4.

Une chose encore qui n’avait aucune correspondance dans mon univers : les parents, la famille, l’ADN partagé. Caitlin possédait la moitié de l’ADN de sa mère, un quart de celui de la mère de sa mère, un huitième de celui de la mère de la mère de sa mère, et ainsi de suite. Des degrés d’interrelations : encore une fois, un concept qui m’était totalement étranger, et qui avait cependant une telle importance pour eux.

Le gouvernement chinois avait provisoirement coupé l’accès à l’Internet dans ce pays. C’était une tentative pour empêcher sa population d’entendre les points de vue étrangers sur sa décision d’éliminer dix mille paysans afin d’enrayer une épidémie de grippe aviaire. Et pendant que l’Internet était coupé, il y avait eu moi et pas moi, une parfaite dichotomie. Mais Caitlin représentait la moitié de sa mère, et également la moitié de son père, tout en étant un individu unique – et pourtant, malgré cela, elle avait plus de 99 % de son ADN en commun avec tous les autres humains, et 98,5 % en commun avec les chimpanzés et les bonobos, au moins 70 % avec tous les autres vertébrés, et 50 % avec les plantes à photosynthèse.

Et pourtant, cette série de relations fractionnelles banales – moitié, quart, huitième, seizième – avait piloté l’évolution et façonné l’histoire.

Kuroda et Caitlin avaient émis l’hypothèse que mon esprit était composé d’automates cellulaires – des unités d’information réagissant de façon prévisible à l’état de leurs voisines immédiates disposées sur une grille. Quant à la règle, ou les règles auxquelles elles obéissaient – la formule qui avait donné naissance à ma conscience –, nous ne les connaissions pas encore. Mais elles n’étaient peut-être pas plus complexes que celles qui régissaient le comportement humain : si une personne partage avec vous un huitième de vos gènes, alors que cinq autres n’en partagent qu’un trente-deuxième, vous cherchez instinctivement à favoriser le groupe par rapport à l’individu.

C’était une autre pierre de touche : que ce fût dans le royaume de Caitlin peuplé de chair et d’objets, ou dans le mien avec ses protocoles et ses paquets de données, le règne des froides équations était suprême.

— Attends, fit Caitlin qui était toujours assise sur le lit. Comment as-tu fait ça ? Qu’est-ce qui t’a convaincu qu’il ne s’agit pas d’un humain ?

Son père désigna le plus grand des deux moniteurs, et elle s’en approcha. Il fit défiler la fenêtre de la messagerie pour remonter au premier des quatre échanges qu’il venait d’avoir avec Webmind. Mais Caitlin fut incapable de lire le premier. Mais pas parce que le texte était écrit trop petit, ou que la police de caractères était bizarre. Elle essaya de le déchiffrer, lettre par lettre, s’efforçant d’en dégager un sens, mais…

J-e… Oui, ça, c’était facile. Mais c’était suivi de v-u-o-s qui n’était même pas un vrai mot, bon sang de bois, et ensuite d-n-n-o-e, et plein d’autres encore…

— Je n’arrive pas à le lire, dit-elle exaspérée. Fait remarquable, son père sourit.

— Webmind non plus. (Il pointa le doigt vers l’écran.) Barbara ?

Elle s’approcha pour jeter un coup d’œil, et lut aussitôt à une vitesse tout à fait normale : « Je vous donne quatre secondes pour répondre ou je mettrai fin à notre contact. C’est votre seule chance. Quel est le nom du président des États-Unis d’Amérique ? » Et elle ajouta une remarque qui évoquait plutôt le style de sa fille :

— Hé, c’est drôlement cool !

Caitlin examina de nouveau le texte en essayant de voir ce que sa mère avait pu y trouver, mais… Ah !

— Et tu arrives à lire ça sans difficulté ? lui demanda-t-elle.

— Ma foi, répondit sa mère, sans trop de difficultés… L’écran affichait :

Je vuos dnnoe qturae sencdeos puor réorndpe ou je metrati fin à nrote ctoncat. C’est vrote sleue ccnahe. Qeul est le nom du priédesnt des Éatts-Uins d’Améquire ?

