13.

Lucy enlève ses chaussures et s’effondre dans un fauteuil. Son portable se met à sonner mais elle ne décroche pas. Tandis que ses chats l’encerclent pour lui lécher les mains, Gabriel s’approche d’elle en tournoyant.

Vous devez m’aider, mademoiselle Filipini.

– Vous n’allez pas me reprocher vous aussi de pas être assez « professionnelle », j’espère.

Vous devez agir dans le monde matériel parce que vous seule en êtes capable.

– Comment ?

En enquêtant sur mon meurtre.

– Je ne suis pas enquêtrice.

Je ne peux rien faire sans vous. Je suis comme un poisson-pilote sans requin.

Elle regarde négligemment son téléphone, qui s’est remis à sonner, pour voir l’origine de l’appel et le repose.

– Finalement, vous vous comportez plutôt bien pour un nouveau-décédé. La plupart des gens s’apitoient sur leur sort et perdent d’un coup leur sens de l’humour. Vous, il vous en reste encore un peu.

Tandis qu’il cherche comment l’amadouer, il se souvient de la phrase qu’elle a prononcée : « Chacun est prisonnier de l’histoire qu’il se raconte sur lui-même. » Il comprend qu’il n’a fait preuve d’aucune compassion à son égard. Depuis le début, il l’utilise, mais il ne s’intéresse pas à elle. Exactement comme tous les clients qui viennent la voir et considèrent égoïstement que leur problème est le plus grave du monde.

Racontez-moi votre histoire, mademoiselle Filipini.

– Tiens, vous vous intéressez soudain à autre chose qu’à votre nombril ?

Simple curiosité d’un esprit dont le parcours est terminé pour une personne dont le parcours commence à peine…

Lucy se rend dans sa chambre, d’où elle rapporte une poupée géante en tissu représentant un clown hilare. Elle la pose en position assise sur le fauteuil.

– Je vais utiliser cette poupée pour savoir où diriger mon regard, et vous, vous n’aurez qu’à placer vos yeux dans les siens pour capter mon regard. Cela rendra notre dialogue plus confortable, pour vous comme pour moi.

La jeune femme fixe alors le clown figé dans son rictus et Gabriel, enfin, a l’impression qu’elle le regarde quand elle lui parle.

– Vous voulez vraiment connaître mon histoire ?

Elle s’enveloppe dans un châle, laisse venir les chats à ses pieds et, tranquillement, commence le récit de sa vie.

Загрузка...