39.

David se réveilla en sueur. Très vite, l’idée qu’il venait de sortir d’un mauvais rêve s’estompa. Le cauchemar n’était pas en lui, mais hors de lui, là, de l’autre côté de cette porte.

Il chercha à tâtons sur le mur, derrière le lit, et appuya sur l’interrupteur.

Un bref regard sur sa montre. Cinq heures du matin. Pas un son dans le chalet.

Il se jeta sur sa tasse de café froid, posée au pied du lit, et dévora ses tartines. Il n’avait pas particulièrement faim, mais il fallait chasser cette sensation de salissure qui lui imprégnait les lèvres. Elle l’avait embrassé, humilié, violé. Il se rappelait cette puanteur en lui, alors qu’il se trouvait immobilisé, drogué. II cracha sur le sol, se frottant la bouche avec dégoût.

Il se leva sans faire de bruit et, légèrement nauséeux, essaya sans succès d’ouvrir la porte. Il colla son oreille contre le bois. Arthur était-il là, derrière, recroquevillé ?

David se mit à tourner en rond. Il fallait trouver le moyen de foutre le camp d’ici, à tout prix. Réveiller Clara et Cathy, et déguerpir au plus vite… Puis se cacher, se réchauffer mutuellement, se serrer les uns contre les autres. Atteindre le 4x4, avant de foncer vers la route. Délivrance. Et, enfin, appeler les flics, tous les flics du monde…

Comment faire ? Assommer Emma à sa prochaine visite avant qu’elle hurle ? Trop risqué. La moindre erreur, et Arthur tordrait le cou à Clara. Ce salopard le ferait.

Quel lien l’unissait réellement à cette folle ? Il la connaissait depuis toute jeune. Était-il possible qu’il fût… de sa famille ? Ou alors son psychologue ? Et qu’il ait organisé cet effroyable traquenard pour servir leur folie commune ? Pour que, pleine d’espoir et d’illusions, elle se libère de sa souffrance ?

David se rappelait les longs moments qu’ils passaient à deux, tard dans la nuit, à comploter au pied de la cheminée. Cette terreur muette qui semblait s’emparer d’Emma, cette réaction d’orpheline à chaque fois qu’Arthur s’éloignait d’elle. Son besoin permanent de se sentir rassurée et de se laisser guider.

Père-fille, ou maître-esclave ? Qui était le plus détraqué ? Il pensa à Charybde et Scylla, monstres mythologiques qui dévoraient les marins circulant entre leurs rochers. Arthur était dangereux, mais Emma pouvait l’être deux fois plus. Au prochain pas de travers, David savait qu’elle n’hésiterait pas à lui faire mal. Très mal.

Jusqu’où iraient-ils ? Et où pouvait bien être Adeline ? Et si…

Plus que tout au monde, il éprouvait l’envie de serrer son épouse dans ses bras. Tout oublier. Tout recommencer. Se faire pardonner son manque d’attention, son égoïsme. Les avoir amenées ici, sans garanties, tout ça pour… des rêves de gloire, d’argent.

Indirectement, il leur avait tranché la gorge. Exactement comme Emma l’avait fait avec Grin’ch. Cathy et Clara. Son sang. II appuya ses poings contre la porte, submergé par une vague de colère et d’impuissance.

Sur la commode, le dossier Bourreau. Le nœud de cette aventure machiavélique. Ou alors un simple traquenard, pour l’occuper ? Juste un prétexte pour l’amener ici ? Fou de rage, il s’en empara et le lança par terre. Les feuilles, les photographies se dispersèrent sur le sol. Les victimes, qui le fixaient, qui hurlaient, qui, après plus de vingt-cinq années, semblaient crier encore : « A l’aide ! Aidez-nous ! Par pitié ! »

Il se plaqua les mains sur les oreilles, la mâchoire contractée. Pourquoi ces voix, dans sa tête ? « Aidez-nous ! Aidez-nous ! » Ces flashs sanglants qui le harcelaient depuis l’adolescence ? Cet univers macabre qui l’entourait, depuis tant d’années, et qui, à présent, refermait ses griffes sur sa gorge ?

