14.

L’expression la plus franche et la plus singulière de la mort.

Six carcasses de porcs, dont les plus dégradées remontaient à la fin de l’été. Suspendues par le train arrière à l’aide d’un treuil et d’une épaisse corde tressée, à deux mètres cinquante de hauteur. Les liens effleurant difectement l’os, pour deux d’entre elles. Un contraste saisissant avec les squelettes d’un blanc de nacre qu’on pouvait étudier dans les laboratoires d’ostéologie, à l’université. Une pancarte en bois, sur leur échine ou ce qu’il en restait. Dessus, barbouillé à la peinture rouge : Bundy, Gacy, Kraft, Bishop, Ralph et Fish. Les noms des plus célèbres tueurs en série. Il fallait vraiment être entomologiste pour rire devant un pareil spectacle.

Des bêtes, à l’origine de plus de quarante kilos, âgées de trois ans minimum.

Du haut de son escabeau, David baissa son masque chirurgical et souffla sur la mine de son stylo avant d’inscrire sur la fiche de suivi de Bishop qu’apparemment, ce trois février, à quinze heures douze, aucun insecte n’était venu y pondre et aucun œuf n’avait éclos. Bien trop froid pour les Calliphora vicinal et les Calliphora vomitories. Pas folles les mouches. La faune des cercueils aussi aimait le confort.

David replaça sa protection de coton avec soin. Dans cette nécropole de chairs rances, de totems décharnés, il songeait au triste sort réservé au petit Grin’ch. Qu’est-ce qu’un porcelet de quelques semaines, pesant à peine le poids d’un caniche, pouvait bien avoir en commun avec l’expérience Schwein 2005-2006 ? Évidemment, comme l’affirmait Doffre, les organismes plus jeunes réagissaient différemment au processus de décomposition ! Bien sûr, grâce à des études menées sur des porcelets, on obtiendrait plus de précisions sur la façon dont se décomposent les corps d’enfants découverts dans les forêts ! Selon le vieil homme, les scientifiques leur avaient confié la mission d’égorger et de perdre l’animal le cinq février, dans le but de démarrer une nouvelle étude au cœur de l’hiver, intitulée Schwein 2. Mais pourquoi, dans ce cas, à quelques jours près, ne l’avaient-ils pas exécuté eux-mêmes ? Il y avait là quelque chose qui clochait.

Le jeune homme traîna son escabeau jusqu’au charmant Bundy, non sans réprimer un certain dégoût. Le sang, qui avait gelé en gouttelettes noires, outrageait la blancheur ouatée déposée par la nature. Cette mort-là, puant la charogne, n’était pas la sienne, pas celle qu’on pouvait masquer à l’aide de produits conservateurs ou à coups de bistouri. Elle se déployait ici librement, sans tabou, et creusait toujours plus ses sculptures, secondée par la lente maturation du temps. Cette mort-là était celle de l’enfant que le meurtrier enterre et laisse pourrir dans son jardin, celle de l’adolescente, abandonnée ligotée contre un arbre, en proie aux bêtes sauvages. Cette mort-là était celle dont on ne parle jamais.

Seul sous ces cosses morbides, David la défiait, les yeux dans les yeux.

Malgré la fine protection, Bundy l’obligea à enfouir le nez dans son blouson. Ce n’était pas un masque qu’il aurait fallu, mais un scaphandre ! Bien que le froid sec ralentisse fortement la putréfaction, le porc, égorgé à la fin de l’automne, puait l’ammoniac. Un remugle âcre, acide, qui lui agrippa les tripes. Il n’osait imaginer la scène au cœur de l’été, sous les rayons brûlants du soleil. Sans doute l’impression de s’être perdu dans un champ d’arums.

Les arums… Le test de Doffre, dans l’officine… Arum, tache verte abdominale, scie électrique…

L’officine… L’officine… La photo de l’entomologiste… Les loupes et microscopes… Les différents tiroirs, dans les commodes latérales… Doffre y avait pioché les fiches de suivi… Bien sûr ! Ces meubles devaient forcément contenir des dossiers scientifiques, ainsi que les différentes déclinaisons du programme entomologique. Facile, dans ce cas, de vérifier l’existence de Schwein 2.

