11.

Les mots de Churchill, sa résolution, son énergie, sa combativité, sa certitude que l’Angleterre vaincra, ne sont déjà plus à l’aube du vendredi 17 mai qu’un vague souvenir, comme un moment d’ivresse qui se dissipe, laissant place à une angoisse plus grande.

Churchill lui-même, rentré à Londres, déclare à ses collaborateurs qui l’interrogent :

« Les Français s’effondrent aussi complètement que les Polonais. La défaite de la France est une question de jours. La Grande-Bretagne doit se préparer à se battre seule. »


En même temps, Churchill donne l’ordre au général Gort, qui commande le corps expéditionnaire britannique, de mettre en œuvre les plans élaborés par le haut commandement français.

Mais lord Gort répond, perplexe, qu’il ne sait pas ce que sont les plans français. D’ailleurs, on ignore encore les intentions allemandes : les divisions de Panzers vont-elles foncer vers Paris ou vers les côtes de la Manche ? En outre, poursuit lord Gort, l’armée française se dissout, les soldats désemparés, la plupart sans armes, fuient, mêlés au flot des réfugiés. Et Gort, craignant de ne pouvoir résister, envisage, non pas comme l’y incite le commandement français de lancer une grande offensive, mais de préparer un réduit, autour du port de Dunkerque, qui permettrait l’évacuation des troupes anglaises, si le front s’effondrait.


Les divisions de Panzers avancent si vite que, dans la nuit du 16 au 17 mai, elles ont parcouru près de 100 kilomètres, en direction de la Manche. Elles ont atteint l’Oise.

Leur avance est telle que Hitler et le haut état-major leur donnent l’ordre d’arrêter leur progression, de crainte d’une contre-attaque française sur le flanc de la percée.

« Je ne peux pas et je ne veux pas me conformer à cet ordre qui revient à renoncer à l’effet de surprise et à tous nos succès initiaux », s’écrie le général Guderian.

Il proteste, tempête, arrache l’autorisation d’effectuer de « vastes mouvements de reconnaissance », une expression vague qui permet à Guderian et aux autres commandants de Panzerdivisionen de continuer à foncer vers la mer.


On roule de nuit, à plus de 60 kilomètres à l’heure. « Les habitants sont éveillés en sursaut par le tintamarre de nos chars, le cliquetis des chenilles, le grondement des moteurs, écrit Rommel.

« Des troupes françaises campent près de la route, des véhicules militaires sont rangés dans les cours de ferme, et parfois sur la route même. Civils et soldats, la terreur peinte sur leur visage, s’entassent dans les fossés, le long des clôtures, dans les creux du sol, ou s’enfuient sur les deux côtés de la route. »

Rommel ne dispose pas d’hommes pour garder des prisonniers, il leur ordonne de marcher vers l’est, « mais, note-t-il, ils disparaissent dans les buissons dès que nous allons en avant ».

Et puis il y a des îlots de résistance, de lourds chars français – les B1, les Renault R35 – surgissent. Les obus antichars ricochent sur leur blindage de 40 à 60 mm qui ne peut être percé.


L’esprit de sacrifice, un héroïsme désespéré animent ces hommes qui affrontent les Panzerdivisionen.

Dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 mai, de Gaulle écrit à son épouse :

« Ma chère petite femme chérie,

« Me voici en pleine bagarre… Les événements sont très sérieux. J’ai confiance que nous parviendrons à les dominer. Cependant il faut s’attendre à tout. Rien de bien urgent… Assure-toi très discrètement d’un moyen de transport éventuel… »


Le vendredi 17 mai, dans le brouillard dense de l’aube, de Gaulle lance ses chars à l’attaque, afin de s’emparer du nœud de communication de Montcornet.

C’est fait après quelques heures de combat. Mais dans l’après-midi, les Stuka apparaissent, des unités de Panzers arrivent en renfort. Aucune panique chez les tankistes.

« Il se dégage une impression d’ardeur générale, note de Gaulle. Allons les sources ne sont pas taries. »

La division a fait plus d’une centaine de prisonniers. Cependant, au terme de trois jours de combats, dans le secteur de la vallée de l’Aisne et d’Abbeville, elle a perdu 92 chars sur les 137 engagés.

Mais elle a vaincu, et on interviewe de Gaulle pour l’émission quotidienne Le Quart d’heure du soldat.