— Je crois que nous pouvons raisonnablement en conclure que ta mère n’est pas un robot d’indexation, dit son père. Mais Webmind n’a pas su le lire. (Il montra la réponse qu’il avait reçue : Je vous demande pardon ?) Webmind et toi, vous déchiffrez les textes lettre par lettre, et non en prenant chaque mot dans sa globalité. Pour la plupart des gens, si la première et la dernière lettre sont correctes, l’ordre des autres importe peu. Et généralement, ils ne se rendent même pas compte qu’il y a des erreurs – et c’est pourquoi ma question suivante était importante.

Caitlin vit que son père avait demandé : « Combien y avait-il de mots erronés dans mon message précédent ? » Et Webmind avait répondu – aussitôt, d’après le suivi horaire – « Dix-sept. »

— C’est la bonne réponse, mais la plupart des gens – la plupart des humains – ne repèrent que la moitié des mots incorrects dans ce genre de texte. Mais cette… cette chose a répondu instantanément – dès que j’ai appuyé sur la touche Entrée. Pas assez de temps pour utiliser un correcteur orthographique, ni même pour un humain d’essayer de compter soigneusement les erreurs. (Il s’interrompit un instant.) Ensuite, j’ai voulu vérifier ton affirmation que ton interlocuteur a une entropie de Shannon très élevée. Aucun être humain ne pourrait démêler la récursivité de ce texte sans recourir à des diagrammes. Il fit défiler la fenêtre de messagerie pour que Caitlin puisse voir ce qu’il avait transmis :

Je savais qu’elle savait que vous saviez qu’ils savaient que vous saviez que je savais que nous savions que je le savais.

Savait-elle que vous saviez que je savais que vous saviez que je savais que vous le saviez ?

Saviez-vous que je savais qu’ils savaient qu’elle savait ?

Savais-je qu’elle savait que vous saviez que nous savions que vous saviez ?

Ce à quoi Webmind avait aussitôt répondu : Oui. Non. Oui.

— Et ce sont les bonnes réponses ? demanda la mère de Caitlin.

— Oui, dit son père. Du moins, je le crois. En fait, à ce stade, j’étais pratiquement convaincu, mais j’ai encore essayé une chose pour être tout à fait certain.

Il fit défiler l’écran pour révéler le quatrième et dernier test :

La peau lisse trac un as à seins, un tue-heures en chéri. Jeu panse queue vautre Ed Seurat 13 utile.

Ce à quoi le pauvre Webmind avait répondu : Encore une fois, je vous demande pardon ?

— Un jeu d’enfant pour nous, dit son père, même en écrivant jeu j-e…

Caitlin battit des mains avec enthousiasme.

— Bravo, papa ! Bon, à toi, maman. Dis bonjour à Webmind.

Son père se leva pour laisser la place à sa femme. Les derniers mots que Webmind avait écrits brillaient encore en lettres bleues à l’écran. Elle réfléchit un instant avant de transmettre : « Je suis Barbara Decter. Hello. » Caitlin fut étonnée de voir sa mère taper avec deux doigts seulement.

Webmind répondit aussitôt : « C’est un plaisir de faire votre connaissance, Barbara. Je connaissais déjà votre mari grâce à son entrée dans Wikipédia, mais je sais fort peu de choses sur vous. Je serai ravi d’en apprendre davantage. »

Dans la cuisine, le minuteur se déclencha. La mère de Caitlin fronça les sourcils en entendant ce rappel du dîner oublié. Elle dit : « Excusez-moi » et sortit précipitamment, peut-être afin de se donner un peu de temps pour réfléchir autant que pour éviter une crise culinaire.

Et c’est à cet instant que Caitlin comprit. C’était normal que sa mère ne sache taper qu’avec deux doigts. Du temps où elle était à l’école, les cours de dactylographie – il y avait des machines à écrire, en ce temps-là – étaient fréquentés par des filles qui se destinaient à devenir secrétaires, tandis que la jeune et brillante Barbara Geiger avait de plus hautes ambitions. Elle avait dû s’appliquer justement à ne pas cultiver des talents qu’on considérait traditionnellement féminins.

