XIII

Précaution inutile : dans ce lac de sirop, voici que tombe un pavé. Nous voulions en finir de ne pas commencer. Nous en finirons purement et simplement. Trois jours plus tard, Madame Mère a tout liquidé.


Mâchonnant un refrain, je rentre de la Santima. Je ne me doute de rien. Il fait si bon dehors qu'en grimpant l'escalier je regrette ce soleil neuf qui recrépit la maison. Personne dans le vestibule, personne dans la salle à manger. Mais quel est ce remue-ménage du côté de ma chambre ? Des cambrioleurs ne feraient pas mieux. Mon épaule fait valser la porte entr'-ouverte.

Tableau ! Il s'agit bien d'une variété de cambriolage. Mon linge, mes papiers, mes vêtements sont dispersés un peu partout sur le lit, sur la table, sur le parquet. Mme Rezeau vide passionnément les tiroirs de la commode. M. Rezeau, à cheval sur une chaise et le menton à ras du dossier, la regarde faire en bâillant. Dans un coin, raide, les bras croisés, la tête vissée sur l'écrou de sa guimpe, la mère Polin assiste impuissante à la fouille. Au bruit de mes pas, les trois visages se sont détournés ; ils braquent sur moi leurs prunelles de couleur et d'intensité diverses.

— Tu fais des dépenses somptuaires, mon garçon ! grince ma mère en palpant mon costume gris.

— As-tu des nouvelles de Fred ? gémit mon père.

— Vos parents… ont exigé… bredouille la veuve.

Pendant deux minutes, c'est un parfait cafouillage. Ils parlent tous ensemble de choses différentes. Enfin la voix de ma mère se dégage, stridente :

— Allez-vous me laisser parler ?

Six mois de « fatigue » lui ont donné une mine superbe. Elle poursuit dans le silence :

— Joli costume pour faire le joli cœur !… Alors, Jacques, vous dites son fait à ce garçon ?

A pas de souris, sur l'extrême pointe de ses chaussons de feutre, la mère Polin gagne le vestibule. Le vieux se tasse. Ce n'est plus son menton, c'est sa moustache, puis son nez qui repose sur le dossier de la chaise dont il souhaiterait de tout cœur qu'elle devînt paravent.

— Je suis très renseigné, commence-t-il péniblement. Donc, inutile de nier…

— Nous te faisions surveiller, précise Mme Rezeau. Ton père n'est pas substitut pour rien.

— Ferdinand et toi, vous me donnez bien du souci…

— Heureusement que nous avons Marcel !

