PUISQUE TOUT A UNE FIN

Le cortège composé de dix fiacres loués pour la circonstance traversait majestueusement le pont de la Concorde.

Dans la première voiture avaient pris place Napoléon IV et l'impératrice Berthe. Dans la seconde, des maréchaux en pire, dans les suivantes des invités triés sur le volet (dont je faisais partie).

Le pont franchi, le cortège poursuivit sa marche en direction des Invalides qu'il atteignit un quart d'heure plus tard.

Un valet de pied, accroché derrière le véhicule du couple impérial, se précipita, nanti d'un petit banc chargé de faciliter l'extraction des époux célébrissimes.

L'Empereur le négligea pour descendre, par contre, l'impératrice eut la fâcheuse idée de l'emprunter et s'étala sur l'esplanade.

— Mais, bordel à cul de merde ! T'n'peuves pas faire attention, bougresse ! rugit l'Empereur. S'éclater la gueule just' z'au moment qu'on nous flashe pour la poste-héritée, y a qu'toive !

— Je vais en prendre d'autres ! avertit le photographe tout en aidant la souveraine à se relever.

Cliquètements, éclairs, et l'on s'avança vers l'auguste construction.

— Oh ! putain, c'est la couillerie en branche, clama Napoléon IV. J'ai plus pensé qu'on est mardi et qu'les musées sont fermagas !

Une houle consternée parcourut la petite assistance. Je fis alors remarquer qu'un hommage extérieur à l'illustre devancier était aussi valable qu'un hommage in door, et serait après tout moins contraignant.

L'objection galvanisa l'assistance.

Il y eut des vivats, des hourras, même. On entonna une fois de plus La Marseillaise, ensuite on congratula le couple impérial, puis on s'assit pour déballer les paniers de victuailles.

Tout en mangeant, Sa Majesté, poussée par l'ivresse de sa propre gloire, ne put résister au besoin de narrer à l'Impératrice la vie de son illustre devancier.

Et ce fut, en fin de compte, l'une des plus belles journées du Quatrième Empire.

FIN DU ROMAN
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