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On lui donna du thé et des toasts. Le thé était froid, les toasts mous. Sa tête lui faisait mal à crever. Le paracétamol fut tout ce que l’on trouva pour le soulager. En pure perte, mais il avala quand même les comprimés.

Son poignet bandé était raide et pesant. Il le posa sur la table. La peau de ses doigts le démangeait. Sous le carré de coton et de gaze qui lui fermait l’œil droit, il sentait sa paupière brûlante et humide. Un flic impassible, assis à la table en face de lui, le regardait. Gordon, il avait dit qu’il s’appelait. Il y en avait un autre, debout au coin de la pièce, pâle, le visage luisant de sueur comme s’il avait les boyaux tordus par la chiasse.

Gordon parla à l’intention du magnétophone. « Le suspect, qui déclare se nommer Barry Murphy, a refusé toute représentation légale. » Il s’adressa ensuite au Voyageur. « Monsieur Murphy. Nous avons vérifié auprès de nos collègues de la Garda Síochána. Il y a bien un Finbar Murphy qui vit à Galway, à l’adresse que vous avez fournie. Par mail, nous avons reçu une photo de son permis de conduire. »

Gordon retourna une feuille de papier, dévoilant la copie d’un permis de conduire de l’Union européenne. La photo montrait un homme roux avec des oreilles en feuille de chou et les dents en avant.

« Y serait parfait en joueur de banjo, devant une cabane en bois dans le fin fond de l’Alabama », commenta le Voyageur.

Gordon ne lui rendit pas son sourire. « Vous reconnaissez donc que l’homme que l’on voit sur ce permis de conduire, portant le nom et l’adresse que vous avez déclarés, n’est pas vous ? »

Le Voyageur haussa les épaules. « On dirait que non.

— Quel est votre vrai nom ?

— Thomas O’Neill.

— Et votre adresse ? »

Le Voyageur donna l’adresse de Wicklow qu’il avait mémorisée.

Gordon arracha la feuille de son bloc-notes. Il se dirigea vers la porte. tendit le papier à quelqu’un dans le couloir, puis revint s’asseoir.

« Puis-je espérer confirmation de cette identité, ou bien s’agit-il encore d’une fausse information ?

— On ne sait jamais, répliqua le Voyageur.

— Vos empreintes digitales ne figurent dans aucun de nos fichiers. Il faudra attendre plusieurs jours avant de recevoir les résultats des examens ADN, mais j’imagine que nous ne serons pas plus avancés. Est-ce que je me trompe ?

— On peut être surpris, des fois.

— En effet. Que faisiez-vous à l’hôpital Royal Victoria hier après-midi ?

— Aucun commentaire.

— Pourquoi vouliez-vous enlever la fillette ?

— Aucun commentaire.

— Quand l’inspecteur Lennon vous a arrêté, vous étiez en possession d’une arme à feu, plus précisément un semi-automatique Desert Eagle.44 provenant des industries militaires d’Israël. C’est un pistolet qu’on ne rencontre pas souvent par ici. Vous l’avez passé à la frontière, ou vous vous l’êtes procuré dans le Nord ?

— Aucun commentaire.

— Vous n’êtes pas très bavard, n’est-ce pas ?

— Moi ? fit le Voyageur avec un grand sourire. Un peu, que je suis bavard. Mais je réponds quand même “aucun commentaire”. »

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