La mère de Caitlin avait un doctorat en économie. Sa spécialité était la théorie des jeux. Professeur associé à l’université de Houston jusqu’à la naissance de Caitlin, elle avait passé les six années suivantes à s’occuper de sa fille chez elle, et neuf autres en tant que bénévole à l’Institut texan pour malvoyants, où Caitlin avait fait ses études jusqu’à ce qu’elle déménage en juin dernier.

Sa mère avait de fortes connaissances en maths et en informatique. En fait, Caitlin l’avait entendue plaisanter un jour sur la différence entre son mari et elle. En tant que physicien théorique, il utilisait les maths pour décrire des choses qui n’existaient peut-être même pas, tandis qu’elle, en tant qu’économiste, s’en servait pour décrire des choses dont les gens voudraient bien qu’elles n’existent pas : l’inflation, les déficits, les impôts, etc.

Maintenant que Caitlin n’était plus dans une institution spécialisée, elle savait que sa mère espérait se faire embaucher dans l’une des universités de Waterloo. Mais elle n’avait pas encore son permis de travail canadien, et c’est pourquoi elle faisait la cuisine, le ménage et toutes les autres corvées qu’elle n’avait jamais voulu faire de sa vie. Caitlin en était profondément désolée pour elle.

Elle regarda son père, en espérant qu’il dirait quelque chose – n’importe quoi, en attendant que sa mère revienne. Mais il resta silencieux, comme à son habitude.

Une minute plus tard, sa mère fut de retour.

— Je crois que les lasagnes peuvent attendre encore un peu, dit-elle. Alors, où en étions-nous ?

— Il aimerait te connaître un peu mieux, dit son père. Mais la mère de Caitlin n’avait apparemment pas l’intention de revenir s’asseoir devant l’ordinateur.

— Bon, dit-elle, qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? On organise une autre conférence de presse ?

Il y en avait eu une deux jours plus tôt, au Théâtre des Idées Mike Lazaridis, dans les locaux du Perimeter Institute, au cours de laquelle le Dr Kuroda avait annoncé officiellement le succès de l’opération de Caitlin – sans toutefois mentionner qu’elle était capable de voir la structure du Web.

— Non ! dit Caitlin. Non, nous ne pouvons le dire à personne – pas encore.

— Pourquoi pas ? demanda sa mère.

— Parce que c’est dangereux.

— Oh, je ne crois pas que nous risquions grand-chose, dit sa mère.

— Non, non. C’est dangereux pour lui – pour Webmind. (Elle se tourna vers son père, qui contemplait le plancher, puis de nouveau vers sa mère.) Dès que la nouvelle se répandra, des gens vont essayer de lui trouver des points faibles, des vulnérabilités, des failles, je ne sais quoi. Ils vont essayer de le détruire, de le pirater. Il y a des gens qui font ça pour le plaisir, pour leur réputation, pour la gloire. Et il n’a probablement aucune protection ni défense. Nous ne savons pas comment il est apparu, mais je suis sûre qu’il est fragile.

— Bon, d’accord, dit sa mère. Mais nous devrions prévenir les autorités.

À la grande surprise de Caitlin, son père releva la tête pour intervenir.

— Quelles autorités ? Tu fais confiance à la CIA, à la NSA, ou à cette foutue Sécurité intérieure ? Ou aux autorités canadiennes ? Un brave sergent de la police montée, armé d’un Commodore 64 ? (Il secoua la tête.) Non, personne n’a d’autorité dans cette affaire.

— Et s’il est dangereux, lui ? répliqua sa mère.

— Il n’est pas dangereux, dit fermement Caitlin.

— Comment peux-tu le savoir ? Et même s’il n’est pas dangereux en ce moment, il peut très bien le devenir.

— Et pourquoi ça ? dit Caitlin avec tout le défi qu’elle osait mettre dans sa voix.

Sa mère jeta un coup d’œil à son père, avant de dire :

Terminator, Matrix, tout ça…

— Ce ne sont que des films, dit Caitlin exaspérée. Tu ne peux pas savoir si ça va se passer comme ça.

— Et toi, répliqua sèchement sa mère, tu ne sais pas si ça se passera bien.

Caitlin croisa les bras d’un air déterminé.