Il détourna le regard du sol… mais une intuition le poussa à scruter de nouveau les éléments épars.

Les photographies des crânes tatoués.

Elles manquaient.

Il s’agenouilla, fouilla, remua. Rien. Les gros plans avaient bel et bien disparu. Alors, une image furtive lui revint en mémoire. Adeline, les clichés des sept enfants dans la main, alors qu’il… alors qu’il écrivait ce qu’Emma l’avait par la suite forcé à avaler.

David frotta son front humide avec le drap. Adeline… Adeline était venue dans le laboratoire avec une idée précise en tête, cette nuit-là. Elle avait fouillé dans le dossier à la recherche de ces mômes… En quête d’un numéro. Le cinquième des sept nombres.

Et aujourd’hui, elle avait disparu.

David ramassa les faces ensanglantées, les membres lacérés, et les fourra entre les pages dispersées.

S’il voyait juste, et si Adeline l’avait trouvé, il ne manquait plus que deux numéros. Deux numéros avant de clore la série du Bourreau, de fusionner avec sa triste destinée. D’aboutir… Aboutir à quoi ? Le monstre allait-il jaillir des entrailles de la terre et leur arracher les tripes ?

Un traquenard… Il s’agissait nécessairement d’un traquenard. Tout cela paraissait fantastique, incompréhensible… Mais si Emma était arrivée avec ce nombre, 98784, au bout des lèvres, c’était forcément parce que Arthur le lui avait demandé… Toute cette histoire devait suivre une logique.

La logique d’un piège invraisemblable.

« Que sais-tu que j’ignore encore ? se demanda-t-il en pensant au vieux sadique. Pourquoi me donner ce dossier alors que tu te fiches du livre ? Alors que le Bourreau n’était qu’un vulgaire prétexte pour m’amener dans les bras d’Emma ? »

Emma d’un côté, le dossier Bourreau de l’autre… Emma, le Bourreau… Le Bourreau, Emma…

Tout était là, devant lui, et il ne voyait rien. Absolument rien.

Il s’assit en tailleur sur le lit, le dossier sur les genoux.

Rapport d’autopsie de Bourne. Relevés chimiques, toxico-logiques… Ouverture de sa poitrine en Y. Organes prélevés, crâne scié, dure-mère percée, cerveau exposé, coupé en tranches.

Bourne avait été retrouvé pendu, dans son garage, complètement nu. Une corde – celle dont il se servait pour ligoter ses victimes – autour du cou, il était monté sur une chaise, l’avait accrochée à une poutre et avait chassé la chaise d’un coup de pied.

Les résultats remontés du laboratoire de toxicologie ne mentionnaient aucune trace d’alcool ni de stupéfiants dans l’organisme. Bourne s’était supprimé froidement, avec la rigueur qui le caractérisait. Le légiste avait noté l’absence de sillons digitaux à l’extrémité de ses phalanges. Dans le garage, les techniciens chargés des relevés avaient retrouvé des feuilles de papier de verre sur lesquelles Bourne s’était frotté les doigts. Un trait qu’il avait en commun avec d’autres tueurs en série. La volonté de pouvoir toucher sa victime sans laisser la moindre trace. Cette sensation de peau contre la peau, sans la barrière des gants en latex.

David s’attarda sur les photographies du cadavre de Bourne. Les lividités noires s’étalaient des coudes jusqu’au bout des doigts, et des genoux aux pieds. Les ecchymoses au niveau des articulations prouvaient que Bourne, dans sa phase d’agonie, s’était balancé au bout de sa corde et cogné au mur, juste derrière lui, cherchant probablement à se raccrocher à la vie au moment d’être emporté dans l’au-delà.

Gros plan sur le visage de l’homme, les yeux ouverts. Le blanc de l’œil parsemé de petites taches, témoins de son décès par asphyxie. La langue gonflée, hors de sa bouche.

Traversé par un frisson, David se frotta les côtes.

