CHAPITRE V. L’ARRIVÉE AU RAOUT

Sa toilette parachevée, Adelphin ouvrit lentement la porte de sa chambre et, jetant un dernier regard au cristal métallisé, se dirigea d’un pas glissant de libellule vers l’escalier de marbre dont la volute habillée de laine bleu-gris barrait l’horizon immédiat des chatoiements de sa rampe nickelée.

Il descendit comme à regret les quelques marches qui le séparaient du niveau commun et pénétra dans la légère voiture électrique rangée par Dunœud, quelques minutes plus tôt, au pied du perron de son hôtel particulier.

Beaumashin, par coquetterie, conduisait seul : ça fait sport. Les souliers jaunes frémirent nerveusement sur les pédales de commande et, avec le bruit d’un coucou qui s’envole, la voiture démarra. On croyait même entendre le choc des poids du coucou sur les murs.

Adelphin conduisait bien. C’était merveille de le voir effleurer les trottoirs aux tournants, et planer — eût-on dit — à quelques millimètres au-dessus de la chaussée. Il avait une curieuse manière, bien à lui, de taquiner l’avertisseur de son index spatulé, produisant dans le pavillon de métal une rumeur étrange et personnelle donnant la note de cette attachante individualité.

Place de la Concorde, Adelphin s’arrêta pile, face à l’Hôtel Crillon. Un homme se détacha de l’ombre et s’approcha du roadster.

— C’est toi ? dit Adelphin.

— C’est moi ! répondit l’autre, qui monta tandis que la voiture démarrait.

Quelques minutes plus tard, les deux hommes sonnaient chez la Baronne de Pyssenlied.

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