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C’est le mercredi 26 juin 1940.


Albert Speer quitte le quartier général du Führer pour se rendre à Reims visiter la cathédrale.


Il a écouté une bonne partie de la matinée Hitler soliloquer joyeusement.

Hitler n’a pas évoqué la préparation d’un débarquement en Angleterre. Il a donné l’ordre de mettre au repos trente-cinq divisions, d’accorder généreusement des permissions. Et une fois de plus, il a fait l’éloge de l’Empire britannique, et laissé entendre qu’il désire conclure avec les Anglais une paix honorable.

Il veut, dans les prochains jours, parcourir l’Alsace et la Lorraine, ces terres allemandes, et visiter la ligne Maginot où des unités françaises refusent encore de déposer les armes, au prétexte qu’elles n’ont pas reçu d’ordre du gouvernement français.


Mais Hitler est resté d’humeur radieuse.

Il compte se rendre à Paris, découvrir cette capitale qu’il a toujours rêvé de connaître. Albert Speer, comme le sculpteur Arno Breker, sera du voyage. Puis Hitler, tout en faisant les cent pas dans le village, accompagné par les généraux Jodl et Keitel, a dit, comme s’il commençait à dessiner un avenir évident, la prochaine étape de son projet.

« Maintenant, nous avons prouvé ce dont nous sommes capables. Croyez-moi, Keitel, une campagne contre la Russie ne serait en comparaison qu’un jeu d’enfant. »


Il est vrai que Staline pousse ses pions, lançant un ultimatum à la Roumanie, envahissant deux provinces du pays, la Bessarabie et la Bukovine.

Mais Speer, en roulant vers Reims sous un ciel d’un bleu intense, dans la plénitude solaire et insolente de l’été, se remémore avec inquiétude ces propos.

Rommel et d’autres officiers ont fait écho à Hitler.

« Les exigences de la Russie envers la Roumanie sont assez dures, a dit Rommel. Je doute que cela fasse beaucoup notre affaire. Ils prennent tout ce qu’ils peuvent. Mais ils ne trouveront pas toujours si facile de garder toutes leurs conquêtes. »

La guerre à l’est, plutôt qu’à l’ouest, donc ? La Russie communiste plutôt que l’Angleterre impériale ?

Et si le risque existait d’une guerre sur les deux fronts ?

Hitler a souvent évoqué ce cauchemar pour l’écarter. Mais l’Angleterre semble résolue à se battre jusqu’au bout.

Elle vient de décréter le blocus de la France.

Les navires français qui se trouvent dans les ports anglais, et notamment l’escadre de l’amiral Godfroy, ancrée à Alexandrie, sont bloqués par les Anglais.

Est-il possible qu’un conflit éclate entre la France et l’Angleterre à propos de la flotte française ?


Mais que pourrait la France ?

Sur les routes qui mènent à Reims, Speer a croisé ces interminables files de réfugiés. Ils se traînent sur les bas-côtés, harassés, « emportant leurs pauvres biens dans des voitures d’enfants, dans des brouettes, ou tout autre véhicule de fortune ».

Et en contraste, Speer double « les fières unités militaires allemandes, occupant le milieu de la chaussée ».

Les soldats sont souvent torse nu. Ils chantent, rient, donnant l’image d’une force juvénile et invincible. Souvent, entre les camions de la Wehrmacht, se traînant, engoncés dans leurs lourdes capotes d’hiver, cheminent des colonnes de prisonniers, couverts de poussière, les yeux éteints, le pas traînant. Et il suffit de deux ou trois fantassins allemands pour garder ces centaines d’hommes vaincus.


À Reims, Speer découvre une « ville fantomatique », presque déserte, bouclée par la Feldgendarmerie à cause de ses caves. Des volets battent dans le vent qui chasse dans les rues des journaux vieux de plusieurs jours. Des portes ouvertes laissent voir l’intérieur des maisons. Comme si la vie s’était arrêtée de manière absurde, on découvre encore sur la table des verres, de la vaisselle, des repas commencés et jamais finis.


C’est le visage de la France, meurtrie, dont avec suffisance les Allemands mesurent aussi le retard.

Rommel décrit « les misérables taudis de certains villages où l’on ne trouve pas l’eau courante. On se sert encore de puits. Aucune maison n’est aménagée en vue du froid. Les fenêtres ne ferment pas et l’air siffle à travers ».