« Qu’est-ce-que tu viens faire dans ma vie ? pensa-t-il. Pourquoi moi ? Pourquoi ici ? Pourquoi, après tant d’années ? »

Il observa les autres clichés de cette silhouette svelte mais extrêmement musclée, aux pectoraux clairement dessinés. Un obscur caissier de grande surface qui s’entretenait en jouant des poids et haltères dans sa cave, qui cultivait l’énergie nécessaire pour assommer puis torturer ses proies. Force morale, force physique.

David tiqua, au moment où il s’apprêtait à tourner le feuillet. Il approcha ses yeux au plus près du corps de Bourne.

Biceps, triceps, quadriceps…

Muscles saillants, puissants.

Entretenus. Entraînés.

Un entraînement qui devait solliciter énormément le muscle cardiaque. Or Bourne consultait chez Doffre précisément parce qu’il comptait de manière obsessionnelle ses battements cardiaques, qu’il faisait tout pour les réduire, les économiser.

Plus de deux ans sans sport, à restreindre au maximum son activité physique… Son corps aurait dû perdre de sa masse musculaire.

David fouilla dans les photocopies des notes dressées par les inspecteurs. Inventaire du contenu de la cave… Quarante-cinq revues pornographiques. Sadomasochisme, fétichisme, zoophilie, bondage. Divers instruments sexuels, du gode aux bracelets en cuir. Puis, un banc de développé couché, un autre à abdominaux, une presse à jambes, cent trente-cinq kilos de fonte, en disques de un, deux, cinq et dix kilos… Quatre bouteilles d’eau minérale, dont trois vides. Et, entre autres… un tube d’Osmogel acheté la semaine précédente – il était même noté l’adresse de la pharmacie –, entamé au quart. Utilisé pour le soulagement musculaire.

David se mouilla les lèvres du bout de la langue et plongea le nez dans les feuilles du rapport d’autopsie. Pesée, puis dissection du cœur. Il balaya la rubrique plusieurs fois. Ventricule gauche… Oreillette droite… Valves, aorte… Nulle part, on ne parlait de souffle au cœur ou de déformation du myocarde. Un « détail » qui n’aurait certainement pas échappé aux yeux d’un légiste.

Bourne s’entraînait chaque jour, dans sa cave. Et Bourne n’avait jamais eu de problème cardiaque, comme il le prétendait.

David sentit sa gorge se resserrer. Il tenait enfin quelque chose.

Il leva un regard craintif lorsque craqua une lame de plancher, dans le couloir. Il éteignit prestement sa lumière et se glissa sous ses draps, retenant son souffle.

Plus rien. Fausse alerte. Il ralluma, le front trempé. Il s’empara des bristols vert pomme. Tout premier bilan d’Arthur. Première rencontre avec Bourne. Ecriture calme et appliquée.

25 juin 1977

Tony Bourne souffre d’un souffle au cœur depuis l’âge de dix ans. Depuis peu, une douleur dans la poitrine l’a persuadé que son cœur allait s’arrêter de battre…

… Il refuse d’informer les médecins, de peur d’une greffe… Il rejette toute idée d’intrusion d’un élément étranger dans son corps…

…La totalité de notre entretien a été consacrée à son myocarde. D’ailleurs, il n’a cessé de promener sa main sur son torse, instinctivement, le regard souvent lointain. Il a peut-être la phobie de son propre organisme…

Les autres fiches reprenaient plus ou moins la même thématique. Cette histoire de greffe. La manie des chiffres. La volonté de tout peser, de dénombrer. Et la peur grandissante de se déplacer, par souci d’économiser ses propres battements cardiaques.

David se plaqua les mains sur le visage et expira bruyamment. Durant tous ces entretiens, Bourne avait menti à Doffre.

Et, à la vue du rapport d’autopsie, des notes des policiers, Doffre l’avait forcément découvert. Qu’avait-il alors ressenti ? De la colère ? De la rancœur ?

Pour quel motif Bourne était-il allé le voir, dans ce cas ? Pourquoi avoir inventé cette incroyable histoire de battements détraqués ? Pourquoi un psychologue ?

Pourquoi Arthur Doffre ?

C’était incompréhensible. Purement et simplement incompréhensible. La théorie des pulsations cardiaques sur les crânes des enfants semblait pourtant si plausible ! À présent, tout s’effondrait. Retour à la case départ.

