8.

David ne décollait plus le front de la vitre du puissant 4x4, sauf pour noircir son calepin de notes. Il situerait l’action de son roman dans la Forêt-Noire, c’était décidé. Le Bourreau 125, en Allemagne. Une forêt vaste, mythique et énigmatique, au service d’un thriller… L’idéal… Il imaginait déjà les hurlements que personne n’entendrait, pourquoi pas une longue course-poursuite sous la brûlure de l’hiver, la fuite d’une victime qui n’aurait, pour s’en sortir, d’autre choix que de se jeter dans un ravin. Bref, les idées foisonnaient à mesure que la petite famille et le chauffeur aux gants blancs s’enfonçaient dans le labyrinthe de branchages.

Après Baden-Baden, puis Hilpertsau, la route avait commencé à se tordre, s’effiler pour éventrer les vallées puis épingler le col de Kaltenbronn. Pendant quelque temps, ils avaient croisé des auberges fermées et des refuges déserts, puis plus rien. Des arbres, rien que des arbres. David était fasciné par le spectacle de cette forêt, à la fois possessive, dense et intime. À certains endroits, le soleil ne filtrait que par gouttelettes dorées, l’obscurité donnait alors l’impression d’une seconde nuit.

Les roues du 4x4 traçaient à présent de profonds sillons dans la poudreuse. David s’étonna de la soudaine quantité de neige. Il se pencha vers l’avant du véhicule et observa le thermomètre. Un degré, alors qu’il en affichait dix de moins il y avait à peine un quart d’heure ! « Peut-être un microclimat, songea-t-il, à cause de ce relief particulier, ou de la densité arboricole. » Il en prit note et considéra le GPS. D’après les indications, ils n’allaient pas tarder à arriver…

Dans l’enceinte d’une minuscule clairière, le chalet se dessina enfin, son toit en rondins recouvert de neige, resplendissant sous les rayons inclinés du soleil. Il était bien plus imposant que sur les photos. Les fûts empilés, enchevêtrés et à peine écorcés donnaient une impression de matière brute, taillée à même la forêt.

Cathy leva les yeux, plaquant son nez sur la vitre arrière. Le chêne majestueux, qui surgissait de la toiture, semblait être né de la demeure elle-même. Quant aux fenêtres de la façade, un peu arrondies, elles ressemblaient à de grands yeux curieux.

— Comment peut-on construire un truc pareil autour d’un arbre ? Tu as vu la hauteur de ce chêne ? Et l’épaisseur de ses branches ?

David se pencha par-dessus son épaule.

— Alors ? Première impression ? Tu t’attendais à ça ?

— Pas vraiment, tout est tellement… démesuré. Ces arbres, ce chalet, cette forêt… Cette tranquillité… Je crois que je vais adorer… Quand je me sentirai un peu moins nauséeuse…

Christian se gara à proximité d’un autre 4x4. Clara émergea progressivement de son sommeil lorsque le moteur cessa de ronfler. Même à moitié endormie, la gamine amena sa tétine entre les dents. David la serra dans ses bras et l’embrassa dans le cou.

— Si tu es heureux, alors je le serai aussi, confia Cathy en ouvrant la portière.

— Tu as bien fait d’accepter. Tu ne le regretteras pas…

Clara s’agitait comme un asticot.

— Neize… Neize ! Neize ! Neize !

David la libéra de son siège. La môme se mit à courir et s’enfonça rapidement jusqu’aux tibias. Elle avait repéré un piquet surmonté d’un globe rouge, semblable au nez d’un clown. Yoyo le clown !

— Regarde comme elle est contente ! reprit David, une fois sorti de la voiture.

Il fit une grosse boule de neige qu’il jeta vers son épouse.

— Arrête chéri ! Je me sens pas bien… J’ai été malade à crever tout le long de la route, alors sois gentil…

Arme au poing, David s’approcha encore, prêt à récidiver.

— Il faut te le dire en quelle langue ? Arrête, t’as compris !

En une fraction de seconde, son visage s’était assombri.

— Bon sang ! C’est quoi ton problème ? chuchota David en explosant le projectile contre un tronc. Dans le temps, c’est toi qui les commençais, les batailles !