David sauta de son escabeau et passa par-derrière. L’enclos. Grin’ch vint se frotter contre lui. Porte fermée. Le jeune homme s’agenouilla, la bouille du porcelet entre ses mains.

— Hors de question de te sacrifier, mon gros, murmura-t-il. Ma fille et ma femme t’ont adopté, alors tu vas rester avec nous jusqu’au bout, OK ?

Puis il se précipita vers l’entrée du chalet. Cathy jouait avec Clara à faire un bonhomme de neige, qui n’en était encore qu’à ses balbutiements d’existence : un amas blanchâtre. Adeline, un peu plus loin, sciait des branches, clouait, découpait, bien décidée à construire un abri pour le merle noir. Depuis leur retour d’excursion, sous l’œil curieux du volatile, les deux femmes ne s’adressaient plus la parole. Et, évidemment, impossible d’en connaître la raison.

En pénétrant dans le laboratoire, David sursauta. Dans un coin, Doffre, chemise blanche et pantalon gris anthracite, des feuillets entre les doigts.

— Je… Je croyais que vous faisiez votre sieste ! s’étonna David.

Doffre roula jusqu’au bureau, pour une fois il semblait gêné.

— Tu me prends en flagrant délit ! Je ne t’ai pas vu quitter l’aire d’étude ! Je te savais parti pour les relevés et je suis venu ici pour… comment dire…

— Lire la suite, que vous n’êtes pas censé découvrir avant demain matin.

Doffre acquiesça et reposa les pages à gauche de la machine à écrire.

— Il règne ici une ambiance particulière, exaltante même. Ces odeurs, cet isolement, ces carcasses en état de décomposition. Tout cela magnifie tes écrits. Ton début est excellent ! Ça part sur les chapeaux de roues ! Quel supplice pour moi de devoir attendre !

— Il le faudra, pourtant, rétorqua David du tac au tac.

Il posa la grille de relevés près du microscope, se dirigea vers le bureau et remit en ordre le tas des pages déjà rédigées.

— Un souci particulier ? fit Doffre.

— Non, aucun. C’est juste que je n’aime pas trop qu’on fouille dans mes affaires…

Il regarda vers les tiroirs.

— J’aimerais consulter les différents dossiers des programmes Schwein et Schwein 2, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

Doffre haussa les sourcils.

— Puis-je en connaître la raison ? Tu n’as donc pas assez de lecture avec le dossier Bourreau ?

— Si, si, évidemment, mais… J’aimerais vérifier quelque chose…

— Quoi donc ?

— L’existence de Schwein 2… Je ne comprends pas pourquoi c’est à moi de sacrifier Grin’ch. Pourquoi est-il seul dans l’enclos ? Où sont les autres porcelets ?

Il désigna la photo de l’entomologiste entre les carcasses.

— Pourquoi ne la-t-il pas pendu lui-même ? Et qu’en est-il de…

— Doucement, David, doucement… Je comprends ton sentiment, mais je t’avais prévenu, pour ton épouse et ton enfant. Elles ne doivent pas s’y attacher… Grin’ch devra être sacrifié le cinq février. Il en est ainsi, selon le planning. Qu’est-ce qui te met dans un état pareil ? Ce n’est qu’un animal, après tout… Tu fais dix fois pire sur des humains.

Il hocha sèchement la tête.

— Ouvre ces tiroirs, si tu veux, et remue les dossiers dans tous les sens. Si tu es fortiche en allemand, tu verras que je ne te mens pas.

Doffre déverrouilla un tiroir. Puis il brassa des feuilles.

— Vas-y ! Tout est là ! Courbes, relevés, Schwein, Schwein 2. Vas-y ! Qu’est-ce que tu attends ? Puisque tu me prends pour un menteur !

David sentit le rouge lui monter aux joues.

— Ça… Ça ira, je vous crois… Mais… Je ne sais pas si je pourrai faire… ce que vous attendez de moi…

Doffre retourna auprès du bureau.

— Tu y arriveras. Je te fais confiance… Bon ! Parlons de ce qui nous intéresse, si ça ne te dérange pas ! T’es-tu approprié le dossier Bourreau ?

— En partie. Difficile d’avancer comme je le voudrais, avec l’écriture, les tâches quotidiennes, les relevés pour les entomologistes. … Mais j’y ai décelé… des faits intéressants…

Doffre sortit ses dés, qu’il jeta sur le bureau. Double six, bien entendu.

