91

« Qui êtes-vous ? demanda la femme.

— Je suis le type qui tient le flingue, répondit Lennon. Et vous, vous êtes qui ? »

Elle laissa glisser son regard vers la porte et revint sur les yeux de Lennon. « Orla O’Kane.

— La fille de Bull O’Kane ? »

Elle acquiesça.

« C’est vous, la propriétaire ? »

Elle acquiesça.

« Où sont-elles ?

— Qui ?

— Marie et Ellen. » Lennon s’approcha d’un pas en lui visant le front. « N’essayez pas de me baiser ou je vous explose la cervelle. Compris ? Dites-moi où elles sont. »

Les yeux de Orla s’emplirent de larmes. Elle pointa un doigt tremblant sur la porte. « À l’intérieur, dit-elle. En haut.

— Conduisez-moi. » Lennon fit encore un pas. « Magnez-vous.

— Ne me tuez pas », supplia Orla. Une larme glissa entre ses cils.

« Conduisez-moi, et je ne vous ferai pas de mal.

— J’ai rien à voir avec tout ça. » Les mots se pressaient pour sortir de la bouche de Orla. Elle avait le nez qui coulait, le visage chiffonné. « C’est mon père. Moi, je ne suis pas au courant de ses affaires, je ne savais pas qu’il en avait après quelqu’un, sinon je ne l’aurais pas laissé venir chez moi, je ne…

— Taisez-vous. » Encore un pas. Le canon du Glock trembla, à quelques centimètres du front mis en joue. « Fermez-la et conduisez-moi.

— D’accord, dit-elle. Mais ne faites pas de bêtises.

— Allez. Passez devant. »

Orla se dirigea vers la porte, les yeux rivés à Lennon qui lui emboîtait le pas. Elle trébucha sur la marche et tourna la tête pour regarder où elle posait les pieds. La porte était ouverte. Elle la franchit, aussitôt engloutie par les ombres.

Lennon la suivit et se trouva dans une entrée qui faisait aussi office de buanderie. Contre le mur du fond s’étirait une rangée de machines à laver et à sécher le linge. Le plafond était moisi et l’air empreint d’une écœurante odeur d’humidité. Une flaque d’eau détrempait le sol tout autour.

Orla se dirigea vers une porte sur la gauche, conduisant à une pièce bardée d’aluminium et d’acier inoxydable. Ce qui appartenait autrefois à une maison de campagne traditionnelle ressemblait maintenant à une cuisine de restaurant, avec des bacs à friture, des éviers de la taille d’une baignoire, des plaques chauffantes encastrées, sales, et des fours assez grands pour y loger une personne. À cette pensée, Lennon redoubla d’énergie.

« Dépêchez-vous », dit-il en appuyant le pistolet entre les omoplates de Orla.

Elle gémit, pressa le pas en contournant les îlots tachés de graisse, et se dirigea vers une porte battante qui comportait une vitre crasseuse en son centre. Parvenue à quelques mètres, elle accéléra l’allure et se mit à courir.

« Non. » Lennon se précipita pour la rattraper. Il manqua de perdre l’équilibre en la retenant par le tissu de sa veste.

Elle le repoussa brutalement et franchit la porte. Lennon la suivit, tenant son pistolet comme une vague menace. Elle lâcha la porte sur lui au moment où il tentait de la viser.

« Papa ! » hurla-t-elle plusieurs fois. Lennon ouvrit la porte et la vit trébucher, puis s’étaler sur le sol. « Papa ! cria-t-elle encore. Papa ! »

Lennon n’eut que le temps d’apercevoir la silhouette de l’homme armé dans l’obscurité du couloir. Il leva le Glock et tira.

Загрузка...