David revint aux photocopies des notes concernant l’environnement de l’assassin. Petit pavillon, gazon parfaitement entretenu et coupé à ras – le souci de la précision –, dans un quartier tranquille. Très peu de meubles, une télévision, une radio, des piles de quotidiens. Une maison des plus normales pour un célibataire, et une hygiène de vie soignée. Poubelles toutes vides, lit fait au carré. Dans sa chambre, la balance de Roberval et la plume de Mâat. Aidés de Luminol, les techniciens de la police scientifique avaient réussi à détecter, sur les plateaux en cuivre, du sang vieux de plusieurs mois, appartenant au même groupe que celui de la dernière victime, Patricia Böhme. Les outils de torture, les cordes et les bougies servant à asphyxier ses proies étaient précieusement étalés sur une table basse, tous orientés dans la même direction, bien parallèles, et positionnés à proximité du lit. Probablement un moyen de prolonger les fantasmes, de ramener les cadavres sous ses draps.

Contrairement à la plupart des tueurs en série, Bourne n’était pas un collectionneur. Aucune photographie, nul souvenir – mèche de cheveux, bijoux, partie corporelle – de ses victimes. Entre ses crimes, sa jouissance passait uniquement par la vision de ses instruments. Et la préparation de son carnage suivant.

David continua à examiner toutes ces preuves qui accablaient Bourne, qui effaçaient l’humain et dévoilaient le monstre. Une bête solitaire, un reclus, qui, pourtant, avait rassuré, appuyé, aimé son psychologue durant son séjour à l’hôpital, au point de se suicider après avoir été cruellement rejeté. Bourne, dont l’aversion profonde pour les femmes n’était plus à démontrer, avait-il pu tomber amoureux de Doffre ? Ce qui fournirait le motif de ces séances… Une espèce d’Emma au masculin, prêt au mensonge le plus saugrenu – cette invention des battements cardiaques – pour approcher l’objet de son amour : Arthur Doffre.

Non… Aucun rapport écrit, aucun livre ne faisaient mention de tendances homosexuelles à son sujet. Jamais d’amies, certes, mais jamais d’amis non plus. Cette hypothèse ne tenait pas la route.

Mais alors, pourquoi ces séances ? Pourquoi ?

« Tout est une question de point de vue, et d’influence », avait dit Doffre avec insistance, le premier soir, avant de parler du Bourreau.

Tout est une question de point de vue… Changer d’angle de vision… Renverser les a priori… Ne pas se laisser influencer par ce qui paraissait évident… Et qu’est-ce qui paraissait évident ? Que Tony Bourne mentait.

Inverser les rôles. Peut-être n’était-ce pas Tony Bourne qui avait entretenu le mensonge. Mais Arthur Doffre.

David s’empara de toutes les fiches cartonnées, s’assit sur le plancher et les plaça en arc de cercle autour de lui, dans l’ordre chronologique. Il vérifia la cohérence des dates, relut consciencieusement les résumés des séances.

L’ensemble se justifiait à la perfection. La thèse de la phobie de Bourne ne présentait pas la moindre faille. Les détails cités par Arthur étaient crédibles, on ne pouvait plus vraisemblables.

Et pourtant, l’un des deux avait menti. Lequel ?

David se dit qu’il avait peut-être manqué un indice dans le journal intime de Doffre, rédigé sur son lit d’hôpital. Il rouvrit donc le vieux cahier d’écolier et le parcourut en partant de l’hypothèse qu’Arthur mentait au sujet de Bourne.

Il tomba alors à nouveau sur les pages où était répété le mot « Mort ». Le coup de blues d’Arthur, ses plaintes et lamentations. Puis les descriptions précises des visites de Bourne, dont l’état de santé, selon Arthur, s’améliorait, alors que lui s’enfonçait. Avec, toujours, cette écriture tremblotante, fracturée. Des « e » grossiers, des « a » malmenés. Bel exploit tout de même, en fin de cahier, pour un droitier contraint d’être gaucher, nota David. Arthur avait vite appris, et écrivait presque à la perfection après trois mois d’hospitalisation.