— Ah ! Tu m’intéresses. De quel genre ?

David s’était figé. Il fixait les dés avec une intensité d’hypnotiseur.

— David ? Un problème ?

Tout tremblant, il plongea sur une feuille de papier, y gribouilla des chiffres. Une opération. Il posait une opération. 101703… 101005… 98784… 98101… 98067… 97878… 97656… Les énigmes du Bourreau… Triturées là, au bout de sa plume.

— Tu commences à m’inquiéter ! s’impatienta Doffre.

Le jeune homme leva soudain un regard noir.

— Arthur !

Il s’appesantit de nouveau sur ses calculs.

— J’espère que vous avez un peu de temps à m’accorder !

— S’il s’agit d’une urgence… Je t’écoute.

David se rua sur l’épais dossier. Il se mouilla l’index, en proie à son excitation, et se mit à feuilleter les pages. Doffre le contemplait avec fascination.

— D’accord ! D’accord ! Passons rapidement en revue l’histoire du Bourreau… Le 4 juillet… Le 4 juillet 1977… Georges et Pascale Dumortier, les premières victimes, sont assassinés à leur domicile, selon un rituel très précis qu’ont réussi à reconstituer les criminologues. Il menotte et bâillonne le mari, le déshabille…

— Je connais ! Abrège, s’il te plaît !

— Écoutez, j’ai… j’ai besoin de ça ! Laissez-moi continuer !

— Vas-y, fit Doffre.

— Donc, le Bourreau étale des instruments devant lui. Des tenailles de différentes tailles, des bistouris, une paire de ciseaux et toutes sortes de couteaux. Il installe sa balance de Roberval, pose sa plume de Maât d’une masse de cent vingt-cinq grammes sur l’un des plateaux, et demande à l’épouse, Pascale, de l’équilibrer en prélevant ce qu’elle souhaite sur son mari. Pascale est directrice d’école, c’est une femme à poigne…

— Ce qu’elle souhaite… répéta l’ancien psychologue. Il ne lui dit pas quoi, ni comment. Il laisse libre cours à son imagination. Si la balance est équilibrée, il leur accorde la vie.

— Exactement ! embraya David. La vue de son enfant dans les bras du tortionnaire, ce couteau pointé sur la gorge du petit la forcent à coopérer. La peur de mourir, l’instinct de survie…

Arthur acquiesça.

— Le Bourreau aimait détruire psychologiquement ses proies… La destruction, l’un des éléments clés qui l’emmenaient au nirvana. Ce pour quoi il choisissait des femmes au caractère fort. Les plus combatives.

Doffre baissa les yeux, soudain troublé. Revivait-il ses séances avec Bourne ? Se remémorait-il ses erreurs de jugement sur son patient ?

Le transfert se mettait en place. La fusion des personnalités. Les blessures du temps.

— En effet, continua David. Alors, Pascale va trouver le courage de le faire. Leur sauver la vie, à tous les trois. Parce quelle croit l’homme en face d’elle. Il est devenu son bourreau, mais aussi, paradoxalement, son sauveur. Celui qui décidera. Les techniciens de scène de crime ont supposé qu’elle avait commencé par couper les cheveux de son mari, le plus à ras possible, puis ses poils sur le torse, sous les bras… ses poils pubiens… Elle ne récoltera qu’une quarantaine de grammes, largement en deçà de ce qu’elle escomptait…

— La masse des poils et cheveux est tellement trompeuse, intervint Doffre en levant l’index. Grave erreur d’avoir commencé par là… Parce que selon la règle établie, elle peut rajouter du poids, mais pas en ôter. Elle aurait dû garder les cheveux pour plus tard, afin d’équilibrer la balance. Car à présent… Que prélever sur un homme svelte comme Georges Dumortier ? Et, surtout, comment ne pas en prélever trop ? Un sacré défi. II…

Doffre s’arrêta brusquement.

— Excuse-moi. J’ai tendance à m’emporter. Cette histoire est si profondément ancrée en moi… Mais continue, je t’en prie.

David présenta une photographie couleur de la scène de crime.