— Mon problème ? Tu veux le connaître, mon problème ?

Une voix grave, autoritaire, brisa subitement leur querelle.

— La petite ! Allez chercher immédiatement la petite ! Vite ! Avant qu’elle n’atteigne le piquet !

Doffre hurlait depuis le perron, l’index pointé vers Clara. L’enfant progressait à bon rythme, en dépit de la neige qui s’accumulait sur ses vêtements. Qu’il avait l’air amusant, ce nez de clown ! Et il y en avait tout le long ! Des dizaines de Yoyo le clown, rien que pour elle ! Mieux que dans un grand cirque !

Cathy retint un cri.

Ça y est, la fillette atteignait son objectif. Elle tendait déjà le bras.

Ses deux pieds décollèrent brusquement de terre. Elle se mit à hurler.

David venait de l’attraper, il l’emmena avec lui vers le chemin, la respiration courte. Il regarda Cathy sans comprendre. Le couple s’approcha de Doffre, silencieux et gêné. Le vieil homme les salua chaleureusement, tandis que Christian déchargeait leurs bagages. Puis il jeta un œil sur Clara, qui sanglotait encore, avant de désigner les piquets.

— Désolé d’avoir été aussi abrupt. Mais ces vingt-neuf repères, dispersés autour du chalet, indiquent l’emplacement de pièges à loups, et votre enfant aurait pu se retrouver avec le tibia broyé. Christian aurait dû vous prévenir.

— Christian n’y est pour rien, corrigea David. Nous avons manqué de vigilance.

— Des pièges à loups ? répéta Cathy.

Arthur Doffre pivota, libérant le passage vers l’intérieur.

— Oui. Des lynx rôdent dans la région. Ils viennent du nord. Plusieurs individus ont été repérés, ces derniers temps. Le jour, ils sont inoffensifs, plutôt craintifs, mais la nuit, ils deviennent de redoutables chasseurs. Il vaut mieux éviter les sorties une fois l’obscurité installée, on ne sait jamais. Et surtout, n’approchez pas de ces repères, car la neige a rendu les pièges invisibles. Il y en a partout. Devant, derrière, ils jalonnent aussi le sentier qui mène à la réserve à bois, sur le côté.

— Des lynx… Ça commence bien, ironisa Cathy en bloquant sur la silhouette longiligne qui se tenait penchée devant la cheminée.

Adeline posa le tisonnier sur son support et se frotta les mains sur un torchon avant de venir saluer les Miller.

— Adeline est la tendre dévouée qui nous accompagnera dans notre grande aventure littéraire, expliqua Doffre en lui caressant le bout des ongles.

Cathy tira ses cheveux en arrière, le sourire crispé. Alors c’était ça, la « vieille compagne » de Doffre ? Une tendre dévouée ? Ça signifiait quoi, une tendre dévouée ? Elle n’avait pas l’air d’une pute, pourtant. Plutôt l’inverse, d’ailleurs, genre rouquine un peu coincée, limite Petite maison dans la prairie. Vachement mignonne avec ses prunelles d’un bleu perçant, sa plastique à éblouir un aveugle. Apparemment, le danger n’était pas que dehors. Cathy prit David par la taille et se serra contre lui. Doffre l’arracha à ses pensées.

— Je vous souhaite donc, à tous les trois, la bienvenue ! Adeline va vous mener à votre chambre, afin que vous puissiez vous installer. Vous voudrez manger un morceau ?

— Ça ira, merci, répondit David. Nous pourrons attendre le repas du soir, nous avons grignoté en route.

Doffre fit jouer un trousseau de clés entre ses doigts.

— D’accord. Nous ferons ensuite une courte visite des lieux, puis vous pourrez vous reposer, si vous le souhaitez. Adeline, tu leur montres le chemin, s’il te plaît ?

Le long corridor au tapis rouge. Toilettes, salle de bains. Puis l’odeur des antiseptiques, enfer d’hôpital qui fit faire la grimace à Cathy. Ensuite, une porte fermée, suivie de deux autres, au fond, sur la droite.

— Je vous en prie, fit Adeline en ouvrant.