Et Rommel, contraint de loger dans l’une de ces maisons – « grossièrement construites en moellons de grès, avec ces toits plats en tuiles rondes exactement semblables à celles des Romains » – conclut : « J’espère toutefois que les choses s’amélioreront bientôt. »

Il a le regard et la morgue du vainqueur.

Et les vaincus, en voyant passer ces unités mécanisées, ces jeunes soldats, baissent les yeux, humiliés et honteux.


Le discours de Pétain, qui le mardi 25 juin a justifié l’armistice, est écouté, accepté, les larmes aux yeux, parce qu’il exprime cette désolation, ce désespoir.

« Devant une telle épreuve, la résistance armée devait cesser », dit le Maréchal. Le gouvernement était acculé à l’une de ces deux décisions : soit demeurer sur place, soit prendre la mer.

Il a choisi de rester.

Comment ne pas l’approuver ?

« En ce jour de deuil national, continue Pétain, ma pensée va à tous les morts, à tous ceux que la guerre a meurtris dans leur chair et dans leurs affections… »

Et François Mauriac, une nouvelle fois, exhale son émotion dans Le Figaro :

« Les mots du maréchal Pétain en ce soir du 25 juin avaient un son presque intemporel. Ce n’était pas un homme qui nous parlait mais quelque chose des profondeurs de notre Histoire. Ce vieil homme nous a été légué par les morts de Verdun ! »


Mais le Maréchal n’est pas que cette personnalité sanctifiée par l’écrivain. Il n’est pas que le porte-parole et le gardien des morts de l’ossuaire de Verdun.

Il a fait de Pierre Laval un ministre d’État, vice-président du Conseil.

Et Laval et ses complices – Marquet, le proche de toujours, mais aussi Raphaël Alibert et Yves Bouthillier qui furent des collaborateurs de Paul Reynaud – préparent derrière la statue du maréchal Pétain, sculptée par François Mauriac – et Paul Claudel –, un changement de régime.

Ils retiennent à bord du Massilia, en rade de Casablanca, les parlementaires hostiles qui réclament leur rapatriement et qu’on accuse d’être des fuyards.

Ils dénoncent Paul Reynaud, dont les deux membres les plus influents de son cabinet – Dominique Leca et Gilbert Devaux – ont été arrêtés à Madrid, le mardi 25 juin, le jour de l’armistice, porteurs de documents, d’or, de bijoux, ainsi que d’une forte somme d’argent en francs et en dollars estimée à 12 millions, sans doute les fonds secrets de la présidence du Conseil.

Ils empêchent Paul Reynaud d’obtenir ce poste d’ambassadeur à Washington qu’il a sollicité auprès de Pétain.

Yves Bouthillier, ministre des Finances, porte plainte contre lui pour exportation illicite de capitaux à l’étranger.

En clouant Reynaud au pilori, il s’agit de briser tous les opposants à la « révolution nationale » dont le Maréchal vante la nécessité et les vertus, et dont Laval et ses spadassins organisent les « basses œuvres ».

Et la presse – Le Matin – accable et « tue » Paul Reynaud en l’accusant de ne pas avoir eu le « souci de la vie des soldats ».

« Quand on se trompe en faisant tuer tant de monde, poursuit l’éditorial, on n’a qu’une excuse : se donner la mort ! Si l’on ose encore vivre après les agissements que nous venons de voir, l’Histoire ne peut trouver pour Paul Reynaud qu’un seul mot : lâcheté. »


Ce réquisitoire qui accable Paul Reynaud accuse aussi Mandel, Blum. Reynaud pressent qu’on ouvrira, contre les « fauteurs de guerre », un procès.

Mais il est encore hésitant sur la conduite à tenir à l’égard de Pétain, ce qui explique sa candidature à l’ambassade de France à Washington.

Sa maîtresse, la comtesse Hélène de Portes, l’invite à solliciter ce poste. Ses trois enfants vivent aux États-Unis.


Mais le vendredi 28 juin, dans l’après-midi, la voiture que conduit Paul Reynaud quitte la route, s’écrase. Le rapport de gendarmerie souligne que cet accident est inexplicable.

D’origine criminelle ?

Grand parlementaire, Reynaud pouvait être un obstacle aux projets de Laval.

Reynaud n’est que contusionné, mais Hélène de Portes, gravement blessée à la tête, décède la nuit suivante, à l’âge de trente-huit ans.