— Le lendemain, après un appel anonyme d’une cabine, les enquêteurs retrouveront, sur le sol, des cheveux, des poils, un pouce, et divers morceaux de chair provenant des fesses de Georges… Bien entendu, ils ne saisissent pas la signification d’un tel carnage, et ne feront le rapprochement avec une pesée qu’après la découverte du corps pendu de Tony Bourne et de son matériel de torture, un an plus tard.

Il piocha un autre cliché aux dominantes pourpres. Gros plans des victimes.

— Georges a été tué d’une balle de Smith & Wesson dans la tempe, son épouse torturée puis… étouffée d’une manière particulièrement horrible. L’enfant de deux ans, lui, a été épargné. Sur son crâne, à un endroit que Bourne a rasé, un nombre, tatoué à l’encre noire. 101703. Ce numéro, dont le mystère n’a jamais été élucidé.

David fouilla de nouveau dans le dossier et en extirpa des feuilles en bristol vert pomme. Arthur dévorait chacun de ses gestes, intrigué.

— Le 25 juin 1977, dix jours avant la première tuerie, un patient dénommé Tony Bourne se rend à votre cabinet, qui se situe à une trentaine de kilomètres des lieux du crime. Il se présente comme caissier dans une grande surface, et semble atteint d’une angoisse très particulière. Depuis son enfance, il souffre d’un souffle au cœur. Peu avant sa visite chez vous, une douleur lancinante dans la poitrine l’a persuadé que son myocarde le lâcherait dans un avenir proche. Bourne a peur d’informer les médecins, car il craint une greffe. Il est terrorisé à l’idée qu’un élément étranger soit introduit dans son organisme. C’est pour lui une véritable phobie. Je résume bien la situation ?

— Parfaitement, répondit Doffre avec un temps de retard. Nous nous attachons donc à mettre en place une…

— … psychanalyse, que vous ne réussissez pas à démarrer car Bourne manque d’assiduité et surtout, il a des accès de colère qui le poussent à plaquer les séances au bout de cinq minutes.

Si bien qu’entre le premier et le troisième massacre, exactement huit mois plus tard, vous n’avez pas avancé. Je vous cite : « J’ignore le but profond de ses visites. Il persiste à venir quand bon lui semble et refuse de libérer sa conscience. On dirait qu’il joue, tout en souffrant énormément. La thérapie s’annonce longue et fastidieuse… » Après un silence radio d’un mois, Bourne revient. Cette fois, il est plus bavard, et terriblement angoissé. Il vous confie qu’il se déplace de moins en moins, d’où son absence, et qu’il ne sort que lorsque c’est absolument nécessaire, afin d’économiser les battements de son cœur. À sa caisse de supermarché, il se sent bien, car ses mouvements sont limités et ne nécessitent que de maigres efforts. Une remarque, sur l’une de vos fiches : « Lorsqu’il ne parle pas, je peux lire sur ses lèvres qu’il compte les pulsations de son cœur. Je lui ai conseillé d’acheter un cardiofréquencemètre, mais il refuse, de peur que le champ magnétique provoqué par le capteur ne perturbe son rythme sinusal. » Une seconde observation, au terme d’une autre consultation : « Il est obsédé par le poids des objets. Il pèse visuellement tout ce qu’il rencontre. Montre, tee-shirt, bijoux. Un besoin évident de capturer les chiffres, de quantifier ce qui l’entoure. Je suis aujourd’hui persuadé qu’il cherche par là à révéler quelque chose. Une frustration, ou un moyen de se rassurer… »

— Où veux-tu en venir ?

David se leva, un article de journal entre les mains.

— 4 mai 1978, quatrième massacre. Pour la première fois, la police, relayée par la presse, parle des tatouages sur les crânes des enfants et divulgue les nombres : 101703 pour le premier môme, puis 101005, 98784 et 98101 pour les trois autres. Les autorités mettent en place un centre d’appel gratuit. Le pays tout entier se ligue contre le Bourreau. Il existe bien une personne, en France, qui trouvera un sens, une relation entre ces numéros ! Evidemment, tout le monde téléphone. Dates, décompositions de facteurs premiers, coordonnées planétaires, positionnement des versets de la Bible, délires ésotériques, cryptographie… tout y passe. Mais la solution, elle, n’est présente que dans un seul crâne. Celui de la personne qui consulte chez vous, quand elle n’est pas occupée à épier ou à torturer ses prochaines victimes.

David s’empara des dés truqués et les mit sous le nez de Doffre.