— Eh bien, moi, voilà ce que je dis : il a plus de chances de devenir pacifique et gentil avec nous comme… comme mentors, que si les militaires ou une bande d’espions essaient de le contrôler.

Elle espérait que son père allait encore une fois venir à son secours, mais il se contenta de regarder le plancher.

Mais finalement, il s’avéra qu’elle n’avait pas besoin d’aide. Au bout de quinze secondes de silence, durant lesquelles la mère de Caitlin sembla réfléchir, celle-ci hocha enfin la tête en disant :

— Tu es une jeune fille pleine de sagesse. Caitlin eut un large sourire.

— Bien sûr, répondit-elle. C’est normal, avec les parents que j’ai !


— Pourquoi l’image saute-t-elle comme ça ? demanda Tony Moretti.

Il était de nouveau avec Shelton Halleck dans la salle de contrôle de WATCH. L’affichage du grand moniteur sur le mur lui rappelait un vieux film dont la bande d’entraînement aurait été abîmée.

— Apparemment, c’est comme ça que nous voyons, répondit Shel. Ces sauts s’appellent des saccades oculaires. Normalement, notre cerveau se charge de les filtrer, tout comme il élimine les brèves interruptions quand on cligne des yeux. J’ai lu des articles là-dessus. En fait, seule une toute petite partie du champ de vision possède une grande précision. On l’appelle la fovéa, et elle perçoit l’équivalent de l’ongle du pouce à bras tendu. C’est pourquoi le cerveau déplace l’œil constamment pour se concentrer sur différentes parties de l’entourage de la fovéa avant d’additionner les images pour que tout semble bien net.

— Ah, fit Tony. Et c’est ce que cette fille au Canada voit en ce moment ?

— Non, c’est un enregistrement réalisé tout à l’heure – une bonne séquence sans interruption. Malheureusement, il y a pas mal d’éclipses et de paquets manquants. Les données vont d’un fournisseur d’accès canadien jusqu’à un serveur situé à Tokyo. Nous en interceptons le maximum possible, mais il y a une partie qui ne transite pas par les USA.

Tony fit signe qu’il comprenait.

— Je ne saurais pas tout ça, poursuivit Shel, si je n’avais pas lu une transcription de la conférence de presse, mais Caitlin Decter souffrait d’un problème de codage au niveau de son système visuel naturel. Sa rétine codait ce qu’elle voyait d’une façon incompréhensible pour son cerveau, et c’est pour ça qu’elle était aveugle. Ce Kuroda l’a équipée d’un processeur de signaux qui corrige les erreurs. Ce que nous voyons en ce moment, c’est le flot de données corrigées. Son ordinateur portable transmet ces signaux à son implant rétinien, et également au serveur de Kuroda, à l’université de Tokyo.

— Pourquoi cette duplication ?

— Au tout début, le programme ne corrigeait pas les signaux comme il fallait, et Kuroda essayait de résoudre ce problème. Pourquoi il continue de recevoir les informations à Tokyo, ça, je n’en sais rien. D’une certaine façon, c’est une atteinte à la vie privée.

Tony sourit devant l’humour de la remarque…

En temps normal, les analystes de WATCH travaillaient par rotations de douze heures pendant six jours d’affilée, puis ils avaient droit à quatre jours de repos. Mais quand le niveau d’alerte (le vrai, pas celui que la propagande de la Sécurité intérieure débitait dans les haut-parleurs des aéroports) était élevé, ils continuaient tout simplement à travailler jusqu’à ce qu’ils tombent de leur fauteuil… L’objectif était de fournir une continuité d’analyse aussi longtemps que c’était humainement possible.

Ces tours de surveillance se chevauchaient. Tony Moretti entamait sa première journée tandis que Shelton Halleck en était à sa troisième – et il avait l’air épuisé. Ses yeux gris étaient ternes et il n’était pas rasé. Tony trouvait qu’il ressemblait au capitaine Black après sa capture par les Mysterons…

— Bon, dit-il, alors, est-ce qu’elle a examiné des plans d’armes nucléaires ou des trucs de ce genre ?