Ce discours continue, à deux voix, l'une renforçant l'autre. Nous sommes de très grands coupables, paraît-il. Fred, profitant de ses vingt ans, majorité militaire qui le dispense de toute autorisation, s'est engagé dans la marine, comme simple matelot, sans prévenir personne. Quant à moi, je compromets mes études et je ridiculise ma famille en pelletant du sable sur les quais de la Maine. Je compromets surtout mon avenir et je ridiculise derechef ma malheureuse famille en faisant d'une Ladourd la dame de mes pensées, en m'affichant tous les dimanches rue du Pré-Pigeon. Un Rezeau et une Ladourd ! Quelle aberration ! Les Ladourd ont de l'argent, il faut le reconnaître, mais si j'aime l'argent, ce qui est assez répugnant sans être absolument déraisonnable (M. Rezeau regarde sa femme, une seconde), on peut en trouver plus tard, qui ait moins d'odeur. Plus tard, car je n'ai point l'âge de songer sérieusement à des choses si sérieuses. M. Rezeau s'est échauffé, place une tirade, que ma mère ponctue d'apostrophes… Certes, les circonstances ont changé, certaines positions ont dû être courageusement révisées, certaines nécessités satisfaites. Mais dans un esprit de charité sociale et surtout familiale, dans l'unique but de conserver à la France d'indispensables valeurs et de conserver aux Rezeau cette excellence, cette suprématie spirituelle qui n'abandonne rien au siècle et s'adapte au nom d'une tradition. Puisque les mérites acquis, les fortunes acquises ne défendent plus leur homme, la situation et l'établissement prennent une importance chaque jour plus grande. Ratés et mésalliés n'ont jamais été plus dangereux, car tous les membres de la famille doivent accumuler les avantages de leurs situations et de leurs alliances pour tenir tête à la subversion. Une mésalliance a toujours été une boulette : elle devient une trahison. Au surplus, la révolution et ses avant-gardes, qui voltigent au-devant d'elle sous des uniformes divers, ne sont pas le seul danger. Un contre-courant se produit, fort souhaitable, mais qui charrie le meilleur et le pire. Une foule de parvenus, qui se croient mûrs pour voguer en bourgeoisie, y lancent leur petit bateau, cherchent à se faire prendre en remorque par des imbéciles comme moi. Car je suis un imbécile, doublé d'un ingrat. On sait à quoi riment tous les généreux prétextes dont se couvrent les esprits forts, les esprits qui se veulent avancés et qui sont tout au plus en porte à faux. Ils cherchent à se venger de leur incapacité en épousant glorieusement la jalousie des petites gens ou leur ambition, quand ce n'est pas leurs filles. Faute de pouvoir briller en bonne place, ils vont faire leur ver luisant parmi les médiocres. Ne pas confondre, d'ailleurs, médiocrité subie et médiocrité volontaire. Un Léon Rezeau, une Edith Torure, conservant en leur âme les raffinements d'une éducation qui, que… enfin, je la connais, bien que je feigne de la dédaigner… Un Léon Rezeau, une Edith Torure, voire un Fred, ne déchoient pas dans la mesure où leur médiocrité provisoire est un tremplin qui leur permettra de remonter, par bonds successifs, aux avantages matériels qui garantissent en fin de compte la nécessaire stabilité des élites. Mais que peut-on attendre de moi, de mon esprit de reniement, que n'excuserait même pas une réussite solitaire, au demeurant fort improbable… ?

— Bref, tranche Madame Mère, qui a visiblement envie de passer aux travaux pratiques, nous ne pouvons te laisser abuser de la liberté. A la fin du mois, tu quitteras Mme Polin. Nous avons enfin obtenu du recteur une chambre aux internats. Là, règne une certaine discipline : on n'en sort pas le soir sans permission et sans motif. Par ailleurs, tu abandonneras la Santima pour te consacrer uniquement à ton Droit. Et qu'on ne te voie plus le dimanche chez ces Ladourd ! Terminé, ce flirt de quatre sous…

— Bah, bah ! N'en parlons plus, propose précipitamment M. Rezeau, qui observe mon menton et le trouve sans doute menaçant.

— … qui est peut-être une liaison ! achève ma mère, crachant ce soupçon du coin de la bouche et observant du coin de l'œil ma réaction.

Elle est simple. Au prix d'un effort inouï, j'ai retenu mon poing qui partait dans la direction de la dent d'or. Je me lève, sans mot dire ; je commence à ramasser et à ranger mes affaires. Mon père ouvre des yeux étonnés ; ma mère, elle, a compris.

— Tu n'as que dix-neuf ans, reprend-elle lentement, et nous pouvons te couper les vivres.

J'empile mes chemises et mes caleçons (façon de parler : le tas est mince), très soigneusement. Puis je tire mon portefeuille, celui que m'a donné Micou. Le bout de papier que j'en extirpe est un bulletin de paye. Toujours silencieux, allant et venant à travers ma chambre comme si mes parents ne s'y trouvaient pas, je laisse tomber cet argument aux pieds de ma mère. Je la vois pâlir, puis sourire de son terrible sourire de combat. Elle fait trois pas, feint à son tour d'ignorer ma présence et d'un ton égal s'adresse à mon père qui suce, effaré, le bas de sa moustache.

— Je ne voulais pas d'éclat, mais nous y voilà contraints. Il faut aller rue du Pré-Pigeon.

M. Rezeau, qui intervertit décidément les rôles et joue celui de la mère crucifiée, se soulève et suit sa femme. Sur le pas de la porte, il se retourne.

