55.

Enfin ils se retrouvent. Leurs paupières battent de plus en plus vite. Les palpitations de leurs cœurs s’accélèrent.

Samy tremble d’émotion.

Lucy tente de dépasser les multiples modifications de son visage et reconnaît son regard. Elle fond en larmes, et ils s’étreignent de toutes leurs forces.

– C’est toi ? demande-t-elle comme si elle n’osait y croire.

– Oh ! Mon amour !

Ils n’arrivent pas à parler et se contentent de pleurer. Puis Samy parvient enfin à articuler une phrase :

– Je suis si heureux de te retrouver, Lucy !

– Et… Et… Et moi donc ! bégaie-t-elle.

Il l’invite à entrer. Ils s’assoient sur le divan et Samy serre ses mains dans les siennes.

– J’ai tellement attendu ce moment !

– Je t’ai cherché partout. Je suis si heureuse de te retrouver !

– Merci, mon Dieu ! Enfin tu es là, devant moi. Tu n’as pas changé, Lucy !

Elle le fixe, hésite avant de poser la question qui lui brûle les lèvres :

– Pourquoi as-tu disparu, Samy ?

– Mon patron était un escroc. À de nombreuses reprises, il m’a demandé de faire des faux pour déjouer les contrôles, de mentir, de cacher de la drogue. Par peur de perdre mon emploi, j’ai toujours accepté de fermer les yeux. Le jour où je t’ai demandé ton aide, il m’avait averti que je risquais d’être perquisitionné et demandé exceptionnellement de mettre la valise ailleurs que chez moi. Quant à lui, il a paniqué et quitté la France. Un de mes collègues redoutait qu’il envoie des tueurs à gages se débarrasser de moi avant que je décide de témoigner contre lui. J’ai hésité à te prévenir mais j’ai eu peur d’être sur écoute et d’établir malgré moi une connexion avec toi. C’est pour cela que j’ai détruit mon téléphone portable et que je n’ai pas pu te contacter. Mais grâce à la vidéosurveillance, la police est parvenue à remonter ma piste et ils ont découvert que j’étais venu te voir. Voilà pourquoi ils ont perquisitionné chez toi. Oh mon amour, comme je regrette de t’avoir demandé ce service !

Tout à sa joie de le retrouver, Lucy serre son amant encore plus fort contre son cœur.

– Ensuite, je me suis réfugié en Suisse, à Genève, dans une clinique. Là, j’ai changé de nom, de visage, et je me suis fait faire un faux passeport.

Il lui caresse les cheveux d’un geste tendre et poursuit :

– Même mes sœurs n’étaient pas au courant. Quand tout s’est calmé, au bout d’un an, je suis rentré à Paris. J’ai immédiatement essayé de te téléphoner, mais ton numéro n’était plus attribué. J’ai appris que tu avais été incarcérée dans un centre pénitentiaire à Rennes et j’ai compris que je ne pourrais pas te joindre. J’ai été tenté de venir te rendre visite mais, la mafia ayant des sbires dans toutes les prisons, je me suis douté que, dès l’instant où je t’aurais recontactée, ils finiraient par découvrir qui j’étais et qui tu étais. Il faut me comprendre, Lucy ! J’avais si peur qu’ils te fassent du mal… Alors j’ai attendu, des mois, puis des années…

– Pourquoi n’es-tu pas venu me chercher à ma sortie ?

– Je suis venu, mais trop tard – tu étais déjà partie. Je me suis dit que le mieux était de ne plus risquer de te causer d’ennuis. Je t’avais fait déjà suffisamment de mal. Et je le regrettais tellement. Voilà la vérité, mon amour. Je t’aime, Lucy. Je n’ai jamais cessé de t’aimer. Tu ne peux pas savoir comme j’ai rêvé de cet instant. Mes sœurs vont être aux anges. Maintenant que tu es là, tout va pouvoir recommencer comme avant.

La médium entend des bruits dans l’escalier.

– Ah ! Justement, les voilà !

En reconnaissant l’ancienne compagne de leur frère, les quatre femmes poussent des cris de joie. Elles la serrent dans leurs bras et l’embrassent à tour de rôle.

– Tu nous as tant manqué, Lucy. Quel bonheur de te retrouver, petite sœur !

– Tu n’as pas changé, ma beauté !

– Tu es encore plus ravissante.

Samy intervient :

– Crois-moi, malgré cette parenthèse de neuf ans, je suis resté exactement le même. Nous allons pouvoir reprendre nos projets de mariage et d’enfants. Allez, mes sœurs, préparons un grand dîner pour fêter ça !

– Oh oui ! On va faire honneur à Lucy ! Mets-toi à l’aise, on s’occupe de tout, dit la plus jeune.

Ils disparaissent tous dans la cuisine, où ils s’activent pour préparer un bon repas.