Reynaud est bouleversé. Il confie ses sentiments, son désarroi, sa douleur, sa détresse à William Bullitt, l’ambassadeur des États-Unis.

« La prodigieuse vitalité, l’intelligence, la noblesse d’âme de cette femme admirable ont été anéanties pour toujours ! Et cela à quelques mois du jour où nous allions enfin nous marier… Je me suis demandé, pendant plusieurs jours, si je pourrais vivre… Et puis peu à peu, s’est installée en moi cette idée qu’elle aurait voulu que je vive pour mon pays et pour ses enfants, c’est-à-dire pour ce qu’elle aimait avec moi : elle aurait voulu que mon énergie s’accroisse au lieu de se diminuer. »


Reynaud va donc faire face, contre ce gouvernement Pétain-Laval qui est contraint, le samedi 29 juin, de quitter Bordeaux puisque la ville fait partie de la zone occupée par les Allemands. Les ministres s’installent d’abord à Clermont-Ferrand, non loin de la propriété que possède Laval à Châteldon.

Mais Clermont manque d’hôtels pour loger ministres, membres du cabinet, et toute cette faune qui gravite autour du pouvoir.

Baudouin, ministre des Affaires étrangères, campe dans un petit hôtel presque sordide, comprenant sept chambres en tout, sans électricité, et sans même le téléphone. On décide donc de gagner Vichy, où les palaces de cette ville d’eaux pourront accueillir le gouvernement et les parlementaires.

Car le but de Laval est clair : convoquer les deux Chambres, les réunir en « Congrès » et les contraindre à voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain pour élaborer une nouvelle constitution.

Pétain hésite. Que dira le président de la République ?

« Je me fais fort d’obtenir le plein accord de Lebrun à sa disparition », dit Laval.

Pétain hoche la tête, visage impassible. Mais Laval revient au bout d’une heure. Il s’est rendu à Royan où réside Albert Lebrun.

« Eh bien, monsieur le Maréchal, ça y est. »

« Le Maréchal regarde son interlocuteur avec un étonnement admiratif, note Baudouin. Pierre Laval affirme qu’il est certain du succès. Il hait la Chambre actuelle. Il méprise Albert Lebrun. Que le Maréchal laisse faire. Il répond du complet succès. »

« Alors, essayez », dit Pétain.


À Londres, de Gaulle a pressenti, analysé les intentions de Laval et de Pétain.

La signature de l’armistice devait nécessairement conduire à une capitulation politique. Désirer, accepter l’armistice avec Hitler, c’est aussi signer l’acte de décès de la République.


De Gaulle l’a dit avec force dès le mercredi 26 juin, répondant au discours de celui qu’il appelle avec déférence « Monsieur le maréchal Pétain » mais qu’il conteste avec une force implacable.

« Hier, j’ai entendu votre voix que je connais bien, et non sans émotion j’ai écouté ce que vous disiez aux Français pour justifier ce que vous avez fait.

« Monsieur le Maréchal, dans ces heures de honte et de colère pour la Patrie, il faut qu’une voix vous réponde. Ce soir, cette voix c’est la mienne. »

Il dénonce « un système militaire mauvais ». Or c’est Pétain qui a « présidé à notre organisation militaire ».

De Gaulle sait que des centaines de milliers de Français écoutent désormais Radio-Londres. Sa responsabilité est immense.

Il analyse les conditions imposées par l’ennemi : « Armistice déshonorant », s’exclame-t-il.

« La Patrie, le gouvernement, vous-même réduits à la servitude ! Ah, pour obtenir et accepter un pareil pacte d’asservissement on n’avait pas besoin de vous, monsieur le Maréchal, on n’avait pas besoin du vainqueur de Verdun ; n’importe qui aurait suffi.

« Et vous conviez la France livrée, la France pillée, la France asservie à reprendre son labeur, à se refaire, à se relever ! Mais dans quelle atmosphère, par quels moyens, au nom de quoi voulez-vous qu’elle se relève sous la botte allemande et l’escarpin italien ?

« Oui, la France se relèvera. Elle se relèvera dans la liberté. Elle se relèvera dans la victoire. Dans l’Empire, dans le monde, ici même des forces françaises se forment et s’organisent.

« Un jour viendra où nos armes… reviendront triomphantes sur le sol national.