— Voyons, mon petit ! implore-t-il.

Je ferais mieux de continuer à me taire. Jusqu'ici mon attitude avait de l'allure. Malheureusement mes vertus cabotines se réveillent et lancent une réplique superflue :

— Suivez donc Madame. Moi, je démissionne de la famille.

Et je lui claque la porte au nez.


Ils sont partis. « Tu ne pouvais pas le gifler ! » a crié ma mère dans l'escalier. J'ai ensuite entendu des protestations confuses et un « Si, si, nous y allons » qui semblent indiquer que M. Rezeau n'est pas très emballé par la perspective de se colleter avec le borgne. Puis le bruit d'un moteur, grognant ses vitesses, s'est éloigné, s'est perdu. On n'entend plus que les cris étirés des martinets, fauchant à toute vitesse la lumière du soir. Me voici seul. Enfin seul. Enfin libre. Enfin responsable de moi.

Mais à quel prix ? Que va-t-il se passer rue du Pré-Pigeon ? Une réflexion me traverse, me donne la mesure d'une inquiétude que je ne m'avoue pas et qui me semble encore disproportionnée avec son objet, tant il est vrai que nous ne connaissons guère le prix des êtres et des choses avant de les perdre : « Si j'avais remarqué la voiture, j'aurais crevé les pneus. Je serais arrivé le premier chez les Ladourd. Peut-être aurai-je ainsi amorti le choc. » Je sais déjà que ce choc va briser mes tendres porcelaines. J'ai beau penser qu'il me forge, je n'arrive pas à l'admettre. Je connais bien ma mère et je connais bien les Ladourd : le résultat n'est pas douteux. Assis à ma table. le menton sur mes bras croisés et mes cheveux secs éparpillés sur les tempes, je laisse passer cet étonnant souhait : « Donnez-moi un miracle ! », et ce stupéfiant corollaire : « Ah ! si je pouvais prier ! » Cependant je m'aperçois qu'on gratte à la porte.

— Entrez !


Dolente, égrenant comme un chapelet son double collier de jais, la veuve s'avance sur deux patins de feutre vert. Ses longues rides, ses fanons, les franges de son châle, les plis de sa robe lui donnent l'allure d'un saule pleureur.

— Je n'aime pas, dit-elle, changer de locataire. Mais si vous voulez, vous pourrez rester. Maintenant, il faut aller chez Félicien.

Dans mon désarroi, un petit remords se glisse. Pourquoi me suis-je moqué de cette guimpe ? Il n'y a qu'elle de rigide chez la mère Polin.

— Allez vite, mon petit ! répète-t-elle. Vous dînerez après.

Comme je dévale l'escalier, elle glapit soudain avec une conviction capable de faire sauter son râtelier :

— Ah ! cette femme !


Un quart d'heure plus tard, je saute du tram, je galope, j'enfile la rue du Pré-Pigeon à l'instant précis où la voiture paternelle en débouche. Bien qu'elle m'ait certainement repéré, ma mère ne se détourne pas. Je ne peux qu'entrevoir, derrière la glace, le couperet de son profil.

En trois sauts, me voici à la porte des Ladourd, carillonnant et piétinant. Mauvais signe : ce n'est pas une des filles, c'est la bonne qui vient m'ouvrir. Je la laisse sur place et me jette dans la salle à manger.

Ils sont tous là. Ils sont tous là, silencieux, économisant leurs gestes, figés dans la consternation comme dans une tremblante gélatine. Hormis le regard du borgne qui tape droit devant lui, tous les autres m'évitent, y compris celui de Micou, noyé dans son potage et comme hypnotisé par les yeux du bouillon. L'air pue la gêne, la colère et l'humiliation. La louche tremble entre les mains de Mme Ladourd, qui gémit :

— Vous n'auriez pas dû venir !

Ce « vous », dans cette bouche indulgente, vaut déjà un arrêt. Tandis qu'elle sert la soupe et que Michelle tente une diversion en mouchant une petite, je reste planté sur le parquet, ne sachant que faire de mes mains. Enfin Ladourd se croise les bras.

