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Le Voyageur se dégagea des jambes de Fegan en multipliant les coups de pied. Le Glock était hors d’atteinte pour les deux hommes. Il se leva, sous l’œil de Fegan derrière ses paupières presque closes, puis toussa et vomit le sang qu’il avait avalé. Sa tête semblait flotter, plus légère que le reste de son corps. Il savait qu’il n’avait pas beaucoup de temps, mais il devait finir. Il devait voir la vie de Fegan s’achever.

Le plafond disparaissait maintenant, voilé par un dais de ténèbres. Des courants d’air chaud apportaient en masse des débris noirs qui filaient devant ses yeux. Il sentait le brûlé, mêlé à l’odeur du sang et de la bile dans sa bouche. Il balança son pied droit dans le bas-ventre de Fegan qui se recroquevilla sur lui-même, serrant les bras. Le Voyageur approcha encore, appuyé au mur pour conserver son équilibre. Une fois que ses pieds furent arrivés à la hauteur des yeux de Fegan, il le frappa avec violence. Fegan roula sur le côté en crachant du sang et une dent.

Une joie pure, flamboyante, inonda le cœur du Voyageur, envoyant des vagues de bonheur à son cerveau. Il enjamba le corps de Fegan, sans se soucier de ce que son adversaire l’agrippait pour tenter de se redresser, et planta son talon dans le visage levé vers lui. Le coup toucha Fegan au menton et l’étala de nouveau au sol.

Avant que le Voyageur puisse frapper encore, un raz-de-marée qui se formait au centre de son cerveau le fit chanceler. Ses jambes fléchirent, il tomba sur le flanc. Il cligna des yeux, essaya de s’éclaircir les idées, mais c’était tellement difficile, il se sentait si fatigué. Une douce chaleur l’enveloppa au point qu’il posa la joue contre le plancher. Ses yeux se fermèrent sur l’obscurité pendant quelques secondes, contre sa volonté au début, mais bientôt en lui apportant une délicieuse gratitude. Ce ne serait pas une mauvaise idée de dormir ici, de garder simplement les yeux fermés, de se laisser emporter par la douce chaleur.

Non.

Chaud, comme un lit douillet par un matin d’hiver.

Non.

Dans sa dérive, il vit Sofia et ses hanches rondes, ses cuisses soyeuses, son ventre tendu par le bébé qu’il avait décidé de lui faire.

Non.

Ses yeux s’ouvrirent d’un coup. Une boule de feu et de douleur explosait derrière ses paupières. Il cria intérieurement pour s’en protéger, emplit ses poumons de l’air raréfié qui subsistait près du sol, et toussa. Il vit d’abord une traînée de sang, puis le Glock, à quelques centimètres de ses doigts. Rassemblant toutes les forces qui lui restaient, il réussit à s’en emparer.

Il obligea son corps à se redresser et s’assit dos au mur. Fegan remua ; sa poitrine se souleva et s’abaissa, ses mains tentèrent de capturer les fantômes, quels qu’ils fussent, qui l’entouraient. Le Voyageur pointa le Glock et cligna des yeux en essayant d’aligner le viseur sur la tête de Fegan.

Aspirant une bouffée d’air frais, soutenu par le mur, il se mit debout sur ses jambes flageolantes. Le Glock s’arrêta sur un vague point entre les yeux de Fegan.

Son doigt se crispa sur la détente, mais une voix lointaine l’appela.

« Quoi ? »

En prononçant ce seul mot, ses poumons se vidèrent. Il dut reprendre son souffle dans l’air vicié. Aussitôt, sa tête se fit légère. Il chercha autour de lui la source de l’intrusion.

Là, près de la porte, la silhouette d’un homme aux cheveux blonds noircis, brûlés, qui pointait un doigt sur lui. Non, pas un doigt. Qui le visait avec quelque…

Deux coups à l’épaule, l’un après l’autre, et le plancher vint brutalement heurter son dos. Le plafond ressemblait à une rivière charriant du noir. Partout, le silence, sauf dans ses oreilles bourdonnantes. Il essaya d’inspirer mais ses poumons ne lui obéissaient pas. Ses mains refusaient de se porter à sa poitrine pour y ôter le poids et la chaleur qui l’oppressaient.

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