Le jour n’allait pas tarder à se lever. David se frotta les paupières, s’empara d’une fiche verte, rédigée avant l’accident, et la plaça en vis-à-vis du cahier. L’écriture, sur le bristol, était fluide, sans rature – jolis « a », « e » parfaits, voyelles arrondies. Pas vraiment différente de celle de la fin du cahier, en définitive. Degré d’inclinaison identique, même manière de lier les lettres, longueur de la barre des « p » ou des « t » semblable.

Etrange, car l’une était tracée de la main droite, et l’autre de la main gauche.

David posa soudain le bristol et mima, l’index pointé devant lui, l’écriture de la lettre « t ». Ce geste, il le répéta cinq fois d’affilée.

Le bras du « t », que le droitier trace de gauche à droite.

Il avala sa salive.

Son regard se porta à nouveau sur le papier cartonné vert. Puis sur le cahier.

Son doigt se mit à trembler.

Il venait d’avoir la certitude d’une chose : c’était Arthur qui mentait.

Sur les bristols vert pomme, Doffre avait tracé ses barres de « t » de droite à gauche, comme le font les gauchers, comme il l’avait fait sur son journal intime, à l’hôpital. Le sens du tracé se devinait à l’infime point d’encre initial, abandonné à droite par la plume. Il en allait de même avec les accents, ainsi qu’avec les lettres rondes – les « o », les « a » -, tracées à l’envers.

Tous ces bilans avaient été rédigés de la main gauche.

Et donc, après l’accident.

Dès sa sortie d’hôpital, avant que les flics ne débarquent chez lui, Arthur avait pris sa plus belle plume, inventé une phobie au Bourreau 125 et rédigé brièvement ces dizaines de bilans, dont les derniers se limitaient à de simples flèches de tendance – sûrement par manque de temps. Une hallucinante histoire de souffle au cœur apportant une explication aux tatouages sur les crânes des enfants. Et légitimant ainsi leurs rendez-vous au cabinet, dont la police avait pris connaissance lorsqu’elle s’était intéressée aux mouvements sur le compte bancaire de Bourne, après son décès.

Aux yeux des flics, Bourne consultait pour soigner sa phobie.

Mais en réalité, Doffre et Bourne ne s’étaient pas rencontrés pour un quelconque problème psychologique.

David y était presque, il le sentait.

L’influence… L’arum, la tache verte abdominale, la scie électrique…

Et si Doffre s’était servi de Tony Bourne ? S’il l’avait guidé dans ses actes, lui avait indiqué la manière de procéder, de progresser dans ses crimes ? Et si ces deux-là avaient travaillé ensemble, dans un but commun : le meurtre ?

Arthur Doffre avait-il fabriqué le Bourreau ? Et Arthur Doffre s’en était-il débarrassé par la suite, le forçant à se suicider grâce à l’influence qu’il exerçait sur lui ? Parce que, immobilisé sur son lit d’hôpital, il se sentait lui-même déjà mort ?

Ça se tenait. Ça se tenait drôlement.

L’intelligence de l’un, au service de la démence de l’autre.

Le vice à l’état pur, cloué dans un fauteuil roulant.

Comprendre l’influence et percevoir autrement.

Professeur Doffre… Élève Bourne.

Professeur Doffre… Élève Emma.

Le professeur vieillit, mais pas l’élève.

Doffre, replié derrière sa profession. La psychologie… Un vivier où puiser des esprits malades, malléables. Puis jouer de leurs faiblesses, les travailler à sa guise… Et frapper, frapper par la seule force des paroles.

Combien de personnes psychologiquement fragiles Doffre avait-il manipulées ? Combien de meurtriers avait-il fabriqués ?

Combien de meurtriers…

Emma était de ceux-là. Une obsédée amoureuse, de la pire espèce. Furor amoris.

Et bientôt, elle tuerait, dans un seul but : assouvir les fantasmes de Doffre.

David eut envie de hurler. Hurler à se déchirer le larynx.

Enfermé, avec sa fille, sa femme détruite, dans un chalet où personne ne pouvait les entendre crier.

À la merci du pire esprit que l’humanité puisse engendrer. Et de son esclave malade.

Entre les bras du Mal…

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