Dans la débâcle, sa division est la seule à avoir lancé une offensive et remporté des succès.


De Gaulle ignore les micros. Il parle tout en regardant le ciel de France d’un bleu immaculé, tendu au-dessus du porche de l’église de Savigny-sur-Ardres.

Nous sommes le mardi 21 mai 1940, c’est la première fois qu’il s’adresse au pays.

« C’est la guerre mécanique qui a commencé le 10 mai, dit-il. L’engin mécanique, avion ou char, est l’élément principal de la force. L’ennemi a remporté sur nous un avantage initial. Pourquoi ? Uniquement parce qu’il a plus tôt et plus complètement que nous mis à profit cette vérité.

« Le chef qui vous parle a l’honneur de commander une division cuirassée française. Cette division vient de durement combattre, eh bien, on peut dire très simplement, très gravement – sans nulle vantardise – que cette division a dominé le champ de bataille de la première à la dernière heure du combat.

« Tous ceux qui y servent ont retiré de cette expérience la confiance dans la puissance d’un tel instrument.

« C’est cela qu’il nous faut pour vaincre. Grâce à cela, nous avons déjà vaincu sur un point de la ligne.

« Grâce à cela, nous vaincrons un jour, nous vaincrons sur toute la ligne. »


De Gaulle est serein. Tout est clair, ordonné dans sa tête. L’analyse des défaites et la certitude de la victoire.

Il écrit à sa « chère petite femme chérie ».

« Je t’écris au sortir d’une longue et dure bagarre qui s’est d’ailleurs très bien déroulée pour moi. Ma division se forme en combattant et l’on ne me refuse pas les moyens car si l’atmosphère générale est mauvaise, elle est excellente pour ton mari. »

Paul Reynaud a signé un arrêté l’élevant au grade de général de brigade à titre temporaire à compter du 1er juin.

Il est cité à l’ordre de l’armée.

« Chef admirable de cran et d’énergie, a attaqué avec sa division la tête de pont d’Abbeville, a rompu la résistance allemande et progressé de 14 kilomètres à travers les lignes ennemies faisant des centaines de prisonniers et capturant un matériel considérable. »

La citation est signée Weygand, car Paul Reynaud, les samedi 18 et dimanche 19 mai, a procédé à un remaniement qu’il veut décisif.

Le maréchal Pétain est devenu numéro deux du gouvernement, ministre d’État et vice-président du Conseil. Georges Mandel, ancien collaborateur de Clemenceau, a été nommé ministre de l’Intérieur, Daladier ministre des Affaires étrangères.

Paul Reynaud se charge du ministère de la Guerre et limoge le général Gamelin, remplacé par le général Weygand.

La presse s’enthousiasme. « Ce remaniement ministériel a un sens, peut-on lire dans L’Ère nouvelle. Ce sens tient en un nom, celui de Pétain. Le glorieux vainqueur de Verdun est là… Il peut tout demander à la France. La France qui se reconnaît en lui le suivra. »

On se félicite aussi de la nomination du général Weygand qui fut le bras droit de Foch. Et que Pétain ait quatre-vingt-quatre ans, Weygand soixante-treize, alors que les généraux de la Wehrmacht ont souvent moins de cinquante ans, importe peu.


On ne veut pas savoir que Weygand a confié à Gamelin qu’il fallait « changer tout ce trafic de la politique ». En fait, Weygand méprise ces hommes politiques, Blum, Reynaud, Mandel, Daladier, qui incarnent un régime républicain détestable, symbole de l’impuissance et du désordre.


Quant à Pétain, il porte depuis les années trente l’espoir des Croix-de-Feu et autres ligueurs d’extrême droite. Il a longuement vu Goering en 1934. On l’a choisi pour le poste d’ambassadeur en Espagne parce que les « franquistes » l’admirent et le savent proche de leurs idées. Il est une sorte de Franco qui attend prudemment son heure. Dès 1938, Pierre Laval a confié à un diplomate italien qu’il prépare un gouvernement dont le Maréchal serait la figure emblématique, et lui l’instigateur et le chef.

La brochure d’extrême droite C’est Pétain qu’il nous faut a été répandue, en 1936, à des dizaines de milliers d’exemplaires.