— Depuis que je m’intéresse aux tueurs en série, j’avoue que le cas de Tony Bourne est celui qui me passionne le plus. Je suis avant tout un scientifique, Arthur, et je dois vous confier que moi aussi, plus d’un quart de siècle plus tard, j’ai passé des nuits entières à tenter de comprendre la signification de cette série de sept nombres. J’en ai même souvent cauchemardé ! Et, comme tout le monde, je m’y suis cassé les dents. Pourquoi, à votre avis ?

— Tu vas peut-être me l’expliquer ?

— Parce que ces numéros… ces numéros n’avaient aucune relation directe entre eux ! Il ne fallait pas les traiter dans un ensemble, mais au cas par cas !

D’un mouvement rapide, Doffre déroba les dés et les serra dans sa paume.

— Tu commences à m’intéresser. Aurais-tu une solution à me soumettre ?

— Vous la connaissez déjà, Arthur !

David écrasa son poing sur sa poitrine.

— C’est là que se trouve la clé, en chacun de nous !

— Continue !

— Les pulsations cardiaques ! Il n’y avait rien de plus simple !

Arthur se pencha vers l’avant, aux aguets.

— Précise !

— La première fois où nous nous sommes rencontrés, dans votre voiture, vous m’avez dit : « Notre séjour tournera autour du mystère des nombres… Toutes les vérités se cachent au cœur des chiffres » Au cœur des chiffres… Quel habile jeu de mots ! Les chiffres, liés au cœur. Le cœur, qui crée les chiffres. Quel est le nombre moyen de pulsations cardiaques en vingt-quatre heures ? Vous connaissez la réponse, Arthur, je me trompe ?

Son interlocuteur hocha la tête.

— Tu ne te trompes pas. Soixante-dix à la minute, ce qui donne cent mille, environ…

David allait et venait, bras croisés.

— Cent mille, oui. Et quels sont les nombres du Bourreau, associés à ses sept doubles-meurtres ? 101703, 101005, 98784, 98101, 98067, 97878, et 97656. Des numéros qui vont en décroissant, alors que Tony Bourne réduisait son activité physique ! Ils représentaient les marques de son organisme, juste avant qu’il agisse ! Une séquence de signes qui l’identifient, lui, et uniquement lui ! Sa signature !

Doffre applaudit.

— Que de progrès ! Tu es décidément très doué !

David claqua son poing sur le bureau.

— Arrêtez ce petit jeu avec moi ! Vous suiviez la presse ! Par ces tatouages, vous aviez forcément fait le rapport entre Tony Bourne, qui vous parlait d’un nombre de battements cardiaques, et le Bourreau 125, comme je viens de le faire ! Vous auriez pu tout arrêter !

Doffre resta impassible, d’un calme déstabilisant.

— Évidemment… Parce que tu crois que j’avais résolu l’énigme de cette série de chiffres durant l’analyse ? David ! Cesse d’être naïf à ce point ! Toi, tu disposes de tous les éléments pour résoudre le problème ! Tu sais d’emblée que Tony Bourne et l’assassin à la plume de Maât ne font qu’un. Vingt-sept années d’historique. Des dizaines d’ouvrages sur le Bourreau. Des photos, des rapports d’autopsie, des témoignages. Mais moi ! Y as-tu songé un seul instant ? De quoi disposais-je alors ? De rien ! Absolument de rien ! Un patient qui vient me voir quand bon lui semble, un malade comme j’en reçois plus d’une demi-douzaine par jour. Il compte ses pulsations cardiaques ? Et alors ? J’ai eu des patients qui mangeaient leurs excréments, ça en faisait des cannibales ? Non mais sors de ton délire ! Mon cas a été passé au peigne fin par les policiers de la Crim, par la DST, et toi, tu oses mettre en cause ma parole ? Si j’avais su qui était le Bourreau, à l’heure qu’il est, ça aurait été prouvé, et je ne serais pas là pour t’en parler !

Pour la première fois, son crâne se voila d’un léger film rouge sang.

— Je t’ai mis une bombe entre les mains ! lui dit-il en sortant du laboratoire, et je sais que tu y prends un pied phénoménal ! Mais manipule-la avec la plus grande prudence. Parce qu’elle pourrait bien t’exploser à la gueule !

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