Lucy perçoit alors la présence de Gabriel.

– Je sais ce que vous vous dites, mais vous vous trompez, chuchote-t-elle.

Je ne pense rien. Je vous écoute et je vous observe, c’est tout.

– Vous ne pouvez pas comprendre ce que c’est que l’amour avec un grand A, Gabriel. C’est une force magique qui transcende tout. Maintenant je vous demande de me laisser profiter de ces instants que j’ai tant attendus, sans que vous veniez les perturber avec vos ondes pleines de…

Pleines de quoi ?

– … de doutes.

Samy revient auprès de Lucy.

– Tu me parlais, ma chérie ?

– Non, je parlais toute seule. Je me disais que j’avais tant attendu cet instant que je voulais profiter de chaque seconde.

– Alors viens, nous n’avons plus une minute à perdre.

Ils dînent, ils chantent, ils boivent, ils rient. Puis les deux amoureux vont dans la chambre et se déshabillent avec des gestes maladroits et passionnés.

Lucy prend un instant pour allumer des bougies et mettre une musique douce. C’est un air du groupe australien Dead Can Dance qui a pour spécialité d’adapter les chants funéraires en morceaux de rock. La voix profonde de la chanteuse Lisa Gerrard s’élève sur l’air de « Sanvean ».

Lucy vient se blottir contre son partenaire. Après s’être longuement caressés puis embrassés, ils font l’amour.

Comme ils sont beaux ! déclare Ignace, attendri, qui flotte au-dessus d’eux.

Dire que tu m’as traité de voyeur la première fois que tu m’as rejoint…

À mon époque, on ne faisait pas autant de préliminaires, et la plupart des femmes n’envisageaient même pas de demander à l’homme de se retenir jusqu’à ce qu’elles aient un orgasme.

Les gens savaient malgré tout s’aimer.

Oui, mais ils s’aimaient moins bien que maintenant. C’est peut-être aussi ce qui explique pourquoi c’était si compliqué avec Magda : je ne la faisais pas jouir et elle n’osait probablement pas me le dire. Mais moi non plus je n’étais pas satisfait. Nous faisions toujours l’amour face à face, dans le noir complet, et elle gardait sa chemise de nuit. Tout ce qui pouvait ressembler à un peu de fantaisie était pour elle des perversions.

Cela ne vous a pas empêchés de donner naissance à mon père et à ma tante…

Quand même, j’aurais bien aimé m’y prendre comme ces deux-là. Ça a l’air bien, l’amour avec un grand A.

Lucy pousse un hurlement de plaisir.

Et voilà. On ne peut qu’admirer l’artiste !

Il mime un applaudissement.

Papi, cela fait neuf ans que Lucy attend cela, elle lui est restée fidèle, c’est une libération pour elle.

Les deux amoureux poursuivent leur étreinte.

Quand même, quelle énergie ! doit bien reconnaître Gabriel.

Cela me rappelle une blague. Un professeur d’université lance un petit sondage ; s’adressant à l’amphithéâtre rempli d’étudiants, il demande : « Combien d’entre vous font l’amour tous les jours ? » Sur la centaine d’étudiants présents, seulement une vingtaine lèvent la main. Le professeur poursuit : « Combien font l’amour deux fois par semaine ? » Là, une trentaine lèvent la main. « Combien une fois par semaine ? » La moitié de l’amphithéâtre réagit. « Combien une fois tous les quinze jours ? » De nouveau, quelques bras se lèvent. « Tous les mois ? » « Tous les deux mois ? » « Tous les trois mois ? » Et pour finir : « Combien font l’amour une seule fois par an ? » Là, un type se désigne. « Vous faites vraiment l’amour une seule fois par an ? Pourtant vous avez l’air très joyeux, comment est-ce possible ? » Alors l’étudiant répond : « Parce que c’est précisément ce soir. »

Gabriel lâche un petit rire mais ne peut détourner les yeux des amoureux, qui sont entourés d’une sorte de halo doré.

Tu as vu leur aura ? Ce serait donc ça, l’« Amour avec un grand A » ?

En fait, l’amour est une forme de spiritualité à part entière, songe tout haut Ignace.

Il faut respecter leur intimité, le coupe Gabriel.

C’est toi qui me dis ça ?

Oui, viens, montons sur le toit et attendons qu’ils aient fini.

Ils traversent le plafond, s’assoient sur les tuiles près de la cheminée.

On parlait de quoi déjà ?

Lucy émet un nouveau hurlement et soudain son âme fait irruption à travers le toit.

Elle ne reste qu’une dizaine de secondes, puis redescend aussi vite qu’elle était apparue, comme si elle était reliée à son corps par un élastique.

Je ne savais pas que l’orgasme pouvait provoquer des sorties fugaces de corps ! s’émerveille Gabriel.

