41.

L’immense statue du savant français René Descartes trône, pensive, à l’entrée du LPO, le Laboratoire de physique des ondes. Sur une plaque en dessous est inscrite sa fameuse devise : « Je pense donc je suis. »

Lucy Filipini est amusée de lire cette phrase en ce haut lieu de la science « cartésienne » parisienne. En plus petit, un tag précise : « Je dé-pense donc je suis. »

Elle franchit un premier contrôle en utilisant sa fausse carte de police, puis arrive dans un service visiblement hautement sécurisé et demande à parler au professeur Thomas Wells, qui consent à la recevoir dans son bureau. Il est en blouse grise, plusieurs stylos fichés dans sa poche de poitrine.

– Encore vous, mademoiselle ? On m’a pourtant dit que c’était la police qui voulait me voir. Alors décidez-vous, vous êtes médium ou vous êtes policière ? À moins bien sûr que vous ne soyez ni l’une ni l’autre.

Elle n’attend pas son autorisation pour s’asseoir.

– Heureusement que vous n’avez pas fait procéder à une incinération, lui explique-t-elle. Votre frère jumeau a bel et bien été empoisonné par un produit à la composition complexe et difficile à utiliser. Donc son assassin s’y connaît en chimie.

– Vous ne m’avez pas répondu : vous êtes policière ou médium ?

– Je suis quelqu’un qui veut savoir la vérité sur la mort de Gabriel, répond-elle sans se laisser déstabiliser. Qu’est-ce que mon métier peut bien vous faire ?

Elle sort une feuille où figure le bilan sanguin.

– L’avez-vous tué ?

– MOI ? TUER GABRIEL ??? Vous pensez vraiment que j’aurais pu ne serait-ce qu’y songer ? Enfin, c’était mon frère jumeau !

– Vous avez refusé qu’on fasse une autopsie, vous vouliez l’incinérer, et vous avez détruit son dernier manuscrit… Cela fait beaucoup pour un seul suspect. Et je ne parle même pas des témoignages qui disent que vous étiez perpétuellement en conflit, jaloux et hostiles l’un à l’autre.

Il la regarde, étonné, puis éclate de rire.

– Qui vous a raconté tout ça ?

– J’ai fait ma petite enquête.

– Dans l’au-delà ?

Elle ne répond pas. Il inspire profondément, cherchant visiblement à rassembler ses pensées.

– Vous êtes sérieuse quand vous dites qu’il a été empoisonné ?

Elle désigne la formule que Krausz lui a indiquée comme étant celle du poison mortel. Thomas remarque le nom du laboratoire qui figure dans l’en-tête.

– Krausz ? Parce que, en plus, c’est son ami Vladimir qui a effectué les analyses ? Soit. Admettons. Il a peut-être bel et bien été assassiné.

– Ce poison mettant 24 heures à agir, le geste mortel a été exécuté la veille de la mort de Gabriel. Donc le jour de votre anniversaire. Or vous avez été proche de son verre ou de son assiette à plusieurs reprises ce soir-là.

– Vous pensez réellement que c’est moi !

Comprenant qu’elle ne compte pas s’arrêter là, il décroche le téléphone pour demander à sa secrétaire qu’on ne le dérange pas durant au moins une demi-heure.

– Mademoiselle Filipini, reprend-il d’un ton calme, savez-vous seulement qui je suis vraiment ?

En réponse, Lucy lâche son petit soupir habituel, se cale dans le fauteuil et se met en mode réception.

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