Chapitre 40

Dieu l'avait prise en pitié. L'archange de la vision se tenait là, le même qui lui était apparu, armé d'un glaive, faisant reculer les esprits malins, tandis qu'un monstre aux dents aiguës qu'il semblait commander, se jetait sur la Démone et la mettait en pièces.

Et, comme elle l'avait remarqué dès la première fois où elle avait vu Mme de Peyrac, l'autre femme qui s'opposait à l'apparition diabolique, l'archange vainqueur lui ressemblait.

Un flot de joie l'inonda, comme un fleuve qui régénère une terre aride.

Pourquoi avait-elle douté ? Ne savait-elle pas que le Bien triompherait !

Il vint à elle, un doigt sur les lèvres.

– Ma sœur, je me nomme Cantor de Peyrac. Vous connaissez ma mère.

Maintenant, elle comprenait.

« Dieu bon ! Tu sais Te servir des hommes pour Ta justice et le secours des innocents. »

Son émotion était telle qu'elle dut enlever ses lunettes pour les essuyer, brouillées par les larmes.

Puis l'angoisse la poigna de nouveau. Si Mme de Peyrac se trouvait à Québec, elle était en danger.

Il secoua la tête.

– Non, ne craignez rien. Elle est dans ses domaines et mes parents ignorent même que je suis revenu sur la terre d'Amérique. Mais j'accourus vers vous, ma sœur, lorsque je sus que Mme de Gorrestat se dirigeait vers le Canada.

– Alors... Vous savez donc qui elle est ?

– Je le sais.

Les lèvres de sœur Madeleine tremblaient. Elle joignit les mains et dit précipitamment.

– Empêchez-la de nuire, Monsieur. C'est affreux. Personne ne me croit.

– Personne. Et ceux qui savent se taisent ou tremblent. Silence. Je suis seul. Il faut le silence. Ne plus rien dire. Je suis venu jusqu'à vous pour vous recommander cela, et pour que vous sachiez que je suis en chemin.

– Mais... comment êtes-vous entré ?

– Silence, répéta-t-il doucement. Il faut faire comme si de rien n'était. N'attirez plus sa vindicte... Humiliez-vous... Faites porter vos excuses... Humiliez-vous... Où est-elle ?

– Pour l'instant, l'on dit qu'elle est à Montréal.

– Cela ne l'empêche pas de laisser derrière elle un sillage de mort... Ma sœur, évitez de vous trouver en présence de quiconque demanderait à vous voir du dehors... Désobéissez à la Sainte Règle, s'il le faut... Sinon elle parviendra à vous tuer, vous aussi.

– Je ne crains pas la mort.

– Il est interdit de donner la victoire au Destructeur, chuchota-t-il, quand on le sait... Soyez plus forte que ses ruses... Moi, je vais la rejoindre.

Ses yeux brillaient d'un éclat si doux et si éblouissant qu'elle se perdait en leur rayonnement. Lorsqu'elle s'aperçut qu'il avait disparu, elle éprouva à la fois la faiblesse et l'ivresse qui vous viennent dans la convalescence, après une longue et pernicieuse maladie. Elle tremblait encore, mais désormais elle serait forte.

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