Lorsque les bruits cessent enfin, Gabriel et Ignace retournent dans la maison. Samy ronfle tandis que Lucy se fait couler un bain moussant. Elle s’y immerge et ferme les yeux.

– Je sais que vous êtes là, signale-t-elle en étalant la mousse pour dissimuler son corps nu. J’espère que vous ne m’avez pas observée durant nos ébats sous la couette…

Lucy, je voudrais vous présenter mon grand-père, Ignace.

– Enchantée, Ignace !

Moi de même ! répond ce dernier. Vous voir si heureuse m’a donné envie de renaître dans la chair pour retrouver cette sensation si particulière…

La jeune femme garde les yeux clos et dit, amusée :

– Vous voulez renaître, Ignace ?

Trouvez-moi une bonne affaire et j’abandonnerai mon statut d’âme errante !

– Il va falloir être plus précis. Vous voulez renaître dans quel genre de fœtus ?

Tout ce que j’ai vécu récemment, ainsi que le fait de tout raconter à Gabriel, m’a permis de faire le point sur ma vie précédente. Je crois que j’ai peur des femmes, je crois que je n’ai jamais vraiment parlé avec une femme, je crois que je n’ai jamais compris une femme… J’aimerais remédier à cela.

Lucy se mouille les cheveux.

À mon époque, poursuit Ignace, la libération sexuelle n’existait pas, il fallait se marier pour faire l’amour, et nous étions tellement inexpérimentés ! On avait inventé le mot « pudeur » pour justifier le silence sur ce sujet jugé tabou. Si on voulait en savoir un peu plus, il fallait aller voir des prostituées, ce que je n’ai jamais pu me résoudre à faire.

– Vous aviez trop de principes, ironise Lucy en appliquant du shampooing sur sa chevelure.

Le mode de communication préféré de ma compagne, c’était les reproches. Et, vers la fin, nous ne faisions plus du tout l’amour ; mon seul plaisir était de boire du bon vin. Je crois que j’ai raté quelque chose de très important dans la vie : la sexualité.

Lucy se masse le cuir chevelu.

Où veux-tu en venir, papi ? questionne Gabriel.

Je veux évoluer dans ce domaine.

Tu veux renaître en femme ?

Je veux renaître en… acteur de film porno.

La déclaration fait pouffer de rire Lucy qui, par inadvertance, se met du shampooing dans l’œil et pousse un petit cri.

Cela réveille Samy qui s’approche de la porte close de la salle de bains.

– Ça va, chérie ?

– Oui, je riais encore du plaisir que tu m’as procuré !

Elle se rince l’œil. Revenant à ses interlocuteurs de l’au-delà, elle murmure :

– Je vais appeler Dracon pour qu’il demande à la Hiérarchie ce qu’il y a comme fœtus disponibles actuellement.

Elle reste encore quelques longues minutes dans son bain, les yeux fermés. Ses cornées bougent sous ses paupières comme si elle rêvait, puis enfin elle annonce :

– J’ai peut-être quelque chose qui pourrait vous convenir, Ignace. Le père du fœtus auquel je pense est dans la fabrication de lingerie à Pigalle. Il a sa propre ligne, qui privilégie les matières comme le cuir, les chaînes, le latex. Il a épousé une strip-teaseuse et ils fréquentent des clubs échangistes.

N’est-ce pas un peu too much ? s’inquiète Gabriel.

– Il faudrait savoir ce que vous voulez !

Bon, OK.

– La femme va bientôt accoucher d’un petit garçon qui, normalement, devrait baigner dans une ambiance familiale très libérée sexuellement. Vous voulez mettre votre esprit dans ce fœtus, oui ou non ?

Eh bien, c’est-à-dire que…

– Il faut vous décider. C’est fatigant ces gens qui, quand on leur offre ce qu’ils demandent, changent tout à coup d’avis.

Très bien, j’accepte.

– Dans ce cas, Ignace, je fais tout de suite la réservation. Le fœtus va s’appeler Maximilien.

Et pour l’enquête ? Tu me laisses tomber, papi ? demande Gabriel avec inquiétude.

Je sens que l’intuition de Lucy sur Thomas est la bonne et j’aime autant éviter d’assister à cet instant délicat où j’apprendrai qu’un de mes descendants a tué l’autre.

Mais il faut bien essayer d’en avoir la preuve !

Désolé, dit Ignace, l’envie de me réincarner pour faire l’amour avec une multitude de partenaires est bien plus forte que celle de résoudre l’énigme de ta mort. Je t’adore, Gabriel, mais je n’ai plus la patience d’enquêter avec toi. Je veux renaître, faire l’amour avec fantaisie et découvrir plein de trucs salaces. Ma génération a été sacrifiée dans ce domaine, c’est une immense injustice.

Et tu renonces donc à savoir la vérité sur ma mort ?

La vérité, finalement, n’est qu’un point de vue.