On peut y lire : « Attention, il s’agit d’une dictature de salut public, confiée à Pétain, à Pétain seul, à charge pour lui de choisir son équipe et de proposer une nouvelle Constitution à base corporative où l’autorité du chef de l’État soit de telle sorte qu’on la sente passer. »


Il se murmure que Pétain et Weygand, dès ces derniers jours de mai, ont le sentiment que la partie est perdue, qu’il faut sauver ce qu’il reste de l’armée, pour lui permettre de maintenir l’ordre dans le pays, menacé par les troubles de la rue organisés par les communistes.

Le Maréchal et le général estiment que l’on fait appel à eux pour imposer l’armistice. Leurs références historiques, c’est 1870 plus que 1914-1918. Ils craignent une Commune de Paris. Ils sont prêts à négocier avec Hitler, qui n’est à leurs yeux que le successeur de Bismarck… Ils maudissent ces hommes politiques qui ont dilapidé les fruits de la victoire de 1918.


Ainsi, personne ne rappelle l’antirépublicanisme sournois et les ambitions politiques de Pétain. Les journaux exaltent au contraire le « rempart vivant de la patrie » que constitue le nouveau gouvernement qui fait revivre « la grande mémoire de Clemenceau ».

Seul, évoquant le nouveau ministre de l’Intérieur, Georges Mandel, l’hebdomadaire d’extrême droite Je suis partout écrit : « À une guerre juive, il fallait un Clemenceau juif ! »


Paul Reynaud semble ne pas se soucier de ces faits.

À la radio, il déclare solennellement que le maréchal Pétain restera à ses côtés jusqu’à la victoire.

« Chaque Français, qu’il soit aux armées ou à l’intérieur, doit faire ce soir avec moi le serment solennel de vaincre », conclut Reynaud. Il souligne qu’il a choisi d’être « ministre de la Guerre et de la Défense nationale, parce que le chef de gouvernement doit être placé au poste le plus exposé ».

Mais derrière la pompe des discours, la réalité implacable grimace.


Les chars de Guderian ont dépassé Amiens.

Le lundi 20, ils ont atteint la Manche, coupant ainsi les communications des armées alliées en Belgique.

Puis les Panzers remontent vers le nord, en direction des ports et des arrières de l’armée anglaise. Lord Gort donne l’ordre de se replier et d’abandonner Arras, de gagner Dunkerque. Mais les blindés de Guderian et de Reinhardt sont à Gravelines, à 15 kilomètres de là.

Et les succès de De Gaulle, à Montcornet et à Abbeville, le sacrifice dans les brèves contre-offensives des blindés français, n’empêchent pas le déferlement des Panzerdivisionen.


De Gaulle ne peut étouffer sa colère quand il apprend que Reynaud, au lieu de prendre des mesures radicales, a fait appel à Pétain et à Weygand qui l’un et l’autre ont empêché toute réforme du système militaire.

Pétain portant, lui, l’icône vénérée, une responsabilité majeure, puisqu’il a soutenu l’idée que les Ardennes suffiraient à interdire toute avance ennemie.

De Gaulle l’a beaucoup côtoyé, lui doit une partie de sa carrière, puis la rupture est intervenue. De Gaulle est un connétable qui a trop de fierté et d’indépendance pour se soumettre à Pétain.

Quant à Weygand, il est enfermé dans ses souvenirs, cultivant sa légende : bras droit du maréchal Foch !

Ni Pétain ni Weygand n’ont répondu au mémorandum que de Gaulle leur a adressé en janvier !

Et d’ailleurs, il est trop tard pour élaborer une nouvelle stratégie. Daladier, ancien ministre de la Guerre, n’a pas de mots assez durs pour juger l’arrivée de Weygand.

« Mais qu’est-ce qui a pris à Reynaud ? s’exclame-t-il. On ne change pas de cheval au milieu du gué ! Et par qui remplace-t-il Gamelin ? Mais ce Weygand, c’est une ganache ! »


Alors, il reste les prières et les mots.

Le dimanche 19 mai, le gouvernement au grand complet assiste, au premier rang d’une foule recueillie, à un office religieux à Notre-Dame de Paris. Et de là, croyants et incroyants, catholiques et francs-maçons, fidèles de l’Église et anticléricaux se rendent dans un court pèlerinage à l’église Saint-Étienne-du-Mont où sont exposées les reliques de sainte Geneviève qui arrêta les Huns d’Attila sous les murs de Paris !