— Merci, répliqua David avec un sourire de politesse.

Avant d’entrer, Cathy tourna la tête vers la rouquine, qui s’éloignait.

— Elle a besoin de rouler des fesses comme ça, celle-là ?

— Oh ! Je t’en prie. Pas ici…

— On pouvait se retrouver qu’à deux, mais non… Une autre fille… Y a toujours un truc qui cloche. Ça promet…

— Pour une fois, j’espère que tu mettras de côté ta jalousie.

David posa Clara, son sac à dos, inspira un grand coup. Puis il s’élança sur le lit. La petite l’y rejoignit en piaillant.

— Alors ! Géniale la chambre, non ?

Cathy tourna sur elle-même. Lambris, parquet, poutres. Tons chauds. Nid douillet au cœur de la forêt.

— Plutôt pas mal, ouais. Un peu rudimentaire, mais… elle est grande…

— Et le lit a l’air de ne pas trop grincer !

Cathy se dirigea vers la fenêtre en haussant les épaules. L’obscurité s’installait déjà. Seize heures…

— Même de ce côté-ci, il y a des piquets à bout rouge. Bizarre, quand même… Je savais pas qu’il y avait des lynx en Allemagne.

Elle demanda à David :

— Tu peux me donner les photos ?

— Pour quoi faire ?

— Donne, c’est tout !

David fouilla dans la poche de son caban, en sortit les clichés et les lui tendit. Cathy les observa attentivement, en retournant vers la fenêtre.

— Je m’en doutais… À l’époque, pas de pièges à loups !

— Peut-être pas de lynx, tout simplement. Ils ne débarquent sans doute que l’hiver, puisqu’il a dit qu’ils venaient du nord.

Cathy fronça les sourcils.

— Et… Attends… Oui, c’est bien ça ! Il y a quelque chose qui me tracassait, quand on est arrivés, mais je n’arrivais pas à trouver quoi.

— Quoi ?… soupira David.

— Les grandes vitres, sur la façade !

— Et alors ?

— Des vitres, mais pas de volets ! Or, il y en avait, sur les photos !

Elle voulut ouvrir la fenêtre, mais un verrou l’en empêcha. Elle plaqua son visage contre le carreau.

— Et pareil pour notre chambre, apparemment. Pas de volets.

— Quelqu’un les a peut-être démontés pour les traiter ou pour les peindre ? Ou alors, ces photos datent d’il y a plusieurs années ? Qu’est-ce que j’en sais ! Bon ! On retourne dans le salon ?

Cathy frappa doucement du poing sur la vitre. Plexiglas.

— Vas-y avec Clara… répliqua-t-elle. Je vous rejoins. Je voudrais me passer de l’eau sur le visage…

La minute d’après, elle s’enfermait dans les toilettes et baissait son jean. La présence d’abondants saignements l’effraya. Après s’être nettoyée, elle sortit un comprimé blanc d’Exacyl, l’avala sans eau et renfonça la boîte bien au fond de sa poche. Cette boîte, il faudrait la cacher en lieu sûr, ou jeter l’emballage.

Si David tombait dessus… Des cachets censés freiner les hémorragies… Pas besoin d’un dessin pour comprendre.

Elle se rassura, néanmoins. Hormis le sang – elle prétendrait avoir ses règles s’il voulait faire l’amour –, aucune séquelle physique, exceptés les vomissements, durant le trajet. L’avant-veille, l’expulsion s’était déroulée sans douleur et les médecins avaient su trouver les mots justes pour la réconforter.

Là, maintenant, elle aurait dû se sentir plus légère, soulagée. Mais l’avortement n’enlevait rien à la gravité de son acte. Elle avait froidement trompé son mari.

Elle fixa son reflet dans le miroir, sans baisser les yeux.

Dans le salon, les hommes l’attendaient au pied du chêne. Adeline, installée dans un fauteuil en cuir, ne cessait de regarder Clara.

— Monsieur Doffre vient de me dire que cet arbre avait au moins trois cent cinquante ans, raconta David. Tu imagines ? Trois cent cinquante ans !