— Non, dit Shel. Ce matin, son père l’a conduite au lycée. Elle a déjeuné à la cantine – ça n’est pas très ragoûtant de voir la nourriture enfournée comme ça. En fin de journée, une copine l’a raccompagnée chez elle. Je suis à peu près sûr qu’il s’agit de la fille du Dr Hameed, Bashira.

— De quoi ont-elles parlé ?

— Il n’y a pas de liaison audio, Tony. Uniquement vidéo. Et dans les quelques cas où Caitlin regardait quelqu’un suffisamment longtemps pour que nous puissions lire sur les lèvres, ce n’étaient que des banalités.

— Bon, d’accord, fit Tony en fronçant les sourcils. Continue la surveillance, O.K. ? Si elle…

Putain !

C’était Aiesha Emerson, l’analyste installée à côté de Shel. C’était une Noire de trente-cinq ans, aux cheveux coupés court.

— Aiesha ? fit Tony.

— Il se passe quelque chose, aucun doute là-dessus, dit-elle.

Elle semblait avoir le souffle court, pensa Tony.

— Où ça ?

Elle désigna le grand écran montrant la vidéo saccadée.

— Là.

— Tu veux dire, la petite Decter ?

— Oui. Je sais que Shel a essayé de remonter jusqu’à la source de l’intercepteur, et – tu ne m’en voudras pas, Shel – j’ai décidé de tenter ma chance, moi aussi. J’ai pensé qu’il serait plus facile de travailler sur les petits flots de données, au lieu des alimentations vidéo massives, alors j’ai vérifié si la gamine échangeait aussi des messages instantanés avec quelqu’un. Au début, je ne regardais même pas les contenus, juste les informations de routage, mais quand j’ai commencé à lire

— Oui, fit Tony, quoi ?

Elle appuya sur une touche, et l’affichage de son moniteur apparut sur l’écran géant de gauche, sous le logo de la NSA.

— « Calculatrix », dit Tony en lisant le nom d’un des interlocuteurs. Qui est-ce ?

— La petite Decter, répondit Aiesha.

— Ah. (Son correspondant n’était pas identifié par un alias, mais par une simple adresse e-mail.) Et elle parle à qui ?

— Pas à qui, dit Aiesha. À quoi. Il haussa les sourcils.

— Tu veux bien répéter ?

— Lis la transcription, Tony.

— Bon, d’accord. Heu, tu peux la faire défiler ? (Aiesha s’exécuta.) C’est n’importe quoi. Les lettres sont toutes mélangées.

— Je parie que c’est son père qui a écrit ça, dit Aiesha, même si l’émetteur est toujours Calculatrix. Ils sont en train de la tester.

— De « la » tester ? dit Tony.

— Continue de lire.

Il semblait y avoir eu quatre échanges assez bizarres, avec quatre réponses : « Je vous demande pardon ? », « Dix-sept », « Oui. Non. Oui » et « Encore une fois, je vous demande pardon ? »

Et c’était suivi de : Je suis Barbara Decter. Hello.

La réponse était : C’est un plaisir de faire votre connaissance, Barbara. Je connaissais déjà votre mari grâce à son entrée dans Wikipédia, mais je sais fort peu de choses sur vous. Je serai ravi d’en apprendre davantage.

Et puis, presque vingt minutes plus tard, il y eut la réponse de Calculatrix : C’est encore moi. Mes parents s’inquiètent de la réaction du public s’il apprenait ton existence. Nous devons rester discrets.

Séparés ? Distincts ?

Non, au sens de circonspects.

Je m’en remets à ton jugement.

La transcription s’arrêtait là.

— Oui ? fit Tony en regardant maintenant Aiesha. Et alors ?

— Et alors, ce sont des tests, dit-elle comme si c’était évident.

— De simple jeux, des casse-tête, dit Tony. Mais Shelton Halleck s’était déjà levé.

— Ah, putain, fit-il en se tournant vers Aiesha. Des tests de Turing ?

— Je suis prête à le parier, répondit-elle.

Tony leva les yeux vers l’écran géant. Il avait le cœur battant.

— Est-ce qu’on a un expert en IA à portée de main ? demanda-t-il. Avec une habilitation de niveau trois ?

— Je vais vérifier, dit Aiesha.

— Trouve-m’en un, dit Tony, n’importe qui. Tout de suite.

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