« Alors oui, nous referons la France. »


De Gaulle vit ainsi des jours remplis de contradictions : il oscille de l’exaltation à la déception. Il reçoit une lettre de Jean Monnet qui considère que ce serait une grande faute de constituer en Angleterre une organisation qui pourrait apparaître en France comme une autorité créée à l’étranger, sous la protection de l’Angleterre… Ce n’est pas de Londres qu’en ces moments-ci peut partir l’effort de résurrection.

De Gaulle pense au contraire que c’est ici, en Angleterre, qu’il faut affirmer l’existence d’une France libre.

Il voit Londres s’engager avec une détermination totale pour résister à une invasion allemande.

Toutes les plaques signalétiques dans la campagne anglaise ont été changées de façon à empêcher les troupes ennemies, leurs parachutistes, de reconnaître leurs itinéraires ! Ce pays va se battre jusqu’au bout !


Et puis, il ne se passe pas de jour que des Français ne rejoignent l’Angleterre. Ainsi, 146 jeunes arrivent accompagnés de 75 officiers, presque tous aviateurs. Ils se sont embarqués à Saint-Jean-de-Luz sur des navires polonais.

Il y a dans les ports anglais dix-sept navires de guerre français.

Il vaudrait mieux qu’ils dépendent de moi, explique de Gaulle à Churchill. « Il est urgent de me donner les moyens de constituer une Légion française volontaire. »

Churchill le comprendra-t-il ?

Autour du Premier Ministre, au Foreign Office, on continue d’hésiter, on espère encore obtenir des garanties de Pétain concernant la flotte française.

Des officiers anglais expliquent aux soldats français qui arrivent en Angleterre que, s’ils rejoignent de Gaulle, ils seront considérés comme déserteurs et rebelles par leur gouvernement.

Mais ils peuvent s’engager dans les troupes anglaises ou canadiennes ! Ces Anglais interdisent aux envoyés de De Gaulle de venir exposer les buts de guerre du Général. Alors, troublés, ces soldats rejoignent la France.

C’est ce que fait la majorité des troupes du général Béthouart qui ont combattu en Norvège. Béthouart, camarade de De Gaulle à Saint-Cyr, choisit lui aussi le retour, même s’il en a les larmes aux yeux.

Le capitaine Kœnig, d’autres officiers, chasseurs alpins, et la plus grande partie des deux bataillons de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère – soit un total de 1 300 hommes – décident de poursuivre le combat.

Enfin, un officier supérieur, l’amiral Muselier – peu apprécié de ses pairs parce qu’il serait un amiral politique, un amiral « rouge » –, rejoint de Gaulle.

« Vous commanderez la marine et l’aviation dans la Légion que j’essaye de constituer », lui dit de Gaulle.

Des lointaines possessions africaines, des Antilles, du Pacifique, des officiers, des administrateurs, de simples citoyens, manifestent leur volonté de se rallier au général de Gaulle.

En cette fin juin, il décide de faire imprimer une affiche qui sera placardée sur les murs de Londres :


À tous les Français

La France a perdu une bataille !

Mais la France n’a pas perdu la guerre !

Des gouvernants de rencontre ont pu

capituler, cédant à la panique, oubliant

l’honneur, livrant le pays, à la servitude.

Cependant, rien n’est perdu ! […]

Voilà pourquoi je convie tous les

Français, où qu’ils se trouvent,

à s’unir à moi dans l’action, dans le

sacrifice et dans l’espérance !

Notre patrie est en péril de mort !

Luttons tous pour la sauver !

VIVE LA FRANCE !


Général de Gaulle


Il relit le texte. Il se sent porté par le grand souffle de l’Histoire quand, ce jeudi 27 juin, il est convoqué par Churchill au 10 Downing Street.

Churchill, le visage grave, l’accueille bras ouverts, disant d’une voix forte :

« Vous êtes tout seul, je le sais, eh bien, je vous reconnais tout seul. »

Il tend à de Gaulle le communiqué qui sera diffusé demain vendredi 28 juin :

« Le gouvernement de Sa Majesté reconnaît le général de Gaulle comme chef de tous les Français Libres où qu’ils se trouvent qui se rallient à lui pour la défense de la cause alliée. »

De Gaulle ne s’est pas trompé sur le sens de sa vie.


Ce vendredi 28 juin, il s’adresse une nouvelle fois aux Français depuis le siège de la BBC.

