CHAPITRE XVII. PLAN

De retour dans la pièce, le Major alluma une seconde cigarette.

Il portait ce jour-là, un veston très large aux épaules, assez long et carrelé de rose et de jaune. Une jolie pièce, d’ailleurs. La patte du faiseur chic avait laissé son empreinte sur le tissu, produisant un effet très original. On eût cru qu’il était sale.

— Vous, Alvaraide, dit soudain le Major, mettez-vous derrière ce rideau. Vous, Comte, sous ce bahut. Vous, Dunœud, allez-vous-en. Et moi, conclut-il, je serai très bien là.

Il se faufila dans l’entrebâillement d’une vaste armoire qui servait à ranger les rallonges de la table quand il y avait lieu de les y entreposer. L’atmosphère était tendue à se rompre.

La porte de glace et de fer du vestibule grinça sourdement, et les trois hommes se raidirent dans les cachettes ce qui eut pour effet de faire frémir le rideau et craquer le bahut. Quant à l’armoire, elle était massive et ne bougea pas plus qu’une souche. Il s’agit d’une souche raisonnablement éloignée de ces régions d’Amérique du Sud où se produisent fréquemment des mouvements de souches consécutifs à des secousses, que d’aucuns nomment sismiques parce qu’on les enregistre sur des sismographes.

Bref, l’armoire ne bougea pas.

Dunœud poussa la porte et introduisit l’Étrangère.

L’Étrangère se nommait Amélie Serre-Feuille. Son père étant menuisier, elle avait coutume de répondre spirituellement à la question :

— Que fait votre père, Mademoiselle Serre-Feuille ?

— Mon père scie.

Et chacun de s’extasier devant une si charmante repartie.

C’est alors que, sortant de sa cachette, le Major constata qu’il se trouvait en présence d’une inconnue.

— Qui êtes-vous ? murmura-t-il. Qu’avez-vous fait d’Amélie ?…

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