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Fegan repoussa brutalement le Voyageur contre le mur. Un tableau se décrocha et le cadre se brisa en tombant. Des larmes traçaient des sillons plus clairs sur les joues noires de suie du Voyageur.

« Où sont-elles ? » répéta Fegan.

Le Voyageur s’essuya les yeux avec sa manche. Il toussa et cracha aux pieds de Fegan.

Fegan le poussa à nouveau. « Où sont-elles ? »

Le Voyageur fit un geste en direction de l’escalier. « Là-haut. Au premier. Mais c’est pas gagné. La femme était déjà presque morte, de toute… »

Fegan se servit du revers de la main pour lui cogner la tête contre le mur. Il vacilla mais ne s’effondra pas, portant une main à son menton. « Putain, la baraque est en train de cramer et tu veux te battre ? Le Bull avait raison. T’es vraiment dingue. »

Fegan sortit le Glock de sa ceinture et le visa à la tête.

« Bon sang, dit le Voyageur en levant les mains. Va donc les chercher pendant qu’il est encore temps. C’est juste au-dessus, au fond du couloir, dernière porte à gauche. Il y a un escalier de secours à côté. Tu pourras peut-être sauver la môme. Merde, y a de la fumée partout dans la cage d’escalier maintenant, regarde. Tu ne pourras peut-être pas monter. »

Au moment où Fegan risquait un coup d’œil par-dessus son épaule, il sut qu’il avait commis une erreur. Le Voyageur se jeta sur lui avec une époustouflante rapidité, tel un chat affamé sur sa proie. Il attrapa son poignet et leva de force le pistolet, les entraînant tous deux vers l’embrasure de la porte emplie de fumée. Leurs pieds s’emmêlèrent, Fegan tomba à la renverse, et le corps souple du Voyageur atterrit sur le sien.

Le Glock rebondit plus loin sur le plancher. Alors que le Voyageur se précipitait pour le rattraper, Fegan l’empoigna par le col de sa chemise et le tira en arrière. Il reçut un genou dans l’entrejambe et fut pris de convulsions, mais ne lâcha pas prise. Il se déporta sur un côté tout en repoussant du pied le Voyageur pour ensuite s’asseoir sur lui à califourchon. Le Voyageur se cabra, se tordit en tous sens. Il emprisonna la gorge de Fegan dans ses deux mains. Au lieu de reculer, Fegan se laissa aller en avant jusqu’à ce que les bras du Voyageur se mettent à trembler, puis cèdent brusquement. Ils se retrouvèrent alors poitrine contre poitrine, les yeux à quelques centimètres de distance. Fegan sentit le souffle chaud du Voyageur juste avant que celui-ci ne lui plante ses dents dans la joue, au-dessous de l’œil.

Il poussa un cri de douleur et se redressa. À genoux, les poumons envahis par la fumée, sur le point de perdre l’équilibre en même temps que le monde autour de lui tournoyait, il se stabilisa en s’appuyant contre le mur tandis que le Voyageur se tortillait toujours entre ses jambes. Secouant la tête, il tenta de chasser la brume épaisse qui menaçait d’engloutir son esprit, puis se concentra sur le visage qui lui faisait face et, joignant les poings, les abattit comme un marteau sur le nez du Voyageur. L’os se fendit et il reçut une giclée de sang chaud sur les mains.

Sa vision se troubla. La fumée lui griffait l’arrière-gorge. Il se pencha et prit appui de son coude sur le plancher, à côté de la tête du Voyageur, lequel redoubla d’efforts en tanguant de plus belle. Il chercha derrière son dos l’arme qu’il avait glissée dans sa ceinture. Sa main se referma sur la crosse. Le froid du métal remonta le long de son bras, clarifiant son esprit en un bref éclair de lucidité dont il se servit pour sortir le pistolet et se concentrer, malgré la douleur et les nuages noirs qui lui obstruaient la vue. Il essaya de viser le front du Voyageur mais une autre vague roula sur sa conscience. Le haut de son corps se tordit, comme si sa colonne vertébrale allait lâcher. Trop tard, il vit la main levée du Voyageur dont le talon le frappa au menton et le fit claquer des dents, si fort qu’il s’en trancha un morceau de langue.

Le monde se déroba autour de Fegan. D’abord le sol, le visage ensanglanté du Voyageur qui s’enfuyait sous lui, puis la porte, éructant de la fumée depuis le ventre de la maison, et le plafond, dont les contours flous glissaient brusquement hors de son champ de vision. L’air se teinta de rouge tandis que la pièce entière tournoyait en lui échappant. Quelque part, à la lumière déclinante de son esprit, il comprit que c’était son propre sang. Sa tête heurta le plancher en un coup à peine amorti par le tapis.

À travers les étincelles et les trous noirs qui dansaient derrière ses paupières, il vit un sourire baigné de cramoisi. Le Voyageur se relevait.

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