Avant de commencer, on lui communique les résultats des enquêtes de Mass Observation. Le général de Gaulle est la seule personnalité étrangère applaudie dans les salles de cinéma quand elle apparaît sur les écrans. Il incarne la France et sa voix se fait plus vibrante :

« L’engagement que vient de prendre le gouvernement britannique en reconnaissant dans ma personne le chef des Français Libres a une grande importance et une profonde signification, commence-t-il.

« Cet engagement permet aux Français Libres de continuer la guerre aux côtés de nos alliés.

« Il sera formé immédiatement une force française terrestre, aérienne, navale…

« Tous les officiers, soldats, marins, aviateurs français, où qu’ils se trouvent, ont le devoir absolu de résister à l’ennemi…

« Malgré les capitulations… déjà faites par tant de ceux qui sont responsables de l’Honneur du drapeau et de la grandeur de la Patrie, la France Libre n’a pas fini de vivre. Nous le prouverons par les armes. »


Ce même vendredi 28 juin, vers 5 heures du matin, l’avion de Hitler s’est posé sur l’aéroport du Bourget.

Trois grandes Mercedes noires attendent le Führer qui, accompagné d’Albert Speer et d’Arno Breker, réalise l’un de ses rêves : visiter Paris.


Il se rend d’abord à l’Opéra de Paris où tout est éclairé comme un soir de représentation.

Speer est étonné : Hitler connaît le bâtiment dans ses moindres détails. Le Führer dit avec fierté qu’il en a étudié tous les plans. Il fait remarquer au Français qui guide la visite qu’un salon a disparu. Le Français, un homme aux cheveux blancs, confirme que cette pièce a été supprimée.

« Vous voyez comme je m’y connais ici », dit Hitler.

Il demande à l’un de ses aides de camp de donner un pourboire au Français qui, malgré l’insistance de Hitler, refuse.

Puis on se rend à la Madeleine, sur les Champs-Élysées, au Trocadéro, à la tour Eiffel.



Hitler fait une halte à l’Arc de triomphe, aux Invalides, où il s’arrête un long moment devant le tombeau de Napoléon.

Il visite le Panthéon dont les dimensions l’impressionnent. Mais ni la place des Vosges, ni le Louvre, ni la Sainte-Chapelle ne suscitent son intérêt. Il restera longuement au Sacré-Cœur, à Montmartre.

Les nombreux fidèles qui l’ont à l’évidence reconnu font mine de l’ignorer.


À 9 heures, la visite est terminée et on roule vers l’aéroport.

« C’était le rêve de ma vie de pouvoir visiter Paris. Je ne saurais dire combien je suis heureux que ce rêve soit réalisé aujourd’hui », dit Hitler.

Il envisage d’organiser un défilé militaire pour célébrer la victoire, puis, secouant la tête, il y renonce :

« Nous ne sommes pas encore au bout », dit-il.


Le soir de ce vendredi 28 juin, dans la petite salle de la ferme du village de Brûly-de-Pesche, il convoque Speer.

Il est assis seul à une table.

« Préparez un décret, Speer, dans lequel j’ordonne la pleine reprise des constructions à Berlin. N’est-ce pas que Paris était beau ? Mais Berlin doit devenir beaucoup plus beau ! Je me suis souvent demandé s’il ne fallait pas détruire Paris, mais lorsque nous aurons terminé Berlin, Paris ne sera plus que son ombre. Alors pourquoi le détruire ? »


Lorsque le décret sur les travaux à entreprendre à Berlin sera rédigé, quelques jours après cette visite, Hitler le datera du mardi 25 juin 1940, jour de l’armistice et de son triomphe.


Mais on ne peut arrêter le temps.


Daniel Cordier note à la date du samedi 29 juin dans le carnet qu’il tient depuis son arrivée en Angleterre, le mardi 25 juin, la date même que Hitler veut fixer pour l’avenir :

« On nous a réunis dans la cour de l’Olympia Hall où sont rassemblés les volontaires français. Le gouvernement de Gaulle est formé. Une Légion française se constitue. Nous sommes engagés volontaires. Un courant de discipline commence à parcourir le camp où l’anarchie était maîtresse et nous divisait.

« Dans une Marseillaise sans grandiloquence, jeune, franche, généreuse dans sa fraternité, c’est l’âme de la France qui a pris son vol, une âme farouche dans sa résolution de vaincre. »

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