— Je ne vous apprendrai pas, assène-t-il, que vos parents sortent d'ici. Le moins que je puisse dire est qu'ils se sont montrés odieux. Malheureusement, je me demande si vous n'êtes pas leur digne héritier.

— Félicien, supplie Mme Ladourd, emmène-le dans ton bureau.

Le ! Me voici réduit à un pronom ! Le borgne se soulève. Son monocle d'étoffe noire me fait peur, bien plus que son demi-regard. Mais Ladourd retombe sur sa chaise, secoue la tête comme le taureau qui compte ses banderilles, mugit son indignation.

— Elle a osé dire qu'elle regrettait de m'avoir fait confiance, que nous en avions profité pour vous jeter notre fille à la tête. Et quel air ! Et quel ton !… « Ne protestez pas, monsieur Ladourd, je » suis très renseignée, j'ai ma police. D'ailleurs, » c'est le secret de Polichinelle. Jean raconte à » qui veut l'entendre que votre fille est sa maîtresse. »

Silence. Pas un regard de mon côté. Non, vraiment, je ne te haïssais pas, ma mère, j'apprends seulement ce que c'est que la haine. Voilà bien le genre de calomnies dont il reste toujours quelque chose. Voilà bien l'impardonnable, pour eux comme pour moi. A quoi bon protester avec des mots ? Mes poings, ma mâchoire et mes yeux protestent beaucoup mieux. En vain, d'ailleurs. Vraie ou fausse, la chose est presque aussi grave. Vraie, elle me juge. Fausse, elle juge une famille où de telles perfidies sont possibles, où une Micou ne saurait vivre. Ladourd recommence à parler et c'est justement ce qu'il m'explique.

— Je n'en crois pas un mot, mais tu comprendras, mon petit, que dans ces conditions il n'y a plus qu'à tirer l'échelle. Tu nous connais. Nous sommes une famille, nous. Nous ne respirons peut-être pas à votre hauteur, mais nous avons un viscère appelé cœur. Mes filles sont libres, mais elles ne se marieront pas à la sauvette, dans la discorde et même dans l'indifférence. Si parfait soit-il — et ce n'est pas ton cas — on n'épouse pas seulement un homme, mais les siens. Dieu merci, Michelle et toi, vous n'avez même pas été fiancés, nous n'avons même pas voulu nous apercevoir de vos sentiments. Tout cela n'est pas sérieux, et ta mère aurait pu faire l'économie d'un ennemi, qui lui sera désormais tout acquis, je t'en réponds ! Quant à vous, vous êtes encore très jeunes, vous vous oublierez très vite.

Il se lève cette fois pour de bon. Je me tourne vers Micou qui n'a pas bougé, qui reste écrasée sous le poids de sa couronne de tresses. Enfin une larme tombe dans son potage, et c'est le signal d'un déluge. Aussitôt les petites allongent de pitoyables moues, Suzanne se mouche, Cécile renifle et la tante sanglote. En quelques secondes, toute la famille en est aux hoquets. Je ne sais plus où me fourrer et quand Ladourd m'empoigne fermement par l'épaule, je lui en suis presque reconnaissant.


En rentrant, j'ai déjà pris ma décision. Fred, pour une fois, m'a montré l'exemple. Je partirai demain pour Paris. Dans la matinée, je m'occuperai du transfert de mes inscriptions de Lettres, je vendrai mes livres de Droit, j'irai toucher à la Santima le peu qui m'est dû. Certes, je pourrais rester chez la mère Polin, travailler sur place. Mais La Belle Angerie est à trente kilomètres et Michelle à moins de trois. Je ne veux courir le risque d'aucune capitulation et j'en redoute deux : celle que pourrait m'imposer ma famille et celle que pourraient m'imposer mes regrets. Mendier un arrangement ou un rendez-vous clandestin, céder à mes difficultés ou à mes nostalgies, jamais de la vie !

— Alors ? fait la veuve, dès qu'elle m'aperçoit.

