? vas-tu-t-il m' demander. Ben ell' s'radine à l'île d'Elbe voir son cher amant. Trente balais, toujours aussi bioutifoule, la Polack. Elle s'amène avec son r'jeton, un esquis blondinet qui ressemb' à çui d'Marie-Louise.
A c'instant, tonton pige qu' Marie est la gonzesse la plus nob' et généreuse qu'il aye connue. Pourtant, il l'oblige à décarrer et ell' ira claboter trois ans plus tard à Paname su' Seine.
Ça fend' le guignol, hein, la Grosse ? Les histoires, faudrait jamais les raconter jusqu'au bout car elles finissent toujours en eau d'boudin !
Bon, j't' préviens : rest' plus qu' du tristounet à bonnir ; pas la peine d' s'attarder.
L' Corsico décide d'faire un comme baque et l' v'là qui débarque à Golfe-Juan, près d'chez Tétou où qu' d'nos jours tu bouffes la meilleure bouillabaisse d' la Côte.
Tu peux pas savoir, darlinge, l'enthousiasmage qu'il provoque. Tout' l' mond' l'acclamationn' et veut r'monter su' Paris à son côté.
La grosse ganache d'Louis XVIII avait confié au maréchal Ney la mission d' l'intercepter. En r'voiliant son Emp'reur, Ney y tombe dans les bras, ce qui lu vaudrera d'êt' flingué quéques mois plus tard.
Ensemb' ils marchent su' la capitale et l' Gros Loulou remballe d'urgence son râtelier et ses pantoufles !
Hélas ! c' r'tour triomphalesque n'durera qu'cent jours, montre en main. M' n'incorrigib' fonce à Waterloo ! La castagne est brûlante comm' un fer à souder. A un moment où y a du flou dans les opérations, v'là une nouvelle armée qui s'pointe.
Les nôt's croivent qu' c'est Grouchy et qu' tout est sauvé. Mon paf ! C'est Blücher ! Comm' qui dirait un Frizé ! Enculage intégral. L'Aigle est définitivement déplumé du croupion et n'a plus qu' des fourchettes à huîtres en guise d'serres.
L'22 juin 1815, m' n'onc abdique, sinon c' s'rait probab'ment moive qu' je régnererais su' la France, ma poule.
Il décide d' mett' son sort ent' les mains des Rosbifs. Ç'aura été la meilleure idée d'sa vie ! Tu les connais, les buveurs d'thé, ma chérille ? Des empaffés d' première ! Faux culs et consorts ! Ces têtes d'haineux s'hâtent de l'embarquer à bord du Northumberland, et en rout' pou' Sainte-Hélène, tout au bout d' l'Atlantique. Su' l'barlu, il fête ses quarante-six carats.
Joilieux anniversaire, tonton !
Arrivevée à Sainte-Hélène.
Tu parles d'un' estation baleinière ! A deux mille kilbus d' l'Afrique, paumée au milieu de l'océan. L'île est noire et aussi sympa qu'un' napp' d' pétrole larguée en pleine mer.
Pendant qu'on aménage sa résidence, il loge chez des Britiches : les Balcombe. La daronne ressemb' à Joséphine, les mômes pétulent et l' proprio tutoie un peu sa boutanche d' vouisky. Napo va y passer deux mois plutôt plaisants. La situasse est asser farfadingue ; c' t' famille éloignée d' tout qui hébergiste un empereur, y a d' quoi s'frotter l' dargeot su' un' banquise jusqu'à qu' ça fasse des étincelles !
Mais la crèche d' m' n'onc' est prête et y s'y installe. La maison est sur un plateau dominateur, chahuté par les vents. Six pièces, un temps d' merde. La lance n'arrête pas d' tomber. Pour un gonzier qu'avait à disposance les plus bioutifoules palazzios d' France et d'Europ' ça fait un peu chétif. Nanmoins, tonton fait comme si tout baignait. Y sauve les apparences. Par exemp' pou' le dîner, faut qu' les mecs soyent uniformisés, avec batterie d'cusine à l'appuille et qu' les bergères portassent des robes d' cérémonille. Note qu'a sont pas nombreuses, les dames, t'as la comtesse Bertrand et Maâme d'Montholon (apparentée au Square). Qu'y s' les soye enchtifées m' paraît aussi certain qu' probab'. A part d'leur pétrousquin, y s'occupe en dictant ses mémoires à un gussier nommé Las Cases qui l'a suiville à Dache-les-Bains éponger ses souv'nirs.
Ça l'distraye. Moive, j' m'ai toujours fais tarter dans une île, qu' ce soye cell' du bois d'Boulogne ou l'Angl'terre. J'pars d' la principauté que n'où qu' j' soye, faut qu' j' peuve rentrer chez moi à pince.
C't' vie pas bandante va t'encore s'gâter. Un nouveau dirluche est nommé dans l'île ; un sale con rouquinos d'son âge appelé Hudson Lowe.
Rien d' plus vérolant qu' c' grand teigneux à la peau brique ! L'Empreur la sent passer. Lowe explusionne Las Cases, puis son toubib alors qu'tonton est déjà très malade.
La mère Montholon qui, vraiment s'faisait trop tarter laguche, r'joigne l'Europe. Cipriani, son maît' d'hôtel et homm' d'confiance clabote.
La joie. Pardon : the joyce !
Napoléon Pommier traînasse encore trois piges dans c' coinc'teau paumé. Son chouf le broute. Pour la pr'mière fois d'sa vie, y s'fringue en civil, r'semblant à n'importe quel M'sieur Marcel du bistrot des Négociants.
L'aut' jour, en rentrant d'voiliage av'c Sana, on a écrasé un aigl' su' la route.
Tu m'croireras si tu voudras, Berthe, mais c' t' oiseau de proie mort m'a fait penser à Lui.