— Il s’agit d’un chêne rouge, planté de main d’homme, ajouta Doffre, du temps où la Forêt-Noire abritait encore ses tisseurs, ses boisseliers et ses fabricants d’horloges. Construire ce chalet autour a été, en quelque sorte, un symbole de respect. Et un sacré défi architectural, notamment au niveau de la charpente et du plancher, qui garantissent un isolement total.

Cathy pointa le doigt en direction du plafond.

— Et là-haut, sur le tronc ? Qu’est-ce que c’est ?

Arthur siffla brièvement.

— Excellent sens de l’observation ! Ce sont des inscriptions, gravées en profondeur dans l’écorce, dans lesquelles a été coulé de l’argent fondu. Afin qu’elles ne s’effacent jamais. Il y est écrit « Oktober 1703 ».

— Et ça signifie ?

— Il faut remonter loin dans l’histoire de ces terres pour en interpréter la signification, conta-t-il sur le ton du mystère. Au temps des sorcières, des sortilèges et des confréries secrètes. Mais chut ! Nous en reparlerons plus tard…

— Et comment deviner qu’un arbre a été planté par un homme ? s’intéressa Adeline en étendant ses longues jambes prises dans son jean moulant.

— Parce qu’il n’y a aucun autre chêne rouge dans cette région, principalement faite de sapins aux aiguilles vert-noir, d’où le nom de « Forêt-Noire ». C’est le seul et unique spécimen.

— D’accord, mais pourquoi l’avoir planté précisément ici, au milieu de nulle part, dans ce cas ?

— Pas au milieu de nulle part. Mais… le plus loin possible de toute forme de civilisation…

Il claqua la main sur le bras de son fauteuil.

— Et maintenant, la visite des lieux ! Prenez votre fille avec vous, j’ai une petite surprise pour elle !

À certains endroits, le tronc se gonflait de déformations hideuses, de tourbillons, de bosses. Cathy frôla l’arbre du bout des doigts et les retira rapidement. L’écorce était glacée.

Doffre les emmena vers le couloir. Adeline resta dans le salon, en compagnie de Christian.

— Rien de pire pour les fauteuils roulants que les virages à angles droits, râla Doffre en bifurquant dans le corridor.

— Vous voulez de l’aide ? proposa David.

— Personne n’a jamais poussé mon fauteuil, trancha-t-il d’un ton subitement froid.

Les Miller échangèrent un bref regard. Au fond du couloir, Doffre enfonça une clé dans un gros cadenas et ouvrit une porte qui donnait sur une espèce d’enclos, à la toiture faite de tôle ondulée. Une petite boule rose s’engouffra à l’intérieur de la maison. David laissa passer le porcelet devant lui, l’air ahuri, tandis que Cathy se baissait pour l’intercepter. Clara se précipita vers l’animal.

— Lui, c’est Grin’ch, fit Doffre en s’amusant devant l’expression câline de l’enfant.

Il mima un cercle, autour de l’œil.

— À croire que votre fille et lui étaient faits pour se rencontrer. … Peut-être un signe ?

— Une mauvaise chute, s’empressa de justifier Cathy, accroupie devant le petit cochon qui ne cessait de grogner.

Doffre acquiesça avec un sourire.

— Pour en revenir à notre cher Grin’ch, il est tout jeune et ne pèse que cinq kilos. Nos prédécesseurs nous ont chargés de nous occuper de lui. Le nourrir, en fait… Mais je vois qu’il a un certain succès auprès de vous, Cathy !

— Elle et les animaux, c’est une véritable histoire d’amour, précisa David. Si je l’écoutais, chez nous, ce serait une véritable arche de Noé !

— On pourra le laisser entrer de temps en temps ? demanda la jeune femme sans lever les yeux. Ce serait bien, pour Clara…

— Je ne suis pas contre, répondit Doffre. Mais ne vous y attachez pas trop. Grin’ch ne nous appartient pas, et il pourrait partir, très bientôt…

— Juste une question… Qu’est-ce qu’il fait ici, en pleine Forêt-Noire ? l’interrogea David.

— Vous n’allez pas tarder à comprendre…

Doffre signifia à Cathy de replacer Grin’ch dans l’enclos. Clara protesta un temps, puis ils firent demi-tour dans le couloir.