J’ai été assassiné, ce n’est pas seulement un point de vue ! C’est un fait !

Ignace ne se départ pas de son flegme ectoplasmique :

Je ne conteste pas que tu as été assassiné, je signale seulement qu’on associe la pratique même de l’assassinat à quelque chose de négatif, alors que, si on réfléchit bien, ça ne consiste qu’à transformer un corps vivant en un corps mort. L’assassin est, somme toute, celui qui libère l’esprit.

Certes, mais…

Personnellement, j’aurais rêvé d’être assassiné, mais personne ne s’est donné cette peine et je le regrette, crois-moi !

Mais enfin, papi, tu ne peux pas me…

Arrête de m’interrompre, Gabriel. Tu n’es décidément qu’un égoïste. Il n’y a pas que toi qui comptes. Pour ma part, je viens d’avoir une révélation : l’amour est plus intéressant que la vérité.

Alors qu’apparaît une étoile qui clignote avec un peu plus d’intensité que les autres, Ignace se tourne vers la lueur et, avec un dernier salut de la main, déclare :

En avant pour de nouvelles aventures !

Papi… tu me disais qu’il y a pire que mourir : être oublié. Sache que je ne t’oublierai jamais. Amuse-toi bien !

Alors Ignace s’envole et disparaît dans la lumière.

Gabriel lâche un soupir désabusé qui n’expulse aucun air.

Et vous, Lucy ? Vous en êtes où ?

– Ces retrouvailles ont changé la donne. J’arrête d’être médium. J’arrête l’enquête sur votre mort. Je n’ai plus qu’un seul objectif : avoir un enfant avec Samy.

Vous me laissez tomber tous les deux ? Je ne saurai donc jamais qui est mon assassin ?

– Nous vous avons beaucoup aidé, maintenant vous devez continuer seul. De toute façon, nous sommes tous toujours seuls, même si parfois on a l’impression de fusionner avec quelqu’un. Mais ces instants, aussi illusoires soient-ils, méritent d’être vécus pleinement. J’ai assez souffert, je veux profiter de mon grand amour retrouvé.

Elle se lève prestement et s’enveloppe dans un peignoir.

– Maintenant, je vous demanderai de me laisser vivre tranquillement ce bonheur.

Et vos chats ?

– Ils risquent de me refiler la toxoplasmose. En tant que future femme enceinte, je ne veux pas prendre ce risque.

Vous allez réellement abandonner vos chats ?

– L’amour pour un humain est plus fort que l’amour pour un animal. Je vais les donner à une amie qui dispose d’un grand jardin et qui a déjà plusieurs chats.

Gabriel Wells ne sait plus quel argument avancer. Quand il voit qu’elle ouvre la porte et se dirige vers Samy, il comprend qu’il n’a plus sa place à côté d’elle. Alors il monte, traverse le toit et s’envole dans la nuit.

« Il ne me reste plus qu’à reprendre l’enquête tout seul, depuis l’au-delà. Je vais revoir un par un les principaux suspects, je vais les sonder à ma manière, et je découvrirai enfin qui m’a tué. »


56. ENCYLOPÉDIE : ALLAN KARDEC

Allan Kardec, de son vrai nom Hippolyte Léon Denizard Rivail, est le fondateur du mouvement spirite en France.

Né à Lyon en 1804, il est initié aux tables tournantes en mai 1855 dans la mouvance lancée par les trois sœurs américaines Fox. C’est pour lui une révélation. Il décide de prendre le nom d’Allan Kardec, nom du druide qu’il est convaincu d’avoir été dans une vie antérieure.

Même s’il n’est pas lui-même médium, il en fréquente beaucoup et compile leurs témoignages dans un ouvrage intitulé Le Livre des esprits, publié en 1857, qui devient rapidement un best-seller.

Il crée aussi un journal, La Revue spirite, dans lequel il développe sa thèse selon laquelle le corps n’est qu’un vêtement de l’esprit, les médiums permettant d’après lui aux morts de communiquer avec les vivants.

Ses écrits séduisent quelques célébrités de l’époque comme Victor Hugo, Théophile Gautier, Camille Flammarion ou Arthur Conan Doyle, qui le suivent dans ses séances de tables tournantes.

Il meurt d’une rupture d’anévrisme en 1869, laissant inachevé un ouvrage dont le titre provisoire était Prévisions concernant le spiritisme.

Au-dessus de sa tombe en forme de dolmen est gravée sa devise : « Naître, mourir, renaître encore et progresser sans cesse, telle est la loi. » C’est l’une des tombes les plus visitées et les plus fleuries du Père-Lachaise.

Il est l’auteur français le plus lu au Brésil, pays dont toutes les villes possèdent une avenue Allan-Kardec. Six millions de Brésiliens sont aujourd’hui membres de son mouvement spirite.

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome XII.

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