Et, me jugeant sur la mine sans attendre ma réponse :

— Je m'en doutais. Venez dîner, mon pauvre petit.

Mais j'ai besoin d'être seul. Nouilles et pitié m'écœurent.

— Excusez-moi. Rien ne passerait.

La veuve soupire et n'insiste pas. Le nombre de gens qui ont soupiré pour mon compte et qui m'ont ensuite liquidé commence à devenir inquiétant. Je vois bien qu'elle voudrait m'embrasser et je ne lui en veux pas de croire aux coups de langue. Les Ladourd, eux aussi, me léchaient beaucoup.

— Je pars demain pour Paris.

Mon mois est payé d'avance. Je pourrais lui en réclamer la moitié et je suis sûr qu'elle ne me la refuserait pas. Mais les petites suppliques préfacent les plus grandes. Je partirai désargenté.

— Réfléchissez bien, dit encore la veuve, égrenant nerveusement son collier de jais.

C'est tout réfléchi. Je m'enferme aussitôt dans ma chambre, et je fais ma valise en un rien de temps. Ce que j'emporte est mince et ne la remplit pas. Qu'importe ! Le plus dur, c'est de ne rien emporter d'Elle, sauf un portefeuille de peau de chagrin qui ne contient ni lettre ni photo. Quand le cuir ne chantera plus sous la pression du doigt, que restera-t-il de ce délicieux enfantillage, par qui me fut révélé un autre monde ? Un monde qui se veut révolu aussitôt que révélé ! J'en ai le souffle coupé… Eh bien ! oui, quoi ! J'allais l'aimer, cette petite. Je peux le dire avec d'autant moins de honte que ma peine est plus décorative que ne l'était mon plaisir. J'allais l'aimer et ma mère s'en est doutée avant moi. Son geste la trahit, la définit. Ce qu'elle craint par-dessus tout, ce n'est pas Micou, c'est mon bonheur. Elle m'a forcé à faire mon Droit parce qu'on ne réussit guère une carrière embrassée contre son gré. Elle vient de provoquer cette scène dans un double but. L'un, essentiel : « obtenir » mon insoumission pour en tirer un argument, pour m'éliminer, rendre mes études précaires et mon avenir incertain. L'autre, accessoire : m'atteindre en cette région profonde où elle n'a point accès, la malheureuse !

La malheureuse ? Quelle étrange intuition ! Un tel satanisme ne peut relever que de la terreur ou de la souffrance. Je croyais tout à l'heure être descendu au plus creux de la haine : il s'agissait de mon premier mépris. Folcoche la combattante est devenue la vieille, une experte et répugnante araignée. Elle a quitté le socle où la hissait mon admiration furieuse. Signe des temps, bénéfice du « flirt de quatre sous » : voici qu'il m'apparaît moins urgent de la combattre que de la réduire à l'impuissance.

Je te le dis, ce soir, au milieu de ma détresse : ma mère, je t'y réduirai. Je t'y réduirai par ce bonheur qui t'offense et auquel il faudra bien que je parvienne un jour. (Te fut-il donc refusé ou l'as-tu perdu ?) Certes, nous sommes loin du but et tu peux encore être satisfaite. Couché tout habillé sur mon lit, je crâne pour m'étourdir. Les cheveux en couronne, les yeux bleu-layette, les oignons de jacinthe, la jupe écossaise… ma petite gosse perdue !

Mais pleure donc, Brasse-Bouillon, ça ne déshonore personne.


Cette larme est tombée, mais le crocodile a trop de dents. La nuit porte conseil. Mauvais conseil, parfois. Ma seconde réaction sera différente, très Rezeau. Demain, à l'aube, j'estimerai que les Ladourd m'ont bien facilement éliminé, que Micou s'est montrée au-dessous de tout, la pleurnicheuse ! Au moment de prendre mon train, une inspiration farouche me poussera chez un fleuriste et je ferai envoyer à Mlle Michelle Ladourd une couronne de fleurs blanches, une magnifique couronne mortuaire barrée de la formule rituelle : Regrets éternels. L'instinct me commande : mieux vaut détruire que perdre.

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