— Désolé pour ces odeurs désagréables, mais nous n’avons pas réellement eu le temps d’aérer, expliqua le vieil homme en déverrouillant une autre porte. Et nos prédécesseurs ne se sont pas vraiment occupés de notre confort.

— Qu’est-ce qu’ils ont bien pu faire avec ces antiseptiques ? fit David.

— Calliphora vicina, Hydrotaea pilipes sont des termes qui vous inspirent ?

— Des mouches, me semble-t-il…

— Très bien ! Les propriétaires de cet endroit sont des entomologistes…

— Des ento quoi ? questionna Cathy.

— Des entomologistes. Des spécialistes des insectes, expliqua David.

Les gonds grincèrent légèrement.

Cathy eut un mouvement de recul, tant les odeurs lui fouettaient les narines.

Puis ils pénétrèrent dans la pièce, juste derrière Doffre, qui allumait la lumière.

La jeune femme n’en crut pas ses yeux.

Partout, des mouches. Des centaines de mouches d’un vert luminescent, grosses comme des billes en porcelaine, plantées par des aiguilles sur du contreplaqué. Mêlés à ce vert organique, des rouges rubis, des bleus améthyste, sur des ailes de papillons. Puis l’ambre des flacons d’antiseptiques, et des transparences, celles des loupes, des lentilles de microscopes, des objectifs photographiques.

Un laboratoire. Ils venaient de mettre les pieds dans un laboratoire.

Elle se retourna vers David, qui tenait Clara par la main. Ils restèrent là un temps, sans rien dire, elle légèrement écœurée, lui intrigué, avant que Doffre n’annonce :

— David, voici l’endroit où vous passerez le plus clair de votre temps. Et, prêts à être utilisés, vos outils…

Il désignait une machine à écrire et deux ramettes de papier, au milieu des scalpels, des larves desséchées, des tissus cellulaires conservés entre des lamelles. L’ampoule, juste au-dessus, diffusait une faible lumière.

— Ici ? tressaillit Cathy.

— Une machine à écrire ? hallucina David. Mais comment voulez-vous ? J’ai l’habitude de corriger, de revenir en arrière ! Je ne sais pas utiliser cette chose ! Je vais perdre un temps fou !

Doffre agita lentement la tête.

— Non, non… Les lettres ont une force, elles ne doivent pas être posées au hasard. Vous en aurez ainsi conscience à chaque fois que vous enfoncerez ces touches… Je suis persuadé que votre texte n’en sera que meilleur. Et puis les ratures, ce n’est pas réellement un problème… Ce qui compte, c’est l’intrigue. Vous ne croyez pas ?

— Si, si… Bien sûr.

Doffre fit à nouveau couiner le moteur de son fauteuil, s’orientant cette fois vers un large drap noir, accroché devant la fenêtre, au fond du laboratoire. À sa droite, sur une étagère, une boîte de cartouches.

— Je vous parlais d’un endroit d’ambiance, David, vous vous rappelez ? Un endroit qui stimulerait au mieux votre imagination. Un lieu permettant d’obtenir le meilleur de vous-même… Approchez, je vous en prie…

David sentit les doigts moites de Cathy se glisser dans la paume de sa main. Clara était repartie dans le couloir, seule, profitant de l’inattention de ses parents.

— Je… Je me rappelle, répondit David en s’avançant, Cathy serrée contre lui.

— Qu’est-ce qu’il nous fait, là ? chuchota-t-elle à son oreille. Tu étais au courant pour le labo ?

Il secoua discrètement la tête.

Doffre empoigna le drap.

— Pour dire la vérité, vous ne vous trouvez pas réellement dans un chalet, confia-t-il.

— Vous pouvez préciser ?

— Monsieur, madame Miller, je vous présente la Toten-Bauernhof… La ferme des morts…

Et il tira le drap d’un geste sec.

Instantanément, le visage de David se plissa de dégoût.

Cathy eut un haut-le-cœur.

Là-bas, entre les sapins, dans l’obscurité du soleil couchant…

Jamais, de toute sa vie, la jeune femme n’avait vu pareille horreur.

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