Puis, le mardi 21 mai, au Sénat réuni en séance plénière, le maréchal Pétain étant assis au banc du gouvernement, Reynaud monte à la tribune. Il fait applaudir le « vainqueur » de Verdun, et Weygand qui incarne l’âme de Foch :

« La France a la fierté de penser, dit-il, que deux de ses enfants qui auraient eu le droit de se reposer sur leur gloire sont venus se mettre en cette heure tragique au service du pays ! »

On l’acclame, il se redresse comme s’il voulait se grandir, lui qui souffre de sa petite taille, et lance :

« Pour moi, si l’on venait me dire un jour que seul un miracle peut sauver la France, ce jour-là, je dirais : Je crois au miracle parce que je crois en la France. »


Mais lord Gort constate que les Panzers de Guderian sont à moins de 15 kilomètres de l’artère Lille-Dunkerque, vitale pour les troupes britanniques.

Le repli sur Dunkerque commence. Les Anglais reculent de 40 kilomètres sans en avertir le haut commandement français.

L’Amirauté britannique commence à mettre en place le plan Dynamo afin de rapatrier le corps expéditionnaire anglais.

Dans tous les ports de Grande-Bretagne, on recense les navires, quel que soit leur tonnage, capables de traverser la Manche, d’atteindre Dunkerque.


Il faut aller vite. Devant le Comité de guerre, en présence du général Spears, envoyé de Churchill, un commandant représentant le général Blanchard, qui est à la tête des armées du Nord, déclare : « Je crois qu’il faudra envisager à bref délai la capitulation. »


C’est le samedi 25 mai. Le mot tabou, celui qui confirme l’étendue du désastre, vient d’être prononcé. Reynaud et Weygand se récrient, puis durant quelques secondes un silence étouffant accable les membres du Comité de guerre. Et tout à coup, une voix, peut-être celle de Reynaud, s’élève :

« Il n’est pas dit que notre adversaire nous accordera un armistice immédiat. »

Cet autre mot tabou, armistice, plus lourd encore de conséquences que celui de capitulation, dévoile l’état d’esprit de plusieurs membres du Comité.

Car il ne s’agit plus d’une « capitulation » des armées, mais d’un « armistice » donc d’un acte politique entraînant la violation de l’accord du 28 mars 1940 conclu entre la France et le Royaume-Uni, par lequel Paris et Londres s’engageaient à ne pas signer d’armistice séparé.


Le général Spears mesure à cet instant que l’Angleterre devra poursuivre seule la guerre et qu’il importe que s’engage au plus tôt le rapatriement du corps expéditionnaire britannique.


L’opération Dynamo doit commencer.

Spears entend Pétain répondre à ceux des membres du Comité de guerre qui rappellent l’accord du 28 mars :

« Chaque nation a des devoirs vis-à-vis de l’autre dans la proportion de l’aide que l’autre lui a donnée. »

Les partisans de l’armistice ont avec Pétain leur porte-parole, au-dessus de tout soupçon, et leurs coupables : les Anglais qui n’ont pas apporté toute l’aide voulue à la France, et les hommes politiques républicains qui ont engagé leur nation dans une guerre inutile.

« On ne meurt pas pour Dantzig ! »

Mais pour l’heure, la guerre continue, et la débâcle draine des millions de réfugiés et de soldats sur les routes du nord et de l’est de la France.


Rommel peut écrire à sa « très chère Lu » alors qu’il roule en direction de Lille, après la prise d’Arras :

« Après quelques heures de sommeil, voici le moment, de vous écrire. Pour ma division c’est un triomphe. Tout va bien, la santé et le reste. Dinant, Philippeville, la percée de la ligne Maginot, une avance à travers la France de 65 kilomètres en une nuit, jusqu’au Cateau, puis Cambrai, Arras, toujours loin en avant de tout le monde. À présent, c’est la chasse aux soixante divisions britanniques, françaises et belges encerclées. Ne vous faites pas de souci pour moi. Comme je vois les choses, la guerre en France pourrait être terminée dans une quinzaine. Forme splendide. Sur la brèche du matin jusqu’à la nuit, bien entendu. Beau temps, un peu trop de soleil peut-être. »


Rien ne semble pouvoir arrêter les Panzers. Leurs généraux – Guderian, Reinhardt, Rommel – estiment qu’un assaut contre le camp retranché de Dunkerque percera la faible ligne de défense.

Et tout à coup, l’ordre de cesser d’avancer, d’attaquer, leur parvient.

