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Fegan s’arrêta et inspecta les ombres autour de l’entrée de la propriété. Les feuilles et les branches s’agitaient dans la brise. Aucune forme humaine. Pourtant, ils étaient là, Fegan n’en doutait pas. Ils le surveillaient, tout près. Il avança encore, les yeux et les oreilles aux aguets, prêt à enregistrer le moindre mouvement, le moindre défi. Lorsqu’il atteignit le portail, il s’immobilisa, talons rapprochés, bras le long du corps, et attendit.

Quelques mois à peine s’étaient écoulés depuis sa rencontre avec Bull O’Kane. À l’époque, il croyait que tout était fini et qu’il ne remettrait jamais le pied sur cette île. Mais au fond de lui, il savait probablement qu’il ne connaîtrait jamais la paix jusqu’à ce que O’Kane, ou lui-même, ait cessé de vivre. Et que ni Marie ni Ellen ne serait en sécurité tant que O’Kane continuerait à respirer et à haïr. Le choix était donc clair. Il devait achever le Bull ici, dans cet endroit. De quelle manière procéderait-il, il n’en avait aucune idée. Il n’avait jamais su, consciemment, comment on s’y prenait pour tuer. Il tuait, c’est tout. Sans se poser de questions. Une fois à l’intérieur, il trouverait un moyen.

Près du portail, un homme se détacha des arbres. Il tenait dans les mains une carabine et une feuille de papier qu’il examinait en s’approchant. Fegan reconnut la photo imprimée, celle que les Doyle lui avaient montrée à New York.

« Vous avez vieilli, dit l’homme. Allez-y. Tout droit, jusqu’à la maison. Quelqu’un vous accueillera à la porte. Faites ce qu’on vous dit. Pas de conneries. »

Le portail s’ouvrit avec une lenteur mécanique. Fegan s’avança sans répondre. Le bitume grossier de la route fit place à du gravier sous ses pieds.

Dans une trouée entre les arbres apparut une vaste pelouse, fendue par l’allée qui remontait jusqu’à l’imposante bâtisse. Des plates-bandes fleurissaient çà et là, ainsi que de petits jardins de rocaille enclos entre des buissons. Une fontaine dépourvue d’eau s’élevait au centre de l’esplanade en demi-cercle devant la maison. Fegan regarda les grandes portes en bois s’ouvrir à son approche.

Une femme de large carrure, en tailleur-pantalon, descendit les marches, suivie d’un homme vêtu d’un jean et d’une veste kaki comme son collègue au portail. La bosse qui déformait le tissu du vêtement ressemblait fort à un pistolet.

La femme fit un pas en avant. Elle avait les traits durs, des yeux étroits, des lèvres minces. Son maquillage ne parvenait pas à dissimuler l’hématome qui bleuissait sa joue. Sa bouche s’étira en un sourire sans joie.

« On vous attendait, dit-elle. Venez avec moi. »

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