56. MERCREDI 9 MAI, 17 H 32
— Je veux le voir.
— Tu ne le verras pas, Marchal. Pas maintenant. Il vient d’émerger, ils lui ont mis la dose en route. Il est en plein interrogatoire. On cherche à comprendre les raisons de sa virée en Ardèche.
Vic donna un violent coup de poing contre le mur.
— Merde !
Joffroy, impassible, écrasa sa cigarette dans un cendrier.
— Inutile de détruire pour autant toute la brigade… Wang s’occupe des aveux. Après, à la justice de déterminer sa part de responsabilité. Cette espèce de salaud va tout faire pour éviter la taule et se faire passer pour fou. Moi, je veux qu’il crève au fond du trou. On ne tue pas de cette façon sans savoir ce qu’on fait. Qu’il crève !
Vic ne tenait plus en place.
— Quand je pourrai le voir ?
— Rentre chez toi, tranquillement. Parce qu’à mon avis, on en a pour jusqu’au milieu de la nuit. Wang ne le lâchera pas de sitôt.
— Arrêtez de tous me dire de rentrer chez moi, OK ?
Ses lèvres tremblèrent légèrement, puis il finit par affirmer :
— Ce type n’y est pour rien.
— On va voir ça. Il prétend avoir passé la soirée à se pinter dans un bar, après votre rencontre, cette fameuse nuit où Liberman est décédée. J’y crois pas un instant.
Vic fixa son collègue avec assurance.
— Il n’est pas coupable.
Joffroy haussa les épaules.
— Décidément… Le commandant avait raison, t’es pas fait pour le métier. D’ailleurs, en plus de tes conneries, attends-toi à avoir quelques emmerdes supplémentaires. Parce que apparemment, tu l’as revu sans nous en informer. Un message, sur son répondeur. Qu’est-ce que t’as à voir là-dedans ?
— J’ai sympathisé avec lui, la loi me l’interdit ?
— Drôles de fréquentations.
— Pas plus drôles que tes conneries. Le PQ dans mon tiroir, c’était toi. J’ai trouvé des miettes de biscottes, au fond. Ça t’a bien amusé, crétin ?
Le lieutenant au Perfecto tendit un index menaçant.
— Doucement, V8, doucement, OK ?
Vic était hors de lui. Une veine ressortait au milieu de son front.
— Dis-moi au moins pourquoi il a enlevé sa femme. Quelles raisons donne-t-il ?
— T’es grillé. T’auras tenu un mois. Pas si mal, après tout, pour un pistonné.
Joffroy sortit du bureau en claquant la porte. Quelques secondes plus tard, Vic partit s’enfermer dans sa voiture. Il cogna sur son volant. Quelle bande de cons ! Il les détestait, tous. Mais pas autant qu’il se détestait lui-même. Il s’alluma une clope et laissa la fumée lui pénétrer les narines. Ensuite, il roula un peu, trouva une rue pas trop fréquentée, baissa son siège et, assuré de ne pas être vu, se mit alors à pleurer. Longuement.