Le général Halder note dans son journal :

« L’aile gauche composée de forces blindées et motorisées, qui n’a aucun ennemi devant elle, sera donc arrêtée sur ses positions sur l’ordre direct du Führer. Il reviendra à la Luftwaffe d’achever l’armée ennemie encerclée. »

Halder se souvient qu’après le franchissement de la Meuse, il y a à peine une douzaine de jours, il avait noté dans son journal : « Journée assez désagréable. Le Führer est terriblement nerveux. Effrayé par son propre succès. Il craint de prendre des risques et aurait plutôt tendance à nous freiner. »

Cette fois-ci, Halder comprend que la décision de Hitler a d’autres causes.

Le vendredi 24 mai au matin, le Führer se rend au quartier général de von Rundstedt. Il est d’excellente humeur. Il reconnaît que le déroulement de la campagne a été un « véritable miracle ». Il pense que la guerre sera finie dans six semaines. Il souhaite ensuite conclure une paix raisonnable avec la France, et la voie serait alors libre pour un accord avec la Grande-Bretagne. Devant les officiers stupéfaits, il parle avec admiration de l’Empire britannique, de la nécessité de son existence et de la civilisation que l’Angleterre a apportée au monde. Il compare l’Empire britannique et l’Église catholique… Il conclut en disant que son but est de « faire la paix avec l’Angleterre sur une base qu’elle considérerait comme compatible avec son honneur ».


Est-ce pour ménager Londres que Hitler retient les Panzers durant deux jours, permettant à l’opération Dynamo de commencer, aux troupes britanniques d’embarquer sur ces centaines de navires, de tout tonnage ?

D’autres généraux – Jodl, Warlimont, Kleist, Guderian –, qui ont rencontré Hitler, avancent d’autres raisons.

« Hitler craint que les blindés ne puissent opérer dans les marais des Flandres sans lourdes pertes. Or il veut conserver ces Panzers pour l’offensive finale contre la France », dit Jodl.

Guderian ajoute que c’est « la vanité de Goering qui provoque cette décision ». Goering, à la tête de la Luftwaffe, a assuré Hitler que les bombardements aériens suffiraient à écraser les troupes encerclées à Dunkerque.

Mais elles commencent à embarquer dans l’après-midi du dimanche 26 mai, alors que le roi Léopold III de Belgique se prépare à capituler et que les divisions de Panzers sont autorisées par le Führer à reprendre la progression.


Ce dimanche 26 mai, Rommel écrit :

« Très chère Lu,

« Un jour ou deux sans combat nous ont fait grand bien. La division a perdu en tout 27 officiers tués et 33 blessés, et 1 500 hommes tués et blessés. Cela fait dans les 12 % de pertes. C’est très peu comparativement à ce que nous avons accompli. Le plus mauvais est passé. Il est peu probable qu’il y ait encore de durs combats, car nous avons proprement houspillé l’ennemi. Nourriture, boissons et sommeil, tout est redevenu normal. »


Ce même jour, Paul Reynaud est à Londres.

Il informe le cabinet britannique de la situation militaire, évoque les conséquences d’une défaite, mais s’interrompt, face au refus des Britanniques d’envisager que la France signe un armistice puis une paix, séparés.

À son retour à Paris, le soir de ce dimanche 26 mai, son collaborateur Baudouin le harcèle : Reynaud a-t-il obtenu une réponse des Britanniques ?

« Je n’ai pas pu poser cette question », dit sèchement le président du Conseil. Il sait que Pétain, Weygand, Chautemps, ancien président du Conseil, influent membre du parti radical-socialiste, Baudouin, veulent cesser le combat, sortir de la guerre.

Laval, en contact avec Pétain, est l’âme cachée de cette « conspiration ».


Le lendemain, Pétain confie à Baudouin :

« Je ne suis pas partisan de poursuivre la lutte à outrance. C’est une chose facile et stupide d’affirmer qu’on luttera jusqu’au dernier homme. C’est criminel aussi, étant donné nos pertes de l’autre guerre et notre faible natalité. Il faut sauver une partie de l’armée, car sans une armée groupée autour de quelques chefs pour maintenir l’ordre, une vraie paix ne sera pas possible et la reconstruction de la France n’aura pas de point de départ. »

Au fur et à mesure que Pétain parle, ses yeux se remplissent de larmes.

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